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29/03/2023 | FRANCE | N°20/00633

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 29 mars 2023, 20/00633


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 29 MARS 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/00633 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LOD2













SARL DILMEX



c/



Monsieur [M] [G]

















Nature de la décision : AU FOND













Grosse délivrée le :



à :

cision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 janvier 2020 (R.G. n°F 16/02653) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 06 février 2020,





APPELANTE :

SARL Dilmex, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualit...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 29 MARS 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/00633 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LOD2

SARL DILMEX

c/

Monsieur [M] [G]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 janvier 2020 (R.G. n°F 16/02653) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 06 février 2020,

APPELANTE :

SARL Dilmex, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 4]

N° SIRET : 342 106 960

représentée et assistée de Me Marine RAIMBAULT, avocat au barreau de BORDEAUX substituant Me Vanessa MEYER de la SELARL MEYER & SEIGNEURIC, avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉ :

Monsieur [M] [G]

né le 09 Décembre 1982 à BORDEAUX (33000) de nationalité Française

Profession : Conducteur poids lourds, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Iwann LE BOEDEC, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 janvier 2023 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon contrat de travail à durée déterminée conclu le 21 décembre 2010 à effet au 3 janvier 2011, renouvelé le 1er février 2011 puis suivi d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er août 2011, Monsieur [M] [G], né en 1982, a été engagé en qualité de conducteur poids lourds à temps complet par la SARL Dilmex dont le gérant est M. [Z] [W].

Cette société, dont l'activité initiale était l'exploitation de carrières, s'est ensuite orientée vers les travaux de désamiantage, de démolition et de terrassement et employait à la date du litige plus de 20 salariés sur des emplois soit administratifs, soit de désamianteurs soit de chauffeurs de camions.

Elle dispose de deux sites, celui de [Localité 3], correspondant au siège social de l'entreprise, et un dépôt à [Localité 2], acquis ultérieurement par la société à une date non justifiée.

Le contrat de travail de M. [P] prévoyait que son lieu d'embauche est à [Localité 2] ou [Localité 3] ou « direct chantier si besoin ».

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des industries de carrières et de matériaux.

Après avoir réclamé à leur employeurdes explications sur les modalités de leur rémunération dans un courrier non daté, plusieurs salariés ont, par lettre du 3 février 2013, sollicité l'intervention de l'inspection du travail, dénonçant des irrégularités portant sur le règlement effectué sous forme de primes d'une partie des heures supplémentaires qu'ils réalisaient, l'absence de repos compensateur, le décompte de la durée du temps de travail des chauffeurs à partir du traceur GPS et non des disques chronotachygraphes, le non-paiement du temps passé aux tâches étrangères à la conduite des véhicules (nettoyage, plein de carburant...), l'absence de locaux sur les deux sites de [Localité 3] et [Localité 2] leur permettant de se changer, se laver et manger pendant leurs coupures, le préfabriqué installé sur les locaux de [Localité 2] étant insalubre, l'absence de sanitaire sur certains chantiers et l'insuffisance des installations de sécurité.

M. [G] a saisi son assureur de protection juridique d'une demande à ce titre le 25 février 2013 puis, par lettre du 2 mai 2013, a adressé à son employeur une lettre de démission, précisant que son départ était motivé par le non-paiement de ses heures supplémentaires.

Puis, il s'est rétracté par courrier du 6 mai 2013 mais l'employeur lui a adressé les documents de fin de contrat le 31 mai 2013.

Le lendemain d'un contrôle sur site réalisé le 6 mai 2013, l'inspectrice du travail a adressé une lettre à l'entreprise, rappelant un courrier d'observations envoyé le 5 novembre 2012 et resté sans réponse malgré l'engagement pris par l'employeur à ce sujet le 14 mars 2013.

Elle a demandé à l'employeur de lui faire parvenir divers documents tels que les bulletins de salaires et relevés de décompte de la durée du travail pour les mois de février et mars 2013 ainsi que les données numériques des cartes conducteurs pour les chauffeurs.

Par lettre du 13 août 2013, l'inspectrice du travail relevait :

- le défaut de majoration des heures supplémentaires détaillées dans un tableau établi pour les mois de février et mars 2013,

- le défaut de mention de ces heures supplémentaires sur les bulletins de paie,

- que les règles applicables au repos compensateur ne semblaient pas être mises en oeuvre,

- la différence entre les heures figurant sur les récapitulatifs mensuels d'activité et celles mentionnées sur les bulletins de paie joignant également un tableau à ce sujet,

- des dépassements des durées de travail maximale quotidienne et hebdomadaire, détaillés dans deux tableaux,

- la non-prise en compte des temps de trajet considérés comme du temps de travail effectif lorsque :

* l'employeur impose le passage du salarié au siège ou au dépôt avant qu'il se rende sur le lieu de travail,

* le salarié doit prendre un véhicule de l'entreprise pour transporter du personnel ou du matériel,

* le salarié doit procéder au chargement ou au déchargement de matériaux avant de se rendre sur un chantier.

Le 18 juin 2013, M. [G] a, ainsi que 12 autres salariés, saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux sollicitant notamment la requalification de sa démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par lettre du 16 décembre 2013, la société a, par la voix de son conseil, répondu au courrier de l'inspection du travail du 13 août 2013 et à un autre courrier de celle-ci du 29 novembre 2013, en contestant la prise en compte des temps de trajet dans le temps de travail effectif et en évoquant des récupérations d'heures supplémentaires pour justifier le différentiel entre les heures figurant sur les bulletins de salaire et celles mentionnées sur les fiches mensuelles.

Dans cette lettre, il est fait état de tableaux détaillant les heures de trajet et les récupérations.

Ces tableaux ne sont pas versés aux débats.

Le conseil de prud'hommes s'est déclaré en partage de voix sur le litige opposant les parties à l'issue d'une audience du bureau de jugement du 19 décembre 2014.

Une procédure pénale pour des infractions aux conditions de travail a été ouverte par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bordeaux, semble-t'il suite à un procès verbal établi le 6 janvier 2014 par la Direccte, qui n'est pas versé aux débats ; cette procédure a fait l'objet d'un classement sans suite le 18 février 2016.

Par jugement rendu en formation de départage le 12 décembre 2016, le conseil a dit n'y avoir plus lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de l'enquête pénale et a ordonné une mesure d'expertise confiée à M. [C] [F] qui, ayant rencontré de graves difficultés de santé, a tardé à exécuter sa mission et ne l'a pas achevée, malgré l'adjonction d'une assistante, Mme [R], et la prorogation de délai autorisée par le juge départiteur.

Un pré-rapport a été établi le 9 mai 2019 mais par la suite, aucun rapport définitif n'a été déposé par l'expert désigné.

L'examen du litige a été fixé à l'audience du 19 novembre 2019.

Par jugement rendu en formation de départage le 14 janvier 2020, le conseil de prud'hommes a fait le constat des insuffisances de l'expert, relevant notamment que seul l'un des salariés, M. [X], avait été entendu par l'expert, que celui-ci n'avait pas répondu aux missions qui lui avaient été confiées quant à l'analyse des feuilles de présence, des conditions de décompte des temps de pause, de repas, d'exécution des travaux de nettoyage des véhicules', ni n'avait estimé nécessaire de recueillir des informations auprès de l'inspection du travail, qu'il n'avait répondu que de façon très ponctuelle sur l'éventuel versement de primes au titre de la rémunération d'heures supplémentaires et n'avait pas donné d'indications chiffrées sur les heures supplémentaires alléguées par les salariés.

Le conseil, estimant détenir des éléments suffisants pour se déterminer sur l'existence d'heures supplémentaires, a rejeté la nouvelle demande d'expertise présentée par les deux parties et a :

- requalifié la démission de M. [G] intervenue le 6 mai 2013 en prise d'acte,

- requalifié la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [G] le 6 mai 2013 en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- prononcé la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 3 janvier 2011,

- condamné la SARL Dilmex à payer à M. [G] les sommes suivantes :

* 7.197,29 euros au titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires outre la somme de 719,72 euros au titre des congés payés afférents,

* 11.823,24 euros au titre du travail dissimulé,

* 6.973,05 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

* 12.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 949,80 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 3.078,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 307,89 euros au titre des congés payés afférents,

* 2.500 euros au titre de l'indemnité de requalification,

* 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [G] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de la réglementation sur le temps de travail,

- débouté la SARL Dilmex de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL Dilmex aux dépens.

Par déclaration du 6 février 2020, la société Dilmex a relevé appel de cette décision.

La société Dilmex a assigné le salarié le 25 juin 2020 devant le premier président pour voir prononcer la suspension de l'exécution provisoire de la décision rendue le 14 janvier 2020 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux. Elle a été déboutée de sa demande par ordonnance de référé du 3 septembre 2020 et condamnée à payer au salarié la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Dans ses premières conclusions adressées le 6 mai 2020, la société Dilmex demande à la cour de la dire recevable et bien fondée en son appel, d'infirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [G] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la violation de l'obligation de sécurité de résultat et, statuant à nouveau et rejetant toutes conclusions contraires, de :

- débouter M. [G] de ses demandes au titre des heures supplémentaires,

- débouter M. [G] de ses demandes au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

- débouter M. [G] de ses demandes au titre du travail dissimulé,

- débouter M. [G] de sa demande tendant à la requalification de sa prise d'acte en licenciement pour cause réelle et sérieuse, ainsi que des indemnités et dommages-intérêts conséquents,

- condamner M. [G] aux dépens et à lui verser une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement (sic).

La société Dilmex a adressé de nouvelles écritures le 7 décembre 2022 à 12h25, soit la veille de la date fixée pour l'ordonnance de clôture prévue le 8 décembre 2022 ; elle présente une demande subsidiaire sur les heures supplémentaires et sur la contrepartie en repos, en sollicitant leur limitation aux sommes respectives de 2.257,04 et 2.669,45 euros et développe des moyens reposant pour partie sur 5 pièces nouvelles communiquées avec ses écritures :

24. Explications relatives à la lecture des relevés chronotachygraphes,

25. Relevés chronotachygraphes du salarié,

26. Disques chronotachygraphes du salarié,

27. Exploitation des relevés chronotachygraphes au titre de certains mois de l'année 2012 et 2013,

28. Preuve des versements intervenus au titre de l'exécution provisoire du jugement dont appel.

La société a adressé de nouvelles écritures le même jour à 19h32 pour solliciter le report de l'ordonnance de clôture au jour des plaidoiries.

Dans ses premières conclusions adressées le 3 août 2020, M. [G] demande à la cour de :

- dire qu'il n'y a pas lieu de sursoir à statuer,

- le dire recevable et bien fondé en ses demandes,

- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que ses demandes de rappels de salaire étaient bien fondées, en conséquence, faire droit aux demandes suivantes :

* 7.197,29 euros au titre de rappel d'heures supplémentaires,

* 719,72 euros au titre des congés payés afférents,

* 6.973,05 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

- à titre subsidiaire, désigner un nouvel expert aux fins de poursuite des opérations d'expertise judiciaire, enfermées dans un délai de trois mois,

- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que le délit de travail dissimulé était caractérisé et condamner en conséquence la société Dilmex à lui verser la somme de 11.823,24 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles L. 8221-5 alinéa 2 et suivants du code du travail,

- dire que sa démission présente un caractère équivoque et qu'elle revêt les caractères d'une prise d'acte légitime,

- en conséquence, dire qu'elle produit les effets d'un licenciement abusif et faire droit aux demandes suivantes :

* 949,80 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 3.078,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 307,89 euros pour les congés payés y afférents,

* 20.000 euros sur le fondement de l'article L. 1235-1 du code du travail,

- ordonner la remise sous astreinte de 50 euros par jour de documents de rupture rectifiés,

- confirmer qu'il y a lieu de requalifier le contrat de travail à durée déterminée conclu entre les parties en contrat de travail à durée indéterminée et en conséquence, condamner l'appelante à lui verser la somme de 2.500 euros à titre d'indemnité de requalification,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il relève les manquements graves de la société Dilmex en termes d'obligation de sécurité,

- statuant à nouveau, dire fondée la demande indemnitaire formulée à ce titre, en conséquence, condamner l'appelante à lui verser la somme de 18.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la réglementation sur le temps de travail,

- condamner l'appelante à lui verser la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

De nouvelles écritures de M. [G] ont été adressées le 7 décembre 2022 à 13h55 ; ses prétentions sont identiques mais M. [G] demande à la cour de déclarer irrecevables les pièces et conclusions communiquées le 7 décembre 2022 par la société appelante et a ommuniqué une nouvelle pièce consistant en un arrêt de la Cour de cassation concernant un autre salarié (M. [L]) rendu le 29 novembre 2021 et une lettre officielle du 29 novembre 2021 (pièce p).

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 décembre 2022 par le conseiller de la mise en état au motif notamment de l'ancienneté de la procédure ayant permis aux parties de disposer du temps nécessaire aux échanges.

Le conseil du salarié a adressé de nouvelles écritures au fond le 13 décembre 2022 ainsi que des conclusions de procédure dans lesquelles il est demandé à la cour de :

« déclarer irrecevables les pièces et conclusions communiquées depuis le 5 décembre 2022 par la société Dilmex,

- subsidiairement, d'ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture au jour des présentes ».

A l'audience, la cour, après s'être retirée pour en délibérer, a ordonné la jonction au fond des incidents de procédure, révocation de l'ordonnance de clôture et irrecevabilité des conclusions et pièces communiquées tardivement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il n'y a pas lieu de surseoir à statuer, la demande à ce titre de l'intimé résultant mainfestement d'une erreur matérielle.

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

Il n'est justifié ni même allégué d'aucune cause grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture au sens de l'article 803 du code de procédure civile dans une procédure engagée depuis le 18 juin 2013 et dans laquelle l'appel à l'encontre de la décision de première instance a été relevé le 6 février 2020 soit il y a près de trois ans.

La demande de révocation de l'ordonnance de clôture est par conséquent rejetée.

Sur la demande d'irrecevabilité des conclusions et rejet de pièces complémentaires

Aux termes des dispositions de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

En l'espèce, la procédure a été engagée le 3 février 2013 et l'appel a été formé le 6 février 2020.

Les parties disposaient donc d'un temps largement suffisant pour se communiquer leurs écritures, moyens et pièces.

L'envoi par la société appelante, dans l'après-midi de la veille de la date fixée pour la clôture, annoncée deux mois auparavant, de nouvelles écritures et pièces, et notamment de relevés chronotachygraphes, qui auraient pu et dû être produits spontanément dès la première instance, compte tenu de la nature du litige, constitue un manquement au principe du contradictoire et de la loyauté des débats et ne permettait pas à l'intimé de répondre en temps utile, soit en réalité en moins de 24 heures.

Les dernières conclusions et les nouvelles pièces communiquées par la société seront donc déclarées irrecevables et par suite, les conclusions au fond en réponse du salarié ainsi que sa pièce p le seront également.

La cour se référera en conséquence aux premières écritures et pièces communiquées le 6 mai 2020 par la société appelante et le 3 août 2020 par le salarié intimé pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties.

Sur la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée

Pour voir infirmer la décision déférée qui a fait droit à la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée conclu entre les parties, la société Dilmex invoque les éléments suivants :

- le recrutement de M. [G] en contrat de travail à durée déterminée était motivé par un surcroît d'activité et non par le remplacement d'un salarié ;

- la société produit un tableau récapitulatif de l'évolution des résultats d'exploitation attestant d'une progression régulière du chiffre d'affaire sur les trois derniers mois de l'année 2010 rendant nécessaire l'embauche d'un nouveau salarié ;

- cette évolution favorable s'est confirmée à compter du mois de mai 2011, le salarié a alors été engagé en en contrat de travail à durée indéterminée dès la fin de son contrat de travail à durée déterminée.

M. [G] sollicite la confirmation de la décision déférée et invoque les éléments suivants :

- comme ses collègues, il a été embauché dans le cadre de contrats à durée déterminée successifs aux motifs identiques, à savoir un prétendu accroissement temporaire d'activité ;

- ces contrats de travail duraient généralement entre quelques semaines et 6 mois ;

- or, compte tenu du caractère identique de l'objet des contrats, de la fréquence du recours à ceux-ci, il n'est manifestement pas contestable qu'en réalité, il s'agissait d'embaucher les salariés dans le cadre d'une période d'essai déguisée et non de faire face à un réel surcroît temporaire d'activité ;

- l'interdiction de recourir au contrat à durée déterminée pour un motif de préembauchage a fréquemment été rappelée par la jurisprudence.

Le salaire brut moyen de M. [G] était, au cours des derniers mois, de 1.970,54 euros ; il conviendra de faire droit au versement de la somme de 2.500 euros à titre d'indemnité de requalification.

***

Le contrat de travail à durée déterminée conclu le 21 décembre 2010, à effet au 3 janvier 2011, était motivé par un surcroît d'activité temporaire de l'activité habituelle de l'entreprise et a été renouvelé le 1er février 2021 jusqu'au 30 juillet 2011 pour l'exécution d'une tâche occasionnelle.

Aux termes des dispositions des articles L. 1242-1 et 1242-2 du code du travail dans leur version applicable au litige, un contrat de travail à durée déterminée ne peut quel que soit son motif, avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; il ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, seulement dans des cas limitativement énumérés et notamment en cas d'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve du motif allégué.

L'examen des résultats d'exploitation versés aux débats par la société fait apparaître que le chiffre d'affaires réalisé était de près de 562.000 euros en décembre 2010 et qu'en janvier, il a très nettement diminué pour s'élever à 318.790 euros.

Le surcroît d'activité invoqué comme motif du recrutement en contrat de travail à durée déterminée à compter du 3 janvier 2011 n'est donc pas justifié.

C'est par conséquent à juste titre que le conseil de prud'hommes a ordonné la requalification du contrat en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 janvier 2011 et a alloué au salarié la somme de 2.500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 1245-2 du code du travail.

Sur les demandes au titre des dépassements de la durée du travail

- Sur la demande en paiement au titre des heures supplémentaires

M. [G] sollicite la confirmation de la décision déférée qui lui a alloué la somme de 7.197,29 euros au titre de rappel d'heures supplémentaires outre 719,72 euros pour les congés payés afférents.

Pour voir infirmer la décision déférée, la société fait valoir les éléments suivants :

- le conseil de prud'hommes s'est fondé sur le rapport de l'inspecteur du travail, sur les bulletins de salaire, sur un tableau récapitulatif établi pour les besoins de la cause par le salarié pour la période de janvier 2011-novembre 2012 ;

- le rapport de l'inspection du travail pour les heures supplémentaires de février 2013 ne peut justifier une demande de rappel de salaire au titre de l'ensemble de la période considérée, d'autant plus que M. [G] ne faisait pas partie de l'échantillon contrôlé par l'inspection du travail et que l'expert s'est montré particulièrement critique à l'égard de ladite étude ;

- le salarié ne produit aucun décompte établi au fil du temps ni aucun document faisant mention de ses horaires de travail quotidiens comprenant notamment les heures d'embauche et de déjeuner, le décompte récapitulatif pour la période janvier 2011- novembre 2012 ne faisant apparaître qu'un volume mensuel d'heures travaillées ;

Ne fournissant pas d'élément suffisamment précis pour justifier de sa demande, le salarié doit en être débouté.

M. [G] invoque les éléments suivants :

- l'inspectrice du travail a constaté, concernant la période contrôlée (février-mars 2013), de nombreuses heures supplémentaires réalisées non rémunérées ;

- il convient de comparer la durée de travail figurant sur les bulletins de salaire à celle portée sur les récapitulatifs mensuels d'activité ;

- la société a toujours considéré certaines tâches réalisées par les salariés, à sa demande, comme ne constituant pas du travail effectif (nettoyage des véhicules, plein d'essence, rédaction des rapports d'activité, déplacement du siège vers le chantier, déplacement du dépôt au siège') : les salariés ont alerté la direction, en vain et pour l'inspectrice du travail, il s'agit bien de tâches constitutives d'un travail effectif ;

- l'expert ne s'est pas rapproché de l'inspection du travail alors que sa mission le prévoyait ;

- l'employeur considère que les temps de trajets du dépôt ([Localité 2]) au siège ([Localité 3]) ou du dépôt vers le chantier ne sont pas constitutifs de temps de travail, alors même que ces déplacements sont intervenus entre 2 lieux de travail avec des moyens mis en oeuvre par l'employeur ;

- M. [G] a demandé la communication des récapitulatifs mentionnant les heures d'embauche et de fin de journée, demandes restées vaines ;

- il précise que ces récapitulatifs mensuels, instaurés par l'employeur mais non produits, étaient remplis par les salariés, sur la base des rapports journaliers, également établis par eux ;

- les bulletins de salaire mentionnent chaque mois 20 heures supplémentaires.

- au cours de l'expertise, l'employeur a fini par communiquer des relevés de carte conducteur de M. [G] mais il s'agit d'une communication partielle (année 2013) et non analysée ; pour l'année 2012, l'employeur n'a communiqué que des disques chronotachygraphes, et pour l'année 2011, quasiment aucun élément ;

- ces documents montrent que la durée de travail fluctue beaucoup plus que ce qu'indiquent les bulletins de salaire ;

- M. [G] souligne qu'il percevait très régulièrement d'importantes primes laissant supposer qu'elles venaient compenser les heures non déclarées ;

- il n'est pas possible d'établir un tableau comparatif des données entre les différents documents dans la mesure où l'employeur résiste toujours à la communication des relevés mensuels ainsi que des relevés de carte conducteur ou chronotachygraphes pour l'année 2011 et que l'expert n'a pas analysé les disques chronotachygraphes transmis postérieurement à la rédaction de son deuxième pré-rapport ;

- il n'y a pas de preuve de prétendues pauses café d'une heure le matin ;

- il n'y a pas lieu de déduire des coupures repas ne figurant pas sur les relevés des cartes conducteur ;

- le repos compensateur de remplacement n'était pas mis en place au sein de la société ;

- les arguments présentés par l'appelante, et pour lesquels l'inspection de travail a déjà indiqué qu'ils étaient inopérants, ne pourront donc qu'être écartés ;

- M. [G] a établi un décompte récapitulatif de sa durée de travail mensuelle entre janvier 2011 et novembre 2012 ;

- selon le salarié, ces horaires sont tout à fait cohérents avec ceux des collègues chauffeurs qui ont conservé leurs relevés mensuels d'heures tels M. [A] ou M. [E] ;

- en pièce 12, M. [G] produit un décompte établi entre la semaine 46 de l'année 2011 et la semaine 48 de l'année 2012, faisant apparaître le nombre d'heures supplémentaires qu'il dit avoir réalisées ; ainsi, du début de l'année 2011 à la semaine 48 de l'année 2012, il aurait dû percevoir la somme de 13.058,92 euros ; il n'a perçu que 5.861,63 euros ; il lui reste donc dû la somme de 7.197,29 euros à titre de rappel de salaire outre 719,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente.

***

Aux termes des articles L. 3171-2 alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés et, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments.

Il sera relevé à titre liminaire que le pré-rapport d'expertise, auquel se réfère la société, est totalement inexploitable en raison du fait que l'expert n'a examiné que la situation d'un autre salarié concerné par le litige, M. [X], et encore sur la base « d'un échantillonnage » (non défini : quelles pièces et quelle période) pour en tirer des conclusions ne reposant que sur des hypothèses ou des appréciations non objectivées par la référence à des pièces précises, l'expert relevant par exemple :

- qu'il n'est « pas réaliste de ne pas manger entre 6h du matin et 19h le soir », que la pause repas était d'une heure ou 45 minutes ou 30 minutes ou encore pouvait se résumer à un sandwich avalé pendant le chargement du camion ;

- que « pour les désamianteurs, ne pas manger quand le chef d'équipe s'arrête pour manger, c'est suspect » ;

- que le temps de trajet entre les deux sites, était « semble-t'il payé en temps de travail (ou plutôt indiqué comme payé en temps de travail mais cette vérification prend du temps) » ;

- qu'un « camion qui, le matin, ne bouge qu'une heure après la soi-disant embauche, indique (...) que le chauffeur a par exemple pris son petit déjeuner et lu le journal » ;

- qu'il y avait « pour certains salariés (dont M. [T]) des compensations à de probables heures supplémentaires officiellement impayées » ;

- qu'on « peut compter a priori environ 5 à 6 heures par mois impayées. Pour le moment, il s'agit d'un arbitraire plus qu'autre chose faute de vérification systématique (extrêmement longue) ... » ;

- la situation d'autres salariés (M. [Y] [T], M. [Y] [I], M. [J] et M. [A]) n'a été envisagée par l'expert que sous l'angle de la critique non étayée des éléments retenus par l'inspectrice du travail, l'expert relevant ne pas avoir disposé des fiches mensuelles pour le mois de l'échantillonnage ['], que M. [E] était hors échantillonnage et faisant état d'une vérification ponctuelle pour M. [H] en mars 2012 ;

- enfin, les relevés effectués sur site par Mme [R] en novembre 2017 sont dépourvus de pertinence en ce qu'ils sont intervenus plus de 4 ans après la saisine de la juridiction prud'homale, M. [X] ayant souligné lors de son entretien avec Mme [R] le 8 décembre 2017 que « l'activité maintenant n'a pas grand-chose à voir avec 2010-2013 ».

C'est par ailleurs à juste titre que les premiers juges ont estimé disposer des éléments pour statuer sur le litige opposant les parties au regard des règles de preuve applicables en matière de durée du travail, une nouvelle mesure d'expertise ne pouvant pas être ordonnée en raison du délai raisonnable auquel peut prétendre tout justiciable de voir juger son affaire ainsi que du coût que représenterait une mesure d'instruction près de 10 ans après la saisine de la juridiction de première instance.

La demande en paiement présentée par le salarié intimé porte sur la période du 1er janvier 2011 au 30 novembre 2012.

Le décompte produit en pièce 12 qui fait apparaître, pour cette période, le volume horaire hebdomadaire réalisé, est suffisamment précis pour permettre à la société d'y répondre.

Or, il ne peut qu'être relevé que la société Dilmex ne verse aux débats aucun élément de nature à remettre en cause les horaires hebdomadaires figurant sur le décompte produit par le salarié.

Par ailleurs, si le contrat stipulait trois lieux d'embauche possibles et en l'état des pièces produites, la cour ne dispose d'aucun élément pour déduire de la créance retenue les temps de trajet de même qu'une éventuelle pause repas.

En revanche, le décompte proposé par M. [G] est erroné en ce qu'il n'a pas pris en compte une journée de récupération en novembre 2012.

Après déduction de cette somme, la société Dilmex sera condamnée à payer à M. [G] la somme de 7.108,53 euros au titre des heures supplémentaires réalisées entre le 3 janvier 2011 et le 30 novembre 2012 outre celle de 710,85 euros pour les congés payés afférents.

- Sur la demande en paiement au titre de la contrepartie obligatoire en repos

M. [G] sollicite la confirmation de la décision déférée qui lui a alloué la somme de 6.973,05 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos.

Pour voir infirmer la décision déférée, la société fait valoir les éléments suivants :

- l'accord du 22 décembre 1998 attaché à la convention collective nationale des industries de carrières et matériaux prévoit la possibilité d'un contingent complémentaire de 35 heures supplémentaires pouvant être utilisé (pièce n°11), soit un repos compensateur dû à partir de la 181ème heure ;

- cette disposition dérogatoire avait trouvé application devant la cour dans l'instance l'ayant opposée à M. [L] (Cour d'appel de Bordeaux - chambre sociale, section B N° RG 17/05596) ;

- l'expert n'a pas constaté de dépassement des durées maximales de travail, si les temps de pause et, notamment de repas, venaient à être correctement décomptés ;

- le salarié échoue à rapporter la preuve des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel.

Au soutien de sa demande, M. [G] produit le tableau suivant, rappelant que l'effectif de la société étant de plus de vingt salariés, il convient d'appliquer la compensation maximale de 100% du taux horaire, par heure effectuée au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires.

ANNÉE

Heures au-delà du

contingent d'HS

TOTAL

2011

407

4.131,05 euros

2012

280

2.842 euros

TOTAL

6.973,05 euros

***

Aux termes des dispositions de l'article L. 2121-11 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

Une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe l'ensemble des conditions d'accomplissement d'heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, la majoration des heures supplémentaires étant fixée selon les modalités prévues à l'article L. 3121-22. Cette convention ou cet accord collectif peut également prévoir qu'une contrepartie en repos est accordée au titre des heures supplémentaires accomplies dans la limite du contingent.

En vertu de l'article 1.5 de l'accord du 22 décembre 1998 relatif à l'organisation, la réduction du temps de travail et à l'emploi (ouvriers, ETAM, cadres) dans les industries de carrières et matériaux, le contingent annuel d'heures supplémentaires, fixé à 145 heures, peut être augmenté de 35 heures par an, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut des délégués du personnel ou, à défaut, après information du personnel.

Dans la mesure où il n'est justifié ni même allégué de la consultation des IRP ou de l'information des salariés, sera appliqué le contingent annuel de 145 heures.

En vertu de l'article 18 IV de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, chaque heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel ouvre droit à une contrepartie obligatoire en repos égale à 100% pour les entreprises de plus de 20 salariés.

Au regard des heures supplémentaires précédemment retenues, la société Dilmex sera condamnée à payer à M. [G] la somme de 6.902 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos.

- Sur la demande de dommages et intérêts pour violation de la réglementation sur le temps de travail

M. [G] sollicite l'infirmation de la décision déférée qui l'a débouté de sa demande à titre de dommages et intérêts pour violation de la règlementation de la durée du travail et le paiement de la somme de 18.000 euros en réparation du préjudice qu'il a subi de ce chef.

Il fait valoir les éléments suivants :

- la fréquence et l'ampleur des dépassements ;

- l'absence de toute information de l'administration quant à ces dépassements ;

- la fréquence de cette violation des dispositions légales relevée par l'inspectrice du travail ;

- l'inertie de la société malgré plusieurs alertes (notamment lettres du 5 novembre 2012 et du 13 août 2013) ;

- le PV de l'inspecteur du travail qui fait état de 8 dépassements injustifiés de la durée maximale quotidienne de travail et de 3 dépassements de la durée hebdomadaire sur la seule période de février et mars 2013 ;

- la défaillance de l'expert qui s'est cantonné à indiquer avoir « vu très peu de dépassements des durées maximales de travail » sans préciser lesquelles ni leur volume, privant ainsi ce constat de sa pertinence ;

- les dispositions applicables aux temps de pause n'étaient pas systématiquement respectées ;

- ces dépassements ont débuté dès l'embauche et se sont poursuivis plusieurs années ;

- à compter de la saisine de la juridiction, l'employeur a décidé de ne plus solliciter les salariés intimés à la procédure pour exécuter des heures supplémentaires (cf note de service du 31 août 2015) ; pour compenser la baisse d'activité des intimés à la procédure, d'autres salariés ont été conduits à réaliser de très nombreuses heures supplémentaires, tel  M. [N] ;

- l'absence de repos compensateur sur les bulletins de salaire ;

- M. [G] a roulé de manière fréquente en surcharge, malgré ses réticences (comme M. [K] ou M. [D]).

Son préjudice résultant du manquement particulièrement grave à l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur est incontestable :

- sur le plan de la santé, il a été affecté moralement et a subi une profonde fatigue ;

- en outre, la situation a eu des impacts sur sa vie privée et familiale et sur la dégradation de ses rapports avec l'employeur.

La société fait valoir que :

- M. [G] échoue à rapporter la preuve d'un quelconque préjudice physique ou moral lié à ces prétendus dépassements en lien direct avec la relation de travail ;

- la société Dilmex possède la certification AFNOR et la DREAL placée sous l'autorité du préfet de la région Aquitaine a indiqué que l'entreprise Dilmex était en parfaite conformité avec la règlementation.

***

Le décompte produit par le salarié fait apparaître quelques dépassements de la durée maximale hebdomadaire de travail.

Le préjudice résultant de l'atteinte portée au droit au repos du salarié et à l'obligation de préservation de la santé des salariés incombant à l'employeur sera réparé par l'octroi d'une somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la rupture du contrat de travail

M. [G] sollicite la requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture de son contrat de travail devant produire les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Pour voir infirmer la décision qui a fait droit à la demande de l'intimé à ce titre, la société Dilmex invoque les éléments suivants :

- M. [G] a fait savoir à son employeur qu'il entendait quitter l'entreprise à compter du 2 mai 2013, en raison de prétendus manquements de son employeur, avant de se rétracter par courrier du 6 mai 2013, intitulé « annulation de démission » et dans lequel il indique à la société vouloir se rétracter « suite à un manquement de sérieux à la proposition autre qui s'est avérée » ;

- la volonté de quitter l'entreprise semblait donc moins guidée par les reproches formulés à son employeur que par l'existence d'une autre proposition d'emploi :

- les manquements allégués n'étaient pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat et aucun élément probatoire ne tend à confirmer le grief d'un prétendu défaut de paiement des heures supplémentaires.

Au soutien de sa demande, M. [G] invoque les éléments suivants :

- le défaut de paiement des heures supplémentaires ;

- l'absence de contrepartie obligatoire en repos ;

- la violation des dispositions applicables en matière de durée maximale du travail ;

- le manquement à l'obligation de sécurité de résultat ;

- le délit de travail dissimulé.

Ces manquements ont duré plusieurs années et M. [G] a, dans sa lettre de démission, imputé son départ de l'entreprise au fait que ses heures ne lui étaient pas rémunérées.

Sa démission a été motivée par les manquements de l'employeur et doit donc être requalifiée en prise d'acte.

De plus, le caractère équivoque est confirmé par la tentative de rétractation, quatre jours plus tard.

***

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou de manquements imputables à son employeur, il appartient à la cour d'apprécier s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée celle-ci était équivoque. Dans cette hypothèse, la démission s'analyse en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission.

La démission adressée par M. [G] était expressément motivée par le défaut de paiement de ses heures supplémentaires et présentait donc un caractère équivoque.

Elle doit donc être requalifiée en prise d'acte à raison de manquements de l'employeur à ses obligations.

Le défaut de paiement des heures supplémentaires ainsi que la privation du droit aux repos compensateurs sont avérés et caractérisent la gravité d'un manquement de l'employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail, au regard notamment de l'importance des sommes dues au salarié et de la rémunération perçue par celui-ci.

La saisine de la juridiction est intervenue après des tentatives de règlement amiable auprès de l'employeur soit dans un délai suffisamment bref, même si la relation contractuelle s'est poursuivie quelque temps.

Le jugement déféré qui a fait droit à la demande de requalification de la démission de M. [G] en prise d'acte de la rupture du contrat de travail devant produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieure à la date du 6 mai 2013 sera en conséquence confirmé.

- Sur les demandes pécuniaires au titre de la rupture

Sur le salaire de référence

M. [G] revendique un salaire brut de 1.970,54 euros.

Au vu des bulletins de paie, le salaire sera fixé à la somme sollicitée dans la limite de sa demande.

Sur les sommes sollicitées au titre de la rupture

Il sollicite la confirmation du jugement en ce qui concerne les sommes allouées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ainsi qu'au titre de l'indemnité légale de licenciement.

*

M. [G], engagé le 3 janvier 2011, a démissionné le 6 mai 2013.

La rupture du contrat produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement déféré sera confirmé, compte tenu de l'ancienneté de M. [G], en ce qu'il a alloué à celui-ci la somme de 3.078,90 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 307,89 euros pour les congés payés afférents ainsi que la somme de 949,80 euros au titre de l'indemnité de licenciement, dans la limite de la demande du salarié.

***

M. [G] sollicite le paiement de la somme de 20.000 euros à titre d'indemnité en réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi.

Il ne justifie ni même ne précise sa situation suite à la rupture de son contrat.

*

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant du salaire de référence de M. [G], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes lui a alloué la somme de 12.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de la rupture du contrat.

Sur la demande en paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

M. [G] demande la confirmation de la décision déférée qui lui a alloué la somme de 11.823,24 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles L. 8221-5 alinéa 2 et suivants du code du travail, sur la base d'un salaire brut moyen de 1.970,54 euros.

Pour voir rejeter cette demande, la société invoque les éléments suivants :

- le paiement, même partiel, d'heures supplémentaires sous forme de primes n'est attesté par aucun élément tangible, et a été considéré par l'expert comme une probabilité ;

- l'élément intentionnel de la dissimulation d'activité ne saurait se caractériser par le simple constat d'heures supplémentaires non rémunérées ;

- l'enquête ouverte par le Parquet de Bordeaux pour la commission du délit de travail dissimulé par la société, à la suite de sa saisine par l'inspection du travail, a abouti à un non-lieu pour infraction insuffisamment caractérisée.

M. [G] fait valoir les éléments suivants :

- la preuve des heures réellement effectuées est rapportée ;

- à la lecture des bulletins de paie, un très grand nombre de ces heures supplémentaires n'ont pas été rémunérées ;

- la lettre adressée par les salariés à l'inspection du travail, mentionne :« nos heures supplémentaires qui nous sont payées sous forme de primes à l'heure actuelle et non pas majorées comme il se doit » ;

- le pré-rapport d'expertise constate « d'assez nombreuses « primes exceptionnelles » sur les bulletins de salaire qui pourraient effectivement rémunérer des heures supplémentaires ; une « prime de chantier » trouvée pourrait avoir le même but ;

- il y avait pour certains salariés des compensations à de probables heures supplémentaires officiellement impayées selon la méthode légale et habituelle sur les bulletins de paie ;

- la « légalité du procédé est du ressort du juge en sachant qu'il s'agit de probabilités » ;

- sur les bulletins de salaire de M. [G] figurent de la même manière de nombreuses primes ;

- la matérialité et l'intentionnalité du délit ne sont pas contestables.

***

En vertu des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement soit à l'accomplissement de la formalité relative à la déclaration préalable à l'embauche, soit à la délivrance d'un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie, soit aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L. 8223-1 prévoit qu'en cas de rupture du contrat, le salarié auquel l'employeur a eu recours en commettant les faits prévus au texte susvisé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

D'une part, ce n'est qu'au terme d'un long débat judiciaire que le salarié se voit reconnaître une créance au titre des heures supplémentaires effectuées dont le montant a été ci-avant réduit.

D'autre part, il n'est pas justifié de réclamations antérieures à la saisine de l'inspection du travail, en février 2013.

Par ailleurs, la procédure d'enquête pour travail dissimulé, ordonnée suite à un procès verbal établi par l'inspection du travail, qui n'est pas versé aux débats, a fait l'objet d'un classement sans suite par le Parquet du tribunal de Bordeaux.

Enfin, si le salarié allègue de primes compensant les heures supplémentaires réalisées, il ne peut qu'être relevé qu'il n'a pas estimé nécessaire de les déduire de sa créance, ces primes étant en tout état de cause soumises à cotisations sociales.

En considération de ces éléments, l'élément intentionnel requis par le texte susvisé n'est pas suffisamment établi, en sorte que le salarié doit être débouté de sa demande de ce chef, le jugement déféré étant infirmé à ce titre.

Sur les autres demandes

La société Dilmex devra délivrer à M. [G] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation Pôle Emploi rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, la mesure d'astreinte sollicitée n'étant pas en l'état justifiée.

La société, condamnée en paiement, supportera les dépens et il sera alloué à l'intimé la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,

Déclare irrecevables les conclusions au fond et pièces communiquées par les parties à compter du 5 décembre 2022,

Confirme le jugement déféré :

- en ce qu'il a fait droit à la demande de requalification d'une part, du contrat de travail à durée déterminée conclu entre les parties à compter du 3 janvier 2011, d'autre part, de la démission de M. [M] M. [G] en prise d'acte de la rupture de son contrat de travail devant produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieure à la date du 6 mai 2013,

- en ce qu'il a alloué à M. [M] [G] les sommes de 2.500 euros à titre d'indemnité de requalification, 3.078,90 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 307,89 euros pour les congés payés afférents, 949,80 euros au titre de l'indemnité de licenciement ainsi que 12.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en ce qu'il a condamné la société Dilmex aux dépens,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamne la société Dilmex à payer à M. [M] [G] les sommes suivants :

- 7.108,53 euros au titre des heures supplémentaires réalisées entre le 3 janvier 2011 et le 30 novembre 2012 outre celle de 710,85 euros pour les congés payés afférents,

- 6.902 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

- 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la réglementation sur le temps de travail,

- 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne à la société Dilmex de délivrer à M. [M] [G] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation Pôle Emploi rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

Déboute M. [M] [G] de sa demande au titre du travail dissimulé,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne la SARL Dilmex aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/00633
Date de la décision : 29/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-29;20.00633 ?
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