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29/03/2023 | FRANCE | N°20/00629

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 29 mars 2023, 20/00629


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 29 MARS 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/00629 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LODR















SARL DILMEX



c/



Monsieur [D] [A]

















Nature de la décision : AU FOND

















Grosse délivrée le :
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à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 janvier 2020 (R.G. n°F 16/02648) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 06 février 2020,





APPELANTE :

SARL Dilmex, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 29 MARS 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/00629 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LODR

SARL DILMEX

c/

Monsieur [D] [A]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 janvier 2020 (R.G. n°F 16/02648) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 06 février 2020,

APPELANTE :

SARL Dilmex, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 5]

N° SIRET : 342 106 960

représentée et assistée de Me Marine RAIMBAULT, avocat au barreau de BORDEAUX substituant Me Vanessa MEYER de la SELARL MEYER & SEIGNEURIC, avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉ :

Monsieur [D] [A]

né le 28 Juillet 1981 à [Localité 4] (974) de nationalité Française

Profession : Opérateur amiante, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Iwann LE BOEDEC, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 janvier 2023 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon contrat de travail à durée indéterminée conclu le 27 janvier 2012, Monsieur [D] [A], né en 1981, a été engagé en qualité d'opérateur amiante à temps complet par la SARL Dilmex, dont le gérant est M. [T] [H].

Cette société, dont l'activité initiale était l'exploitation de carrières s'est ensuite orientée vers les travaux de désamiantage, de démolition et de terrassement et employait à la date du litige plus de 20 salariés sur des emplois soit administratifs, soit de désamianteurs et de chauffeurs de camions.

Elle dispose de deux sites, celui de [Localité 3], correspondant au siège social de l'entreprise, et un dépôt à [Localité 2], acquis ultérieurement par la société à une date non justifiée.

Le contrat de travail à durée indéterminée de M. [A] prévoit que son lieu d'embauche est à [Localité 2] ou [Localité 3] ou « direct chantier si besoin ».

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des industries de carrières et de matériaux.

Après avoir réclamé à leur employeur des explications sur les modalités de leur rémunération dans un courrier non daté , plusieurs salariés ont, par lettre du 3 février 2013, sollicité l'intervention de l'inspection du travail dénonçant des irrégularités portant sur le règlement d'une partie des heures supplémentaires effectué sous forme de primes, l'absence de repos compensateur, le décompte de la durée du temps de travail des chauffeurs à partir du traceur GPS et non des disques chronotachygraphes, le non-paiement du temps passé aux tâches étrangères à la conduite des véhicules (nettoyage, plein de carburant...), l'absence de locaux sur les deux sites de [Localité 3] et [Localité 2] leur permettant de se changer, se laver et manger pendant leurs coupures, le préfabriqué installé sur les locaux de [Localité 2] étant insalubre, l'absence de sanitaire sur certains chantiers et l'insuffisance des installations de sécurité.

Le lendemain d'un contrôle sur site réalisé le 6 mai 2013, l'inspectrice du travail a adressé une lettre à l'entreprise, rappelant un courrier d'observations adressé par elle le 5 novembre 2012 et resté sans réponse malgré l'engagement pris par l'employeur à ce sujet le 14 mars 2013. Elle a demandé à l'employeur de lui faire parvenirdivers documents tels que les bulletins de salaires et relevés de décompte de la durée du travail pour les mois de février et mars 2013 ainsi que les données numériques des cartes conducteurs pour les chauffeurs.

Par lettre du 13 août 2013, l'inspectrice du travail relevait :

- le défaut de majoration des heures supplémentaires détaillées dans un tableau établi pour les mois de février et mars 2013,

- le défaut de mention de ces heures supplémentaires sur les bulletins de paie,

- que les règles applicables au repos compensateur ne semblaient pas être mises en oeuvre,

- la différence entre les heures figurant sur les récapitulatifs mensuels d'activité et celles mentionnées sur les bulletins de paie joignant également un tableau à ce sujet,

- des dépassements des durées de travail maximale quotidienne et hebdomadaire, détaillés dans deux tableaux,

- la non-prise en compte des temps de trajet considérés comme du temps de travail effectif lorsque :

* l'employeur impose le passage du salarié au siège ou au dépôt avant qu'il se rende sur le lieu de travail,

* le salarié doit prendre un véhicule de l'entreprise pour transporter du personnel ou du matériel,

* le salarié doit procéder au chargement ou au déchargement de matériaux avant de se rendre sur un chantier.

Le 18 juin 2013, M. [A] a, ainsi que 12 autres salariés, saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux sollicitant notamment la résiliation de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Suite à l'audience de conciliation du 3 septembre 2013, M. [G], en sa qualité de délégué du personnel, a adressé une lettre à l'employeur au terme de laquelle il prenait acte de la volonté exprimée par ce dernier de ne plus faire réaliser d'heures supplémentaires aux salariés ayant engagé la procédure prud'homale.

Il n'est pas contesté que le 7 octobre 2013, un avertissement a été notifié à M. [A], sur la base d'un constat d'huissier, non versé aux débats, pour s'être rendu au siège de la société au lieu de se rendre directement sur le chantier.

Le 18 novembre 2013, un incident survenait sur le chantier des époux [O] sur lequel M. [A] intervenait avec M. [B] [N] et M. [G].

Dans un courrier adressé à l'entreprise le 22 novembre 2013, les clients dénonçaient le fait que les ouvriers avaient laissé entrer des personnes qui auraient dérobé des radiateurs, baignoires et une porte qui étaient entreposés dans le garage.

Par lettre du 26 novembre 2013, les trois salariés ont été mis à pied et convoqués à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 10 décembre 2013.

Le 23 décembre 2013, M. [A] a été licencié pour faute grave « en raison de graves manquements à ses obligations contractuelles portant gravement préjudice au bon fonctionnement de la société et à ses intérêts ».

Par lettre du 16 décembre 2013, la société a, par la voix de son conseil, répondu au courrier de l'inspection du travail du 13 août 2013 et à un autre courrier de celle-ci du 29 novembre 2013, en contestant la prise en compte des temps de trajet dans le temps de travail effectif et en évoquant des récupérations d'heures supplémentaires pour justifier le différentiel entre les heures figurant sur les bulletins de salaire et celles mentionnées sur les fiches mensuelles.

Dans cette lettre, il est fait état de tableaux détaillant les heures de trajet et les récupérations.

Ces tableaux ne sont pas versés aux débats.

Le conseil de prud'hommes s'est déclaré en partage de voix sur le litige opposant les parties à l'issue d'une audience du bureau de jugement du 19 décembre 2014.

Une procédure pénale pour des infractions aux conditions de travail a été ouverte par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bordeaux, semble-t'il suite à un procès verbal établi le 6 janvier 2014 par la Direccte, qui n'est pas versé aux débats ; cette procédure a fait l'objet d'un classement sans suite le 18 février 2016.

Par jugement rendu en formation de départage le 12 décembre 2016, le conseil a dit n'y avoir plus lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de l'enquête pénale et a ordonné une mesure d'expertise confiée à M. [S] [X] qui, ayant rencontré de graves difficultés de santé, a tardé à exécuter sa mission et ne l'a pas achevée, malgré l'adjonction d'une assistante, Mme [E], et la prorogation de délai autorisée par le juge départiteur.

Un pré-rapport a été établi le 9 mai 2019 mais par la suite, aucun rapport définitif n'a été déposé par l'expert désigné.

L'examen du litige a été fixé à l'audience du 19 novembre 2019.

Par jugement rendu en formation de départage le 14 janvier 2020, le conseil de prud'hommes a fait le constat des insuffisances de l'expert, relevant notamment que seul l'un des salariés, M. [Y], avait été entendu par l'expert, que celui-ci n'avait pas répondu aux missions qui lui avaient été confiées quant à l'analyse des feuilles de présence, des conditions de décompte des temps de pause, de repas, d'exécution des travaux de nettoyage des véhicules', ni n'avait estimé nécessaire de recueillir des informations auprès de l'inspection du travail, qu'il n'avait répondu que de façon très ponctuelle sur l'éventuel versement de primes au titre de la rémunération d'heures supplémentaires et n'avait pas donné d'indications chiffrées sur les heures supplémentaires alléguées par les salariés.

Le conseil, estimant détenir des éléments suffisants pour se déterminer sur l'existence d'heures supplémentaires, a rejeté la nouvelle demande d'expertise présentée par les deux parties et a :

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [A] à la date du 23 décembre 2013 [date du licenciement du salarié],

- condamné la SARL Dilmex à payer à M. [A] les sommes suivantes :

* 7.272,58 euros au titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires outre la somme de 727,25 euros au titre des congés payés afférents,

* 11.893,74 euros au titre du travail dissimulé,

* 5.325,25 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

* 12.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 727,62 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 1.938,34 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 193,83 euros au titre des congés payés afférents,

* 805,14 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, outre la somme de 80,51 euros au titre des congés payés afférents,

* 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [A] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de la réglementation sur le temps de travail,

- débouté la SARL Dilmex de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL Dilmex aux dépens.

Par déclaration du 6 février 2020, la société Dilmex a relevé appel de cette décision.

La société Dilmex a fait assigner le salarié le 25 juin 2020 devant le premier président de la cour pour voir prononcer la suspension de l'exécution provisoire de la décision rendue le 14 janvier 2020 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux. Elle a été déboutée de sa demande par ordonnance de référé du 3 septembre 2020 et condamnée à payer au salarié la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Dans ses premières conclusions adressées le 6 mai 2020, la société Dilmex demande à la cour de la dire recevable et bien fondée en son appel, d'infirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [A] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la violation de l'obligation de sécurité de résultat et, statuant à nouveau et rejetant toutes conclusions contraires, de :

- débouter M. [A] de sa demande au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents,

- débouter M. [A] de sa demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

- débouter M. [A] de ses demandes au titre du travail dissimulé,

- débouter M. [A] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et des demandes indemnitaires conséquentes,

- débouter M. [A] de sa demande tendant à reconnaître son licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de ses demandes indemnitaire conséquentes,

- condamner M. [A] aux dépens et à lui verser une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement (sic).

La société Dilmex a adressé à la cour de nouvelles écritures le 6 décembre 2022 à 8h40, soit deux jours avant la date fixée pour l'ordonnance de clôture prévue le 8 décembre 2022, dans lesquelles ses demandes sont identiques, ses moyens ayant été complétés, et a communiqué une nouvelle pièce (pièce 27 : preuve des sommes versées au titre de l'exécution provisoire) puis par conclusions du 7 décembre à 19h40, elle a sollicité le report de l'ordonnance de clôture au jour des plaidoiries.

Dans ses premières écritures adressées au greffe le 3 août 2020, M. [A] demande à la cour de le dire recevable et bien fondé en ses demandes et de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que ses demandes de rappels de salaire étaient bien fondées, en conséquence, faire droit aux demandes suivantes :

* 7.272,58 euros au titre de rappel d'heures supplémentaires,

* 727,25 euros au titre des congés payés afférents,

* 5.325,25 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour 2012 et 2013,

- à titre subsidiaire, désigner un nouvel expert aux fins de poursuite des opérations d'expertise judiciaire, enfermées dans un délai de trois mois,

- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que le délit de travail dissimulé était caractérisé et condamner en conséquence la société Dilmex à lui verser, à titre principal, la somme de 14.199,48 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles L. 8221-5 alinéa 2 et suivants du code du travail, et à titre subsidiaire, la somme de 11.893,74 euros,

- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré qu'il y avait lieu de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail, à titre subsidiaire, dire que le licenciement pour faute grave est abusif, en conséquence, faire droit aux demandes suivantes :

* 866,17 euros au titre de l'indemnité de licenciement à titre principal et, subsidiairement, 725,62 euros,

* 805,14 euros au titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, outre 80,51 euros au titre des congés payés afférents,

* 1.938,34 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 193,83 euros pour les congés payés y afférents,

* 20.000 euros sur le fondement de l'article L. 1235-1 du code du travail,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il relève les manquements graves de la société Dilmex en termes d'obligation de sécurité,

- statuant à nouveau, dire fondée la demande indemnitaire formulée à ce titre, en conséquence, condamner l'appelante à lui verser la somme de 18.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la réglementation sur le temps de travail,

- condamner l'appelante à lui verser la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

De nouvelles écritures de M. [A] ont été adressées au greffe le 7 décembre 2022 à 14h05 ; ses prétentions sont identiques mais il demande à la cour de déclarer irrecevables les dernières pièces et conclusions communiquées par la société appelante.

Il a communiqué lui-même une nouvelle pièce consistant en un arrêt de la Cour de cassation concernant un autre salarié (M. [J]) rendu le 19 mai 2021 et une lettre officielle du 29 novembre 2021 (pièce p).

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 décembre 2022 par le conseiller de la mise en état au motif notamment de l'ancienneté de la procédure ayant permis aux parties de disposer du temps nécessaire aux échanges.

Le conseil du salarié a adressé de nouvelles écritures au fond le 13 décembre 2022 ainsi que des conclusions de procédure dans lesquelles il est demandé à la cour de :

« déclarer irrecevables les pièces et conclusions communiquées depuis le 5 décembre 2022 par la société Dilmex,

- subsidiairement, d'ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture au jour des présentes ».

A l'audience, la cour, après s'être retirée pour en délibérer, a ordonné la jonction au fond des incidents de procédure, révocation de l'ordonnance de clôture et irrecevabilité des conclusions et pièces communiquées tardivement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

Il n'est justifié ni même allégué d'aucune cause grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture au sens de l'article 803 du code de procédure civile dans une procédure engagée depuis le 18 juin 2013 et dans laquelle l'appel à l'encontre de la décision de première instance a été relevé le 6 février 2020 soit il y a près de trois ans.

La demande de révocation de l'ordonnance de clôture est par conséquent rejetée.

Sur la demande d'irrecevabilité des conclusions et rejet de pièces complémentaires

Aux termes des dispositions de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

En l'espèce, la procédure a été engagée le 3 février 2013 et l'appel a été formé le 6 février 2020.

Les parties disposaient donc d'un temps largement suffisant pour se communiquer leurs écritures, moyens et pièces.

L'envoi par la société appelante, deux jours avant la date fixée pour la clôture, annoncée deux mois auparavant, de nouvelles écritures et d'une pièce supplémentaire qu'elle détenait depuis plusieurs mois, constitue un manquement au principe du contradictoire et de la loyauté des débats et ne permettait pas à l'intimé de répondre en temps utile, soit en réalité en moins de 48 heures.

Les dernières conclusions et la nouvelle pièce communiquée par la société seront donc déclarées irrecevables et par suite, les conclusions au fond en réponse du salarié ainsi que sa pièce p le seront également.

La cour se référera en conséquence aux premières écritures et pièces communiquées le 6 mai 2020 par la société appelante et le 3 août 2020 par le salarié intimé pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties.

Sur les demandes au titre des dépassements de la durée du travail

- Sur la demande en paiement au titre des heures supplémentaires

M. [A] sollicite la confirmation du jugement qui lui a alloué la somme de 7.272,58 euros à titre de rappel de salaire outre celle de 727,25 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente.

Pour voir infirmer la décision déférée, la société fait valoir que :

- le conseil de prud'hommes s'est fondé sur le rapport de l'inspectrice du travail, sur les bulletins de salaire, sur les cahiers de décompte du temps de travail tenus quotidiennement mentionnant le temps de travail, la nature de la tâche réalisée et le lieu de travail ainsi que les temps de trajets et de pause déjeuner et sur les récapitulatifs mensuels d'activités pour les années 2012 et 2013 ;

- le conseil a ainsi retenu les calculs figurant sur le tableau récapitulatif des heures supplémentaires sollicitées de 2010 à 2013, établi par le salarié alors que celui-ci a procédé par voie de référence aux heures effectuées par d'autres salariés lorsqu'il ne disposait pas de ses fiches de présence ;

- or, la logique selon laquelle les horaires réalisés par l'ensemble des opérateurs amiante sont les mêmes est erronée ;

- les décomptes produits comportent des erreurs et sont insuffisants pour justifier le rappel de salaire demandé (ainsi qu'il l'aurait déjà été jugé par la cour pour un autre salarié, M. [J]) ;

- la société produit un tableau récapitulatif des seules heures supplémentaires réalisées par M. [A] (pièces 14 et 15), basé sur les fiches de présence du salarié d'où il ressort un solde négatif, le salarié échouant à rapporter la preuve d'heures supplémentaires restant impayées.

M. [A] invoque notamment les éléments suivants :

- l'inspectrice du travail a constaté, concernant la période contrôlée (février-mars 2013), de nombreuses heures supplémentaires réalisées non rémunérées ;

- il convient de comparer la durée de travail figurant sur les bulletins de salaire, à celle portée sur les récapitulatifs mensuels d'activité ;

- la société a toujours considéré certaines tâches réalisées par les salariés, à sa demande, comme ne constituant pas du travail effectif (nettoyage des véhicules, plein d'essence, rédaction des rapports d'activité, déplacements du siège vers le chantier, déplacement du dépôt au siège') : les salariés ont alerté la direction, en vain et pour l'inspectrice du travail, il s'agit bien de tâches constitutives d'un travail effectif ;

- l'expert ne s'est pas rapproché de l'inspection du travail alors que sa mission le prévoyait ;

- l'employeur considère que les temps de trajets du dépôt ([Localité 2]) au siège ([Localité 3]) ou du dépôt vers le chantier ne sont pas constitutifs de temps de travail, alors même que ces déplacements sont intervenus entre 2 lieux de travail avec des moyens mis en oeuvre par l'employeur ;

- pour les désamianteurs, il était également nécessaire de passer en premier lieu au dépôt pour se munir du matériel ;

- or, les fiches d'exposition amiante ne prennent pas en compte cette durée courant de l'arrivée au dépôt, à l'entrée en zone contaminée, sur le chantier, puis de la sortie de la zone au retour au dépôt ;

- M. [A] a demandé la communication des récapitulatifs mentionnant les heures d'embauche et de fin de journée, demandes restées vaines ; seule une communication partielle des attestations d'exposition individuelle amiante a été faite ;

- M. [A] précise que les récapitulatifs mensuels, instaurés par l'employeur mais non produits, étaient remplis par les salariés, sur la base des rapports journaliers, également établis par eux ;

- la durée de travail fluctue beaucoup plus que ce qu'indiquent les bulletins de salaire, le salarié ayant établi dans ses écritures (page 25 et 26) un tableau relevant des incohérences ;

- M. [A] produit un rapprochement entre les bulletins de salaire, le décompte mensuel et le relevé d'exposition amiante ;

- il décrit le déroulement d'une journée de travail d'un salarié de l'équipe désamiantage ainsi qu'il suit : arrivée au dépôt, préparation du matériel, départ vers le chantier, port de la tenue et des équipements, 2 heures de travail en zone contaminée, pause obligatoire de 30 minutes pendant laquelle le salarié va se rendre 15 minutes en sas de décontamination et pendant laquelle il déjeune, sur les 15 minutes restantes, 2 heures de travail en zone contaminée, pause obligatoire de 30 minutes pendant laquelle le salarié va se rendre 15 minutes en sas de décontamination et pendant laquelle il déjeune s'il ne l'a pas déjà fait et sur temps restant, 2 heures de travail en zone contaminée, pause obligatoire de 30 minutes, pendant laquelle le salarié va se rendre 15 minutes en sas de décontamination ;

- il n'y a donc pas de pauses repas à déduire du décompte pour les salariés désamianteurs ou celles ne figurant pas sur les relevés des cartes conducteur ;

- il n'y a pas de preuve de prétendues pauses café d'une heure le matin ;

- le repos compensateur de remplacement n'était pas mis en place au sein de la société ;

- les arguments présentés par l'appelante, et pour lesquels l'inspection de travail a déjà indiqué qu'ils étaient inopérants, ne pourront donc qu'être écartés.

M. [A] produit un tableau récapitulatif des données figurant sur les relevés mensuels d'activité.

Pour les périodes pour lesquelles M. [A] ne dispose pas de ses fiches mensuelles, l'employeur se refusant de produire les relevés d'activité, il s'est référé, par défaut, à celles de ses collègues de l'équipe amiante ayant les mêmes horaires.

Ainsi, de la semaine 5 de l'année 2012 à la semaine 45 de l'année 2013, il aurait dû percevoir la somme de 11.578,40 euros, il n'a perçu que 4.305,82 euros ; il lui reste donc dû la somme de 7.272,58 euros à titre de rappel de salaire outre 727,25 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente.

***

Aux termes des articles L. 3171-2 alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés et, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments.

Il sera relevé à titre liminaire que le pré-rapport d'expertise, auquel se réfère la société, est totalement inexploitable en raison du fait que l'expert n'a examiné que la situation d'un autre salarié concerné par le litige, M. [Y], et encore sur la base « d'un échantillonnage » (non défini : quelles pièces et quelle période) pour en tirer des conclusions ne reposant que sur des hypothèses ou des appréciations non objectivées par la référence à des pièces précises, l'expert relevant par exemple :

- qu'il n'est « pas réaliste de ne pas manger entre 6h du matin et 19h le soir », que la pause repas était d'une heure ou 45 minutes ou 30 minutes ou encore pouvait se résumer à un sandwich avalé pendant le chargement du camion ;

- que « pour les désamianteurs, ne pas manger quand le chef d'équipe s'arrête pour manger, c'est suspect » ;

- que le temps de trajet entre les deux sites, était « semble-t'il payé en temps de travail (ou plutôt indiqué comme payé en temps de travail mais cette vérification prend du temps) » ;

- qu'un « camion qui, le matin, ne bouge qu'une heure après la soi-disant embauche, indique (...) que le chauffeur a par exemple pris son petit déjeuner et lu le journal » ;

- qu'il y avait « pour certains salariés (dont M. [N]) des compensations à de probables heures supplémentaires officiellement impayées » ;

- qu'on « peut compter a priori environ 5 à 6 heures par mois impayées. Pour le moment, il s'agit d'un arbitraire plus qu'autre chose faute de vérification systématique (extrêmement longue) ... »;

- la situation d'autres salariés (M. [L] [N], M. [L] [V], M. [P] et M. [R]) n'a été envisagée par l'expert que sous l'angle de la critique non étayée des éléments retenus par l'inspectrice du travail, l'expert relevant ne pas avoir disposé des fiches mensuelles pour le mois de l'échantillonnage ['], que M. [K] était hors échantillonnage et faisant état d'une vérification ponctuelle pour M. [G] en mars 2012 ;

- enfin les relevés effectués sur site par Mme [E] en novembre 2017 sont dépourvus de pertinence en ce qu'ils sont intervenus plus de 4 ans après la saisine de la juridiction prud'homale, M. [Y] ayant souligné lors de son entretien avec Mme [E] le 8 décembre 2017 que « l'activité maintenant n'a pas grand-chose à voir avec 2010-2013 ».

C'est par ailleurs à juste titre que les premiers juges ont estimé disposer des éléments pour statuer sur le litige opposant les parties au regard des règles de preuve applicables en matière de durée du travail, une nouvelle mesure d'expertise ne pouvant pas être ordonnée en raison du délai raisonnable auquel peut prétendre tout justiciable de voir juger son affaire ainsi que du coût que représenterait une mesure d'instruction près de 10 ans après la saisine de la juridiction de première instance.

S'agissant des temps de trajet, il sera rappelé que le contrat de travail fixait le lieu d'embauche de M. [A] sur le site de [Localité 2] ou de [Localité 3] ou encore « en cas de besoin » sur le chantier.

A l'exception du courrier du 4 octobre 2013 par lequel il a été demandé à M. [A] de se rendre directement sur le chantier, il n'est justifié d'aucune autre consigne similaire donnée au salarié.

En outre en l'état des pièces et explications fournies à la cour, il ne peut qu'être retenu que M. [A] devait prendre les matériels et équipements nécessaires à ses missions d'opérateur amiante avant de se rendre sur les chantiers, les temps de trajet jusqu'aux chantiers s'analysant dès lors en temps de travail.

Aucun élément ne permet de retenir que M. [A] disposait d'une pause repas.

Le déroulement de la journée qu'il décrit avec alternance de temps en sas de décontamination et travail n'est en effet pas démenti par les pièces versées aux débats par la société.

Enfin, si, comme le soutient la société, M. [A] s'est référé pour partie aux horaires de son collègue, M. [L] [N], pour établir son décompte, faute d'avoir conservé toutes les fiches mensuelles, il appartenait à la société à laquelle il incombe de contrôler les heures de travail effectuées et qui conteste l'effectivité de ces horaires, de produire les documents de nature à étayer sa contestation.

En revanche, le décompte proposé par M. [A] est erroné :

- en ce qu'il n'a pas tenu compte de l'intégralité des sommes réglées au titre des heures supplémentaires majorées à 125% figurant sur ses bulletins de paie ;

- en ce qui concerne les heures supplémentaires décomptées à partir de septembre 2013,

dès lors que le salarié indique dans ses écritures qu'à compter de la saisine de la juridiction, en réalité de l'audience devant le bureau de conciliation, l'employeur n'a plus sollicité les salariés ayant saisi le conseil de prud'hommes pour effectuer des heures supplémentaires (page 35 de ses écritures).

Sous le bénéfice de ce constat, la créance de M. [A] sera fixée à la somme de 6.326,43 euros.

La société Dilmex sera en conséquence condamnée au paiement des sommes de 6.326,43 euros au titre des heures supplémentaires réalisées et non payées entre le 30 janvier 2012 et août 2013 outre 632,64 euros pour les congés payés afférents.

- Sur la demande en paiement au titre de la contrepartie obligatoire en repos

M. [A] sollicite la confirmation du jugement déféré qui lui a alloué la somme de

5.325,25 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos.

Pour voir infirmer la décision déférée, la société fait valoir les éléments suivants :

- l'accord du 22 décembre 1998 attaché à la convention collective nationale des industries de carrières et matériaux prévoit la possibilité d'un contingent complémentaire de 35 heures supplémentaires pouvant être utilisé (pièce n°11), soit un repos compensateur dû à partir de la 181ème heure ;

- cette disposition dérogatoire avait trouvé application devant la cour dans l'instance l'ayant opposée à M. [J] (cour d'appel de Bordeaux - chambre sociale, section B N° RG 17/05596) ;

- l'expert n'a pas constaté de dépassement des durées maximales de travail, si les temps de pause et, notamment, de repas venaient à être correctement décomptés ;

- le salarié n'apporte aucun élément tangible pour rapporter la preuve des heures supplémentaires restées impayées.

- aucune contrepartie obligatoire en repos n'est due.

Au soutien de sa demande, M. [A] a établi le tableau suivant, rappelant que l'effectif de la société étant de plus de vingt salariés, il convient d'appliquer la compensation maximale de 100% du taux horaire, par heure effectuée au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires.

ANNÉE

Heures au-delà du

contingent d'HS

TOTAL

2012

266

2.999,30 €

2013

213

2.325,95 €

TOTAL

5.325,25 €

***

Aux termes des dispositions de l'article L. 2121-11 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

Une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe l'ensemble des conditions d'accomplissement d'heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, la majoration des heures supplémentaires étant fixée selon les modalités prévues à l'article L. 3121-22. Cette convention ou cet accord collectif peut également prévoir qu'une contrepartie en repos est accordée au titre des heures supplémentaires accomplies dans la limite du contingent.

En vertu de l'article 1.5 de l'accord du 22 décembre 1998 relatif à l'organisation, la réduction du temps de travail et à l'emploi (ouvriers, ETAM, cadres) dans les industries de carrières et matériaux, le contingent annuel d'heures supplémentaires, fixé à 145 heures, peut être augmenté de 35 heures par an, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut des délégués du personnel ou, à défaut, après information du personnel.

Dans la mesure où il n'est justifié ni même allégué de la consultation des IRP ou de l'information des salariés, sera appliqué le contingent annuel de 145 heures.

En vertu de l'article 18 IV de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, chaque heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel ouvre droit à une contrepartie obligatoire en repos égale à 100% pour les entreprises de plus de 20 salariés.

Compte tenu des observations faites ci-avant à propos de décompte des heures supplémentaires, la créance de M. [A] sera fixée à la somme de 4.682,15 euros.

- Sur la demande de dommages et intérêts pour violation de la réglementation sur le temps de travail

M. [A] sollicite l'infirmation de la décision déférée qui l'a débouté de sa demande à titre de dommages et intérêts pour violation de la réglementation de la durée du travail et le paiement de la somme de 18.000 euros en réparation du préjudice qu'il a subi de ce chef.

Au soutien de cette demande, il invoque les éléments suivants :

- la fréquence et l'ampleur des dépassements :

- l'absence de toute information de l'administration quant à ces dépassements ;

- la fréquence de cette violation des dispositions légales relevée par l'inspectrice du travail ;

- l'inertie de la société malgré plusieurs alertes (notamment lettres du 5 novembre 2012 et du 13 août 2013) ;

- le PV de l'inspectrice du travail qui fait état de 8 dépassements injustifiés de la durée maximale quotidienne de travail et de 3 dépassements de la durée hebdomadaire sur la seule période de février et mars 2013 ;

- ces dépassements étaient quasiment constants ainsi qu'il ressort de la lecture des relevés d'activité remis à l'employeur et produits aux débats ;

- la défaillance de l'expert qui s'est cantonné à indiquer avoir « vu très peu de dépassements des durées maximales de travail » sans préciser lesquelles ni leur volume, privant ainsi ce constat de sa pertinence ;

- les dispositions applicables aux temps de pause n'étaient pas systématiquement respectées ;

- ces dépassements ont débuté dès l'embauche et se sont poursuivis pendant près de 2 années ;

- les bulletins de salaire ne mentionnent aucun repos compensateur ;

- certaines semaines, M. [A] travaillait plus de 50 heures, et ce parfois plusieurs semaines d'affilée ;

- le non-respect des obligations de l'employeur en matière de législation relative à l'amiante, notamment s'agissant des plans de retraits sur lesquels le dirigeant aurait imité la signature de M. [G], représentant du personnel ; une plainte pour faux et usage de faux serait en cours à ce sujet ;

- à compter de la saisine de la juridiction, l'employeur a décidé de ne plus solliciter les salariés intimés à la procédure, pour exécuter des heures supplémentaires (cf note de service du 31 août 2015) et, pour compenser la baisse d'activité des intimés, d'autres salariés ont été conduits à réaliser de très nombreuses heures supplémentaires tel M. [I].

Le préjudice de M. [A] résultant du manquement particulièrement grave à l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur est incontestable : cette situation a généré un état de fatigue et d'anxiété et a impacté sa vie privée et familiale.

La société  fait valoir que :

- M. [A] échoue à rapporter la preuve d'un quelconque préjudice physique ou moral lié à ces prétendus dépassements en lien direct avec la relation de travail ;

- elle possède la certification AFNOR et la DREAL placée sous l'autorité du préfet de la région Aquitaine qui a indiqué que l'entreprise Dilmex était en parfaite conformité avec la réglementation.

***

De l'examen des fiches mensuelles relatives au temps de travail produites par le salarié, l'existence de dépassements des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail est avérée.

Le préjudice résultant de l'atteinte portée au droit au repos du salarié et à l'obligation de préservation de la santé des salariés incombant à l'employeur sera réparé par l'octroi d'une somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la rupture du contrat de travail

Le contrat de travail de M. [A] a pris fin à la suite de son licenciement pour faute grave par lettre du 23 décembre 2013 mais le salarié avait antérieurement saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de ce contrat.

Lorsqu'un salarié sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

- Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

Au soutien de sa demande de résiliation judiciaire, M. [A] invoque les manquements suivants :

- le non-paiement d'heures supplémentaires ;

- l'absence de contrepartie obligatoire en repos ;

- la violation des dispositions applicables en matière de durée maximale du travail (quotidienne et hebdomadaire) ;

- le manquement à l'obligation de sécurité de résultat ;

- le délit de travail dissimulé ;

- les violences morales de la part de son supérieur ;

- la multiplication des avertissements et pressions.

Ces manquements sont, selon lui, suffisamment graves pour justifier la rupture immédiate du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.

La société conclut au rejet de la demande de l'intimé soulignant qu'il ne produit pas d'état récapitulatif des heures qui ne lui auraient pas été réglées permettant de déterminer leur existence, leur ampleur et leur durée et que le non-paiement de rappel d'heures supplémentaires ne constitue pas un manquement suffisamment grave permettant de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail.

***

En application des dispositions des 1217 et 1224 du code civil et 1231-1 du code du travail, en cas d'inexécution de ses obligations par l'une des parties, l'autre partie peut demander au juge de prononcer la résiliation du contrat.

Si le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.

La résiliation judiciaire à la demande du salarié n'est justifiée qu'en cas de manquements de l'employeur d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

***

Le dépassement des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail est avéré de même que le non-paiement des heures supplémentaires pour une somme non négligeable au regard du salaire perçu par M. [A] qui, de surcroît, n'a pas bénéficié des repos compensateurs auxquels il était en droit de prétendre.

Il est également établi que le salarié a fait l'objet d'une procédure de licenciement pour faute grave mais les pièces versées aux débats ne permettent pas de retenir que le motif allégué est établi.

Les manquements de l'employeur qui se sont poursuivis sur une période de près de 18 mois précédant la demande de résiliation judiciaire et au-delà de la saisine de la juridiction prud'homale sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite de la relation contractuelle et justifier que cette demande soit accueillie.

C'est donc à juste titre que le jugement déféré a prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur et dit que celle-ci produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la date du 23 décembre 2013.

- Sur les demandes pécuniaires au titre de la rupture

Sur le salaire de référence

M. [A] revendique un salaire brut reconstitué avec les heures supplémentaires de 2.366,58 euros.

***

Au vu des bulletins de paie, de l'attestation Pôle Emploi et des sommes allouées au titre des heures supplémentaires, le salaire de référence sur la période de décembre 2012 à novembre 2013 s'élève à la somme de 2.269,58 euros.

Sur les sommes sollicitées au titre de la rupture

Engagé le 27 janvier 2012, M. [A] a été licencié le 23 décembre 2013.

Il sollicite le paiement du rappel de salaire retenu durant la mise à pied soit les sommes de 805,14 euros et 80,51 euros pour les congés payés afférents.

Au vu des bulletins de paie, sa demande à ce titre est justifiée et le jugement déféré sera confirmé de ces chefs.

***

M. [A] sollicite la confirmation du jugement déféré qui lui a alloué la somme de 1.938,34 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 193,83 euros pour les congés payés afférents.

*

La rupture du contrat produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement déféré sera confirmé de ces chefs, dans la limite de la demande du salarié.

***

M. [A] sollicite la condamnation de la société à lui payer la somme de 866,17 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement et, à titre subsidiaire, la confirmation du jugement déféré qui lui a alloué la somme de 725,62 euros à ce titre.

*

Compte tenu de l'ancienneté du salarié, préavis inclus et du salaire de référence, l'indemnité de licenciement sera fixée à la somme de 866,17 euros dans la limite de la demande.

***

M. [A] sollicite le paiement de la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

*

M. [A] ne produit aucun justificatif de sa situation suite à la rupture de son contrat.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [A], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 7.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif.

Sur la demande en paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

M. [A] sollicite à titre principal le paiement de la somme de 14.199,48 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles L. 8221-5 alinéa 2 et suivants du code du travail, sur la base d'un salaire reconstitué, intégrant les heures supplémentaires non réglées, de 2.366,58 euros (salaire brut perçu ' HS rémunérées + HS dues).

Subsidiairement, il sollicite la confirmation de la décision déférée qui lui a alloué la somme de 11.893,74 euros de ce chef (soit 6 x 1.982,29 euros).

Pour voir rejeter cette demande, la société fait valoir que :

- le paiement, même partiel, d'heures supplémentaires sous forme de primes n'est attesté par aucun élément tangible, et est même considéré par l'expert comme une probabilité ;

- l'enquête ouverte par le parquet de Bordeaux pour la commission du délit de travail dissimulé par la société, à la suite de sa saisine par l'inspection du travail, a abouti à un non-lieu pour infraction insuffisamment caractérisée ;

- la réalisation d'heures supplémentaires impayées n'étant pas démontrée, la demande au titre du travail dissimulé ne peut aboutir.

M. [A] invoque les éléments suivants :

- la preuve des heures réellement effectuées est rapportée ;

- à la lecture des bulletins de paie, un très grand nombre de ces heures supplémentaires n'ont pas été rémunérées ;

- la lettre adressée par les salariés à l'inspection du travail, mentionne :« nos heures supplémentaires qui nous sont payées sous forme de primes à l'heure actuelle et non pas majorées comme il se doit » ;

- le pré-rapport d'expertise constate de nombreuses « primes exceptionnelles » sur les bulletins de salaire qui pourraient effectivement rémunérer des heures supplémentaires ; une « prime de chantier » trouvée pourrait avoir le même but ;

- il y avait pour certains salariés des compensations à de probables heures supplémentaires officiellement impayées selon la méthode légale et habituelle sur les bulletins de paie ;

- la « légalité » du procédé est du ressort du juge en sachant qu'il s'agit de probabilités » ;

- sur les bulletins de salaire de M. [A] figurent, de la même manière de nombreuses primes ;

- la matérialité et l'intentionnalité du délit ne sont pas contestables.

***

En vertu des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement soit à l'accomplissement de la formalité relative à la déclaration préalable à l'embauche, soit à la délivrance d'un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie, soit aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L. 8223-1 prévoit qu'en cas de rupture du contrat, le salarié auquel l'employeur a eu recours en commettant les faits prévus au texte susvisé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

D'une part, ce n'est qu'au terme d'un long débat judiciaire que le salarié se voit reconnaître une créance dont le montant a été ci-avant réduit au titre des heures supplémentaires effectuées.

D'autre part, il n'est pas justifié de réclamations antérieures à la saisine de l'inspection du travail (en février 2013) puis de la juridiction prud'homale (en juin 2013) et il est avéré que le salarié n'a plus effectué d'heures supplémentaires après le mois d'août 2013.

Par ailleurs, la procédure d'enquête pour travail dissimulé, ordonnée suite à un procès verbal établi par l'inspection du travail, qui n'est pas versé aux débats, a fait l'objet d'un classement sans suite par le Parquet du tribunal de Bordeaux.

Enfin, si le salarié allègue de primes compensant les heures supplémentaires réalisées, il ne peut qu'être relevé qu'il n'a pas estimé nécessaire de les déduire de sa créance, ces primes étant en tout état de cause soumises à cotisations sociales.

En considération de ces éléments, l'élément intentionnel requis par le texte susvisé n'est pas suffisamment établi, en sorte que le salarié doit être débouté de sa demande de ce chef, le jugement déféré étant infirmé à ce titre.

Sur les autres demandes

La société, condamnée en paiement, supportera les dépens et il sera alloué à l'intimé la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,

Déclare irrecevables les conclusions au fond et pièces communiquées par les parties à compter du 5 décembre 2022,

Confirme le jugement déféré en ce :

- qu'il a fait droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [D] [A] à la date du 23 décembre 2013 aux torts de la société Dilmex et a condamné celle-ci aux dépens,

- condamné la société Dilmex à payer à M. [D] [A] les sommes de :

* 805,14 euros et 80,51 euros pour les congés payés afférents au titre du salaire indûment retenu durant la mise à pied à titre conservatoire,

* 1.938,34 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 193,83 euros pour les congés payés afférents,

Infirme le jugement déféré pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamne la SARL Dilmex à payer à M. [D] [A] les sommes suivantes :

- 6.326,43 euros au titre des heures supplémentaires réalisées et non payées entre le 30 janvier 2012 et août 2013 outre 632,64 euros pour les congés payés afférents,

- 4.682,15 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

- 866,17 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la réglementation sur le temps de travail,

- 7.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [D] [A] de sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne la SARL Dilmex aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/00629
Date de la décision : 29/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-29;20.00629 ?
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