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29/03/2023 | FRANCE | N°20/00626

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 29 mars 2023, 20/00626


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 29 MARS 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/00626 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LODI

















SARL DILMEX



c/



Monsieur [X] [G]

















Nature de la décision : AU FOND

















Grosse délivrée le

:



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 janvier 2020 (R.G. n°F 16/02647) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 06 février 2020,





APPELANTE :

SARL Dilmex, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en c...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 29 MARS 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/00626 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LODI

SARL DILMEX

c/

Monsieur [X] [G]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 janvier 2020 (R.G. n°F 16/02647) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 06 février 2020,

APPELANTE :

SARL Dilmex, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 5]

N° SIRET : 342 106 960

représentée et assistée de Me Marine RAIMBAULT, avocat au barreau de BORDEAUX substituant Me Vanessa MEYER de la SELARL MEYER & SEIGNEURIC, avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉ :

Monsieur [X] [G]

né le 07 Novembre 1971 à [Localité 2] de nationalité Française

Profession : Chauffeur poids lourds, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Iwann LE BOEDEC, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 janvier 2023 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon contrat de travail à durée déterminée conclu le 8 août 2011 renouvelé le 31 août 2011, suivi d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 2012, Monsieur [X] [G], né en 1971, a été engagé en qualité de conducteur poids lourds à temps complet par la SARL Dilmex dont le gérant est M. [S] [V].

Cette société, dont l'activité initiale était l'exploitation de carrières, s'est ensuite orientée vers les travaux de désamiantage, de démolition et de terrassement et employait à la date du litige plus de 20 salariés sur des emplois soit administratifs, soit de désamianteurs et de chauffeurs de camions.

Elle dispose de deux sites, celui de [Localité 4], correspondant au siège social de l'entreprise, et un dépôt à [Localité 3], acquis ultérieurement par la société à une date non justifiée.

Le contrat de travail de M. [G] prévoit que le lieu d'embauche est à [Localité 3] ou « si besoin direct chantier » ou [Localité 4].

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des industries de carrières et de matériaux.

Après avoir réclamé à leur employeur des explications sur les modalités de leur rémunération dans un courrier non daté, plusieurs salariés ont, par lettre du 3 février 2013, sollicité l'intervention de l'inspection du travail, dénonçant des irrégularités portant sur le règlement effectué sous forme de primes d'une partie des heures supplémentaires qu'ils réalisaient, l'absence de repos compensateur, le décompte de la durée du temps de travail des chauffeurs à partir du traceur GPS et non des disques chronotachygraphes, le non-paiement du temps passé aux tâches étrangères à la conduite des véhicules (nettoyage, plein de carburant...), l'absence de locaux sur les deux sites de [Localité 4] et [Localité 3] leur permettant de se changer, se laver et manger pendant leurs coupures, le préfabriqué installé sur les locaux de [Localité 3] étant insalubre, l'absence de sanitaire sur certains chantiers et l'insuffisance des installations de sécurité.

Le lendemain d'un contrôle sur site réalisé le 6 mai 2013, l'inspectrice du travail a adressé une lettre à l'entreprise, rappelant un courrier d'observations adressé par elle le 5 novembre 2012 et resté sans réponse malgré l'engagement pris par l'employeur à ce sujet le 14 mars 2013. Elle a demandé à l'employeur de lui faire parvenir divers documents tels que les bulletins de salaires et relevés de décompte de la durée du travail pour les mois de février et mars 2013 ainsi que les données numériques des cartes conducteurs pour les chauffeurs.

Par lettre du 13 août 2013, l'inspectrice du travail relevait :

- le défaut de majoration des heures supplémentaires détaillées dans un tableau établi pour les mois de février et mars 2013,

- le défaut de mention de ces heures supplémentaires sur les bulletins de paie,

- que les règles applicables au repos compensateur ne semblaient pas être mises en oeuvre,

- la différence entre les heures figurant sur les récapitulatifs mensuels d'activité et celles mentionnées sur les bulletins de paie joignant également un tableau à ce sujet,

- des dépassements des durées de travail maximale quotidienne et hebdomadaire, détaillés dans deux tableaux,

- la non-prise en compte des temps de trajet considérés comme du temps de travail effectif lorsque :

* l'employeur impose le passage du salarié au siège ou au dépôt avant qu'il se rende sur le lieu de travail,

* le salarié doit prendre un véhicule de l'entreprise pour transporter du personnel ou du matériel,

* le salarié doit procéder au chargement ou au déchargement de matériaux avant de se rendre sur un chantier.

Le 18 juin 2013, M. [G] a, ainsi que 12 autres salariés, saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux, sollicitant notamment la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Dilmex..

Le 15 septembre 2013, suite à l'audience de conciliation, M. [B], en qualité de représentant du personnel, a adressé une lettre à l'employeur au terme de laquelle il prenait acte de la volonté exprimée par ce dernier de ne plus faire réaliser d'heures supplémentaires à ses salariés.

Par lettre du 16 décembre 2013, la société a, par la voix de son conseil, répondu au courrier de l'inspection du travail du 13 août 2013 et à un autre courrier de celle-ci du 29 novembre 2013, en contestant la prise en compte des temps de trajet dans le temps de travail effectif et en évoquant des récupérations d'heures supplémentaires pour justifier le différentiel entre les heures figurant sur les bulletins de salaire et celles mentionnées sur les fiches mensuelles.

Dans cette lettre, il est fait état de tableaux détaillant les heures de trajet et les récupérations.

Ces tableaux ne sont pas versés aux débats.

Le conseil de prud'hommes s'est déclaré en partage de voix sur le litige opposant les parties à l'issue d'une audience du bureau de jugement du 19 décembre 2014.

Une procédure pénale pour des infractions aux conditions de travail a été ouverte par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bordeaux, semble-t'il suite à un procès verbal établi le 6 janvier 2014 par la Direccte, qui n'est pas versé aux débats ; cette procédure a fait l'objet d'un classement sans suite le 18 février 2016.

Par jugement rendu en formation de départage le 12 décembre 2016, le conseil a dit n'y avoir plus lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de l'enquête pénale et a ordonné une mesure d'expertise confiée à M. [H] [J] qui, ayant rencontré de graves difficultés de santé, a tardé à exécuter sa mission et ne l'a pas achevée, malgré l'adjonction d'une assistante, Mme [A], et la prorogation de délai autorisée par le juge départiteur.

Un pré-rapport a été établi le 9 mai 2019 mais par la suite, aucun rapport définitif n'a été déposé par l'expert désigné.

L'examen du litige a été fixé à l'audience du 19 novembre 2019.

Par jugement rendu en formation de départage le 14 janvier 2020, le conseil de prud'hommes a fait le constat des insuffisances de l'expert, relevant notamment que seul l'un des salariés, M. [G], avait été entendu par l'expert, que celui-ci n'avait pas répondu aux missions qui lui avaient été confiées quant à l'analyse des feuilles de présence, des conditions de décompte des temps de pause, de repas, d'exécution des travaux de nettoyage des véhicules', ni n'avait estimé nécessaire de recueillir des informations auprès de l'inspection du travail, qu'il n'avait répondu que de façon très ponctuelle sur l'éventuel versement de primes au titre de la rémunération d'heures supplémentaires et n'avait pas donné d'indications chiffrées sur les heures supplémentaires alléguées par les salariés.

Le conseil, estimant détenir des éléments suffisants pour se déterminer sur l'existence d'heures supplémentaires, a rejeté la nouvelle demande d'expertise présentée par les deux parties et a :

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [G] à la date du jugement,

- condamné la SARL Dilmex à payer à M. [G] les sommes suivantes :

* 8.594,06 euros au titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires outre la somme de 859,40 euros au titre des congés payés afférents,

* 11.847,60 euros au titre du travail dissimulé,

* 5.673,84 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

* 12.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3.159,26 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 3.078,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 307,89 euros au titre des congés payés afférents,

* 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [G] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de la réglementation sur le temps de travail,

- débouté la SARL Dilmex de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL Dilmex aux dépens.

Par déclaration du 6 février 2020, la société Dilmex a relevé appel de cette décision.

La société Dilmex a assigné le salarié le 25 juin 2020 devant le premier président pour voir prononcer la suspension de l'exécution provisoire de la décision rendue le 14 janvier 2020 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux. Elle a été déboutée de sa demande par ordonnance de référé du 3 septembre 2020 et condamnée à payer au salarié la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Dans ses premières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats

le 6 mai 2020, la société Dilmex demande à la cour de la dire recevable et bien fondée en son appel, d'infirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [G] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la violation de l'obligation de sécurité de résultat et, statuant à nouveau et rejetant toutes conclusions contraires, de :

- débouter M. [G] de ses demandes au titre des heures supplémentaires,

- débouter M. [G] de sa demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

- débouter M. [G] de ses demandes au titre du travail dissimulé,

- débouter M. [G] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ainsi que des demandes indemnitaires afférentes,

- condamner M. [G] aux dépens et à lui verser une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement (sic).

La société Dilmex a adressé des nouvelles écritures le 6 décembre 2022 à 14h55, soit l'avant-veille de la date fixée pour la clôture prévue le 8 décembre 2022, dans lesquelles elle demande en outre à la cour de ramener les demandes formulées au titre des heures supplémentaires par M. [G] à de plus justes proportions, dans la limite de 251,04 euros au titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires outre 25,104 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférent.

Son argumentaire a été modifié, se fondant sur des nouvelles pièces communiquées le même jour :

20. Procédure de licenciement pour inaptitude,

21. Documents de fin de contrat,

22. Explications relatives à la lecture des relevés chronotachygraphes,

23. Relevés chronotachygraphes de M. [G],

24. Décompte du temps de travail à partir des données figurant sur les relevés chronotachygraphes,

25. Tableaux chiffrés reprenant les heures supplémentaires du salarié telles qu'elles apparaissent sur les relevés chronotachygraphes,

26. Bulletins de salaire de M. [G] au titre de l'année 2020-2021,

27. Preuve des versements intervenus au titre de l'exécution provisoire,

28. Carte représentant le lieu de travail de M. [G] par rapport à son domicile personnel.

Par conclusions adressées le 7 décembre 2022 à 19h36, la société a sollicité le report de l'ordonnance de clôture au jour des plaidoiries.

Dans ses premières conclusions adressées le 3 août 2020, M. [G] demande à la cour de :

- le dire recevable et bien fondé en ses demandes,

- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que ses demandes de rappels de salaire étaient bien fondées, en conséquence, faire droit aux demandes de rappel d'heures supplémentaires et congés payés afférents et aux demandes au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

- à titre subsidiaire, désigner un nouvel expert aux fins de poursuite des opérations d'expertise judiciaire, enfermées dans un délai de trois mois,

- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que le délit de travail dissimulé était caractérisé et condamner en conséquence la société Dilmex à lui verser, à titre principal, la somme de 14.185,21 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles L. 8221-5 alinéa 2 et suivants du code du travail, et à titre subsidiaire, la somme de 11.665 euros,

- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré qu'il y avait lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, en conséquence, faire droit aux demandes suivantes :

* 5.910,50 euros au titre de l'indemnité de licenciement à titre principal et, subsidiairement, 4.860,40 euros,

* 3.078,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 307,89 euros pour les congés payés y afférents,

* 25.000 euros sur le fondement de l'article L. 1235-1 du code du travail,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il relève les manquements graves de la société Dilmex en termes d'obligation de sécurité,

- statuant à nouveau, dire fondée la demande indemnitaire formulée à ce titre, en conséquence, condamner l'appelante à lui verser la somme de 18.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la réglementation sur le temps de travail,

- condamner l'appelante à lui verser la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

De nouvelles écritures de M. [G] ont été adressées au greffe le 7 décembre 2022 : ses prétentions sont identiques mais il demande à la cour de déclarer irrecevables les pièces et conclusions communiquées le 6 décembre 2022 par la société appelante.

Il a communiqué lui-même une nouvelle pièce consistant en un arrêt de la Cour de cassation concernant un autre salarié (M. [N]) rendu le 19 mai 2021 et une lettre officielle du 29 novembre 2021 (pièce p).

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 décembre 2022 par le conseiller de la mise en état au motif notamment de l'ancienneté de la procédure ayant permis aux parties de disposer du temps nécessaire aux échanges.

Le conseil du salarié a adressé de nouvelles écritures au fond le 13 décembre 2022 ainsi que des conclusions de procédure dans lesquelles il est demandé à la cour de :

« déclarer irrecevables les pièces et conclusions communiquées depuis le 5 décembre 2022 par la société Dilmex,

- subsidiairement, d'ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture au jour des présentes ».

A l'audience, la cour, après s'être retirée pour en délibérer, a ordonné la jonction au fond des incidents de procédure, révocation de l'ordonnance de clôture et irrecevabilité des conclusions et pièces communiquées tardivement.

Il a été précisé par les parties que M. [G] a été licencié pour inaptitude médicalement constatée à son poste et impossibilité de reclassement par lettre du 26 février 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

Il n'est justifié ni même allégué d'aucune cause grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture au sens de l'article 803 du code de procédure civile dans une procédure engagée depuis le 18 juin 2013 et dans laquelle l'appel à l'encontre de la décision de première instance a été relevé le 6 février 2020 soit il y a près de trois ans.

La demande de révocation de l'ordonnance de clôture est par conséquent rejetée.

Sur la demande d'irrecevabilité des conclusions et rejet de pièces complémentaires

Aux termes des dispositions de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

En l'espèce, la procédure a été engagée le 3 février 2013 et l'appel a été formé le 6 février 2020.

Les parties disposaient donc d'un temps largement suffisant pour se communiquer leurs écritures, moyens et pièces.

L'envoi par la société appelante, deux jours avant la date fixée pour la clôture annoncée deux mois auparavant, de nouvelles écritures et de pièces supplémentaires qu'elle détenait depuis plusieurs mois, constitue un manquement au principe du contradictoire et de la loyauté des débats et ne permettait pas à l'intimé de répondre en temps utile, soit en réalité dans les 48 heures.

Les dernières conclusions et les nouvelles pièces communiquées par la société seront donc déclarées irrecevables et par suite, les conclusions au fond en réponse du salarié ainsi que sa pièce p le seront également.

La cour se référera en conséquence aux premières écritures et pièces communiquées le 6 mai 2020 par la société appelante et le 3 août 2020 par le salarié intimé pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties.

Sur les demandes au titre des dépassements de la durée du travail

M. [G] sollicite la confirmation du jugement qui lui a alloué la somme de 8.594,06 euros à titre de rappel de salaire outre celle de 859,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente.

Pour voir infirmer le jugement déféré, la société fait valoir l'imprécision des éléments soumis par le salarié et invoque les éléments suivants :

- le conseil de prud'hommes s'est fondé exclusivement sur un tableau récapitulatif de données établi par le salarié à l'aide des fiches de présence mensuelles d'un autre salarié de l'entreprise, M. [M] ;

- ce raisonnement par référence ne saurait prospérer, la conduite de poids lourds n'étant pas une activité par équipe ; chaque salarié dispose d'horaires qui lui sont propres et travaille en parfaite autonomie ;

- le conseil de prud'hommes a ignoré les relevés chronotachygraphes fournis dans le cadre de l'expertise, seul élément permettant de déterminer précisément la durée hebdomadaire de travail du salarié et n'a donc pas tenu compte des temps de trajet du salarié pour se rendre sur son lieu de travail, qui ne constitue pas un temps de travail effectif ;

- si les relevés chronotachygraphes ne prennent pas en compte les périodes de congés, il est aisé de corriger ces données en ajoutant 35 heures hebdomadaires aux durées de congés apparaissant non travaillées sur ces relevés.

M. [G] invoque les éléments suivants :

- l'inspectrice du travail a constaté, concernant la période contrôlée (février-mars 2013), de nombreuses heures supplémentaires réalisées non rémunérées ;

- il convient de comparer la durée de travail figurant sur les bulletins de salaire à celle portée sur les récapitulatifs mensuels d'activité ;

- la société a toujours considéré certaines tâches réalisées par les salariés, à sa demande, comme ne constituant pas du travail effectif (nettoyage des véhicules, plein d'essence, rédaction des rapports d'activité, déplacement du siège vers le chantier, déplacement du dépôt au siège') : les salariés ont alerté la direction, en vain et pour l'inspectrice du travail, il s'agit bien de tâches constitutives d'un travail effectif ;

- l'expert ne s'est pas rapproché de l'inspection du travail alors que sa mission le prévoyait ;

- l'expert n'a pas constaté d'embauche à partir du domicile pour M. [G] ;

- M. [G] a demandé la communication des récapitulatifs mentionnant les heures d'embauche et de fin de journée, demandes restées vaines ;

- il précise que ces récapitulatifs mensuels, instaurés par l'employeur mais non produits, étaient remplis par les salariés, sur la base des rapports journaliers, également établis par eux ;

- les bulletins de salaire mentionnent chaque mois 20 heures supplémentaires ;

- or, au cours de l'expertise, l'employeur a fini par communiquer des relevés de carte conducteur de M. [G] sur lesquels la durée de travail fluctue beaucoup plus que ce qu'indiquent les bulletins de salaire ;

- il n'y a pas de preuve de prétendues pauses café d'une heure le matin ;

- les arguments présentés par l'appelante, et pour lesquels l'inspection de travail a déjà indiqué qu'ils étaient inopérants, ne pourront donc qu'être écartés ;

- en pièce 6, M. [G] produit un tableau récapitulatif des données figurant sur les relevés mensuels d'activité ;

- l'employeur refusant de produire les relevés d'activité de chaque salarié, M. [G] expose avoir été contraint, pour les périodes où il n'a pas pu récupérer ses fiches mensuelles, de se référer à celles de M. [M], soutenant que les horaires des salariés de cette petite équipe étaient très sensiblement les mêmes (départ du lieu siège vers le chantier - chargements/ déchargements - retour du chantier vers le siège).

Selon ce décompte, il aurait dû percevoir la somme de 14.233,67 euros mais n'a perçu que 5.639,61 euros sur les périodes concernées. Il lui reste donc dû la somme de 8.594,06 euros à titre de rappel de salaire outre 859,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente.

***

Aux termes des articles L. 3171-2 alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés et, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments.

Dans son courrier du 13 août 2013, l'inspection du travail n'a pas relevé de dépassements de la durée du travail pour M. [G] dont la situation n'a manifestement pas été examinée.

La demande en paiement de M. [G] repose sur un décompte hebdomadaire produit en pièce 6 portant sur la période du 8 août 2011 au 12 juillet 2013.

Ce décompte a été établi au seul vu des fiches de présence d'un autre salarié, M. [M], qui ne sont pas produites dans le litige opposant M. [G] à la société.

M. [G] pourrait être fondé à revendiquer les horaires d'un collègue accomplissant les mêmes missions dès lors qu'il se heurterait au refus de l'employeur de lui adresser ses relevés d'activité.

Mais la cour relève que dans le dossier qui lui a été remis par le conseil de M. [G], des relevés d'heures mensuelles de celui-ci ainsi qu'une partie des relevés chronotachygraphes pour les exercices 2011 et 2012 sont produits et que, pour l'année 2013, sont versés aux débats les relevés chronotachygraphes du véhicule que M. [G] conduisait.

Il peut être relevé qu'il n'y a pas de concordance entre le volume horaire hebdomadaire figurant dans le décompte invoqué et ces pièces.

Contrairement à ce qu'il soutient, M. [G] disposait donc des documents nécessaires à l'établissement d'un décompte précis des heures supplémentaires qu'il avait personnellement accomplies.

Le 'simple copier-coller' qu'il a réalisé du décompte de son collègue, en y enlevant certes les périodes de congés dont il a bénéficié, ne peut être considéré comme constituant un élément suffisamment précis permettant à l'employeur de répondre mais aussi à la cour de vérifier la pertinence des sommes dont le paiement est sollicité.

Par ailleurs, les mesures d'instruction ne pouvant avoir ni pour objet ni pour effet de pallier la carence des parties dans l'administration de la charge de la preuve qui leur incombe, M. [G] sera débouté de sa demande d'expertise présentée à titre subsidiaire.

L'ensemble de ses prétentions au titre des dépassements de la durée légale du travail seront donc rejetées.

Sur la rupture du contrat de travail

M. [G] sollicite la résiliation judiciaire de son contrat qui a pris fin à la suite de son inaptitude médicale qui a entraîné son licenciement le 26 février 2021.

Lorsqu'un salarié sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Les manquements allégués par M. [G] reposant sur les dépassements de la durée légale de travail qui n'ont pas été retenus par la cour, la demande de résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur et les demandes subséquentes seront rejetées.

Par ailleurs, le licenciement prononcé par la société Dilmex ne fait pas l'objet de critiques du salarié.

Sur les autres demandes

M. [G], qui succombe à l'instance, sera condamné aux dépens ainsi qu'à payer à la société Dilmex la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,

Déclare irrecevables les conclusions au fond et pièces communiquées par les parties à compter du 5 décembre 2022,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [X] [G] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour violation de la réglementation sur le temps de travail,

Statuant à nouveau,

Déboute M. [X] [G] de l'ensemble de ses prétentions,

Rappelle que la présente décision emporte obligation pour M. [X] [G] de restituer les sommes versées au titre de l'exécution des condamnations prononcées en première instance assorties de l'exécution provisoire de plein droit,

Condamne M. [X] [G] aux dépens ainsi qu'à payer à la SARL Dilmex la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/00626
Date de la décision : 29/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-29;20.00626 ?
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