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29/03/2023 | FRANCE | N°19/06806

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 29 mars 2023, 19/06806


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 29 MARS 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 19/06806 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LMGC















Maître [K] [L], ès qualités de mandataire liquidateur de la SA Multitec



c/



Monsieur [O] [C]



UNEDIC Délégation AGS-C.G.E.A. DE [Localité 7]

















Natur

e de la décision : AU FOND





















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 novembre 2019 (R.G. n°F 17/00121) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 29 MARS 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 19/06806 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LMGC

Maître [K] [L], ès qualités de mandataire liquidateur de la SA Multitec

c/

Monsieur [O] [C]

UNEDIC Délégation AGS-C.G.E.A. DE [Localité 7]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 novembre 2019 (R.G. n°F 17/00121) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 26 décembre 2019,

APPELANT :

Maître [K] [L], ès qualités de mandataire liquidateur de la SA Multitec, demeurant [Adresse 3]

N° SIRET : 433 033 008

représenté par Me Jérôme DELAS de la SELARL ATELIER AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, Me Ingrid BARBE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉS :

Monsieur [O] [C]

né le 11 Mars 1969 à [Localité 5] de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Aurélie NOEL, avocat au barreau de BORDEAUX

UNEDIC Délégation AGS-CGEA de [Localité 7], prise en la personne de son Directeur domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

représentée par Me Philippe DUPRAT de la SCP DAGG, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 février 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [O] [C], né en 1969, a été engagé en qualité d'ingénieur d'affaires / chef de service génie climatique par la SA Multitec, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er décembre 2008.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des cadres du bâtiment.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [C] s'élevait à la somme de 5.000 euros.

Par lettre datée du 22 mars 2011, M. [C] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable fixé au 6 avril 2011.

M. [C] a ensuite été licencié pour faute lourde par lettre datée du 11 avril 2011.

A la date du licenciement, M. [C] avait une ancienneté de deux ans et quatre mois.

Dans le courant de l'année 2011, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux.

Le 31 août 2011, la société Multitec a porté plainte à l'encontre de M. [C] notamment des chefs d'abus de confiance, d'escroquerie, de faux et d'usage de faux ainsi que de délit de marchandage.

Le conseil de prud'hommes de Bordeaux a procédé au retrait du rôle de l'affaire le 4 avril 2012.

Le 14 septembre 2012, cette plainte a été classée sans suite.

Le 1er juin 2012, le fonds de commerce de l'agence de [Localité 5] de la société Multitec a été cédé à la société Coretec.

M. [C] a demandé la réinscription de l'affaire en 2013.

La société Coretec « venant aux droits » de la société Multitec a été attraite à la procédure, et ce par suite de l'acquisition du fonds de commerce effective le 31 mai 2012, soit plus d'un an après la rupture querellée du contrat.

Par lettre du 19 février 2013, M. [C] s'est donc désisté de son instance dirigée à l'encontre de la société Coretec, placée en liquidation, puisque celle-ci n'a jamais été son employeur et qu'elle ne pouvait pas venir aux droits de la société appelante du seul fait de l'acquisition du fonds.

Par décision du 10 avril 2013, le conseil de prud'hommes de Bordeaux a ordonné le retrait du rôle de cette affaire au visa de l'article 382 du code de procédure civile.

Le 1er mars 2013, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier pour contester le bienfondé de son licenciement, à l'encontre de la société Multitec.

Par jugement du 23 juin 2014, le conseil de prud'hommes de Montpellier a soulevé l'exception de litispendance compte tenu du simple retrait du rôle de la première instance introduite devant le conseil de prud'hommes de Bordeaux.

Par arrêt du 26 octobre 2016, la cour d'appel de Montpellier a accueilli l'exception de litispendance et a ordonné le dessaisissement du conseil de prud'hommes de Montpellier au profit de celui de Bordeaux et a condamné M. [C] à régler à Maître [L] ès qualité la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Parallèlement et par jugement en date du 25 mars 2013, la société Multitec a été admise au bénéfice d'une procédure de sauvegarde, convertie le 17 mai 2013 en liquidation judiciaire, Maître [L] ayant été nommé en qualité de mandataire liquidateur.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat et une somme au titre des congés payés BTP, M. [C] a saisi le 16 janvier 2017 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 27 novembre 2019, a :

- dit que la péremption de l'instance n'est pas acquise,

- dit que le licenciement de M. [C] est sans cause réelle et sérieuse,

- fixé les créances de M. [C] au passif de la liquidation judiciaire de la société Multitec aux sommes suivantes :

* 15.000 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1.500 euros brut d'indemmité de congés payés y afférent,

* 3.630 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 35.000 euros de dommages et intérêts en application de l'article L.1235-3 du code du travail,

* 3.500 euros brut au titre du salaire dû pendant la mise à pied et 350 euros brut d'indemnité de congés payés y afférent,

* 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que ces sommes portent intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- rejeté les demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et d'indemnités de congés payés 2010 et 2011,

- condamné Me [L], en qualité de liquidateur de la société Multitec, aux dépens,

- déclaré le jugement opposable à l'AGS - CGEA de [Localité 7] dans les limites légales de sa garantie prévues à l'article L.3253-17 du code du travail,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 26 décembre 2019, Maître [K] [L] ès qualité de mandataire liquidateur de la SA Multitec a relevé appel de cette décision, notifiée le 28 novembre 2019.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 11 janvier 2023, Me [L] demande à la cour de :

In limine litis,

- constater la péremption de l'instance pendante devant le conseil de prud'hommes de Bordeaux et infirmer le jugement rendu le 27 novembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux,

Au fond,

- dire que le licenciement disciplinaire dont M. [C] a fait l'objet est légitime,

En conséquence,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé les créances de M. [C] au passif de la liquidation judiciaire de la société Multitec au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, et des congés payés y afférent, au titre de l'indemnité de licenciement, au titre des dommages et intérêts en application de l'article L.1235-3 du code du travail, au titre du salaire dû pendant la mise à pied et des congés payés y afférent, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer ledit jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et d'indemnité de congés payés 2010 et 2011,

- débouter M. [C] de l'ensemble de ses prétentions comme injustes et non fondées,

En tout état de cause,

- condamner M. [C] à verser entre les mains de Maître [K] [L] ès qualités de liquidateur de la SA Multitec une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 9 janvier 2023, M. [C] demande à la cour de':

In limine litis,

- confirmer le jugement de départage en ce qu'il a constaté l'absence de péremption de l'instance pendante devant le conseil de prud'hommes de Bordeaux ;

Au fond,

- confirmer le jugement de départage en ce qu'il a considéré le licenciement pour faute lourde dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a fixé les créances de M. [C] au passif de la liquidation judiciaire de la société Multitec au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés sur préavis, au titre de l'indemnité de licenciement, au titre du salaire dû pendant la mise à pied et des congés payés y afférents et au titre de l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- réformer le jugement de départage en ce qu'il a fixé les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 35.000 euros et en augmenter le quantum à 120.000 euros et le réformer en ce qu'il a débouté M. [C] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et fixer la créance à 30.000 euros sur ce fondement,

En tout état de cause,

- assortir la décision de l'intérêt au taux l'égal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- fixer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la liquidation de la société Multitec,

- débouter Maître [L], ès-qualités de mandataire liquidateur, de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'employeur aux dépens d'instance.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 6 mai 2020 le CGEA de [Localité 7] demande à la cour de':

Sur l'appel principal,

- donner acte a au C.G.E.A. de [Localité 7] de ce qu'il se réfère aux arguments et conclusions de Maître [L], ès qualité de mandataire liquidateur de la SA Multitec, appelant,

- débouter en conséquence M. [C] de l'ensemble de ses prétentions,

Subsidiairement et sur l'appel incident de M. [C],

- réformer le jugement de départage du 27 novembre 2019, sauf en ce qu'il a débouté M. [C] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale,

En cas d'absence de faute lourde et grave :

- fixer la créance de M. [C] au passif de la société Multitec pour les sommes suivantes :

* 3.238,39 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire, déduction faite des indemnités journalières de la sécurité sociale,

* 323,83 euros à titre de congés payés sur mise à pied,

* 13.250,07 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, déduction faite des indemnités journalières de la sécurité sociale,

* 1.325 euros à titre de congés payés sur préavis,

* 3.630 euros à titre d'indemnité de licenciement,

En cas d'absence de cause réelle et sérieuse :

- fixer la créance de M. [C] au passif de la société Multitec dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 30.000 euros, au visa de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version en vigueur en 2011,

- débouter M. [C] du surplus de ses demandes,

- débouter, en toute hypothèse, M. [C] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, faute d'établir le comportement fautif de l'employeur et/ou de justifier d'un préjudice subséquent,

Sur la garantie de l'A.G.S.,

- déclarer l'arrêt opposable à l'A.G.S. - C.G.E.A. de [Localité 7] dans la limite légale de sa garantie laquelle :

* est plafonnée, toutes créances brutes avancées, à six fois le plafond des contributions à l'assurance-chômage applicable en 2011,

* exclut l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 janvier 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 28 février 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La péremption d'instance

Me [L], es qualité de liquidateur de la société Multitec, fait valoir que l'instance est périmée dès lors que M. [C] n'a réalisé ses premières diligences dans la présente instance introduite en 2011 que le 29 mars 2017, que cinq années se sont écoulées depuis le retrait du rôle du 2 avril 2012 et quatre années depuis l'extinction de l'instance introduite contre la société Coretec. Il ajoute que M. [C] devait déposer des conclusions avant les 1er mars et 28 mars 2012.

L'Unedic délégation AGS CGEA de[Localité 7] fait sien le moyen soulevé par Me [L].

M. [C] répond que les instances engagées devant les conseils des prud'hommes de Bordeaux et de Montpellier concernent le même litige, les mêmes parties et le même licenciement et que la péremption n'est pas acquise.

Aux termes de l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

Aux termes de l'article R.1452-8 du code du travail alors applicable, en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.

Les deux bulletins de renvoi émanant du greffe du conseil des prud'hommes de Bordeaux en date des 7 décembre 2011 et 7 mars 2012 fixant au 1er mars 2012 puis au 28 mars 2012 les dates de communication de pièces et conclusions par M. [C] ne constituent pas les diligences mises à la charge de ce dernier par la juridiction au sens de l'article R.21452-8 du code du travail alors applicable.

Les décisions de retrait du rôle ne mentionnent pas de diligences à effectuer de sorte que le délai de péremption n'a pas commencé à courir.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit l'instance non périmée.

Le licenciement

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

"Nous avons relevé d'importantes fautes de gestion de vos affaires dont les conséquences majeures sont des pertes financières à hauteur de 600 K€, comme le démontrent les analyses comptables. L'ensemble de ces pertes a été mis en avant lors du point de gestion du mois de février 2011 et confirmé le 05 avril 2011.

Ces fautes qui dénotent l'intention de causer un préjudice sont de plusieurs ordres :

- Du mensonge, puisque vous annoncez au point de gestion de février 2011, 306.394 euros de travaux supplémentaires fantaisistes sur différentes affaires. Votre mail du 28 janvier 2011 adressé au Président Directeur Général vient confirmer l'engagement que vous aviez pris, sur des travaux supplémentaires qui n'ont pas été contractualisés. C'est une situation qui n'est pas nouvelle puisque régulièrement vous annoncez des travaux supplémentaires qui restent du domaine de l'imaginaire. Vous étiez responsable des agences du Sud-Ouest, ce qui justifie que nous devions accorder du crédit à vos allégations, dans la gestion financière prévisionnelle. En vous engageant sur ces prévisions, vous aviez totalement conscience de la nuisance que la non-réalisation de ces travaux, et la dégradation des marges, aurait sur la survie des agences qui dépendait de votre gestion.

- Des manoeuvres frauduleuses : que nous soupçonnions et qui se sont confirmées par mail du 25 mars 2011, où Monsieur [I] (chef des ventes bâtiment [W] [X]), nous fait part de votre intervention en compagnie de Monsieur [P] [Z]. Vous avez alors sollicité un dessous de table en liquide à des fins personnelles et avez mis un terme à la relation commerciale avec ce fournisseur suite à son refus. Cette attitude est indigne du poste que vous occupiez et de l'image que vous avez donnée de MULTITEC.

- Des erreurs de management avec un « turn-over » chez les CADRES qui dénotent de votre incompétence à bâtir une équipe structurée. En 2010, quatre cadres ont fait l'objet d'une rupture de contrat à votre initiative : M. [Y] ; M. [U] ; M. [J] ; M. [G] et en 2011, M. [P], générant des contentieux. Le secrétariat ne se stabilise pas, il y a des démissions, des intérimaires qui se succèdent et le recrutement de Mme [B] [T] [A] (votre ex-épouse), à l'insu de M. [M], dont l'incompétence a participé à une facturation totalement irrationnelle et qui a elle aussi fait l'objet d'un licenciement."

a - le mensonge

M. [C] aurait annoncé au point de gestion de février 2011, 306 394 euros des travaux supplémentaires fantaisistes sur différentes affaires et confirmé par mail du 28 janvier 2011 à M. [M] l'engagement qu'il aurait pris sur des travaux supplémentaires non contractualisés.

M. [C] fait valoir que les seuls travaux supplémentaires non validés concernent le seul client Nexity pour le ' Village de Bacalan' , ceux- ci étant en cours de validation à la date de sa mise à pied.

Me [L] renvoie à sa pièce 20 et fait valoir que l'intention de nuire du salarié est établie.

La pièce 20 de l'appelant est un message électronique daté du 28 janvier 2011 de M.[C] à M. [M] ; in fine, ce message comporte les mentions suivantes :

' E- Facturation agence 33

[F] [E] et la secrétaire de l'Agence 33 sont sur le point de terminer la facturation sauf que je vais facturer les éléments en plus lundi car je suis en attente des 233 000, 00 des travaux supplémentaire et modification acquéreur de Nexity ainsi que des factures de petits travaux de Promobat. Je tiens au courant [F] [E] dès lundi prochain'.

La pièce 18 de l'appelant est intitulée ' point de gestion au 3 /8/10, au 31/10/10 et au 31/12/10 ' et porte la mention manuscrite ' point de gestion février 2011"

indiquant un montant total de 306 394,00 euros.

L'appelant n'établit pas que la validation des travaux supplémentaires du client Nexity ou d'un autre devait être obtenue avant la mise à pied de M.[C]. Il n'apporte aucune précision de sorte que le mensonge allégué n'est pas établi.

Ce grief ne peut être retenu.

b- les manoeuvres frauduleuses

M. [C] aurait sollicité, avec M. [P], un dessous de table en liquide à des fins personnelles et aurait mis un terme à la relation commerciale avec la société [W] [X] suite à son refus.

La partie appelante se réfère à cinq documents :

- la pièce 23 : est un email daté du 25 mars 2011 aux termes duquel M. [I] de la société M. [W] [X] informe M. [D] de la société Multitec de ce que M.[C] et M. [P] lui' ont demandé ouvertement de leur donner en liquide des dessous de table à des fins personnelles' . Le rédacteur aurait refusé ces pratiques et ' à partir de ce jour là ' n'a plus eu de commandes de M. [P].

- les pièces 28 et 30 : la première est un mail daté du 27 octobre 2010 de M. [R] de l'entreprise du même nom qui informe M. [S] de la société Multitec de ce qu'alors qu'il réclamait le paiement d'une facture de 760,00 euros, M.[C] a refusé de la valider et lui a transmis un message par personne interposée ' pas de commande = pas de paiement'.

La seconde pièce est une lettre datée du 31 mars 2011 émanant de M. [V] de la société 3D TP qui informe M. [D] de la société Multitec de ce qu'en août 2010, le rédacteur a demandé le règlement d'une facture à la comptable qui a opposé que le bon de commande ne correspondait pas à la facture. Après discussion, ils ont réalisé que ce bon avait été falsifié par M.[C] ( montant corrigé à 12 000 euros).

- les pièces 27 et 21 : la première concerne un mail de la société ECBR à la société Multitec daté du 21 avril 2011 aux termes duquel la première demande paiement de deux factures. Ce message a été transféré le lendemain en interne à messieurs [M] et [H] de la société Multitec avec l'ajout suivant : ' comme tu l'as certainement soupçonné , cette situation est suspecte. N'hésitons pas à refuser de payer si un accord illicite a été passé entre [C] et cette société, il est très possible que nous ayons déjà payé ces prestations qui n'existent pas'.

La seconde pièce est un mail daté du 15 décembre 2010 de M. [C] à [F] [E] et M. [M] aux termes duquel le premier demande à Mme [E] de prendre attache avec M. [P] qui doit lui remettre des documents au sujet de plusieurs dossiers ; M. [C] dit s'occuper personnellement d'un dossier.

M.[C] répond, s'agissant de cette dernière pièce, que cela concerne le marché d'éclairage public à [Localité 6] et que le PDG souhaitait avant tout trouver un dépôt, celui de [Localité 4] ayant été trouvé, et embaucher un responsable; il ajoute que M. [U] embauché à cet effet n'avait jamais budgétisé les travaux et qu'il n'en était pas responsable, que compte- tenu de ce blocage, il a été contraint de bloquer la procédure pour rester fidèle aux engagements initiaux, que la cette pièce opportune datée du 31 mars 2011 qui porte sur des faits de janvier à août 2010 est ' conforme à la pratique décrite par M. [D] responsable d'agence de novembre 2009 à mai 2012 (validation de facture contre une attestation ou un courrier). M.[C] ajoute encore que l'appelant ne répond pas et que la plainte de la société Multitec a été classée sans suite.

La décision de classement sans suite de la plainte déposée par la société Multitec est indifférente dès lors qu'il ne s'agit pas d'une décision définitive.

Mais M. [C] verse :

- une attestation ( pièce 33) de M. [D], responsable d'agence de novembre 2009 à mai 2012 et qui indique que le remplaçant de M. [C] est venu à l'agence de [Localité 5] et a rencontré M. [I] ( société [W] [X]) afin de lui valider un paiement en litige en échange d'une attestation contre M.[C] ; le successeur de M.[C] aurait aussi convoqué les fournisseurs, les sous- traitants et les sociétés d'intérim pour leur demander des attestations non fondées contre l'intégrité de M.[C].

-de nombreuses attestations aux termes desquels des clients ou anciens salariés attestent de l'intégrité de M. [C] et de la volonté des dirigeants de la société de le rendre responsable de la mauvaise situation économique de celle - ci. L'un des rédacteurs fait état de ce que des dirigeants demandaient aux employés des attestations pour détruire l'image de M.[C].

L'appelant n'apporte aucun démenti à ces assertions et aux explications données par M. [C] et ne verse aucun élément corroborant la falsification du bon de commande évoqué en pièce 3 de l'appelant.

Ces manoeuvres malhonnêtes ne sont pas établies et ne peuvent fonder le licenciement.

c- les erreurs de management

L'incompétence managériale de M. [C] aurait été à l'origine du départ de plusieurs cadres de l'entreprise, qui aurait généré des contentieux, et l'épouse de M. [C], recrutée à l'insu de M. [M], était incompétente et a participé à une facturation irrationnelle.

Les conclusions de l'appelant ne comportent aucune précision.

M. [C] fait état de ce qu'il a créé la région Sud Ouest de la société avec un réseau de quatre agences et développé plus de 45 millions d'euros de prise de commandes en moins de 18 mois. Aucun élément n'établit pas la réalité de ce grief.

Le licenciement de M. [C] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Les demandes pécuniaires

La cour constate que M. [C] ne formule pas de demande relative aux indemnités de congés payés des années 2010 et 2011.

M. [C] fait valoir que son arrêt de travail pour maladie ne le prive pas de son droit à percevoir l' indemnité compensatrice de préavis conventionnelle et le salaire de la période de mise à pied. Il demande l'application des dispositions de la convention collective applicable.

Il fait état de ce que son licenciement a généré des difficultés financières qui ont abouti à la saisie d'une partie de ses indemnités de chômage. Il dit avoir racheté une entreprise de génie thermique en octobre 2012 .

Me [L] oppose que M. [C] était placé en arrêt de travail pour maladie depuis sa convocation à l' entretien préalable et qu'en tout état de cause, il aurait dû être licencié dans le cadre de la liquidation judiciaire ordonnée le 17 mai 2013.

M.[C] avait le statut cadre et en application de la convention collective :

- l'indemnité de licenciement est due à hauteur de 3/10eme de mois de salaire par année d' ancienneté soit, pour un salaire mensuel de 5 000 euros , la somme de 3 630 euros ;

- l' indemnité compensatrice de préavis est due à hauteur de trois mois de salaire soit la somme de 15 000 euros majorée des congés payés afférents (1 500 euros). L'arrêt de travail du salarié pendant la période de préavis ne le prive pas de son droit à paiement dès lors que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le salaire de la période de mise à pied est aussi dû à hauteur de 3 500 euros et congés payés afférents (350 euros).

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

M. [C] avait une ancienneté de deux ans et quatre mois ; il verse une attestation de paiement du Pôle Emploi indiquant des retenues effectuées au bénéfice du Trésor Public. Il a acquis une entreprise en décembre 2011.

Considération prise de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé la créance de M.[C] à hauteur de 35 000 euros.

L'exécution déloyale du contrat de travail

Il a été retenu que la société avait dénigré le travail et gravement remis en cause la probité de M. [C] auprès de clients de la société et autres partenaires.

Ces comportements contreviennent à l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail prévue par l' article L.1222-1 du code du travail et ont causé le préjudice résultant d'accusations non fondées et malveillantes.

M. [C] a subi un préjudice qui sera réparé par l'octroi de dommages et intérêts à hauteur de 3 000 euros.

Les sommes ne porteront intérêts que jusqu'à la date d'ouverture de la procédure collective.

Vu l'équité, la créance de M.[C] sera fixée à hauteur de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la procédure d'appel.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

L'AGS CGEA apportera sa garantie dans les limites légales prévues au code du travail.

PAR CES MOTIFS

la cour,

Constate que M.[C] ne demande pas la fixation d'une créance au titre des indemnités de congés payés,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [C] de sa demande relative à l'exécution déloyale du contrat de travail et assorti les sommes d'intérêts de retard à compter du jugement;

statuant à nouveau,

Dit que la société n'a pas exécuté le contrat de travail de bonne foi;

Fixe la créance de M.[C] au passif de la liquidation judiciaire de la société à la somme de 3 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Dit que les intérêts de retard ne sont pas dus à compter de l'ouverture de la procédure collective,

Dit que l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 7] apportera sa garantie dans les limites fixées par l'article L.3253-17 du code du travail.

Fixe la créance de M. [C] au passif de la liquidation judiciaire à hauteur de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la procédure d'appel.

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/06806
Date de la décision : 29/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-29;19.06806 ?
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