COUR D'APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 28 MARS 2023
BV
N° RG 20/02439 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LTKR
OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX - ONIAM
c/
[U] [H]
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE
IRCEM PREVOYANCE
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 08 juin 2020 par le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 19/03823) suivant déclaration d'appel du 15 juillet 2020
APPELANT :
OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX - ONIAM, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 7]
représenté par Maître Claire LE BARAZER de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître DAGOURET substituant Maître Pierre RAVAUT de la SELARL BIROT-RAVAUT ET ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de BORDEAUX
INTIMÉES :
[U] [H]
née le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 5]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 4]
représentée par Maître Pierre-Marie PIGEANNE de la SELARL PIGEANNE PANIGHEL & LAPALUS-DIGNAC, avocat au barreau de BORDEAUX
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 6]
non représentée, assignée à personne habilitée
IRCEM PREVOYANCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 3]
non représentée, assignée à personne habilitée
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 février 2023 en audience publique, devant la cour composée de :
Roland POTEE, président,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Emmanuel BREARD, conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Véronique SAIGE
En présence de Bertrand MAUMONT, magistrat détaché en stage à la cour d'appel de Bordeaux
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Mme [U] [H], née le [Date naissance 1] 1951, qui présentait un prolapsus et une récidive d'incontinence urinaire à l'effort, a été opérée à la Polyclinique Bordeaux Nord le 11 janvier 2013, d'une promontofixation du vagin et pose d'une bandelette sous urétrale.
Dans les suites de cette opération, il a été constaté l'apparition de douleurs pelviennes et une incontinence urinaire diurne et nocturne qui ont justifié une nouvelle opération le 27 février 2013 pour ablation de la bandelette. Au cours de cette intervention, une plaie de l'urètre est survenue.
Après cicatrisation, il a été décidé de l'implantation d'un neurostimulateur qui a été mis en place le 11 septembre 2013.
Devant la persistance des incontinences, la bandelette sous urétrale a été réimplantée le 6 novembre 2013. Vingt jours plus tard, le chirurgien a constaté l'échec de cette technique, la bandelette étant exposée à raison de l'érosion du vagin par la prothèse.
Le 24 janvier 2014, il a été procédé à l'ablation du matériel prothétique par coelioscopie. Dans les suites de l'intervention, Mme [H] a présenté un abcès de la paroi dans la fosse iliaque gauche et des symptômes infectieux. Le germe Fusabacterium nucleatum a été identifié en avril 2014.
Le 27 juillet 2014, le neurostimulateur a été enlevé. Le 28 août 2014, une coelioscopie et une laparotomie ont été réalisées en raison d'une ostéite du sacrum et d'un abcès pré-sacré compliqué d'un épanchement pleural. Une antibiothérapie a été instaurée et maintenue jusqu'en septembre 2014.
Faisant valoir qu'elle conservait de lourdes séquelles de cette prise en charge médicale, sans lien avec les suites normales d'un prolapsus s'agissant de l'apparition d'une incontinence rectale et d'une dyspareunie et de l'aggravation de l'incontinence urinaire, Mme [H] a saisi la Commission de Conciliation et d'Indemnisation (CCI).
La commission a désigné le docteur [E] et le professeur [G], qui ont déposé leur rapport le 7 juin 2017, concluant à un aléa thérapeutique et une infection nosocomiale.
S'estimant insuffisamment informée, la commission a désigné le docteur [C] et le docteur [X] pour procéder à une nouvelle expertise.
Dans son avis du 23 mai 2018, la CCI a retenu à l'origine du dommage un accident médical non fautif et des conséquences infectieuses et a invité l'ONIAM à adresser à Mme [H] une offre d'indemnisation.
L'ONIAM a présenté une offre à hauteur de 25 497,50 € qui a été refusée par Mme [H].
C'est dans ces conditions qu'elle a, par acte délivré les 8 et 10 avril 2019, fait assigner l'ONIAM, la CPAM de la Gironde et l'IRCEM Prévoyance devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de voir condamner l'ONIAM à l'indemniser de ses préjudices.
Par jugement du 8 juin 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- dit que le droit à indemnisation de Mme [U] [H] au titre de la solidarité nationale est entier,
- fixé le préjudice subi par Mme [U] [H] à la somme totale de 297.276,24 € suivant le détail suivant :
- dépenses de santé actuelles DSA : 33.338,62 €
- frais divers FD : 30.049,15 €
- perte de gains actuels PGPA : 36.638,55 €
- dépenses de santé futures DSF : 10.367,08 €
- tierce personne TP : 49.707,84 €
- incidence professionnelle IP : 3.000 €
- déficit fonctionnel temporaire : 12.175 €
- déficit fonctionnel permanent : 80.000 €
- souffrances endurées : 30.000 €
- préjudice esthétique temporaire PET : 1.000 €
- préjudice esthétique permanent PEP : 4.000 €
- préjudice sexuel : 7.000 €
- condamné l'ONIAM à payer à Mme [U] [H] la somme de 227.299,07 € au titre de l'indemnisation de son préjudice corporel, après déduction de la créance des tiers payeurs, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- déclaré le jugement commun à la CPAM de la Gironde et à l'IRCEM Prévoyance,
- condamné l'ONIAM à payer à Mme [U] [H] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'ONlAM aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision à concurrence de la moitié des condamnations prononcées et pour le tout s'agissant des frais irrépétibles et des dépens.
Pour statuer ainsi, le tribunal a constaté que l'incontinence urinaire de Mme [H] préexistait à l'intervention du 11 janvier 2013 et qu'il n'était pas établi qu'elle ait évolué depuis celle-ci de façon anormale. En revanche, il a considéré que la dyskinésie anale et la dyspareunie étaient imputables à cette intervention et constituaient un accident médical non-fautif indemnisable au titre de la solidarité nationale.
L'ONIAM a relevé appel de ce jugement par déclaration du 15 juillet 2020.
Par conclusions déposées le 3 février 2023, l'ONIAM demande la cour de :
- le juger recevable et bien fondé en son appel,
- déclarer Mme [H] mal fondée en son appel incident et l'en débouter,
- réformer le jugement rendu le 8 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'il a :
* dit que le droit à indemnisation de Mme [U] [H] au titre de la solidarité nationale est entier ;
* fixé le préjudice subi par Mme [U] [H] à la somme totale de 297.276,24 € suivant le détail suivant :
- dépenses de santé actuelles DSA : 33.338,62 €
- frais divers FD : 30.049,15 €
- perte de gains actuels PGPA : 36.638,55 €
- dépenses de santé futures DSF : 10.367,08 €
- tierce personne TP : 49.707,84 €
- incidence professionnelle IP : 3.000 €
- déficit fonctionnel temporaire : 12.175 €
- déficit fonctionnel permanent : 80.000 €
- souffrances endurées : 30.000 €
- préjudice esthétique temporaire PET : 1.000 €
- préjudice esthétique permanent PEP : 4.000 €
- préjudice sexuel : 7.000 €
* condamné l'ONIAM à payer à Mme [U] [H] la somme de 227.299,07 € au titre de l'indemnisation de son préjudice corporel, après déduction de la créance des tiers payeurs, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
* condamné l'ONIAM à payer à Mme [U] [H] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamné l'ONIAM aux dépens ;
* ordonné l'exécution provisoire de la présente décision à concurrence de la moitié des condamnations prononcées et pour le tout s'agissant des frais irrépétibles et des dépens.
Et statuant à nouveau :
A TITRE PRINCIPAL :
- juger que les conditions pour une indemnisation de Mme [H] au titre de la solidarité nationale sur le fondement de l'article L.1142-1 II du code de la santé publique ne sont pas réunies.
- juger que les conditions d'une indemnisation de Mme [H] au titre de la solidarité nationale sur le fondement de l'article L.1142-1-1 du code de la santé publique ne sont pas réunies.
- prononcer la mise hors de cause de l'ONIAM et débouter Mme [H] de ses demandes,
- statuer ce que de droit sur les dépens,
A TITRE SUBSIDIAIRE :
- juger que le montant de l'indemnisation accordée à Mme [H] se fera, déduction faite des indemnités de toutes natures versées par les organismes sociaux et tous tiers débiteurs,
- juger que l'ONIAM ne remboursera pas aux tiers payeurs les indemnités de toutes natures versées à Mme [H],
- confirmer le jugement rendu le 8 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'il a débouté l'IRCEM Prévoyance de ses demandes dirigées à l'encontre de l'ONIAM,
- débouter Mme [H] de ses demandes au titre :
* des dépenses de santé actuelles
* des frais de communication de dossier médical,
* des frais de déplacement,
* des pertes de gains professionnels actuels,
* des pertes de gains professionnels futurs,
* de l'incidence professionnelle,
* des frais d'assistance par tierce personne permanente,
* du préjudice esthétique temporaire.
- débouter Mme [H] de sa demande au titre des frais d'assistance par tierce personne temporaire.
* à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où Mme [H] n'aurait perçu aucune somme au titre de ce poste de préjudice par tout tiers débiteur, limiter l'indemnisation de ce poste de préjudice à la somme de 25.268,58 €,
- réduire à de plus justes proportions l'indemnisation sollicitée par Mme [H] au titre des autres postes de préjudices dans les limites suivantes :
* 700,00 € au titre des honoraires de médecin-conseil
* 37,83 € au titre des dépenses de santé futures
* 7.297,50 € au titre du déficit fonctionnel temporaire
* 11.600,00 € au titre des souffrances endurées
* 45.722,00 € au titre du déficit fonctionnel permanent
* 1.600,00 € au titre du préjudice esthétique permanent
* 5.000,00 € au titre du préjudice sexuel,
- débouter Mme [H] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Par conclusions déposées le 6 février 2023, Mme [H] demande à la cour de :
- déclarer que Mme [U] [H] a été victime d'un accident médical non fautif indemnisable par la solidarité nationale sur le fondement de l'article L 1142-1 II du Code de la santé publique,
- en conséquence, rejeter l'appel principal formé par l'ONIAM,
- confirmer le jugement du 8 juin 2020 en ce qu'il a dit que le droit à indemnisation de Mme [U] [H] au titre de la solidarité nationale était entier,
- confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à Mme [U] [H] les sommes suivantes :
- Frais divers : 30 049,15 Euros
- Déficit fonctionnel temporaire : 12 175 Euros
- Déficit fonctionnel permanent : 80 000 Euros
- Souffrances endurées : 30 000 Euros
- Préjudice esthétique temporaire : 1 000 Euros
- Préjudice esthétique permanent : 4 000 Euros
- Préjudice sexuel : 7 000 Euros
- déclarer que l'article 565 du code de procédure civile permet à Mme [H] de majorer en cause d'appel le quantum de sa demande au titre des dépenses de santé, de l'aide humaine, et de l'incidence professionnelle, cette prétention poursuivant la même fin que celles présentées devant le tribunal,
- infirmer le jugement dont appel s'agissant des dépenses de santé à charge, de l'aide humaine et de l'incidence professionnelle,
Et statuant à nouveau,
- condamner l'ONIAM à verser à Mme [H] les sommes suivantes :
- Dépenses de santé passées et futures : 12 637,34 Euros
- Tierce-personne permanente : 106 469,75 €uros
- Incidence professionnelle : 35 707 Euros
- condamner l'ONIAM à verser à Mme [H] la somme de 4 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
- condamner l'ONIAM à payer les intérêts légaux sur le montant des condamnations à compter de la date d'assignation.
La CPAM de la Gironde et la mutuelle IRCEM Prévoyance n'ont pas constitué avocat. Elles ont été régulièrement assignées.
L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 21 février 2023. L'instruction a été clôturée par ordonnance du 7 février 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale
L'article L.1142-1 du code de la santé publique dispose :
'I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.
II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.
Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret.'
La réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, nécessite ainsi la réunion des conditions cumulatives suivantes :
- l'absence de responsabilité du professionnel ou de l'établissement de santé dans la survenance l'accident médical ;
- l'imputabilité directe des préjudices à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins ;
- que les préjudices aient eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci ;
- qu'ils revêtent un certain caractère de gravité, fixé par décret.
L'article D.1142-1 du même code, dans sa version applicable au litige, précise que : 'Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %.
Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %.
A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu :
1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ;
2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence.'
En l'espèce, l'ONIAM estime que les conditions pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies en ce que :
- les troubles urinaires ne sont pas constitutifs d'un accident médical mais résultent d'un échec thérapeutique (absence d'amélioration de la symptomatologie initiale), le risque d'échec de la promontofixation étant de l'ordre de 10%.
- la dyskinésie anale et la dyspareunie ne sont apparues qu'un an et demi après l'intervention du 11 janvier 2013 alors que par ailleurs, les antécédents médicaux de l'intimée (multiples interventions préalables au niveau du pelvis, surpoids) exposent particulièrement cette dernière à la survenue de tels troubles, de sorte qu'il n'est nullement établi que ceux-ci soient imputables de manière directe et certaine à l'intervention du 11 janvier 2023 ni qu'il existe des présomptions graves, précises et concordantes pour retenir ce lien.
- en tout état de cause, la dyskinésie anale et la dyspareunie ne constituent pas des dommages anormaux au regard, d'une part, de l'état de santé initial de Mme [H] et de l'évolution prévisible de celui-ci en l'absence de prise en charge médicale et, d'autre part, de la fréquence du dommage qui s'est réalisé.
- enfin, les infections nosocomiales contractées par Mme [H] n'ouvrent pas droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale, le déficit fonctionnel permanent strictement imputable à celles-ci n'étant pas supérieur à 25%.
Si Mme [H] admet que l'incontinence urinaire, bien que majorée par l'intervention, peut être imputable à son état antérieur, elle soutient en revanche, sur la base du rapport des docteurs [G] et [E] et du rapport des docteurs [C] et [X], que la dyskinésie rectale et la dyspareunie constituent des complications nouvelles des suites de l'acte médical. Elle ajoute que le dommage est anormal en ce que l'acte de soins a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles la patiente était exposée de manière suffisamment probable en l'absence de traitement et que le taux de survenance d'un cumul de complications relève d'une rareté exceptionnelle. Elle estime en outre remplir les conditions de gravité du dommage au vu du taux de 40% d'AIPP retenu par les experts. Enfin, elle soutient que les infections nosocomiales sont indemnisables au titre de la solidarité nationale puisque son taux de DFP est supérieur à 25%.
Le débat porte donc sur l'imputabilité des préjudices à l'opération litigieuse ainsi que sur l'anormalité et la gravité du dommage. A défaut, il conviendra d'examiner la question des infections nosocomiales.
1. Sur l'imputabilité du dommage à l'acte de soins
Il est rappelé que Mme [H] présentait un prolapsus et une récidive d'incontinence urinaire à l'effort quand elle a été opérée par le docteur [R] le 11 janvier 2013, l'opération ayant consisté en une promontofixation du vagin et en la pose d'une bandelette sous urétrale.
Selon le rapport d'expertise déposé par les docteurs [C] et [X], Mme [H] a présenté :
- d'une part, un dommage fonctionnel : incontinence urinaire et anale de matières, dyskinésie rectale, dyspareunie
- d'autre part, un dommage infectieux : abcès de paroi, abcès chronique pré sacré sur le trajet opératoire, pneumonie nosocomiale au décours d'exploration.
Il n'est pas réellement discuté que l'incontinence urinaire présentée par Mme [H] résulte d'un échec thérapeutique, l'intervention n'ayant pas permis de faire disparaître ce trouble préexistant et rien ne démontrant qu'il ait évolué de façon anormale au regard de l'état de santé de la victime et de l'évolution prévisible de celui-ci. Les experts ne retiennent d'ailleurs, au titre de l'accident médical non fautif, que les dommages fonctionnels relatifs à l'incontinence anale, la dyskinésie rectale et la dyspareunie.
S'agissant de ces derniers troubles, il est constant qu'ils n'existaient pas avant l'intervention du 11 janvier 2013. Les experts [C] et [X] estiment qu'ils sont directement imputables à celle-ci et constituent un accident médical non fautif.
L'ONIAM fait valoir que les experts n'explicitent pas le mécanisme de survenue du dommage et souligne que les troubles du transit présentés par Mme [H] ne se sont pas manifestés immédiatement au décours de l'intervention mais seulement un an et demi plus tard. Il sera toutefois observé que, dans le rapport d'expertise, page 16, il est indiqué, lors de la consultation le 3 mars 2015 avec le docteur [N], que 'depuis deux ans environ, le transit est ralenti avec une selle hebdomadaire. Elle a des difficultés d'exonération significative (...)'. Contrairement à ce que soutient l'appelante, la constipation sévère présentée par Mme [H], qui selon les experts [E] et [G], est 'la conséquence exclusive de la promontofixation', est donc apparue en mars 2013, soit très peu de temps après l'opération litigieuse. Quant aux douleurs ressenties lors des rapports sexuels, si Mme [H] n'évoque celles-ci qu'à l'occasion d'un examen médical du 2 octobre 2014, cela ne signifie pas pour autant que lesdites douleurs ne sont apparues qu'à cette date, étant rappelé qu'entre l'intervention du 11 janvier 2013 et octobre 2014, elle a subi de multipes interventions chirurgicales et consultations médico-chirurgicales.
En outre, si les experts ont mentionné que Mme [H] 'était tout particulièrement exposée aux risques compte tenu de ses complications, de surpoids et des interventions préalables au niveau du pelvis', ils n'en ont pas conclu, comme le prétend à tort l'ONIAM, que la dyskinésie anale et la dyspareunie s'inscrivaient dans l'évolution de la pathologie puisqu'ils ont au contraire indiqué qu'il s'agissait d'évènements nouveaux qui ne pré-existaient pas à l'intervention et que 'sans l'intervention, l'évolution classique était seulement une aggravation progressive du prolapsus avec une gêne plus importante.'
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il est suffisamment rapporté la preuve d'un lien de causalité entre d'une part, les dommages fonctionnels liés à l'incontinence anale, dyskinésie rectale et dyspareunie et d'autre part, l'intervention du 11 janvier 2013, pratiquée au sein de la polyclinique Bordeaux Nord.
2. Sur le caractère anormal et le niveau de gravité du dommage
La condition d'anormalité du dommage prévue par les dispositions légales précitées doit être regardée comme remplie quand l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient aurait été exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Dans le cas contraire, les conséquences de l'acte médical ne peuvent être considérées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible.
L'anormalité résulte donc :
- soit de la gravité du dommage subi par le patient en comparaison des perspectives qui auraient été les siennes s'il n'avait subi aucun acte médical,
- soit de la faible probabilité de survenance du dommage.
En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise que l'acte de soins a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles la patiente était exposée de manière suffisamment probable en l'absence de traitement compte tenu de 'l'atteinte neurologique du sphincter anal avec une dyskinésie anale', les experts indiquant que 'les conséquences sont plus graves car il y a eu plusieurs complications infectieuses (abcès de paroi et spondylodiscite) et également des complications fonctionnelles (dyskinésie anale et dyspareunie).'Au surplus, comme le souligne justement l'intimée, la probabilité de survenance conjointe des complications d'érosion vaginale (dont le taux de survenance après promontofixation est de 3%), de dyskinésie anale (dont le taux de survenance est qualifié d'exceptionnel par l'expert) et de dyspareunie (dont le taux de survenance est de 7,8%), apparaît très faible. Il s'ensuit que le critère d'anormalité du dommage est rempli.
En outre, en application des dispositions de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique, le critère de gravité du dommage exigé pour ouvrir droit à une réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale doit être en l'espèce reconnu dès lors que le déficit fonctionnel permanent imputable a été évalué à 40% au titre de l'incontinence rectale et de la dyspareunie.
En conséquence de l'ensemble de ces éléments, les conditions ouvrant droit à la réparation des préjudices de la patiente au titre de la solidarité nationale étant réunies, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que l'ONIAM sera tenu de réparer les conséquences dommageables subies par Mme [H], résultant de l'accident médical non fautif imputable à l'intervention du 11 janvier 2013.
Sur la réparation des préjudices de Mme [H]
Les experts ont, en substance, conclu comme suit :
- date de consolidation : 16 juillet 2015
- différentes périodes de DFTT et de DFTP
- souffrances endurées : 5/7 en raison de 5 interventions chirurgicales, de multiples consultations médico-chirurgicales, une pneumonie liée au soins, un abcès de paroi, un abcès présacré avec douleurs et une antibiothérapie prolongée
- préjudice esthétique temporaire : 2/7 au regard des cicatrices abdominales
- assistance tierce personne : aide-ménagère à domicile, uniquement pour une durée de 20 heures, de septembre à octobre 2014, après son intervention pour abcès pré sacré et ostéite sacrée. Durant les périodes à 50%, l'aide peut être estimée à deux heures par jour
- dépenses de santé futures : achat de garnitures
- DFP associant une incontinence urinaire (10%), rectale (30%) et une dyspareunie (10%), soit 50% dont 20% en rapport avec l'état antérieur et l'évolution prévisible de celui-ci
- préjudice esthétique permanent : 2/7
- préjudice d'agrément : Mme [H] n'avait aucune activité sportive ou de loisir avant les faits
- préjudice sexuel : Mme [H] apporte clairement des douleurs lors des rapports, avec une dyspareunie qui n'existait pas avant les faits.
I- Préjudices patrimoniaux
A- Préjudices patrimoniaux temporaires :
1- Dépenses de santé actuelles :
Ces dépenses correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation pris en charge par les organismes sociaux ou restés à la charge effective de la victime.
Sur ce point, les débats d'appel et les pièces produites devant la cour ne permettent pas de remettre en cause l'exacte analyse du premier juge qui a considéré, à bon droit, que faute de justificatifs, Mme [H] devait être déboutée de sa demande portant sur les dépenses de santé actuelles restées à sa charge.
2- Frais divers restés à la charge de la victime :
Ce sont les frais autres que les frais médicaux restés à la charge de la victime. Ils sont fixés en fonction des justificatifs produits sauf pour la tierce personne.
* Honoraires du médecin conseil :
Ils sont une conséquence de l'accident. La victime a droit au cours de l'expertise à l'assistance d'un médecin dont les honoraires doivent être intégralement remboursés sur production de la note d'honoraires, sauf abus.
En l'espèce, les débats d'appel et les pièces soumises à la cour n'apportent aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'exacte évaluation par les premiers juges de ce chef de préjudice à la somme de 2.160 euros compte tenu de la facture produite en ce sens.
* Frais de déplacement
Les débats d'appel et les pièces soumises à la cour n'apportent aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'exacte évaluation par les premiers juges de ce chef de préjudice à la somme de 254,85 euros.
* Frais de communication et de copie des dossiers médicaux
C'est par de justes motifs qu'il convient d'adopter que le tribunal a fait droit à la demande de 50,30 euros à ce titre.
* Assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante
Ces frais sont fixés en fonction des besoins de la victime au vu principalement du rapport d'expertise médicale. L'indemnisation de ce poste de préjudice n'est pas subordonnée à la production de justificatifs et n'est pas réduite en cas d'assistance bénévole par un membre de la famille.
En l'espèce, les experts ont retenu un besoin en tierce personne de 2 heures par jour pendant les périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel à 50%.
L'ONIAM s'oppose à la demande formée à ce titre au motif que Mme [H] ne justifie pas avoir perçu ou ne pas avoir perçu une aide au titre de la prestation de compensation du handicap ou de l'allocation personnalisée d'autonomie. A titre subsidiaire, elle propose une indemnisation sur la base de 861 jours au taux horaire de 13 euros sur 412 jours.
Mme [H] conclut à la confirmation du jugement qui a évalué ce préjudice à hauteur de 27.584 euros.
En premier lieu, la cour constate qu'il est produit en appel un courrier de la MDPH daté du 6 février 2023, attestant que Mme [H] n'est pas bénéficiaire de la PCH.
En second lieu, compte tenu des besoins de la victime, du type d'aide requis et de l'absence de justificatif quant au recours effectif à un prestataire de service payant, le tribunal a exactement retenu un taux horaire de 16 euros pour liquider ce chef de préjudice à la somme de 27.584 euros.
B- Préjudices patrimoniaux permanents :
1- Dépenses de santé futures :
Les débats d'appel et les pièces soumises à la cour n'apportent aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'exacte évaluation par les premiers juges de ce chef de préjudice à la somme de 10.367,08 euros.
2- Incidence professionnelle :
Ce poste de préjudice vise à indemniser, non la perte de revenus liée à l'invalidité consécutive à l'accident, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle, comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail et à l'augmentation de la pénibilité de l'emploi occupé imputable au dommage, ou encore le préjudice subi résultant de l'obligation d'abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une activité professionnelle imposée par la survenance d'une infirmité.
Mme [H] sollicite une indemnisation de 35.707 euros compte tenu de la pénibilité accrue de son emploi d'ASH qui implique une station debout prolongée et le port de charges lourdes. Elle soutient qu'elle n'a pu reprendre son travail qu'à mi-temps thérapeutique jusqu'au 27 décembre 2015 et qu'elle exerçait une activité complémentaire d'aide aux personnes âgées qu'elle a dû arrêter. Enfin, elle fait valoir que ses arrêts maladie ont nécessairement eu une incidence sur ses droits à la retraite.
L'ONIAM s'oppose à toute indemnisation à ce titre.
C'est par de justes motifs que la cour adopte que, considérant que Mme [H] née le [Date naissance 1] 1951, a atteint l'âge de 65 ans en 2016, que le montant de sa perte de droits à la retraite reste inconnu, aucune pièce justificative n'étant produite à ce titre, que la victime a toutefois subi une plus grande pénibilité au travail du fait de ses séquelles mais sur une période extrêmement courte de la date de consolidation à la date de départ supposée à la retraite en octobre 2016 selon les rapports d'expertise, le tribunal a justement évalué ce préjudice à la somme de 3.000 euros.
3- Assistance tierce personne permanente :
Ces dépenses sont liées à l'assistance permanente d'une tierce personne pour aider la victime handicapée à effectuer les démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne.
L'ONIAM reproche au tribunal d'avoir octroyé une indemnisation à ce titre alors que les experts ont considéré qu'après la consolidation, l'état de santé de la victime ne nécessitait pas l'assistance d'une tierce personne.
Mme [H] réclame quant à elle une indemnité de 106.469,75 euros à hauteur de 3 heures par semaine de façon viagère, sur la base de 59 semaines par an avec un taux horaire de 22 euros. Elle fait valoir que les séquelles conservées lui interdisent de porter des charges lourdes ainsi que tout déplacement prolongé, notamment en véhicule. Elle précise qu'elle a besoin d'aide pour ses courses alimentaires importantes (packs d'eau, de lait...), les déplacements prolongés hors de son domicile, les tâches ménagères physiques (vitres, sols...).
S'il est exact que les experts ont considéré comme sans objet la mission relative aux besoins en tierce personne permanente, Mme [H] produit aux débats de nombreuses attestations de ses proches qui démontrent qu'une aide régulière lui est apportée pour le ménage, les courses, les déplacements.
Au vu de la nature des séquelles subies par Mme [H] au titre de la dyskinésie anale qui l'exposent à un risque de fuites en cas d'efforts et de ports de chage, c'est à bon droit que le tribunal a admis un besoin en tierce personne à hauteur de 3 heures par semaine et appliqué un taux horaire de 16 euros s'agissant d'une aide non spécialisée, sur la base de 52 semaines. La dépense annuelle s'élève à la somme de 2.496 euros. Ce poste sera liquidé comme suit.
' Arrérages échus entre la consolidation et la présente décision :
401 semaines × 3 h/semaine × 16 €/h = 19.248 euros.
' Capitalisation viagère :
Le préjudice subi après la décision sera capitalisé à partir de l'euro de rente indiqué par le dernier barème publié le 31 octobre 2022 dans la Gazette du palais et fondé sur un taux d'intérêt de 0% pour une femme âgée de 72 ans :
2.496 € x 16,917 = 42.224,83 euros
En conséquence, il sera alloué la somme de 61.472,83 euros au titre de l'assistance tierce personne permanente, réformant le jugement sur ce point.
II- Préjudices extra-patrimoniaux
A - Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)
1- Déficit fonctionnel temporaire
Ce poste de préjudice inclut pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d'agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire. L'évaluation des troubles dans les conditions d'existence tient compte de la durée de l'incapacité temporaire, du taux de cette incapacité, des conditions plus ou moins pénibles de cette incapacité.
Ce chef de préjudice a été liquidé à 12.175 euros par le tribunal sur la base d'une indemnité de 25 euros par jour, que l'ONIAM souhaite ramener à 15 euros. Mme [H] conclut à la confirmation du jugement sur ce point.
La cour confirmera la juste appréciation qu'ont faite les premiers juges de ce préjudice.
2- Souffrances endurées
Ce poste de préjudice comprend les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, à sa dignité ou à son intimité, ainsi que des traitements, examens et interventions subis depuis l'accident jusqu'à la consolidation.
Les experts ont évalué les souffrances endurées à 5/7 en raison de 5 interventions chirurgicales, de multiples consultations médico-chirurgicales, une pneumonie liée aux soins, un abcès de la paroi, un abcès présacré avec douleurs, une antibiothérapie prolongée.
Sur la base de son propre référentiel, l'ONIAM propose une indemnisation de 11.600 euros. Mme [H] sollicite la confirmation du jugement qui lui a octroyé la somme de 30.000 euros à ce titre.
Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a réparé les souffrances endurées par l'allocation d'une indemnité de 30.000 euros.
3- Préjudice esthétique temporaire
Les experts ont évalué ce préjudice à 2/7 compte tenu de plusieurs cicatrices chirurgicales.
L'ONIAM s'oppose à toute indemnisation à ce titre. Mme [H] conclut à la confirmation sur ce point du jugement qui lui a alloué la somme de 1.000 euros de ce chef.
Le tribunal doit être approuvé lorsqu'il relève que contrairement à ce que soutient l'ONIAM, il découle nécessairement de l'existence de cicatrices permanentes une modification de l'apparence de la victime avant consolidation en raison des multiples interventions chirurgicales subies, justifiant une indemnité de 1.000 euros.
B- Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)
1- Déficit fonctionnel permanent
Ce poste de préjudice vise à indemniser la réduction définitive, après consolidation, du potentiel physique, psycho-sensoriel ou intellectuel de la victime résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-psychologique, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques liées a l'atteinte séquellaire décrite et notamment la douleur permanente qu'elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.
Sur la base de son référentiel, l'ONIAM propose d'indemniser ce préjudice à hauteur de 45.722 euros en retenant un DFP de 30% compte tenu de l'état antérieur de la victime. Il fait valoir que le tribunal ne pouvait retenir un DFP de 40% qui ne correspond pas aux conclusions des experts. Il ajoute que le taux de DFP comprend nécessairement les troubles dans les conditions d'existence et les douleurs morales.
Il a été vu ci-avant que les experts ont qualifié l'incontinence anale, la dyskinésie rectale et la dyspareunie d'évènements nouveaux ne pré-existant pas à l'intervention du 11 janvier 2013 et présentant un caractère anormal, constitutifs d'un accident médical non fautif.
Pourtant, dans l'évaluation du DFP imputable à l'accident médical, les experts ont conclu comme suit : 'le déficit fonctionnel permanent associe une incontinence urinaire (10%), rectale (30%) et une dyspareunie (10%). Nous évaluons le DFP à 50% dont 20% en rapport avec l'état antérieur et l'évolution prévisible de celui-ci'.
Comme le soutient justement Mme [H], c'est à tort qu'au regard de leurs développements précédents, les experts ont retranché la dyspareunie de l'évaluation du déficit fonctionnel permanent. Dans son avis du 23 mai 2018, la CCI a d'ailleurs indiqué qu'il convenait d'indemniser au titre de l'accident médical un DFP de 30% correspondant à l'incontinence rectale et un DFP de 10% au titre de la dyspareunie, soit un DFP total de 40%.
Au vu de ces éléments, le tribunal a pertinemment retenu un taux de DFP de 40%.
Le jugement doit également être approuvé en ce qu'il a majoré la valeur du point pour tenir compte des conséquences psychologiques des séquelles subies et de leur retentissement sur la vie quotidienne de Mme [H], les experts n'ayant pas tenu compte de ces éléments pour fixer le DFP.
Au regard de l'âge de Mme [H] (64 ans au jour de la consolidation), des souffrances subies, de l'atteinte à son intégrité physique et des troubles dans ses conditions de l'existence, le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il lui a alloué la somme de 80.000 euros en réparation du déficit fonctionnel permanent.
2- Préjudice esthétique permanent
Les experts ont évalué ce préjudice à 2/7 en raison des cicatrices abdominales. Sur la base de son propre référentiel, l'ONIAM propose la somme de 1.600 euros. Mme [H] demande la confirmation du jugement.
Les débats d'appel et les pièces soumises à la cour n'apportent aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'exacte évaluation par les premiers juges de ce chef de préjudice à la somme de 4.000 euros.
3- Préjudice sexuel
Ce préjudice recouvre trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : l'aspect morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels, le préjudice lié à l'activité sexuelle (atteinte à la libido, perte de capacité physique, frigidité) et le préjudice de procréation, lié à la fertilité.
En l'espèce, l'ONIAM propose une indemnisation de 5.000 euros. Mme [H] conclut à la confirmation du jugement sur ce point.
Compte tenu de la dyspareunie dont souffre Mme [H], constitutive d'un DFP de 10%, le tribunal a justement alloué une somme de 7.000 euros à ce titre.
***
Déduction faite de la créance des tiers payeurs poste par poste à hauteur de la somme non contestée de 69.977,17 euros, le solde dû à Mme [H] s'élève donc à la somme de 239.064,06 euros au paiement de laquelle sera condamné l'ONIAM.
Les sommes allouées à Mme [H] produiront intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus, conformément à l'article 1153 alinéa 2 devenu 1231-7 alinéa 2 du code civil qui précise que les intérêts moratoires courent sur les créances indemnitaires à compter du jour de la décision.
Sur les autres demandes
Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Sur ce fondement, l'ONIAM supportera la charge des dépens.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. A ce titre, l'ONIAM sera condamné à verser à Mme [H] la somme de 2.500 euros.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
- Infirme partiellement le jugement déféré en ce qu'il a fixé le préjudice lié à l'assistance tierce personne permanente à la somme de 49.707,84 euros et condamné l'ONIAM à payer à Mme [H] la somme de 227.299,07 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice corporel après déduction de la créance des tiers payeurs,
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,
- Fixe le préjudice subi par Mme [H] relatif à l'assistance tierce personne permanente à la somme de 61.472,83 euros,
- Condamne l'ONIAM à payer à Mme [H] la somme de 239.064,06 euros en réparation de son préjudice corporel, après imputation de la créance des tiers payeurs,
- Dit que ces indemnités porteront intérêts au taux légal à compter du jugement du 8 juin 2020 à concurrence des sommes allouées par celui-ci, et à compter du présent arrêt pour le surplus,
- Confirme le jugement déféré pour le surplus,
- Condamne l'ONIAM à payer à Mme [H] la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne l'ONIAM aux dépens d'appel,
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,