COUR D'APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 23 MARS 2023
N° RG 22/03976 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M3IC
Madame [Y] [M] épouse [L]
Madame [T] [M] épouse [W]
c/
Monsieur [N] [R]
Madame [K] [Z]
Madame [B] [X] veuve [M]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 03 mai 2022 (R.G. 22/00129) par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PERIGUEUX suivant déclaration d'appel du 25 mai 2022 et sur assignations à jour fixe délivrées les 26 et 28 juillet et 1er août 2022
APPELANTES :
[Y] [M] épouse [L]
née le 03 Mai 1970 à [Localité 27]
de nationalité Française
Profession : Directeurrice
demeurant [Adresse 14]
[T] [M] épouse [W]
née le 02 Avril 1975 à [Localité 27]
de nationalité Française
Profession : Commerçante,
demeurant [Adresse 21]
Représentées par Me Benoît BOUTHIER, avocat au barreau de BORDEAUX
et défenderesses à l'assignation à jour fixe
INTIMÉS :
[N] [R]
né le 03 Septembre 1991 à [Localité 32]
de nationalité Française
Profession : Maréchal-ferrant, demeurant [Adresse 31]
[K] [Z]
née le 16 Mars 1993 à [Localité 32]
de nationalité Française
Profession : Comptable, demeurant [Adresse 31]
Représentés par Me Charlène LEGER MAURY, avocat au barreau de PERIGUEUX
et demandeurs à l'assignation à jour fixe
[B] [X] veuve [M]
née le 01 Novembre 1959 à [Localité 32]
de nationalité Française
Profession : Infirmière,
demeurant [Adresse 29]
Représentée par Me Frédérique POHU PANIER, avocat au barreau de PERIGUEUX
et défenderesse à l'assignation à jour fixe
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 février 2023 en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Paule POIREL, Président,
Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,
Madame Christine DEFOY, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [K] [Z], cavalière, et M. [N] [R], maréchal ferrant, possèdent ensemble sept chevaux et ont eu pour projet commun d'acquérir le Haras de [Localité 30] à [Localité 28].
Suivant acte sous seing privé en date du 18 mai 2021, M. [P] [M], époux de Mme [B] [X], a signé un compromis de vente avec M. [R] et Mme [Z] portant sur la vente de cet ensemble immobilier, lequel comprend :
- Un bâtiment dit de la jumenterie composé :
- onze boxes,
- un petit manège,
- un appartement constituée d'une entrée, une chambre, un salon/salle à manger, une cuisine, une salle d'eau avec douche et WC,
- quatre appartements se composant d'une entrée, une chambre, une salle d'eau et WC,
- un bureau,
- des toilettes,
- une sellerie,
- une zone de stockage temporaire du fumier,
- un atelier,
- Un bâtiment à usage d'écuries comprenant :
-un hangar ouvert
- trois boxes en façade sud et en montant
- un ensemble de quatre boxes ouverts par un grand portail
- un local pour préparation des produits alimentaires chauffés - un boxe d'isolement,
- Un hangar,
- Des terres agricoles d'une superficie de 08 ha 18 a 70 ca avec une division cadastrale à effectuer,
Le tout pour le prix de 187 000 euros.
M. [M] est décédé le 10 juillet 2021 laissant pour lui succéder son épouse, Mme [B] [X] et ses deux filles nées d'une précédente union, Mme [Y] [L] et Mme [T] [W], nées [M].
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 décembre 2021, Mmes [L] et [W] ont notifié à M. [R] et à Mme [Z] leur refus de finaliser l'acte authentique découlant de l'acte sous seing privé, estimant le prix mentionné à l'acte nettement inférieur à la valeur réelle du bien.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3 janvier 2022, M. [R] et Mme [Z] ont mis en demeure les consorts [M] d'avoir à respecter les termes du compromis de vente et de procéder à la signature de l'acte de vente.
Par courrier en date du 10 janvier 2022, Mmes [L] et [W] ont réitéré leur refus de finaliser l'acte de vente.
La dernière tentative de M. [R] et de Mme [Z] étant demeurée vaine, ceux-ci ont été autorisés, par ordonnance sur requête du Président du tribunal judiciaire de Périgueux en date du 20 janvier 2022, à assigner à jour fixe, devant le tribunal judiciaire de Périgueux, Mme [Y] [L], Mme [T] [W] et Mme [B] [X] veuve [M], cette dernière uniquement afin de lui rendre opposable l'instance, étant précisé qu'elle ne s'oppose pas à la vente.
Puis, par exploits d'huissier en date des 21 et 24 janvier 2022, M. [R] et Mme [Z] ont fait assigner à jour fixe Mme [M] épouse [L], Mme [M] épouse [W] et Mme [X] veuve [M] devant le tribunal judiciaire de Périgueux, au visa de l'article 1583 du code civil, afin de voir ordonner la vente forcée de l'ensemble immobilier et, à défaut, de condamner les consorts [M] au paiement de dommages et intérêts.
Par jugement rendu le 3 mai 2022, le tribunal judiciaire de Périgueux, a :
- déclaré la demande de vente forcée présentée par Mme [K] [Z] et M. [N] [R] recevable comme n'ayant pas à être obligatoirement publiée au Service de la publicité foncière,
- débouté Mme [Y] [L] et Mme [T] [W] de leur demande de sursis à statuer,
- débouté Mme [Y] [L] et Mme [T] [W] de leur demande tendant au renvoi de l'affaire pour permettre aux demandeurs de justifier de la mainlevée amiable ou judiciaire des hypothèques inscrites sur l'immeuble,
- déclaré les demandes d'expertises présentées par Mme [Y] [L] et Mme [T] [W] recevables,
- débouté Mme [Y] [L] et Mme [T] [W] de leurs demandes tendant à déclarer irrecevables les attestations de M. [G], de Mme [V] et de M. et Mme [I],
- débouté Mme [Y] [L] et Mme [T] [W] de leur demande d'expertise portant sur la nullité de la vente,
- débouté Mme [Y] [L] et Mme [T] [W] de leur demande tendant au prononcé de la nullité de la vente pour abus d'un état de dépendance fondée sur l'article 1143 du code civil,
- déclaré irrecevable l'action en rescision pour lésion initiée par Mme [Y] [L] et Mme [T] [W],
- ordonné la vente forcée de l'ensemble immobilier sis à [Localité 28] lieudit [Localité 30] et cadastre section [Cadastre 26], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 19], [Cadastre 7], [Cadastre 22], [Cadastre 13], [Cadastre 24], [Cadastre 25], [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 12], [Cadastre 4], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 11],[Cadastre 6], au prix de 187 000 euros, ayant fait l'objet d'un compromis de vente sous seing privé en date du 18 mai 2021, entre M. [P] [M] d'une part, M. [N] [R] et Mme [K] [Z] d'autre part,
En conséquence et à cet effet,
- renvoyé les parties devant le notaire en charge de la vente, afin de recevoir l'acte réitéré et procéder à l'ensemble des formalités et publicités requises,
- débouté Mme [Y] [L] et Mme [T] [W] de leur demande en paiement de dommages et intérêts,
- débouté Mme [K] [Z] et M. [N] [R] de leur demande en paiement de dommages et intérêts,
- débouté les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [Y] [L] et Mme [T] [W] aux dépens de l'instance,
- dit n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire du jugement ;
Par déclaration électronique en date du 25 mai 2022, enregistrée sous le n° RG 22/03976, Mmes [Y] [L] et [T] [W] nées [M] ont relevé appel de cette décision en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a débouté Mme [K] [Z] et M. [N] [R] de leur demande en paiement de dommages et intérêts.
Par requête enregistrée au greffe de la cour le 3 juin 2022, M. [R] et Mme [Z] ont demandé à être autorisés à assigner Mmes [L] et [W] ainsi que Mme [X] veuve [M], à jour fixe, devant la cour d'appel de Bordeaux (procédure n° RG 22/02527) .
Par ordonnance rendue le 22 juin 2022, le premier président de la cour d'appel de Bordeaux a fait droit à la demande et fixé l'audience des plaidoiries au 7 février 2023 à 14 heures.
Par exploit d'huissier en date du 1er août 2022, remis au greffe le 12 août 2022, M. [R] et Mme [Z] ont fait assigner les consorts [M] et Mme [X] veuve [M] devant la Cour d'appel de Bordeaux à la date du 7 février 2023 à 14 heures.
Par avis en état du 12 septembre 2022, la procédure n°RG 22/02527 a été jointe à la procédure RG 22/03976.
Par conclusions d'incident, Mme [W] et Mme [L] ont demandé au conseiller de la mise en état, sur le fondement des articles 787 et suivants, 792 et suivants, l 128 et suivants, l l43 et suivants et 1674 et suivants du code civil ainsi que de l'article 122 du code de procédure civile de :
A titre principal,
- juger qu'elles n'ont pas qualité à agir en défense,
- juger que Mme [Z] et M. [R] ne justifient pas de la publication de l'acte introductif d'instance aux services de la publicité foncière,
- les déclarer, en conséquence, irrecevables en leurs demandes,
A titre subsidiaire,
- désigner, conformément aux dispositions de l'article 1678 du code civil, trois experts qu'il plaira et leur confier mission de déterminer la valeur exacte des biens objets du compromis de vente en date du 18 mai 2021 entre M. [M] d'une part, M. [R] et Mme [Z] d'autre part,
A titre encore plus subsidiaire,
- ordonner un sursis à statuer dans l'attente de la purge du délai prévu par l'article 792 du code civil,
En tout état de cause,
- condamner Mme [Z] et M. [R] au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Par ordonnance rendue le 25 janvier 2023, le conseiller de la mise en état s'est déclaré incompétent pour connaître du présent incident, a renvoyé l'incident au fond et réservé au fond les dépens de l'incident et demandes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Mesdames [Y] [M] épouse [L] et [T] [M] épouse [W] , dans leurs dernières conclusions d'appelantes en date du 26 janvier 2023, demandent à la cour, au visa des 787 et suivants, 1128 et suivants, 1143 et suivants, 1674 et suivants articles du code civil et 122 et 700 du code de procédure civile, de :
- dire recevables et bien fondées Madame [T] [W] et [Y] [L] en leur appel.
En conséquence
Réformer la décision dont appel.
Statuant à nouveau :
A titre principal :
- juger que Madame [T] [W] et Madame [Y] [L] n'ont pas qualité à agir en défense.
- juger que Madame [K] [Z] et Monsieur [N] [R] ne justifient pas de la publication de l'acte introductif d'instance aux services de la publicité foncière.
- déclarer, en conséquence, irrecevables Madame [K] [Z] et Monsieur [N] [R] en leurs demandes.
A titre subsidiaire :
- juger que Madame [T] [W] et Madame [Y] [L] ne pouvaient être attraites en justice à compter de la publication de leur acceptation à concurrence de l'actif net et pendant le délai prévu à l'article 792 du code civil.
- juger, en conséquence, qu'il y a lieu de surseoir à statuer et ce jusqu'à l'écoulement du délai prévu par l'article 792 du code civil.
A titre plus subsidiaire :
- juger que le consentement de Monsieur [P] [M] était vicié au sens des dispositions des articles 1128 et suivants et 1143 et suivants du code civil.
- annuler le compromis de vente en date du 18 mai 2021 entre Monsieur [P] [M] d'une part, Monsieur [N] [R] et Madame [K] [Z] d'autre part.
A titre encore plus subsidiaire :
- juger que les conditions de la vente telles que fixées par le compromis signé le 18 mai 2021 entre Monsieur [P] [M] d'une part, Monsieur [N] [R] et Madame [K] [Z] d'autre part, sont lésionnaires au sens des dispositions de l'article 1674 du code civil.
- annuler le compromis de vente en date du 18 mai 2021 entre Monsieur [P] [M] d'une part, Monsieur [N] [R] et Madame [K] [Z] d'autre part.
A titre infiniment subsidiaire avant dire droit
- désigner, conformément aux dispositions de l'article 1678 du code civil, trois experts qu'il plaira et leur confier mission de déterminer la valeur exacte des biens objets du compromis de vente en date du 18 mai 2021 entre Monsieur [P] [M] d'une part, Monsieur [N] [R] et Madame [K] [Z] d'autre part.
- désigner tel expert médical qu'il plaira et lui confier pour mission de déterminer si Monsieur [P] [M] était dans un état de dépendance le 18 mai 2021 en l'autorisant à se faire communiquer tous les éléments du dossier médical de ce dernier.
- juger que les frais d'expertises seront partagés par moitié entre les Madame [T] [W] et Madame [Y] [L] d'une part, Madame [K] [Z] et Monsieur [N] [R] d'autre part.
- renvoyer à telle date qu'il plaira les parties devant le juge de la mise en état ou le tribunal pour qu'il statue après dépôt du ou des rapports d'expertises.
En tout état de cause,
- condamner Madame [K] [Z] et Monsieur [N] [R] au paiement d'une somme de 3.000 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
M. [R] et Mme [Z], dans leurs dernières conclusions d'intimés en date du 3 février 2023 comportant appel incident sur la numérotation des terres faisant l'objet de la vente forcée et le débouté de leurs demandes indemnitaires, demandent à la cour, au visa des articles du 1583 code civil 123 du code de procédure civile et 37 du décret du 04 janvier 1955, de :
Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Périgueux en ce qu'il a :
- déclaré la demande de vente forcée présentée par Madame [Z] et Monsieur [R] recevable comme n'ayant pas à être obligatoirement publiée au Service de la publicité foncière
- débouté Madame [L] et Madame [W] de leur demande de sursis à statuer
- débouté Madame [L] et Madame [W] de leur demande tendant au renvoi de l'affaire pour permettre aux demandeurs de justifier de la mainlevée amiable ou judiciaire des hypothèques inscrites sur l'immeuble
- débouté Madame [L] et Madame [W] de leurs demandes tendant à déclarer irrecevables les attestations de Monsieur [G], Madame [V] et de Monsieur et Madame [I].
- débouté Madame [L] et Madame [W] de leurs demandes d'expertises portant sur la nullité de la vente
- débouté de leur demande tendant au prononcé de la nullité de la vente pour abus d'un état de dépendance fondée sur l'article 1143 du code civil
- déclaré irrecevable l'action en rescision pour lésion initiée par Madame [L] et Madame [W]
- renvoyé les parties devant le notaire en charge de la vente, afin de recevoir l'acte réitéré et procéder à l'ensemble des formalités et publicités requises
- débouté Madame [L] et Madame [W] de leur demande en paiement de dommages et intérêts
- condamné Madame [L] et Madame [W] aux dépens de l'instance
- dit n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire
En conséquence, débouter Mesdames [L] et [W] de leurs demandes plus amples et contraires
- déclarer la demande de Madame [Z] et Monsieur [R] recevable,
- débouter Madame [L] et Madame [W] de leur demande de renvoi à la mise en état
Sur l'appel incident :
Réformer le jugement du tribunal judiciaire de Périgueux en ce qu'il a :
- ordonné la vente forcée de l'ensemble immobilier sis à [Localité 28] lieu dit [Localité 30] et cadastrée section [Cadastre 26], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 19], [Cadastre 7], [Cadastre 22], [Cadastre 13], [Cadastre 24], [Cadastre 25], [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 12], [Cadastre 4], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 9] [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 6] au prix de 187.000 euros, ayant fait l'objet d'un compromis de vente sous seing privé en date du 18 mai 2021, entre Monsieur [P] [M] d'une part, Monsieur [N] [R] et Madame [K] [Z] d'autre part
- débouté Madame [K] [Z] et Monsieur [N] [R] de leur demande en paiement de dommages et intérêts
- débouté Madame [K] [Z] et Monsieur [N] [R] de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Statuant à nouveau :
- ordonner la vente forcée de l'ensemble immobilier sis à [Localité 28] lieu dit [Localité 30] et cadastrée section [Cadastre 26], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 17] devenue [Cadastre 9], [Cadastre 18] devenue [Cadastre 10], [Cadastre 19], [Cadastre 20] devenue [Cadastre 7], [Cadastre 22], [Cadastre 23] devenue [Cadastre 13], [Cadastre 24], [Cadastre 25], [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] devenue [Cadastre 12], [Cadastre 4], [Cadastre 5] devenue [Cadastre 8] et [Cadastre 6], au prix de 187.000 euros, ayant fait l'objet d'un compromis de vente sous seing privé en date du 18 mai 2021, entre Monsieur [P] [M] d'une part, Monsieur [N] [R] et Madame [K] [Z] d'autre part
- condamner solidairement Madame [Y] [L] et Madame [T] [W] à payer à Madame [K] [Z] et Monsieur [N] [R] la somme de 10.000 euros au titre des dommages et intérêts pour réticence abusive
- condamner Madame [Y] [L] et Madame [T] [W] à payer à Mme [Z] et M. [R] une somme de 52 190,58 euros au titre du surcoût du prêt bancaire,
- condamner solidairement Madame [Y] [L] et Madame [T] [W] à payer à Madame [K] [Z] et Monsieur [N] [R] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
En tout état de cause :
- condamner solidairement Madame [Y] [L] et Madame [T] [W] à payer à Madame [K] [Z] et Monsieur [N] [R] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 123 du code de procédure civile
- condamner solidairement Madame [Y] [L] et Madame [T] [W] à payer à Madame [K] [Z] et Monsieur [N] [R] la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner solidairement Madame [Y] [L] et Madame [T] [W] à supporter l'intégralité des dépens comprenant le coût de signification du jugement intervenu, le timbre fiscal et les frais à intervenir
- débouter les consorts [M] de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civiles et relatives aux dépens.
Mme [B] [X] veuve [M], dans ses dernières conclusions responsives et récapitulatives en date du 2 février 2023 demande à la cour de:
Confirmer le jugement entrepris sauf à tenir compte des modifications cadastrales et dire que la vente concerne les parcelles suivantes:
-320,
-322,
-323,
- 325 devenue [Cadastre 9],
-326 devenue [Cadastre 10],
-327,
-343p devenue 1072,
-618,
-620p devenue 1087,
-622,
-878,
-1058,
-1059,
-1062p devenue
-1083,
-1063,
-1064p devenue 1075
- [Cadastre 6]
-débouter Mesdames [L] et [W] de l'ensemble de leurs demandes,
-condamner Mesdames [L] et [W] à payer à Mme [B] [X] veuve [M] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Interrogées lors de l'audience des plaidoiries, les parties ont déclaré être en l'état de plaider.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I - Sur les fins de non-recevoir:
Mesdames [L] et [W] poursuivent, comme en première instance, les fins de non recevoir tirées de leur absence de qualité à agir en défense et subsidiairement de l'absence de publication de l'assignation en réitération de l'acte de vente.
-Sur le défaut de qualité à défendre de mesdames [L] et [W] :
Mmes [L] et [W] soutiennent que l'action est irrecevable à leur encontre n'ayant pas qualité à défendre dans le cadre de la présente procédure en raison du fait qu'elles n'ont pas encore exercé leur option successorale ayant choisi de reporter celle-ci à l'issue des opérations d'inventaire et que le délai du dépôt d'inventaire ayant été prorogé, elles ne pouvaient être attraites à une procédure présupposant leur qualité d'ayants droit, ni condamnées en cette qualité. Elles insistent sur le fait que la décision du tribunal déférée à la cour les prive de leur faculté d'option et demandent à titre subsidiaire à la cour de surseoir à statuer dans l'attente de l'exercice de leur droit d'option.
Mme [Z] et M. [R] concluent au contraire à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté cette fin de non recevoir, faisant valoir que le décès de leur père les institue ayants droit de celui-ci et qu'elles se sont d'ailleurs comportées en cette qualité à plusieurs occasions, qu'en tout état de cause elles sont d'ores et déjà héritières pour avoir respectivement accepté la succession de leur père à concurrence de l'actif net, le 31 janvier 2022 et le 11 février 2022, avec effet rétroactif, en sorte que la seule option qu'elles peuvent encore exercer se situe entre l'acceptation pure et simple et, à due concurrence de l'actif net, n'ayant plus la faculté de renoncer.
En application des dispositions de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. L'intérêt à agir s'apprécie pareillement en demande ou en défense.
Le tribunal a justement retenu que l'acceptation de la succession par l'héritier à concurrence de l'actif net, conformément aux dispositions de l'article 787 du code civil, telle qu'elle a été réalisée par Mme [L], le 11 février 2022, et Mme [W], le 31 janvier 2022, ne faisait pas obstacle à leur qualité à défendre à la présente action ayant pour finalité de constater que la vente entre M. [M], leur auteur, et Mme [Z] et M. [R], est parfaite dès l'échange de leur consentement ou de constater au contraire son irrégularité et qu'elle se trouve en conséquence privée de tout effet.
Il résulte en effet des dispositions de l'article 801 du code civil que l'option ainsi exercée par les appelantes d'acceptation de la succession de leur père à concurrence de l'actif net, antérieurement à l'assignation en justice, quoi qu'elles en disent, leur interdit désormais de renoncer à sa succession, seule leur étant ouverte l'option d'accepter à concurrence de l'actif net.
Quant aux dispositions de l'article 792-1 du code civil, telles que visées par les concluantes à savoir 'qu'à compter de sa publication (la déclaration d'acceptation à concurrence de l'actif net ) et pendant le délai prévu à l'article 1792 du code civil, interdit toute voie d'exécution et toute nouvelle inscription de sûreté de la part des créanciers de la succession portant tant sur les meubles que les immeubles', elles ne font pas interdiction à agir pour l'obtention d'un titre exécutoire.
Ainsi, sans qu'il y ait lieu de s'interroger à savoir si Mesdames [L] et [W] ont pu par ailleurs faire acte d'héritières, le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à défendre des appelantes.
2) Sur l'absence de publication préalable de la demande :
C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal, ayant procédé à une analyse des dispositions des articles 28-4 et 30-5 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière et de celles de l'article 37-2-1°, a retenu que si étaient obligatoirement soumises à publicité les demandes tendant à faire prononcer la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision de droits résultant d'actes soumis à publicité, tel n'était pas le cas des actions tendant à obtenir la réitération ou la réalisation en la forme authentique de ces actes pour lesquelles il ne s'agissait que d'une possibilité.
La jurisprudence citée par les appelantes selon laquelle a été rejeté le pourvoi formé contre un arrêt de cour d'appel ayant déclaré irrecevable à défaut d'avoir fait l'objet de publication une action dont la finalité était la constatation du caractère parfait d'une vente, se trouvait justifiée par le fait que la constatation du caractère parfait de la vente impliquait en l'espèce la remise en cause de droits concurrents acquis entre temps par un tiers sur le même bien impliquant nécessairement de prononcer la révocation, la résolution ou l'annulation de la vente du bien intervenue au profit de ce tiers pour déclarer parfaite celle intervenue antérieurement. Elle n'est donc en rien transposable à la présente espèce.
Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir tirée de l'absence de publicité des demandes de Mme [Z] et de M. [R].
II - Sur la demande d'annulation de la vente :
Les appelantes poursuivent la nullité de l'avant contrat conclu entre leur père et Mme [Z] et M. [R] alléguant un vice du consentement de leur auteur et le caractère lésionnaire de la vente.
Il sera d'emblée précisé que si le compromis de vente signé par leur père, emportait pour ses ayants droit en cas de décès du vendeur avant la réalisation de l'acte authentique, obligation de passer le dit acte aux termes et conditions convenues, cette clause n'est pas exclusive de la possibilité de poursuivre l'annulation de l'acte pour vice du consentement, abus de situation de dépendance, ou sa rescision en raison de son caractère lésionnaire.
1 ) sur le vice du consentement ou l'abus de situation de dépendance :
Devant les premiers juges, mesdames [L] et [W] sollicitaient l'annulation de l'acte sous seing privé du 18 mai 2021, sur le fondement des dispositions des articles 1142 et 1143 du code civil, mettant en avant la violence constituée par l'abus de l'état de dépendance et de faiblesse dans lequel se trouvait leur père et l'avantage excessif obtenu de ses cocontractants.
Devant la cour, elles poursuivent également la nullité de l'acte sous seing privé remettant en cause le consentement même de leur père au regard des dispositions de l'article 1128 du code civil.
Il sera rappelé que la charge de la preuve, que les appelantes agissent sur le fondement des dispositions de l'article 1128 ou 1143 du code civil, leur appartient.
En application des dispositions de l'article 1128 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicables à l'espèce, sont nécessaires à la validité d'un contrat le consentement des parties, leur capacité de contracter et un contenu licite et certain.
Cet article qui permet de sanctionner par la nullité l'absence de consentement s'interprète à la lumière de l'article suivant selon lequel pour consentir valablement à un contrat il faut être sain d'esprit.
L'insanité d'esprit qui vicie le consentement n'est pas simplement un état de faiblesse ou de dépendance, mais se trouve caractérisée par la perte de lucidité résultant le cas échéant de cette situation de dépendance.
A l'appui de leur demande de voir juger que leur père était dans un état de faiblesse tel au jour de son décès, le 10 juillet 2021, qu'il n'a pu consentir pleinement à l'acte sous seing privé passé deux mois plus tôt, mesdames [L] et [W] ne produisent strictement aucun élément et qui plus est aucun élément de nature médical, permettant d'établir que M. [M] n'était plus en mesure d'apprécier les conséquences de son engagement.
A cet égard, le seul échange de SMS versé aux débats (avril et mai 2021) s'il témoigne d'un moment de détresse lié à une fin de vie difficile, M. [M], perclus d'arthrite ayant subi plusieurs interventions, ou de ce que M. [M] se serait trompé sur la date de l'anniversaire de sa fille, n'est pas suffisant à établir l'insanité d'esprit de M. [M] qui ne ressort d'aucun autre élément, alors qu'au contraire est versé aux débats un certificat médical de son médecin traitant attestant sa pleine lucidité. Au surplus, le tribunal a fait par ailleurs une juste appréciation des différentes attestations versées aux débats par les intimés, après avoir justement retenu que si certaines d'entre elles ne répondaient pas à toutes les prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile, notamment celles du Professeur [D] [G], collègue et ami de M. [M], de Mme [V], son infirmière pendant la période ayant précédé son décès et du Professeur [S] et de son épouse, elles avaient cependant valeur probante en ce qu'elles confirmaient les autres éléments déjà recueillis en faveur de la peine lucidité de M. [M] dans les derniers jours de sa vie.
Quoi qu'il en soit, la contestation par les appelantes de la valeur probante de l'ensemble de ces attestations, sans aucune pièce contraire à l'appui, n'est pas de nature à les dispenser de la charge de la preuve dans laquelle elles sont défaillantes, ainsi que l'a parfaitement retenu le tribunal.
Dès lors, les appelantes ne sauraient prospérer en leur demande de nullité du compromis de vente sur ce fondement, sans qu'il soit besoin de s'interroger à ce stade sur la valeur de l'ensemble immobilier vendu.
En application des dispositions de l'article 1143 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, modifiée par la loi du 20 avril 2018, il y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant 'à son égard', obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.
Il résulte de ces dispositions que la violence viciant le consentement est caractérisée par un abus de situation de dépendance 'à l'égard du cocontractant'. Il est admis que cette situation de dépendance peut être psychique mais également économique.
Or, force est de constater que si les appelantes soutiennent que leur père se trouvait en fin de vie dans un état de faiblesse et de dépendance et que l'état de dépendance doit être analysé également au regard de la modicité du prix de vente, elles n'indiquent cependant nullement en quoi celui-ci se serait trouvé en état de dépendance, psychique ou économique, à l'égard de ses cocontractants, Mme [Z] et M. [R], ce qui ne ressort d'aucun élément.
Tout au plus allèguent-elles, sans en tirer véritablement argument au stade d'un abus de l'état de dépendance, que Mme [X] était liée d'amitié avec la famille [R], au point que la mère de M. [R] était témoin du mariage de Mme [X] avec M. [M] et que maître [J], qui assistait M. [M] lors de la signature de l'avant contrat, n'était autre que la fille de Mme [X], que ce même notaire était clerc de Maître [A] intervenu à la rédaction de l'acte de vente conditionnelle avec bail rural de novembre 2019 qui avait été projetée avant l'avant contrat en litige, pour un montant bien supérieur et qui ne s'est pourtant pas réalisée, sur lequel la cour reviendra ultérieurement s'agissant d'apprécier l'existence d'une éventuelle lésion.
Cependant, cette relation d'amitié ou la proximité familiale du notaire avec Mme [X], ou de Mme [R], mère de M. [N] [R], avec Mme [X] ou le couple [M], qui n'est pas contestée, ne saurait suffire à caractériser un acte positif d'abus de dépendance de M. [M] vis à vis de M. [N] [R] et de Mme [K] [Z], alors même que l' état de dépendance de M. [M] ne ressort pas des éléments de la cause, l'éventualité que ce dernier ait souhaité faire réaliser à ses acquéreurs une bonne affaire ne suffisant pas à établir cet état.
Ainsi, les appelantes, sur lesquelles pèse la charge de la preuve de l'abus d'une situation de dépendance de leur père par ses cocontractants ne sauraient caractériser cette situation de dépendance au regard du seul prix de vente.
Par ces motifs, ajoutés à ceux pertinents des premiers juges, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté mesdames [L] et [W] de leur demande d'annulation de l'acte sous seing privé pour vice du consentement, sans qu'il y ait lieu à organisation d'une mesure d'expertise sollicitée subsidiairement qui n'aurait d'autre justification que de combler leur carence probatoire.
2) Sur la rescision pour lésion :
Pour débouter les appelantes de leurs demandes de rescision du fait de la lésion, le tribunal a fait une analyse précise et pertinente des différentes évaluations versées aux débats et, relevant la difficulté de comparaison avec ce qui a été vendu au regard d'une désignation différente des éléments de comparaison, a justement retenu que les éléments versés aux débats par Mme [Z] et [R] (évaluation immobilière de M. [E]) permettaient de retenir une valeur de l'ensemble, y compris les terres agricoles, de 206 000 euros, soit une différence par rapport au prix d'achat inférieure à 7/12 ème, que d'ailleurs, le seul élément de comparaison utile versé aux débats par mesdames [L] et [W] (rapport Marty) ayant évalué l'ensemble à la somme de 895 000 euros, permettait de retenir, s'agissant des seuls biens vendus, après exclusion notamment du prix du château et de la longère, non compris dans la vente, une valeur de l'ensemble vendu de 179 625 euros, ce en quoi le jugement n'est pas utilement contredit.
Dès lors, le rapport Marty permettait d'exclure une quelconque lésion, alors que le tribunal a encore pertinemment relevé que dans l'état liquidatif établi le 11 juillet 2019 à l'occasion du divorce entre M. [M] et sa première épouse, l'ensemble comprenant notamment le château et l'ensemble des dépendances avec 22 ha de terres, n'était évalué qu'à la somme de 500 000 euros.
De même, le tribunal a justement retenu que l'évaluation versée aux débats par mesdames [L] et [W] émanant de l'agence Human Immobilier, au demeurant non datée, qui fixe de manière très sommaire une valeur de 600 000 à 650 000 euros pour une maison habitable de 145 m2, une surface construite de 3 000 m2 et un terrain ou jardin de 80 000 m2 qu'aucun élément ne permet effectivement d'identifier précisément, ne permet aucune comparaison avec l'ensemble ayant fait l'objet de l'acte sous seing privé du 18 mai 2021, consistant essentiellement en:
-un bâtiment composé de 11 boxes,
- une sellerie, un petit manège,
-un appartement de deux pièces principales avec cuisine, salle d'eau Wc, salle à manger , une chambre et d'un bureau
-quatre logements avec entrée chambre salle d'eau et WC,
-un bâtiment à usage d'écurie,
-un bâtiment à usage de manège,
-un hangar et un local à usage de buvette,
-des terres agricoles d'une superficie de 08 ha, 18 a, 70 ca,
Devant la cour, Mmes [L] et [W] indiquent avoir retrouvé un projet d'acte de vente conditionnelle passée entre leur père et Mme [F], le 26 novembre 2019, comportant d'une part, vente conditionnelle à celle-ci pour un prix de 200 000 euros d'une partie des biens que projetaient d'acquérir les consorts [Z] /[R], sous réserve de la conclusion concomitante d'un bail rural sur les mêmes biens et, d'autre part, un bail rural pour un loyer mensuel de 2 000 euros conditionnant la réalisation de la vente avec Mme [F], lequel bail rural était assorti d'une promesse d'achat pour un prix de 280 000 euros consenti à M. [H].
Elles indiquent que la vente au profit de Mme [F], pour un prix 200 000 euros, portait sur l'appartement, les quatre logements, le hangar et des terres pour une superficie totale de 0 ha, 7 a, 55 ca, soit sur une petite partie seulement des biens que projetaient d'acquérir les intimés pour le prix de 187 000 euros et que le bail rural avec promesse d'achat au prix de 280 000 euros portait également sur une partie des terres que projetaient d'acquérir les intimés, l'ensemble étant d'une surface inférieure à l'objet de la vente litigieuse, en sorte qu'en additionnant le prix de la vente projetée avec Mme [F] (200 000 euros) et celui de l'option d'achat portant sur les terres louées à M. [H] (280 000 euros), soit 480 000 euros pour une superficie de toute façon bien moindre que celle en litige ne portant que sur 7a et 55 ca, il était permis de conclure au caractère lésionnaire de plus de 7/12 ème de l'opération litigieuse.
Or, curieusement, il n'apparaît pas à la lecture des projets d'actes du 26 novembre 2019 (pièces 26 et 29 des appelantes) que le bail rural qui conditionnait la vente au profit de Mme [F] et qui contenait lui même de la part de M. [H] une promesse d'achat portait sur d'autres biens et terres que celles objet de la vente conditionnelle avec Mme [F] puisque l'assiette du dit bail n'y est pas précisée, en sorte que, d'une part, il est difficilement compréhensible que dans le même projet d' acte, établi le même jour, les mêmes biens aient fait l'objet d'une vente conditionnelle à Mme [F] et d'un bail rural concomitant avec promesse d'achat au profit de M. [H] pour un prix supérieur et que, d'autre part, si les deux actes portaient sur les mêmes biens leur valeur ne peut être additionnée ainsi que le proposent à tort les appelantes pour asseoir leur démonstration du caractère lésionnaire de la vente en litige. Dans l'hypothèse contraire où le bail rural ne porterait pas sur les mêmes biens et terres, l'absence de précision à l'acte de l'assiette du bail rural avec promesse d'achat ne permet d'en tirer aucune conclusion par comparaison avec la valeur du bien cédé aux consorts [Z]/[R], les plans versés aux débats par les appelantes et coloriés par leur soins n'ayant sur ce point aucune valeur probante.
Par ailleurs, l'on observe avec les intimés que sur la photocopie d'acte (pièce 26 des appelantes) apparaît avoir été masquée précisément la situation cadastrale du bien avant l'indication de sa superficie (page 3) laquelle apparaît au contraire à leur pièce n° 29, sans que les appelantes s'en expliquent.
L'on ignore par ailleurs pour quelle raison la vente avec bail rural ne s'est finalement pas réalisée.
Tout au plus peut on y voir qu'il était simplement projeté en 2019 une vente portant sur l'appartement, les quatre logements, le hangar et 7a 55 ca pour 200 000 euros, ce qui n'est pas suffisant pour établir que ce même ensemble outre la jumenterie, certains bâtiments et 8 ha et 9 a de terres valait nécessairement un prix de 400 000 euros qui seul établirait une lésion de 7/12ème, alors même que cette vente conditionnelle ne s'est pas réalisée pour un montant de 200 000 euros et que, rappelons-le, l'état liquidatif de juillet 2019, établi quatre mois avant le projet de vente conditionnelle avec bail rural, ne permettait pas d'établir le caractère lésionnaire de la vente projetée au profit des consorts [Z]/[R].
Enfin, là encore, le fait que le cas échéant M. [M] ait souhaité faire réaliser une bonne affaire à ses acquéreurs, ne suffit davantage à caractériser un acte lésionnaire.
De l'ensemble, le tribunal est approuvé d'avoir retenu, pour débouter mesdames [L] et [W] de leur action en rescision de la vente pour lésion, que les éléments versés aux débats, en ce qu'ils prenaient notamment en compte le château et la longère, ne permettaient une comparaison utile en l'absence de description précise des biens mis en vente, ni de retenir qu'il existait en l'espèce des éléments 'suffisamment graves et assez vraisemblables' pour faire présumer une lésion de plus de 7/12ème' au sens des dispositions de l'article 1677 du code civil.
En conséquence, le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a constaté qu'en application des dispositions de l'article 1589 du code civil, du fait du consentement réciproque des deux parties et de la réalisation des conditions suspensives, la promesse de vente du 18 mai 2021 valait vente des éléments qui y étaient expressément mentionnés pour le prix de 187 000 euros et ordonné en conséquence la vente forcée de l'ensemble immobilier, sauf à préciser les parcelles objet de la vente forcée, certaine ayant été renumérotées, comme il sera dit au dispositif.
III -Sur les demandes indemnitaires :
Les consorts [Z] et [R] formant appel incident sur ce point sollicitent de la cour la condamnation des appelantes sur le fondement de l'abus de droit à les indemniser de leur préjudice résultant de la dégradation du bien pendant le temps de la procédure et du surcoût d'intérêts qu'ils subissent dans le cadre du financement de leur acquisition par l'intermédiaire d'un prêt dont le montant des intérêts a évolué depuis la date à laquelle l'acte authentique aurait dû être signé.
Ils invoquent également, à l'appui de leurs demandes indemnitaires s'agissant d'un surcoût de crédit, les dispositions de l'article 1217 du code civil.
Le premier juge a cependant justement retenu que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits ne suffit à caractériser un abus du droit d'ester en justice sauf malice ou mauvaise foi ou erreur grave équipollente au dol qui n'est pas caractérisée en l'espèce.
Les consorts [Z] et [R] ne sauraient en conséquence prospérer sur le fondement de la résistance abusive et obtenir des dommages et intérêts à hauteur de 10 000 euros sur la seule allégation de l'état de dégradation du bien durant le temps de la procédure judiciaire, qui n'est au demeurant pas davantage établi, en sorte que le jugement est confirmé en ce qu'il les en a déboutés.
Cependant, en application des dispositions de l'article 1217 nouveau du code civil, dans sa rédaction modifiée par la loi du 30 avril 2018, 'la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.'
Or, il est constant qu'au terme de l'acte sous seing privé du 21 mai 2021, mesdames [L] et [W] en leur qualité d'ayants droit de leur père étaient tenues de la réalisation des présentes dans les mêmes conditions que leur auteur, dès lors qu'elles n'ont pas utilement remis en cause le consentement de leur père à cet acte, ni justifié de son caractère lésionnaire.
Or, la durée de la procédure, alors notamment que celle d'appel a été entreprise par mesdames [L] et [W] après avoir été déboutées de toutes leurs demandes au fond à défaut d'élément probant, ce sans la moindre pièce en faveur d'un abus de l'état de faiblesse de leur père, faisant par ailleurs une lecture tronquée de l'élément nouveau produit en cause d'appel s'agissant d'apprécier la lésion, caractérisant un refus infondé de leur part de poursuivre l'acte sous seing privé passé par leur père, a incontestablement occasionné un préjudice aux futurs acquéreurs qui justifient par la production de l'offre initiale de prêt, conforme à la condition suspensive et de celle qui leur est actuellement proposée, d'un surcoût de crédit (pièce 47 et 48 des intimés), tenant à l'augmentation du taux d'intérêts passé de 1,6% l'an en 2021 à 3,1 % l'an en 2023, d'un montant total de 52 190,58 euros, ce pour un prêt de même montant de 228 000 euros, remboursable sur la même durée en 299 mensualités.
Mesdames [L] et [W] ayant ainsi occasionné par leur manquement contractuel à Mme [Z] et M. [R] un préjudice financier de ce montant seront condamnées à les en indemniser, ce en quoi il sera ajouté au jugement entrepris.
Enfin, le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.
Les consorts [Z] et [R] formulent dans leur dispositif une demande de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 123 du code de procédure sans aucun moyen à l'appui. Ils en seront en conséquence déboutés.
Succombant en leur recours, mesdames [L] et [W] en supporteront les dépens et seront équitablement condamnées à payer à Mme [Z] et à M. [R] une somme de 5 000 euros et à Mme [X] Veuve [M] une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de leurs frais irrépétibles d'appel, les appelantes étant par voie de conséquence déboutées de leurs demandes sur ce même fondement.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Rejetant toute demande plus ample ou contraire des parties.
Confirme le jugement entrepris des chefs déférés sauf en ce qu'il a statué sur la vente forcée de l'ensemble immobilier et débouté les consorts [Z]/[R].
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant:
Ordonne la vente forcée de l'ensemble immobilier sis à [Localité 28] lieu dit [Localité 30] et cadastrée section [Cadastre 26], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 19], [Cadastre 7], [Cadastre 22], [Cadastre 13], [Cadastre 24], [Cadastre 25], [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 12], [Cadastre 4], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 9] [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 6] au prix de 187.000 euros, ayant fait l'objet d'un compromis de vente sous seing privé en date du 18 mai 2021, entre Monsieur [P] [M] d'une part, Monsieur [N] [R] et Madame [K] [Z] d'autre part.
Condamne solidairement Madame [Y] [L] et Madame [T] [W] à payer à Mme [Z] et M. [R] une somme de 52 190,58 euros au titre du surcoût du prêt bancaire.
Condamne solidairement Madame [Y] [L] et Madame [T] [W] à payer à Madame [K] [Z] et Monsieur [N] [R] la somme de 5.000 euros et à Mme [B] [X] veuve [M] une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne solidairement Madame [Y] [L] et Madame [T] [W] aux dépens du présent recours en ce compris le coût du timbre fiscal et de la signification et du jugement à intervenir.
La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE