COUR D'APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 23 MARS 2023
N° RG 20/03091 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LVBG
Compagnie d'assurance AGMF PREVOYANCE
c/
[O] [G]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 22 juillet 2020 par le Tribunal judiciaire de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 18/09600) suivant déclaration d'appel du 19 août 2020
APPELANTE :
Compagnie d'assurance AGMF PREVOYANCE agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 1]
Représentée par Me Marie TASTET, avocat au barreau de BORDEAUX
et assistée par Me Hubert CARGILL, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ E :
Pascale CHABOSSON
née le 26 Octobre 1961 à [Localité 3] (ALGERIE)
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Jean-david BOERNER de la SCP H. BOERNER J.D. BOERNER, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 février 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Sylvie HERAS DE PEDRO, conseiller, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Roland POTEE, président,
Emmanuel BREARD, conseiller,
Sylvie HERAS DE PEDRO, conseiller,
Greffier lors des débats : Séléna BONNET
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Mme [O] [G], exerçant la profession d'infirmière libérale, a souscrit le 5 janvier 2016 avec avenant du 19 avril 2017 auprès de la compagnie d'assurance AGMF Prévoyance du Groupe Pasteur Mutualité un contrat de prévoyance portant sur le versement d'un revenu de remplacement en cas de maladie ou d'accident notamment sous la forme d'indemnités journalières en cas d'incapacité temporaire totale du travail.
Mme [G] a été placée en arrêt de travail à compter du 8 juin 2017 et a fait l'objet d'un examen par le médecin-conseil de AGMF Prévoyance, le docteur [P], le 13 juillet 2017.
Mme [G] a été placée en arrêt de travail le 10 janvier 2018, arrêt renouvelé jusqu'au 9 mai 2018.
Par courrier du 23 janvier 2018, la société AGMF Prévoyance a informé Mme [G] de son refus de lui verser des indemnités journalières pour la période du 10 janvier au 9 mai 2018 au motif que son médecin-conseil avait considéré que sa cessation d'activité découlait d'une affection dont le point de départ se situait antérieurement à la prise d'effet du contrat souscrit à effet du 25 janvier 2016.
Une expertise médicale a été ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux par ordonnance du 23 avril 2018.
L'expert désigné, le docteur [S], a déposé son rapport définitif le 9 août 2018.
Par actes d'huissier délivrés le 18 octobre 2018, Mme [G] a assigné la société AGMF Prévoyance devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins notamment de voir homologuer le rapport d'expertise du Dr [S] et condamner la société AGMF Prévoyance à lui payer diverses sommes en exécution du contrat, ainsi que des dommages et intérêts.
Par jugement du 22 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- rejeté la demande de nullité du rapport d'expertise formée par AGMF Prévoyance,
- condamné la société AGMF Prévoyance à payer à Mme [G] la somme de 37 204 euros au titre de la garantie incapacité totale de travail pour la période du 10 janvier au 9 mai 2018 avec intérêts au taux légal à compter de ce jour et application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
- rejeté la demande de dommages et intérêts complémentaires formée par Mme [G],
- condamné la société AGMF Prévoyance à payer à Mme [G] la somme de 2 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société AGMF Prévoyance aux dépens, qui comprendront ceux de l'instance ayant donné lieu à l'ordonnance de référé du 23 avril 2018 et ses frais d'exécution ainsi que le coût de l'expertise judiciaire et dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision à hauteur de deux tiers de l'ensemble des sommes allouées,
- rejeté les autres demandes des parties.
La compagnie d'assurance AGMF Prévoyance a relevé appel du jugement par déclaration du 19 août 2020.
Par conclusions déposées le 23 octobre 2020, la société AGMF Prévoyance demande à la cour de :
- infirmer le jugement du 22 juillet 2020 en toutes ses dispositions, et ainsi:
- prononcer la nullité du rapport d'expertise rédigé par M. l'expert judiciaire,
- condamner Mme [G] à restituer à la société AGMF Prévoyance la totalité des sommes lui ayant été versées au titre du jugement du 22 juillet 2020,
- condamner Mme [G] en tous dépens de la présente instance,
- condamner Mme [G] à payer à L'AGMF Prévoyance la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 21 janvier 2021, Mme [G] demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux, le 22 juillet 2020,
En conséquence,
- rejeter la demande de nullité du rapport d'expertise formée par la société AGMF Prévoyance,
- condamner la société AGMF Prévoyance à payer à Mme [G] des indemnités journalières de 284 euros pour 131 jours soit 37 204 euros et au paiement des intérêts de droit depuis le 23 février 2018 et capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil,
- condamner la société AGMF Prévoyance à payer à Mme [G] 8 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral, outre la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société AGMF Prévoyance aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de référé et le coût de la mesure médicale d'expertise judiciaire du docteur [S], et ce avec distraction au profit de la SCP Boerner sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.
L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 2 février 2023.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 19 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité du rapport d'expertise judiciaire
La compagnie d'assurance AGMF Prévoyance fait valoir que l'article 16 du code de procédure civile a été violé en ce que l'expert a pris contact avec Mme [G] pour trouver une date à sa convenance, et peut-être discuter de certains aspects de son dossier, sans en informer la partie adverse, qu'il a adressé la convocation pour la réunion du 7 juin 2018 à l'ancienne adresse du conseil d'AGMF, que cette dernière ne l'a reçue que le 24 mai 2018, que le médecin-conseil d'AGMF l'a informée le 29 mai 2018 qu'il ne pourrait être présent alors qu'il connaissait le cas de Mme [G] pour l'avoir déjà examinée, qu'il était en tout état de cause impossible à l'AGMF de trouver un autre praticien dans ce court délai, que le conseil d'AGMF s'est trouvé confronté à la grève de la SNCF empêchant sa présence le 7 juin 2018, que le courrier du conseil de Mme [G] au conseil de l'AGMF au demeurant envoyé à une mauvaise adresse, le 17 mai 2018, faisant référence à la date de l'expertise doit être écarté comme non officiel, qu'il en est de même du courrier du 9 juin 2018, que le 5 juin 2018, le conseil d'AGMF a adressé un courrier à l'expert sollicitant le report à une nouvelle date, que le juge chargé du contrôle des expertises a alors demandé à l'expert de fixer un autre rendez-vous, ce dont il n'a pas tenu compte, qu'ainsi l'AGMF a été dans l'impossibilité d'être présente et /ou assistée lors de la réunion d'expertise.
Mme [O] [G] réplique qu'elle n'a pas discuté de son dossier avec l'expert, que l'AGMF a reçu la convocation le 24 mai 2018 alors que son conseil en avait connaissance dès le 9 mai 2018, par conséquent son médecin-conseil aussi, qu'il était loisible à l'AGMF de missionner un autre expert pour assister à la réunion, que le courrier du 9 mai 2018 n'est pas confidentiel, que d'autres moyens de locomotion que le train étaient possibles pour se rendre à la réunion du 7 juin 2018, que la demande de changement de date du conseil d'AGMF était dilatoire, qu'après avoir reçu le courrier du juge chargé du contrôle des expertises du 6 juin, l'expert judiciaire répondait que les éléments du dossier lui avaient été transmis de manière contradictoire, qu'il invitait les parties à discuter le pré-rapport et qu'il était ouvert à l'organisation d'une deuxième réunion mais que l'AGMF n'a cependant pas discuté du pré-rapport du 10 juin 2018.
En l'espèce, il n'est nullement démontré que l'expert se serait entretenu au téléphone avec Mme [G] de manière non contradictoire de « certains aspects de son dossier » alors, comme l'a pertinemment dit le premier juge, qu'il n'est pas interdit que l'expert demande à la personne qu'il est chargé d'examiner de le contacter pour convenir ensemble d'une date de réunion avant d'adresser les convocations aux parties.
L'AGMF indique dans ses écritures avoir reçu la convocation de l'expert du 17 mai le 24 mai 2018, pour la date du 7 juin 2018, ce qui répond à l'exigence de délai utile permettant de respecter le principe du contradictoire.
Peu importe dans ces conditions que le conseil de l'AGMF n'ait pas reçu la lettre simple de convocation au motif qu'elle aurait été envoyée à une adresse erronée.
Il s'évince également des pièces du dossier qu'AGMF a été informée par son médecin-conseil, le Dr [P] dès le 29 mai 2018 qu'il ne pouvait être présent le 7 juin 2018, que si elle n'a répercuté cette information à son conseil que le 5 juin 2018, cela ne la privait pas de la possibilité de rechercher un autre praticien ou de solliciter de l'expert dès le 29 mai 2018 une nouvelle date de réunion en indiquant qu'elle souhaitait impérativement la présence du Dr [P].
Enfin, à la suite du mail du conseil de l'AGMF du 5 juin 2018 indiquant qu'il ne pourrait être présent en raison des grèves de la SNCF, et de la lettre adressée le 7 juin 2018 à l'expert par le juge chargé du contrôle des expertises, dont il a accusé réception le 28 juin 2018 l'incitant à reporter la réunion d'expertise, c'est à bon droit que l'expert a répondu que les pièces lui avaient été transmises contradictoirement, que les parties pouvaient adresser leurs dires sur son pré-rapport du 10 juin 2018, avant éventuellement d'organiser une deuxième réunion.
Cependant, AGMF n'a adressé aucun dire.
Dès lors, les conditions dans lesquelles a été établi le rapport du Dr [S] ne souffrent aucune critique et la décision déférée qui a rejeté la demande de nullité sera confirmée.
Sur l'indemnisation de l'incapacité totale de travail
Mme [O] [G] sollicite la confirmation du jugement déféré.
La compagnie d'assurance AGMF Prévoyance n'a formulé aucune observation sur le fond.
C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a dit que rien, dans la pathologie dont a souffert Mme [G] et qui lui a valu un arrêt de travail du 10 janvier au 9 mai 2018, à savoir des douleurs principalement lombaires, n'indiquait dans le rapport du Dr [P] qu'elle pouvait être en relation avec l'ablation de la thyroïde subie en 2015, que les 131 jours d'incapacité totale de travail devaient donc être indemnisés à hauteur de 284 euros par jour selon un montant non contesté par AGMF, et sans qu'une franchise n'ait été contractuelllement prévue.
Le jugement déféré qui a condamné la compagnie d'assurance AGMF Prévoyance à payer à Mme [O] [G] la somme de 37204 euros sera confirmé.
Sur la demande en dommages et intérêts pour préjudice moral
Mme [O] [G] fait valoir qu'elle a été plongée dans l'angoisse pour avoir été privée pendant 4 mois de revenus du fait de la mauvaise foi de la compagnie d'assurance AGMF Prévoyance.
La compagnie d'assurance AGMF Prévoyance ne formule aucune observation sur ce point.
C'est à bon droit que le premier juge a débouté Mme [O] [G] de cette demande, faute pour Mme [G] de démontrer par aucune pièce la réalité d'un préjudice moral.
Sur les autres demandes
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
La compagnie d'assurance AGMF Prévoyance qui succombe en son appel en supportera donc la charge.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
La compagnie d'assurance AGMF Prévoyance qui succombe, sera condamnée à payer à Mme [O] [G] la somme de 2 000 euros sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la compagnie d'assurance AGMF Prévoyance à payer à Mme [O] [G] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la compagnie d'assurance AGMF Prévoyance aux entiers dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,