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22/03/2023 | FRANCE | N°19/06239

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 22 mars 2023, 19/06239


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 22 MARS 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 19/06239 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LKUC

















SARL CLAUDETTE INTERIM



c/



Monsieur [X] [M]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/002558 du 20/02/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)



SASU PATRICK LOGISTI

QUE

















Nature de la décision : AU FOND

















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 novembre 2019 (R.G. n°F 18/00049) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 22 MARS 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 19/06239 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LKUC

SARL CLAUDETTE INTERIM

c/

Monsieur [X] [M]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/002558 du 20/02/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

SASU PATRICK LOGISTIQUE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 novembre 2019 (R.G. n°F 18/00049) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PÉRIGUEUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 28 novembre 2019,

APPELANTE :

SARL Claudette Intérim, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siége social [Adresse 1]

N° SIRET : 390 275 469

représentée par Me Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée de Me Mathieu RANOUX substituant Me Jérôme ATHANAZE de la SELARL ATHANAZE JEROME, avocat au barreau de PERIGUEUX,

INTIMÉS :

Monsieur [X] [M]

né le 27 Mai 1957 à [Localité 4] de nationalité Française demeurant [Adresse 3]

représenté et assisté de Me Julie HERBRETEAU substituant Me Frédérique POHU PANIER, avocat au barreau de PERIGUEUX

SASU Patrick Logistique, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2] N° SIRET : 491 115 580

représentée et assistée de Me Christophe JOLLIVET de la SELARL AGORAJURIS, avocat au barreau de PERIGUEUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 janvier 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Tronche, conseillère, chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [X] [M], né en 1957, a été mis à la disposition de la SASU Patrick Logistique par l'entreprise de travail temporaire SARL Claudette Intérim en qualité de chauffeur routier à compter du 12 mai 2017 sur la base de contrats de travail temporaire successifs dont le dernier a pris fin le 5 octobre 2017.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.

Par courriers des 12 octobre 2017 et 10 novembre 2017, M. [M] a sollicité auprès de la société de travail temporaire le paiement de rappels de salaire.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [M] s'élevait à la somme de 1.516,70 euros pour 151,67 heures.

A la fin des relations contractuelles, M. [M] avait une ancienneté de quatre mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Demandant le paiement des rappels de salaires pour heures supplémentaires et des rappels de frais professionnels ainsi que des dommages et intérêts pour travail dissimulé, M. [M] a saisi le 14 mars 2018 le conseil de prud'hommes de Périgueux qui, par jugement rendu le 4 novembre 2019, a :

- dit que la société Claudette intérim a seule la qualité d'employeur de M. [M],

- condamné la société Claudette intérim à verser à M. [M] les sommes suivantes :

* 2.927,73 euros brut à titre de rappel d'heures normales, à 25%, à 50% et nuit,

* 292,47 euros brut de congés payés afférents,

* 450,98 euros à titre de rappel sur frais professionnels,

* 1.250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [M] de sa demande en dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- débouté la société Claudette intérim de ses demandes reconventionnelles,

- ordonné à la société Claudette intérim de fournir à M. [M] une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés,

- dit que les sommes allouées porteront intérêt aux taux légal à compter de la date de l'acte introductif d'instance,

- ordonné l'exécution provisoire pour ce qui est de droit,

- condamné la société Claudette intérim aux dépens.

Par déclaration du 28 novembre 2019, la société Claudette Intérim a relevé appel de cette décision, notifiée le 4 novembre 2019.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 28 avril 2022, la société Claudette intérim demande à la cour de dire recevable et bien fondé son appel, de réformer le jugement déféré et, statuant à nouveau de :

- débouter M. [M] et la société Patrick Logistique de l'ensemble des demandes formulées à son encontre,

A titre subsidiaire,

- dire que la société Patrick Logistique sera condamnée à garantir et relever indemne la société Claudette intérim de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre,

En tout état de cause,

- débouter les parties adverses de toutes leurs demandes,

- condamner toute partie succombante au paiement de la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner toute partie succombante aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ceux d'appel à la SCP Annie Taillard selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 28 novembre 2022, M. [M] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* condamné la société Claudette intérim à lui régler des sommes suivantes :

2924,73 euros bruts à titre de rappel d'heures normales, à 25 %, à 50 % et de nuit, 292,47 euros bruts représentants les congés payés afférents, 450,98 euros à titre de rappel sur ses frais professionnels, et celle de 1 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* ordonné à la société Claudette intérim de lui fournir des documents de fin de contrat rectifiés,

- réformer ledit jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- déclarer que les sociétés Claudette intérim et Patrick Logistique se sont rendues coupables de travail dissimulé et les condamner solidairement à régler à M. [M] la somme de 12.782,70 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- ordonner la remise sous astreinte de 150 euros par jour de retard d'une attestation Pôle emploi et d'un certificat de travail rectifiés,

- condamner solidairement les sociétés Claudette intérim et Patrick Logistique à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que les sommes prononcées à l'encontre des sociétés Claudette intérim et Patrick Logistique porteront intérêts au taux légal à compter de la date de saisine,

- dire que les intérêts seront capitalisés au profit de M. [M] conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- condamner solidairement les sociétés Claudette intérim et Patrick Logistique en tous les dépens, en ce compris les éventuels frais d'exécution de la décision à intervenir,

- débouter les sociétés Claudette intérim et Patrick Logistique de toutes leurs demandes plus amples et contraires à l'égard de M. [M].

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 31 juillet 2020, la société Patrick Logistique demande à la cour de :

°réformer en partie le jugement,

- rejeter comme non fondée la demande de rappel d'heures supplémentaires de M. [M] et la demande afférente de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

- rejeter comme non fondée la demande de rappel de frais professionnels,

°confirmer en partie le jugement :

- dire qu'à titre subsidiaire seule la société Claudette intérim doit être condamnée au paiement de toutes sommes sollicitées par M. [M] en sa qualité d'employeur de celui-ci, et ce de manière définitive en l'absence de preuve d'une quelconque faute commise par la société Patrick Logistique,

En tout état de cause,

- rejeter toutes autres demandes de M. [M] et de la société Claudette intérim,

- condamner tout succombant à verser à la société Patrick Logistique la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile et aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 décembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 24 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

-I- Sur les rappels de salaire au titre des heures effectuées et des heures supplémentaires non rémunérées

Sollicitant l'infirmation de la décision déférée, la SARL Claudette Intérim considère que la SASU Patrick Logistique, entreprise utilisatrice, responsable des conditions d'exécution du travail de M.[M], doit assumer les erreurs qu'elle a pu commettre dans la transmission d'éléments incomplets et partiels quant aux heures de travail accomplies par ce dernier. Elle ajoute avoir établi les bulletins de salaire critiqués sur la base des indications données par l'entreprise utilisatrice et non après concertation avec cette dernière comme celle-ci le prétend. Selon elle, le salarié avait : « manifestement la fâcheuse habitude de manipuler sa carte chronotachygraphe, manquant ainsi aux dispositions légales en matière de transports ».

Pour solliciter également l'infirmation de la décision critiquée sur ce point, la SASU Patrick Logistique, entreprise utilisatrice, soutient qu'au regard des rapports d'infraction qu'elle a pu dresser concernant ce salarié, il existe une différence importante entre les heures dont il réclame le paiement et celles effectivement réalisées, M. [M] décomptant du temps de travail alors qu'il était en repos et manipulant son disque chronotachygraphe.

De son côté, le salarié qui demande la confirmation du jugement en cause fait valoir que sa carte conducteur numérique personnelle, qui le suit dans toutes les entreprises où il intervient, fait foi des heures de travail accomplies. Selon lui, la société de travail temporaire, unique responsable du défaut de réglement intégral de ses salaires, fait état de manipulations de sa part sans toutefois verser le moindre élément probant en ce sens. Il indique que la société utillisatrice, de mauvaise foi, reprend le même argumentaire à son encontre mais se trouve également défaillante dans l'administration de la preuve de son assertion.

Aux termes des dispositions des articles L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail et L. 3171-4 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des

parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Ainsi, le salarié doit apporter des éléments précis à l'appui de sa demande, l'élément déterminant étant la possibilité pour l'employeur de répondre ou non. Ensuite, s'il estime que la demande du salarié est fondée sur des éléments suffisamment précis, le juge doit alors apprécier les éléments qui lui sont fournis par l'une et l'autre des parties et ne peut donc se fonder sur les éléments produits par une seule des parties.

En l'espèce, M. [M] produit :

°ses contrats de travail,

°un décompte hebdomadaire précis et détaillé des heures de travail accomplies établi à partir de sa carte conducteur qu'il compare au relevé produit par la société utilisatrice et ensuite desquels il indique avoir accompli des heures non comptabilisées pour la période du 15 mai 2017 au 5 octobre 2017,

°une synthèse de sa carte conducteur, par jour de travail, faisant apparaître l'heure de début et de fin de journée de travail, le temps de conduite, la période de coupure, les heures de nuit ainsi que les kilomètres parcourus,

°les deux courriers adressés en octobre et novembre 2017 à la société de travail temporaire réclamant le paiement des heures non rémunérées.

Sur ces périodes, le salarié présente ainsi des éléments suffisamment précis auxquels l'employeur peut répondre.

Pour sa part, la société Claudette Intérim, qui demeure l'employeur de M. [M] et à laquelle incombe, aux termes des dispositions de l'article L.1251-18 du code du travail, l'obligation de lui verser un salaire conforme aux dispositions légales et conventionnelles, indique avoir repris les éléments fournis par la société utilisatrice et se contente de produire à cet effet un relevé manuscrit des horaires accomplis par le salarié, qui n'est pas signé par ce dernier.

Ce même relevé est également versé par la SASU Patrick Logistique au soutien de ses explications. Cette société produit également un rapport d'infractions pour la période comprise entre le 12 mai 2017 et le 5 octobre 2017 faisant état de 105 infractions liées à la conduite continue et au non respect du repos journalier notamment. Elle affirme que le salarié disposait d'heures précises de chargement et de déchargement avec des temps de coupure entre les deux pendant lesquels le commutateur décomptait ce temps, en temps de travail.

Toutefois, les éléments invoqués par les deux sociétés ne permettent pas de justifier les horaires de travail réellement effectués par le salarié dans la mesure où le rapport d'infractions établi par la société utilisatrice indique les mêmes heures de début et de fin que celles retenues par le salarié. En outre comme le souligne à juste titre le salarié, il s'agit d'infractions liées à la législation sur la durée de conduite que la société ne pouvait ignorer et sur lesquelles elle n'a jamais attiré son attention.

Ainsi, au regard des éléments figurant sur la carte conducteur du salarié, la cour a la conviction que M. [M] a effectué des heures supplémentaires non rémunérées et, en considération des pièces et explications fournies, il convient de confirmer la décision des premiers juges sur ce point.

-II- Sur les demandes au titre des frais professionnels

M. [M] affirme ne pas avoir perçu ses indemnités pour 96 repas soit la somme de 1.286,40 euros ainsi que celles relatives aux grands déplacements effectués les 22 juin, 21 juillet et 28 septembre 2017, soit la somme de 155,38 euros.

La SASU Patrick Logistique objecte que dans la mesure où les relevés établis par le salarié étaient abusifs, il ne pouvait être accordé aucun crédit à ces demandes.

La société de travail temporaire n'a pas conclu sur ce point.

La convention collective applicable prévoit l'indemnisation des repas lorsque le salarié se trouve obligé de prendre un repas hors de son lieu de travail ainsi qu'une indemnité de grand déplacement lorsqu'il se trouve dans l'impossibilité de regagner son domicile pour y prendre son repos journalier.

Aucun élément n'établit que M. [M] aurait produit des éléments faussés au soutien de ses prétentions et la cour retiendra le nombre de repas et de grands déplacements revendiqués par le salarié.

Dans ces circonstances, et en l'absence de justification au non-paiement des indemnités réclamées, c'est à bon escient que les premiers juges ont fait droit à la demande de M. [M] à ce titre.

- III- Sur la demande au titre du travail dissimulé

En vertu des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement soit à l'accomplissement de la formalité relative à la déclaration préalable à l'embauche, soit à la délivrance d'un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie, soit aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

M. [M] sollicite l'allocation d'une indemnité à hauteur de la somme de 12.482,70 euros considérant que les rappels de salaire qu'il a été obligé de réclamer représentent près de 30 % de son salaire soit 600 euros par mois environ. Il en déduit que l'importance de ce montant démontre l'intention de l'employeur de ne pas régler la totalité des sommes dues. Il considère que l'entreprise utilisatrice s'est rendue coupable de travail dissimulé en corrigeant chaque mois à la baisse les heures résultant de la lecture de sa carte conducteur et en adressant un décompte erroné à la société Claudette Interim laquelle lit pourtant chaque mois la carte conducteur personnelle de ses différents chauffeurs.

La société Patrick Logistique s'en défend en exposant que le salarié s'abstient de démontrer une quelconque intention de sa part de se soustraire aux formalités prévues.

De son côté, la société de travail temporaire conteste toute intention de dissimulation en s'appuyant sur le caractère incomplet et partiel des éléments transmis par l'entreprise utilisatrice lors de l'établissement des horaires de travail du salarié.

La dissimulation d'emploi prévue par l'article L.8221-5 du code du travail à l'occasion de l'omission d'heures de travail sur le bulletin de salaire, n'est caractérisée que si l'employeur a agi de manière intentionnelle, le caractère intentionnel du travail dissimulé ne pouvant se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

Il ne ressort pas des éléments versés aux débats que la société de travail temporaire se serait intentionnellement abstenue de mentionner sur les bulletins de paie des heures de travail effectuées par le salarié ou qu'elle aurait sciemment omis de rémunérer des heures de travail dont elle avait connaissance de ce qu'elles avaient été accomplies.

Ainsi, la circonstance que l'employeur n'a pas rémunéré les heures sollicitées résultant du travail ne caractérise pas l'intention de celui-ci de dissimuler une partie du temps de travail du salarié.

Le jugement est par conséquent confirmé sur ce point.

-IV- Sur le recours en garantie

La société de travail temporaire forme à titre subsidiaire une demande à être garantie par la société utilisatrice des sommes qui seraient mises à sa charge.

La société utilisatrice s'y oppose en faisant valoir que la preuve d'une quelconque faute de sa part ne saurait être rapportée dans la mesure où la société de travail temporaire était parfaitement informée par ses soins des horaires réalisés par le salarié et n'avait pas répondu à son courrier du 7 novembre 2017 lui confirmant avoir fait le point chaque semaine avec le collaborateur de la société de travail temporaire en présence de l'intérimaire.

Néanmoins, il ressort des éléments de la procédure que, s'agissant des décomptes des heures de travail accomplies par le salarié, les manquements sont imputables tant à l'entreprise utilisatrice qui n'a pas fourni des éléments fiables qu'à l'entreprise de travail temporaire, qui avait la possibilité de vérifier les heures réellement accomplies en procédant à la lecture de la carte conducteur personnelle du salarié.

En considération de ces éléments, la société utilisatrice devra garantir et relever indemne l'entreprise de travail temporaire à hauteur de 50% des sommes au paiement desquelles cette dernière est condamnée.

Le jugement sera réformé sur ce point

V- Sur les autres demandes

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil des prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

La décision déférée sera confirmée sur ce point.

Les intérêts dus seront capitalisés année par année conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

La société de travail temporaire devra délivrer à M. [M] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation Pôle Emploi rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, la mesure d'astreinte sollicitée n'étant pas en l'état justifiée.

La décision déférée sera confirmée sur ce point.

La société Claudette Interim qui succombe en son appel supportera les entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.

L'équité commande de faire application des dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en conséquence de condamner in solidum la société Claudette Interim et la société Patrick Logistic à verser à M. [M] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS,

la cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL Claudette Interim au paiement des sommes de 2.927,73 euros au titre des rappels de salaires pour les heures de travail non rémunérées, celle de 292,47 euros au titre des congés payés afférents, 450,98 euros à titre de rappel sur les frais professionnels et celle de 1 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et débouté M. [M] de sa demande relative au travail dissimulé,

L'infirme en ce qu'il a débouté la société Claudette Interim de sa demande d'être relevée indemne par la société Patrick Logistique,

statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la SASU Patrick Logistique à relever indemne la SASU Claudette Intérim des sommes sus visées à hauteur de 50%;

Y ajoutant,

Dit que la société Claudette Interim devra délivrer à M. [M] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation Pôle Emploi rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente decision,

Dit n'y avoir lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 ;

Dit que les intérêts dus seront capitalisés année par année conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Claudette Intérim aux dépens des la procédures de première instance et d'appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/06239
Date de la décision : 22/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-22;19.06239 ?
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