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22/03/2023 | FRANCE | N°19/06017

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 22 mars 2023, 19/06017


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 22 MARS 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 19/06017 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LKCC















Société GETRAG FORD TRANSMISSIONS GMBH



c/



Monsieur [T] [H]

















Nature de la décision : AU FOND

















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 octobre 2019 (R.G. n°F 17/01292) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 15 novembre 2019,





APPELANTE :

Getrag Ford Transmissions GMBH, agissant en la personn...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 22 MARS 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 19/06017 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LKCC

Société GETRAG FORD TRANSMISSIONS GMBH

c/

Monsieur [T] [H]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 octobre 2019 (R.G. n°F 17/01292) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 15 novembre 2019,

APPELANTE :

Getrag Ford Transmissions GMBH, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 433 313 475

représentée et assistée de Me Sandra FONTANA-BLANCHY, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur [T] [H]

né le 10 Septembre 1978 à [Localité 4]de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté et assisté de Me Florence BACHELET, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 janvier 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Tronche, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [T] [H], né en 1978, a été engagé en qualité d'agent de fabrication (ouvrier) par la société Getrag Ford Transmissions GMBH (ci après dénommée la société GFT), par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er avril 2007, reprenant son ancienneté à compter du 1er mars 2000, M. [H] ayant initialement travaillé pour l'usine Ford.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes [Localité 5] et [Localité 7].

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute de M. [H] s'élevait à la somme de 2.329,42 euros.

Le 7 janvier 2016, M. [H] s'est fracturé la main gauche lors d'un accident de trajet, dont le caractère professionnel a été reconnu par la CPAM le 25 janvier 2016 et a été placé en arrêt de travail jusqu'au 2 mars 2016.

Le 3 février 2017, dans le cadre de la visite médicale de reprise, le médecin du travail a déclaré M. [H] inapte au poste mais apte à un autre poste.

Le médecin du travail a, par la suite, précisé son avis médical ainsi : "M. [H] est inapte au poste occupé à [Localité 6], inapte à la manutention répétée de pièces $gt; 2 kilos avec sa main droite, ainsi qu'aux mouvements répétés de pronosupination du coude droit. Il est apte au poste proposé par l'employeur au 2234, usinage des outputschafts".

Le 8 février 2017, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles a reconnu le caractère professionnel de la tendinopathie d'insertion des muscles épicondyliens du code droit de M. [H].

Le 17 février 2017, la caisse primaire d'assurance maladie a notifié à M. [H] ainsi qu'à la société sa décision de prise en charge au titre des risques professionnels de la maladie de M. [H] inscrite au tableau 57 des maladies professionnelles.

Les 17 février et 23 mars 2017, la société GFT a adressé à M. [H] deux propositions de reclassement, que M. [H] a refusé le 25 mars 2017.

Par lettre datée du 4 avril 2017, M. [H] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 11 avril 2017.

M. [H] a ensuite été licencié pour inaptitude et refus de reclassement par lettre datée du 20 avril 2017 .

A la date du licenciement, M. [H] avait une ancienneté de 17 ans et 1 mois. La société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, M. [H] a saisi le 16 août 2017 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 16 octobre 2019, a :

- constaté que la société GFT a respecté son obligation de reclassement et a débouté M. [H],

- constaté que les refus de M. [H] des postes de reclassement proposés par la société ne sont pas abusifs,

- dit le licenciement de M. [H] fondé et a débouté M. [H],

- dit le conseil de prud'hommes incompétent pour statuer sur la contestation par la société du caractère professionnel de la maladie contractée par M. [H],

En conséquence,

- condamné la société GFT à verser à M. [H] la somme de 4.858,84 euros à titre d'indemnité compensatrice égale à l'indemnité compensatrice de préavis, et 485,88 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

- condamné la société GFT à verser à M. [H] la somme de 12.694,65 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement,

- condamné la société GFT à verser à M. [H] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement concernant le versement de l'indemnité compensatrice (4.858,84 euros et les congés payés 485,88 euros) et de l'indemnité spéciale de licenciement (12.684,65 euros) à verser à la CARPA,

- dit que la totalité des sommes porteront intérêts aux taux légaux à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- débouté la société GFT de sa demande de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 15 novembre 2019, la société GFT a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 3 juillet 2020, la société GFT demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 16 octobre 2019 en ce qu'il a jugé que la procédure de licenciement pour inaptitude et l'obligation de reclassement ont été respectées,

- juger que la société GFT a parfaitement respecté son obligation de sécurité,

- juger que le licenciement pour inaptitude est bien fondé,

- réformer le jugement en ce qu'il a considéré que les refus de reclassement opposés par M. [H] n'étaient pas abusifs,

Et au contraire,

- juger que les refus sont abusifs et ne reposent sur aucun motif légitime,

- juger que M. [H] est par conséquent privé de toutes les indemnités de rupture en application de l'article L. 1226-14 du code du travail

- réformer le jugement en ce qu'il a alloué la somme de 1.000 euros sur le fondement de

l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [H] à payer à la société GFT la somme de 2.000 euros sur le

fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 7 décembre 2022, M. [H] demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel incident,

- de le recevoir en ses moyens de fait et de droit,

Y faisant droit,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, en ce qu'il a :

* jugé que la société a respecté son obligation de reclassement,

* dit le licenciement fondé,

- rejeté sa demande de 50.000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Et statuant à nouveau,

- juger que la société GFT n'a pas respecté ses obligations légales en matière de procédure de licenciement pour inaptitude consécutif à une maladie professionnelle,

- déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société GFT à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a :

* dit le conseil de prud'hommes incompétent pour statuer sur la contestation par

la société GFT du caractère professionnel de la maladie contractée par M.

[H],

* jugé que les refus de reclassement par M. [H] des postes de reclassement

proposés par la société ne sont pas abusifs,

* condamné la société GFT au paiement des sommes suivantes :

- 4.858,84 euros à titre d'indemnité compensatrice égale à l'indemnité

compensatrice de préavis,

- 485,88 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

- 12.694,65 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement,

* condamné la société GFT au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

- débouter la société GFT de toutes ses demandes exposées en cause d'appel,

- dire que la totalité des sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- condamner la société GFT à lui verser la somme de 3.000 euros en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 24 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DECISION

-I- Sur le licenciement pour inaptitude et l'obligation de reclassement

La société appelante fait valoir qu'elle a régulièrement mis en oeuvre son obligation de reclassement d'une part, en procédant à deux propositions de reclassement adaptées et conformes aux préconisations du médecin du travail et d'autre part, en ayant recueilli un avis favorable de la part des délégués du personnel.

M. [H] réplique que la société appelante a manqué à son obligation de reclassement, en procédant à une consultation irrégulière des délégués du personnel, en s'abstenant de lui notifier l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail du 3 février 2017, en cantonnant les propositions de reclassement au seul site de [Localité 3] alors que la société fait partie d'un groupe ayant un établissement en Allemagne. De plus, l'employeur n'aurait pas échangé avec le médecin du travail sur les aménagements des postes proposés, de sorte que les refus de sa part ne seraient pas abusifs.

*

Aux termes de l'article L.1226-10 du code du travail, dans sa version applicable au litige, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient, le cas échéant.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

En application de l'article L.1226-12 du même code, lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions. Il peut également rompre le contrat de travail si l'avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.

*

En l'espèce, la lettre de licenciement est rédigée de la manière suivante :

« ['] Le mercredi 25 janvier 2017, dans le cadre dune visite de pré-reprise du travail, vous avez été examiné par le Docteur [M], Médecin du Travail de notre entreprise qui a conclu comme suit : « Il est à prévoir une inaptitude sur son ancien poste d'opérateur à [Localité 6]. Il est inapte à la manutention répétée de pièces $gt;2 kilos avec sa main droite, et aux mouvements répétés de prono-supination du coude droit. Il serait apte à un poste sans manutentions ou alors très légères ''. A l'issue de cette visite, le Docteur [M] ne nous a pas suggéré de poste de travail de reclassement mais nous a invités à en rechercher au sein de l'entreprise correspondant à ces limitations d'aptitude. Nous lui avons donc proposé un poste d"agent de production au sein de notre atelier 2234 : usinage des outputshafts (fin de ligne en blanc) constitué d'opérations de taillage et de perçage, qu'elle a, au regard du contenu du poste qu'elle a physiquement examiné et après prise en compte de vos limitations d'aptitude, validé comme une possibilité de reclassement vous concernant.

Le vendredi 3 février 2017, dans le cadre d'une visite de reprise de travail, vous avez été examiné par le Docteur [M], Médecin du Travail de notre entreprise qui a conclu comme suit « Inapte au poste mais apte à autre poste. Monsieur [H] est inapte au poste occupé à [Localité 6]. Il est inapte à la manutention répétée de pièces $gt; 2 kilos avec sa main droite, ainsi qu'aux mouvements répétés de prono-supination du coude droit. Il est apte au poste proposé par I'employeur au 2234, usinage des outputschafts''.

Le Docteur [M] a donc bien confirmé le caractère définitif de son avis d'inaptitude dans le cadre de l'évolution des dispositions légales sur le sujet à votre poste de travail d'agent de fabrication à [Localité 6] tout en confirmant, au regard de sa connaissance de votre état de santé et de vos aptitudes restantes comme de l'analyse du poste de reclassement proposé par l'entreprise au niveau de l'atelier 2234 la validité de ce dernier poste d'agent de fabrication (Pour rappel, le Docteur [M], Médecin du Travail, est présent à temps complet au sein de l'entreprise et a donc eu une analyse en visu du poste proposé).

Par courrier daté du 17 février 2017, nous vous avions proposé immédiatement ce poste en reclassement souhaitant vous confirmer sous les meilleurs délais votre possibilité de poursuite de relation contractuelle au sein de l'entreprise ; tout en poursuivant la recherche d'éventuelles nouvelles possibilités d'affectation de reclassement.

Conformément aux dispositions légales, le lundi 20 mars 2017, nous avons consulté les délégués du personnel sur la proposition de reclassement sur le poste d'agent de fabrication au 2234 (usinage des outputshafts). Nous avons également échangé sur l'éventualité de vous proposer un autre poste compatible avec vos restrictions médicales (compatibilité confirmée par le Médecin du Travail) qui se trouve être un poste d'agent de fabrication au 2280 (powerhoning). Les délégués du personnel ont, unanimement, émis un avis favorable sur ces deux propositions de reclassement que nous vous avons formulées par notre courrier recommandé avec A.R. du 23 mars 2017 et que nous vous détaillons à nouveau en suivant en termes de conditions associées.

1. Première proposition d'affectation de reclassement (secteur 2234):

Emploi : Maintien de l'emploi à temps complet d'Agent de fabrication

Atelier d"affectation : 2234

Poste d'affectation : Usinage des Outputshafts (taillage et perçage)

Organisation du travail : Maintien du mode d'organisation du travail en 2X8 alterné

Classification :Maintien de votre coefficient 190

Ancienneté : Maintien de votre ancienneté au 16 mars 2000.

Rémunération : Maintien de votre salaire mensuel de base de 1897.11 Euros bruts et de l'allocation des éléments variables liés à votre affectation en équipe comme des autres éléments variables découlant des dispositions conventionnelles et/ou d'entreprise.

2. Deuxième proposition d'affectation de reclassement (secteur 2280l:

Emploi : Maintien de l'emploi à temps complet d'Agent de fabrication

Atelier d'affectation : 2280

Poste d'affectation : Power honing

Organisation du travail : Maintien du mode d`organisation du travail en 2X8 alterné

Classification : Maintien de votre coefficient 190

Ancienneté : Maintien de votre ancienneté au 1er mars 2000.

Rémunération : Maintien de votre salaire mensuel de base de 1897.11 Euros bruts et de

l"allocation des éléments variables liés à votre affectation en équipe comme des autres

éléments variables découlant des dispositions conventionnelles et/ou d'entreprise.

Malheureusement, par votre courrier reçu le 28 mars 2016, vous nous avez fait part de votre double refus daté du 25 mars 2017 de ces affectations de reclassement validées par le Docteur [M], Médecin du Travail.

Pour cette raison, nous étions dans l'obligation d'envisager a votre égard la rupture de votre contrat de travail, pour cause d'inaptitude à votre poste de travail et refus des postes, validés par le Docteur [M], Médecin du Travail, et proposés en reclassement.

A cet effet, conformément aux dispositions légales, nous vous avons convoqué à un entretien le mardi 11 avril 2017 à 11h00 au bureau de Monsieur [S] [N], Directeur des Ressources Humaines. Vous vous êtes présenté à cet entretien accompagné de Monsieur [X] [B], Délégué du personnel. Monsieur [S] [N] était accompagné de Madame [F] [Y], Responsable Ressources Humaines.

Au cours de cet entretien nous vous avons exposé les motifs de la mesure envisagée et avons reçu vos positions sur les éléments précités. ll en ressort que :

1 ) Vous ne contestez pas le diagnostic d'inaptitude au poste de travail que vous occupiez à [Localité 6], ni les réserves d'aptitudes signifiés par le Médecin du Travail, ni la validation par

le Médecin du Travail des deux postes de reclassement proposés en final :

Vous avez répondu : " je suis d'accord avec ce diagnostic ".

De ce fait, vous nous avez spécifié ne pas souhaiter faire appel à un Médecin Inspecteur

pour statuer sur votre dossier.

2 ) Vous confirmez votre refus des postes, validés par le Docteur [M], Médecin du Travail, qui vous ont été proposés en reclassement. Nous vous avons demandé si vous

aviez identifié d'autres postes susceptibles d'être étudiés pour votre reclassement :

Vous avez répondu :" Non, je n'en vois pas. "

Vous nous avez précisé que vous souhaitiez vous « reclasser à l'extérieur '' et que, dans le cadre de ce projet, vous aviez commencé à vous renseigner sur une formation débutant en octobre.

3 ) Concernant des recherches complémentaires de reclassement que nous pourrions entreprendre sur d'autres sites du Groupe GFT, notamment en Europe, vous nous avez spécifié ne pas être intéressé, ni être mobile :

Vous avez répondu "Non, je souhaite changer complètement de métier »

Les éléments d'information recueillis dans le cadre de cet entretien ne nous permettent donc pas de modifier notre appréciation de votre aptitude. De plus, vous nous avez exprimé votre volonté non équivoque de ne pas poursuivre votre relation contractuelle au sein de l'entreprise.

Aussi, compte tenu de votre inaptitude à votre poste de travail dûment prononcée par la Médecine du Travail, compte tenu de votre refus sans motif légitime de reclassement à des postes validés par le Médecin du Travail et aux conditions identiques à votre poste précédent (organisation du travail, rémunération, classification), nous vous confirmons par la présente la rupture de votre contrat de travail pour l'ensemble des motifs ci avant exprimés [...] ».

Si M. [H] soutient que l'employeur n'a pas régulièrement et loyalement procédé à la consultation des délégués du personnel avant de lui adresser sa proposition de reclassement, la cour ne peut cependant que relever, au vu des pièces versées aux débats par l'employeur, que celui-ci a effectivement procédé le 15 mars 2017 à la convocation des délégués du personnel pour une réunion extraordinaire relative au reclassement de l'intimé, la réunion des délégués du personnel s'étant déroulée le 20 mars 2017 et ayant donné lieu à l'établissement d'un compte rendu mentionnant que : « [...] plusieurs secteurs sont en mesure d'accueillir M. [H] dans les conditions préconisées par le médecin du travail, le secteur 2234 est privilégié ['] D'autres secteurs sont évoqués avec les délégués du personnel car répondant également aux critères définis [...]. Il est statué qu'une affectation au 2234 au poste d'agent de fabrication sera proposé à M. [H] et que la direction pourra échanger avec lui d'une affectation sur un autre secteur de production sous réserve de l'avis du médecin du travail [...] les délégués du personnel émettent un avis unanime au reclassement de M. [H]. »

Il apparaît ainsi que cette consultation a été régulièrement et loyalement exécutée avant la proposition de deux postes de reclassement intervenue le 23 mars 2017 .

S'agissant du grief tiré de l'absence de notification de l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail, ce dernier ayant confirmé par un courriel de novembre 2018 ainsi qu'aux termes de son attestation établie le 18 novembre 2019 avoir remis au salarié son avis médical d'inaptitude à l'issue de la consultation, il ne peut être retenu.

Le salarié soutient également qu'en cantonnant les propositions de reclassement au seul site de [Localité 3] alors que la société fait partie d'un groupe ayant un établissement en Allemagne et en s'abstenant de rechercher l'aménagement des postes proposés, la société n'a pas satisfait à son obligation de reclassement.

Cependant, il résulte des éléments soumis à la cour que la société a adressé pour avis au médecin du travail les deux propositions de poste de reclassement que le médecin a déclaré conformes avec les aptitudes du salarié tel que cela ressort de la pièce 9 de la société. L'employeur a proposé ces postes à M. [H] qui les a refusés.

Sur les deux postes, qui permettaient à M. [H] de conserver une rémunération inchangée, le médecin a validé les propositions après prise en compte des éléments présentés. Il y a donc bien eu échanges entre le médecin du travail et la société .

En outre, il résulte également des pièces de la procédure que le salarié, assisté d'un délégué du personnel lors de l'entretien préalable a exprimé son souhait de maintenir ses deux refus et de ne pas envisager de possibilité de reclassement en Allemagne souhaitant changer de métierselon l'attestation établie le 18 janvier 2021 par madame [Y], Responsable développement RH.

Dans ces conditions, la cour considère comme le conseil de prud'hommes que la société a respecté son obligation de reclassement.

-II- Sur les indemnités de rupture

La société a privé M. [H] du bénéfice des indemnités de l'article L.1226-14 du code du travail que sont l'indemnité compensatrice équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité spéciale de licenciement au motif que le refus des deux postes proposés serait abusif, ce que conteste le salarié.

Or, le refus n'est abusif que s'il s'agit d'un refus sans motif légitime d'un poste approprié aux nouvelles capacités du salarié et comparable à l'emploi précédemment occupé. L'emploi n'est pas comparable si le reclassement entraîne une modification nécessaire du contrat de travail.

En l'espèce, s'il est exact que les deux postes proposés étaient comparables au poste précédemment occupé avec un maintien de la rémunération, l'absence de prise en compte par l'employeur de l'interrogation formulée par le médecin du travail dans son avis figurant à la pièce n° 9 de la société, ainsi libellée : « apte à tout poste ne nécessitant pas la manutention répétée de pièces $gt; 2 kg avec sa main droite, et aux mouvements répétés de prono supination du coude droit. Il serait apte à un poste sans manutention ou alors très légères. possibilités de se faire aider par ses collègues sur ces manutentions ' » ne permettait pas au salarié de s'assurer que ces deux postes correspondaient à ses nouvelles capacités.

Par conséquent, le refus de M. [H] des deux postes proposés autorisait l'employeur à licencier le salarié mais ne peut être considéré comme abusif et privatif des indemnités de l'article L.1226-14 du code du travail .

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a alloué au salarié la somme de 4.858,84 euros à titre d'indemnité compensatrice égale à l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que celle de 12.694,65 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement.

En revanche, il est rappelé que la première indemnité n'est pas de nature salariale contrairement à l'indemnité compensatrice de préavis, de sorte qu'elle ne génère pas droit à congés payés.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

-III- Sur la demande indemnitaire au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [H] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de son licenciement qu'il considère sans cause réelle et sérieuse du fait des manquements de l'employeur à son obligation de reclassement mais également parce que sa maladie est la conséquence de son activité professionnelle ce dont se défend l'employeur en relevant l'absence d'un quelconque fondement juridique à cette demande et qu'en toute état de cause, aucun manquement à son obligation de sécurité de résultat ne peut lui être reproché.

Il a été retenu supra que l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement.

L'employeur, tenu à une obligation de sécurité et de préservation de la santé des salariés, doit mettre en oeuvre les mesures destinées à la prévention des risques encourus par les salariés dans l'exécution des tâches qui leur incombent, en particulier, en leur donnant la formation nécessaire à l'utilisation de leurs outils de travail et les instructions appropriées.

Le licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à une faute préalable de l'employeur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, aucun élément probant n'étant produit.

Par voie de conséquence le licenciement de M. [H] est fondé et le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de M. [H] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

-IV- Sur les demandes au titre des intérêts, des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil des prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

La société GFT succombante sera condamnée aux dépens de première instance ainsi qu'aux dépens d'appel et à payer à M. [H] la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement étant infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a alloué des sommes à M. [H] au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice égale à l'indemnité compensatrice de préavis ainsi qu'au titre des frais irrépétibles,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à allocation de somme au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice égale à l'indemnité compensatrice de préavis,

Condamne la société GFT à verser à M. [H] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société GFT aux entiers dépens.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/06017
Date de la décision : 22/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-22;19.06017 ?
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