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20/03/2023 | FRANCE | N°20/02889

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 20 mars 2023, 20/02889


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 20 MARS 2023









N° RG 20/02889 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LUOS







S.A. COFIDIS



c/



[T] [G]

[J] [I] épouse [G]

S.A.R.L. ALLSUN



S.E.L.A.R.L. EKIP'

























Nature de la décision : AU FOND










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Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 juillet 2020 par le Tribunal Judiciaire d'ANGOULEME (chambre : 4, RG : 11-19-000663) suivant déclaration d'appel du 31 juillet 2020





APPELANTE :



S.A. COFIDIS, agissant en la personne de son représentant légal dom...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 20 MARS 2023

N° RG 20/02889 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LUOS

S.A. COFIDIS

c/

[T] [G]

[J] [I] épouse [G]

S.A.R.L. ALLSUN

S.E.L.A.R.L. EKIP'

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 juillet 2020 par le Tribunal Judiciaire d'ANGOULEME (chambre : 4, RG : 11-19-000663) suivant déclaration d'appel du 31 juillet 2020

APPELANTE :

S.A. COFIDIS, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 8]

représentée par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOËT, avocat plaidant au barreau D'ESSONNE

INTIMÉS :

[T] [G]

né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 6]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

[J] [I] épouse [G]

née le [Date naissance 3] 1982 à [Localité 5]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

représentés par Maître Sonia AIMARD-LOUBERE de la SELARL AB VOCARE, avocat au barreau de la CHARENTE

S.A.R.L. ALLSUN, agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité au siège sis '[Adresse 7]

représentée par Maître Michel PUYBARAUD de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Olivier GUEVENOUX de la SELARL SEMIOS, avocat plaidant au barreau de la CHARENTE

INTERVENANTE FORCEE :

S.E.L.A.R.L. EKIP', es qualité de mandataire judiciaire de la SARL ALLSUN, désignée par jugement du 3 février 2021 prononçant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, et es qualité de liquidateur judiciaire désignée par jugement du Tribunal de Commerce de Bordeaux en date du 14 avril 2021, domiciliée en cette qualité [Adresse 4]

non représentée, assignée à personne habilitée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 février 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Bérengère VALLEE, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Roland POTEE, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

En présence de [T] MAUMONT, magistrat détaché en stage à la cour d'appel de Bordeaux

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

M. [T] [G] et Mme [J] [I] épouse [G] ont conclu le 21 novembre 2018 avec la SARL Allsun France un bon de commande n° 05501 concernant la fourniture et la pose d'une pompe à chaleur Air/Eau Sweetpac pour un prix de 24 913 euros.

Ce contrat a été financé par un crédit affecté souscrit auprès de la SA Cofidis pour un montant de 24 900 euros remboursable en 120 mensualités d'un montant de 242,07 euros chacune, après un différé d'amortissement de six mois.

Par acte d'huissier remis à personnes morales les 28 juin et 20 août 2019, les époux [G] ont assigné la société Allsun France et la société Cofidis devant le tribunal judiciaire d'Angoulême en nullité du contrat de vente et de pose de la pompe à chaleur et des conventions afférentes.

Par jugement du 10 juillet 2020, le tribunal judiciaire d'Angoulême a :

- prononcé la nullité du contrat n° 05501, conclu le 21 novembre 2018 entre M. [G] et Mme [G], d'une part, et la société Allsun France, d'autre part,

- prononcé en conséquence la nullité du contrat de crédit souscrit par M. [G] et Mme [G] selon offre préalable du 21 novembre 2018 auprès de la société anonyme Cofidis, affecté au financement de cette opération,

- condamné la société Allsun, à reprendre possession dans un délai de 3 mois à compter de la signification du jugement, des matériels installés en application du contrat du 21 novembre 2018, et à la remise du système de chauffage dans son état antérieur à l'exécution du contrat et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard,

- condamné la société Allsun, à restituer à M. et Mme [G] la somme de 24 913 euros,

- dit que passé ce délai, ce matériel demeurera acquis aux époux [G],

- dit que la société Cofidis a commis une faute la privant du droit de poursuivre la restitution de l'intégralité du capital prêté à l'encontre des époux [G],

- débouté la société Cofidis de l'intégralité de ses demandes,

- condamné la société Allsun à payer aux époux [G] :

* la somme de 3 929,04 euros au titre de leur préjudice matériel,

* la somme de 10,66 euros au titre de leur préjudice matériel,

* la somme de 2 500 euros au titre de leur préjudice de jouissance,

lesdites sommes portant intérêt à taux légal à compter de la décision,

- débouté les époux [G] du surplus de leurs demandes indemnitaires,

- condamné in solidum la société Allsun et la société Cofidis, aux entiers dépens de l'instance,

- condamné in solidum la société Allsun et la société Cofidis à payer aux époux [G] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

La société Cofidis a relevé appel du jugement par déclaration du 31 juillet 2020.

A la suite du redressement judiciaire de la SARL Allsun, selon jugement du 3 février 2021, la société Cofidis a fait assigner le 25 mars 2021, en intervention forcée, la SELARL Ekip, ès-qualités de mandataire judiciaire de la SARL Allsun. Le redressement judiciaire de la société Allsun a été converti en liquidation judiciaire par jugement du 14 avril 2021.

Par conclusions déposées le 19 janvier 2023, la société Cofidis demande à la cour de :

- réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- juger les époux [G] mal fondés en leurs demandes, fins et conclusions et les en débouter,

- juger la société Allsun mal fondée en ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la société Cofidis,

- juger la société Cofidis recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

Y faisant droit,

- condamner solidairement les époux [G] à reprendre l'exécution du contrat de crédit conformément aux stipulations contractuelles telles que retracées dans le tableau d'amortissement,

- condamner solidairement les époux [G] à rembourser à la société Cofidis, en une seule fois, l'arriéré des échéances impayées depuis le jugement assorti de l'exécution provisoire, au jour de la signification de l'arrêt à intervenir,

A titre subsidiaire, si la cour confirmait la nullité des conventions ou prononçait leur résolution judiciaire :

- condamner solidairement les époux [G] à rembourser à la société Cofidis le capital emprunté d'un montant de 24 900 euros, au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

A titre subsidiaire, si la cour confirmait la nullité des conventions ou prononçait leur résolution et confirmait la faute de la banque de nature à la priver de sa créance de restitution du capital:

- condamner la société Ekip, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Allsun à payer à la société Cofidis la somme de 29 170,97 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

A titre infiniment subsidiaire :

- condamner la société Ekip, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Allsun à payer à la société Cofidis la somme de 24 900 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

En tout état de cause,

- condamner la société Ekip, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Allsun à relever et garantir la société Cofidis de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge au profit des époux [G],

- condamner solidairement les époux [G] à payer à la société Cofidis, une indemnité d'un montant de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement les époux [G] aux entiers dépens qui pourront être directement recouvrés par l'avocat soussigné par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 30 juin 2021, les époux [G] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

* prononcé la nullité du contrat n° 05501, conclu le 21 novembre 2018 entre M. [G] et Mme [G], d'une part, et la société Allsun France, d'autre part,

* prononcé en conséquence la nullité du contrat de crédit souscrit par M. [G] et Mme [G] selon offre préalable du 21 novembre 2018 auprès de la société anonyme Cofidis, affecté au financement de cette opération,

* condamné la société Allsun, à restituer à M. et Mme [G] la somme de 24 913 euros

* dit que la société Cofidis a commis une faute la privant du droit de poursuivre la restitution de l'intégralité du capital prêté à l'encontre des époux [G],

* débouté la société Cofidis de l'intégralité de ses demandes,

* condamné la société Allsun à payer aux époux [G] :

- la somme de 3 929,04 euros au titre de leur préjudice matériel,

- la somme de 10,66 euros au titre de leur préjudice matériel,

- la somme de 2 500 euros au titre de leur préjudice de jouissance,

Fixer en conséquence la créance des époux [G] à 31 352,70 euros (24 913 + 6 439,70) au titre de ces différents préjudices au passif de la société Allsun représentée par la société Ekip ès-qualités de liquidateur de la société Allsun,

* condamné in solidum la société Allsun et la société Cofidis à payer aux époux [G] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau,

* fixer la créance complémentaire des époux [G] au passif de la société Allsun, représentée par la société Ekip, ès qualité de mandataire liquidateur de la société Allsun, à la somme de 9 127,15 euros correspondant à :

. 1 627, 15 euros au titre de leur perte de revenus,

. 5 000 euros au titre du préjudice moral,

. 2 500 euros au titre de leur préjudice de jouissance des mois d'octobre 2020 à février 2021,

En tout état de cause,

- condamner la société Cofidis à verser aux époux [G] une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions déposées le 21 janvier 2021, la société Allsun demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris,

- dire n'y avoir lieu de prononcer la nullité du contrat,

- débouter les époux [G] et la société Cofidis de l'ensemble de leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société Allsun,

- condamner les époux [G] au paiement d'une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société Ekip n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel et les conclusions des parties lui ont été régulièrement signifiées.

L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 6 février 2023.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 23 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'irrecevabilité de la défense de la société Allsun France

L'article 963, alinéas 1, 2 et 4, du code de procédure civile dispose : « Lorsque l'appel entre dans le champ d'application de l'article 1635 bis P du code général des impôts, les parties justifient, à peine d'irrecevabilité de l'appel ou des défenses selon le cas, de l'acquittement du droit prévu à cet article.

« Sauf en cas de demande d'aide juridictionnelle, l'auteur de l'appel principal en justifie lors de la remise de sa déclaration d'appel et les autres parties lors de la remise de leur acte de constitution par l'apposition de timbres mobiles ou par la remise d'un justificatif lorsque le droit pour l'indemnisation de la profession d'avoué a été acquitté par voie électronique. En cas de requête conjointe, les appelants justifient de l'acquittement du droit lors de la remise de leur requête. [...]

« L'irrecevabilité est constatée d'office par le magistrat ou la formation compétents. »

La société Allsun France n'a pas justifié de l'acquittement du droit prévu à l'article 1635 bis B du code général des impôts. Elle est donc irrecevable en sa défense.

Au surplus, étant en liquidation judiciaire, elle ne pourrait être représentée que par son mandataire liquidateur, la SELARL Ekip en application de l'article L.641-9 I code de commerce.

Sur la nullité du contrat

Le contrat principal liant la société Allsun aux époux [G] a été conclu à l'occasion d'un démarchage à domicile. Il est par suite soumis aux dispositions des articles L. 221-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur au jour de la souscription du contrat litigieux le 21 novembre 2018.

L'article L. 221-5 du code de la consommation, issu de la loi du 14 mars 2016 dispose :

« Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;

(...)

6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l'utilisation de la technique de communication à distance, à l'existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'Etat. »

L'article L. 111-1 du Code de la consommation, issu de la loi du 14 mars 2016, énonce :

« Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

(...)

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte »

Aux termes de l'article R.221-2 du code de la consommation, applicable au présent litige :

« En application du 6° de l'article L. 221-5, le professionnel communique au consommateur les informations suivantes :

1° L'adresse géographique où le professionnel est établi ainsi que son numéro de téléphone, son numéro de télécopieur et son adresse électronique ainsi que, le cas échéant, l'adresse géographique et l'identité du professionnel pour le compte duquel il agit ;

2° Si elle diffère de l'adresse fournie conformément au 1°, l'adresse géographique du siège commercial du professionnel et, le cas échéant, celle du professionnel pour le compte duquel il agit à laquelle le consommateur peut adresser une éventuelle réclamation ;»

Il résulte de l'application combinée des articles L. 242-1 et L. 221-9 du même code que l'exemplaire daté du contrat conclu hors établissement doit comprendre « toutes les informations prévues à l'article L. 221-5 » à peine de nullité.

Dans ses écritures, la société Cofidis fait valoir que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal les bons de commande n'ont plus à indiquer les coordonnées du démarcheur à domicile, que les coordonnées du professionnel doivent s'entendre des coordonnées de la société et qu'en l'occurrence le bon de commande donne sur ce point toutes les informations utiles.

M. et Mme [G] soutiennent au contraire que la loi impose d'indiquer toutes les coordonnées du professionnel intervenu sur le dossier, outre celles du professionnel 'pour le compte duquel il agit', c'est-à-dire la société Allsun, et qu'à ce titre les mentions portées sur le bon de commande sont doublement défaillantes.

En l'espèce, le bon de commande signé par les époux [G] comporte la mention manuscrite des noms '[E]' et '[P]' associés à deux signatures distinctes, dans un encadré pré-imprimé intitulé 'Nom et signature du/des technicien(s) conseil(s)'. Or, un technicien conseil agissant pour le compte d'une société commerciale répond à la définition du professionel, telle qu'énoncée par l'article liminaire du code de la consommation, à savoir « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel ».

Dès lors, le bon de commande qui n'indique pas l'adresse commerciale du professionnel intervenu à domicile, ainsi que son numéro de téléphone et son adresse de messagerie électronique professionnelle ne satisfait pas à la réglementation.

Il y satisfait d'autant moins lorsque les coordonnées de la société pour le compte de laquelle les professionnels sont intervenus se révèlent insuffisamment précises. Or, en l'espèce, si le bon de commande mentionne bien l'adresse du siège social de la société Allsun, ainsi qu'un numéro de téléphone, il ne précise pas l'adresse électronique ou le numéro de télécopieur, seules données en mesure de permettre au consommateur des échanges écrits dématérialisés et donc facilités avec la société contractante.

Par conséquent, sans qu'il y ait lieu d'examiner le grief tiré de la résolution du contrat, il convient, au vu des irrégularités affectant le bon de commande et relevées à bon droit par le tribunal, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a annulé le contrat conclu entre M. et Mme [G] d'une part et la société Allsun d'autre part.

Sur les conséquences de la nullité du contrat principal sur le contrat de prêt

Pour financer l'opération litigieuse, M. et Mme [G] ont souscrit auprès la société Cofidis un contrat de crédit affecté, suivant offre préalable du 21 novembre 2018, acceptée le 8 décembre 2018. Le contrat est par suite soumis aux dispositions des articles L. 312-44 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction en vigueur au jour de sa conclusion.

Aux termes de l'article L. 312-55 du même code, le contrat de crédit affecté est « résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé ».

En application de ces dispositions et au regard de l'annulation du contrat conclu par acceptation du bon de commande du 21 novembre 2018, le contrat de crédit affecté au financement de l'opération doit également être annulé de plein droit. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les restitutions consécutives à l'annulation du contrat de prêt.

Aux termes de l'article 1178 du code civil, en cas d'annulation d'un contrat, les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 du même code.

Parallèlement, la banque peut voir sa responsabilité engagée sur le fondement des articles 1231 et suivants, en cas de manquements aux obligations accessoires résultant de la conclusion d'un contrat de crédit affecté, les créances réciproques du prêteur et de l'emprunteur pouvant alors se compenser plus ou moins complètement.

Ainsi, il est de jurisprudence constante que la nullité du contrat de crédit affecté implique la restitution par le prêteur des remboursements perçus et la restitution par les emprunteurs du capital emprunté, même lorsque les fonds ont été directement versés entre les mains du vendeur.

Cependant, le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute (Cass. Civ. 1, 25 nov. 2020, n° 19-14.908).

Sur la faute de la banque

M. et Mme [G] font valoir, d'une part, que la société Cofidis a délivré les fonds au vendeur sans s'être assurée que celui-ci avait exécuté son obligation et, d'autre part, qu'il appartenait à la société Cofidis de vérifier la régularité du bon de commande.

La société Cofidis réplique qu'en l'absence d'irrégularité flagrante du bon de commande la banque ne commet aucune faute lorsque celui-ci a l'apparence de la régularité quand bien même il viendrait in fine à être annulé. Elle ajoute que les fonds ont été délivrés au vu d'une attestation de livraison qui suffit en elle-même, la banque n'étant pas tenue de vérifier la mise en service de l'installation.

En l'espèce, la société Cofidis s'est fait remettre un bon de commande qui ne respecte pas les règles de forme prescrites par le code de la consommation, puisqu'il ne mentionne pas les coordonnées complètes des professionnels impliqués dans la vente conclue hors établissement. Or, l'irrégularité affectant le bon de commande ressort d'une simple comparaison entre les mentions prescrites par le code de la consommation et celles effectivement portées sur le bon de commande. Elle peut être décelée au moyen d'un contrôle purement formel de l'acte, soit un contrôle qui ne requiert pas d'expertise juridique particulière et qui demeure à la portée d'un établissement bancaire normalement prudent et diligent.

En outre, il y a lieu de relever, à la suite du premier juge, le caractère lacunaire du document intitulé 'attestation de livraison et d'installation demande de financement' signé le 7 décembre 2018 par M. [G], dans lequel la case correspondant au numéro de facture n'est pas remplie (pièce n° 8 du dossier de l'appelante). Or, la facture, dont il s'avère qu'elle a été établie postérieurement, soit le 10 décembre 2018 (pièce n° 5 du dossier des époux [G]), est une indication forte de la complète exécution des prestations promises, dont la société Cofidis aurait dû s'enquérir.

Au surplus, l'attestation du client est ainsi prérédigée : 'Je soussigné X atteste que le bien (la prestation de service) objet du contrat de crédit que j'ai souscrit auprès de Cofidis, a été livré conforme (exécutée en totalité ce jour)'. La formule renferme les termes de 'bien' ou de 'prestation de service', utilise des parenthèses comme pour indiquer des alternatives, et évoque une simple livraison, alors qu'il est question de la délivrance d'un bien. Outre le manque de clarté de la formule, elle ne rend pas compte du fait que l'obligation de délivrance d'une pompe à chaleur à un acheteur profane requiert davantage qu'une simple mise à disposition du matériel, et n'est pleinement exécutée qu'une fois réalisée la mise au point effective de la chose vendue. En l'espèce, l'attestation de livraison produite ne permet pas d'établir l'effectivité de la mise en route de la pompe à chaleur et donc la complète exécution de sa prestation par le vendeur.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a donc lieu de considérer que la société Cofidis a commis une faute caractérisée par des négligences dans le contrôle de la régularité formelle du contrat principal et dans le contrôle de sa complète exécution par le prestataire.

Sur le préjudice de M. et Mme [G]

M. et Mme [G] expliquent que les travaux d'installation se sont achevés le 18 décembre 2018, que l'installation a toujours dysfonctionné et provoqué des coupures de courant, au point que la société venderesse a fini par leur proposer en lieu et place la pose d'une chaudière à granulés, proposition à laquelle ils n'auraient pas donné suite. Ils prétendent que leurs trois enfants ont vécu dans une maison sans chauffage et que la situation perdure encore aujourd'hui. Ils font valoir qu'en raison de la liquidation judiciaire de la société Allsun et de leur qualité de créanciers chirographaires, le prix de la vente ne leur sera jamais restitué et que pour les mêmes raisons toute 'remise en état' est inenvisageable.

La société Cofidis fait valoir que du fait de la liquidation de la société Allsun, le matériel installé au domicile des époux [G] ne sera jamais retiré, qu'aucun constat d'huissier contradictoire ou rapport d'expertise ne permet de chiffrer le prétendu dommage inhérent aux désordres constatés, qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les 'problèmes de service après-vente' apparus après la livraison et la faute reprochée à la banque et que le fait de ne pouvoir récupérer les fonds auprès du vendeur résulte directement de la liquidation judiciaire de la société Allsun et non du fait d'avoir financé un bon de commande entaché de causes de nullité. L'appelante ajoute que la responsabilité de la banque, de nature contractuelle, implique de rapporter la preuve d'un préjudice prévisible, ce qui n'est pas le cas d'un préjudice consécutif à la mise en liquidation judiciaire du vendeur.

En l'espèce, les parties s'accordent à dire qu'en raison de la liquidation judiciaire de la société Allsun, de fait, les époux ne se verront pas restituer le prix de vente et la société Allsun ne sera pas en mesure de retirer le matériel installé à leur domicile. Pour les besoins de la cause, la cour prend ces faits non contestés pour acquis.

Dans ces conditions, afin d'évaluer les préjudices des époux [G], il convient de tenir compte non seulement du fait qu'ils ne se verront pas restituer la créance de prix mais également du fait qu'ils demeureront en possession du matériel livré. Il importe par conséquent de déterminer si le matériel fonctionne ou, à défaut, de connaître le coût qu'a présenté ou que présenterait la mise en conformité de l'installation.

A ce titre, il ressort du constat d'huissier du 21 janvier 2019 produit par les époux [G] (pièce n°12), de la teneur des échanges SMS avec les collaborateurs de la société Allsun dans le courant du mois de janvier de la même année (pièce n° 24) et des courriers recommandés envoyés par les époux [G] (pièces n° 6 et 10) que la pompe à chaleur ne fonctionnait pas correctement au jour de son installation et durant les semaines qui ont suivi. Afin de remédier à la situation, la société Allsun a proposé aux époux [G] deux solutions : ou bien de conserver leur pompe à chaleur tout en rajoutant un système de relève avec leur chaudière fioul, ou bien l'intallation aux frais d'Allsun d'une chaudière à granulés (pièce n° 23). Cette dernière option a été chiffrée, suivant devis de la société Allsun, daté du 17 janvier 2019, pour un montant de 28.349,96 euros (pièce n° 9). La SELARL Ekip, valablement assignée à personne morale, n'a pas constitué avocat et n'a donc pas rapporté la preuve que ladite chaudière avait été installée aux frais de la société Allsun au domicile des époux [G], et aucune demande d'expertise n'a été formulée.

La cour, appelée à statuer au vu des éléments versés au débat, ne peut que constater la situation préjudiciable des époux [G] à qui il est demandé de restituer à la banque l'intégralité du capital prêté, soit 24900 euros, alors que, dans le même temps, l'une des solutions préconisées par la société venderesse aujourd'hui en liquidation pour remédier aux désordres constatés, consiste en de nouveaux travaux chiffrés à 28 349,96 euros. Leur préjudice, qui est étroitement lié au déblocage fautif des fonds par la société Cofidis, pouvait être prévu par cette dernière au moment de conclure un crédit affecté dont la caractéristique première est son interdépendance avec le contrat principal.

Les emprunteurs justifiant par conséquent avoir subi un préjudice en lien avec la faute de la banque prêteuse de deniers, il convient de faire droit à leur demande tendant à priver celle-ci de son droit à restitution du capital emprunté, et de tenir compte de l'étendue de leur préjudice pour considérer que la banque est privée de l'intégralité de sa créance.

Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

Sur la demande subsidiaire de garantie formée par la société Cofidis

Premièrement, la société Cofidis entend rechercher la responsabilité contractuelle de la société Allsun. A ce titre, elle se prévaut d'une clause contenue dans une convention conclue avec la société venderesse aux termes de laquelle celle-ci devrait répondre des pertes de Cofidis en cas de manquements à ses propres obligations.

Or, le contrat que produit l'appelante (pièce n° 39), intitulé 'Convention crédit vendeur photovoltaïque' a pour objet, selon son article 2, de donner mandat au vendeur pour qu'il présente à ses clients des crédits destinés à financer l'achat et l'installation de panneaux photovoltaïques. Le contrat n'ayant pas vocation à régir leur rapport pour ce qui concerne la vente et le financement d'une pompe à chaleur, il se révèle inapplicable en l'espèce.

Deuxièmement, la société Cofidis soutient, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, que la société Allsun a commis une faute en produisant un bon de commande irrégulier à l'origine de la nullité de l'opération et en faisant signer aux emprunteurs une attestation de livraison avant même que les travaux ne soient intégralement terminés. L'appelante se prévaut d'un préjudice tiré de la privation de sa créance de restitution du capital par les emprunteurs.

Force est néanmoins de constater qu'en raison de l'anéantissement de l'opération, la restitution du capital est bien due par les emprunteurs et que ce n'est qu'en raison des manquements de la société Cofidis à ses propres obligations que celle-ci se trouve privée de sa créance de restitution par le jeu de la compensation. La société Cofidis étant seule à l'origine du préjudice qu'elle invoque, elle ne peut prétendre en obtenir réparation auprès de la société venderesse.

Troisièmement, la société Cofidis se prévaut à l'égard de la société venderesse d'un 'enrichissement sans cause'. Elle explique 'qu'avec la nullité ou la résolution des conventions, le patrimoine de la société venderesse se serait enrichi d'un montant de 24.900 euros alors que le patrimoine de la SA Cofidis se serait appauvri d'un pareil montant'.

Toutefois, aux termes de l'article 1303 du code civil, l'action fondée sur l'enrichissement injustifié requiert la démonstration d'un enrichissement et d'un appauvrissement corrélatif. Or, la société Allsun a été condamnée à restituer le prix de la vente à M. et Mme [G], de sorte que la société Cofidis ne peut valablement prétendre qu'elle s'est enrichie.

Pour ces motifs, la société Cofidis sera déboutée de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société Ekip, ès qualitès de mandataire liquidateur de la société Allsun.

Sur les demandes de dommages et intérêts formées par les époux [G]

Le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a condamné la société Allsun à leur payer 3.929,04 euros au titre de leur préjudice matériel, 10,66 euros au titre de leur préjudice matériel et 2.500 euros au titre de leur préjudice de jouissance. Il sera donc confirmé sur ce point, sauf à préciser que ces sommes seront inscrites au passif social de la société en liquidation judiciaire.

En ce qui concerne les indemnisations complémentaires réclamées, le premier juge a considéré, suivant de justes motifs que la cour adopte, que la preuve de la perte de revenus n'était pas rapportée. En outre, les époux [G] ne justifient pas davantage en appel du préjudice moral dont ils sollicitent réparation et, s'ils prétendent que depuis que le jugement a été rendu, en juillet 2020, leurs problèmes de chauffage perdurent au point de devoir 'se débrouiller avec leur chauffage d'appoint', aucune preuve ne vient étayer ces dires.

Sur les autres demandes

Aux termes de l'article 696 du code civil, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

La société Cofidis succombant pour l'essentiel, elle supportera la charge des dépens d'appel.

Selon l'article l'article 700 du code de procédure civile le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

A ce titre, la société Cofidis sera condamnée à verser à M. et Mme [G] la somme de 1.500 euros.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Déclare la société Allsun irrecevable en sa défense,

Confirme le jugement rendu le 10 juillet 2020 par le tribunal judiciaire d'Angoulême, sauf à préciser que les sommes mises à la charge de la société Allsun par ce jugement seront inscrites au passif social de cette société;

Y ajoutant,

Condamne la S.A Cofidis aux dépens de l'instance ;

Condamne la S.A. Cofidis à payer à M. [T] [G] et Mme [J] [G] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/02889
Date de la décision : 20/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-20;20.02889 ?
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