COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION B
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ARRÊT DU : 16 MARS 2023
SÉCURITÉ SOCIALE
N° RG 20/05282 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-L3JP
S.A.S.U. [1]
c/
CPAM DE LA GIRONDE
Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 novembre 2020 (R.G. n°19/00662) par le Pole social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d'appel du 21 décembre 2020.
APPELANTE :
SASU [1], agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 3]
représenté par Me GUILLE substituant Me Julie HAZART de la SELARL TESSARES AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde (CPAM), prise en la personne de son directeur domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]
représentée par Me Françoise PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 janvier 2023, en audience publique, devant Madame Sophie Lesineau, conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Paule Menu, présidente
Madame Sophie Lésineau, conseillère
Madame Cybèle Ordoqui, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.
Exposé du litige
La société [1] employait M. [K] en qualité de cariste préparation logistique lorsqu'elle a complété, le 30 juillet 2018, une déclaration d'accident du travail survenu le 10 juillet 2018 et décrit comme suit : "en conduisant le véhicule tracteur de laitier a ressenti une douleur à l'épaule droite en tournant le volant du véhicule'. Le certificat médical initial, établi le 12 juillet 2018, mentionne : 'douleur du cou épaule avant bras droit bras coté droit.'
Par décision du 4 octobre 2018, la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde (la caisse en suivant) a notifié la prise en charge l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels et M. [K] a été déclaré guéri au 1er janvier 2020.
Le 4 décembre 2018, la société [1] a saisi la commission de recours amiable de la caisse aux fins de contester la prise en charge de l'accident du travail du salarié.
Par décision du 15 janvier 2019, la commission de recours amiable de la caisse a rejeté le recours formé.
Le 16 mars 2019, la société [1] a contesté ce rejet par saisine du pôle social du tribunal de grande instance de Bordeaux.
Par jugement du 27 novembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- débouté la société [1] de l'intégralité de ses demandes ;
- déclaré que la décision de la caisse de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident dont a été victime son salarié, M. [K], le 10 juillet 2018, lui était opposable ;
- déclaré que la totalité des soins et arrêts de travail prescrits ensuite de cet accident lui était opposable ;
- condamné la société au paiement des entiers dépens.
Par déclaration du 21 décembre 2020, la société a relevé appel de ce jugement.
Par ses dernières conclusions, enregistrées le 28 juillet 2022, la société [1] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :
À titre principal :
- de constater que la lésion ayant fait l'objet d'une déclaration en juillet 2018 correspond à une lésion identique à celle constatée et traitée le 4 février 2016 ;
- d'infirmer le jugement rendu en première instance et déclarer par conséquent que la lésion du 10 juillet 2018 doit être qualifiée de rechute de lésion ayant fait l'objet d'un constat initial le 4 février 2016, et en tirer toutes les conséquences de droit ;
À titre subsidiaire :
- de constater qu'il existe un différend d'ordre médical portant sur l'imputabilité des soins et arrêts de travail faisant suite à l'accident du 10 juillet 2018 de M. [K] ;
En conséquence,
- d'infirmer le jugement rendu en première instance et ordonner une expertise médicale judiciaire, le litige intéressant les seuls rapports caisse primaire / employeur, afin de vérifier la justification des soins et arrêts de travail pris en charge par l'organisme de sécurité sociale au titre du sinistre en cause ;
- de nommer tel expert avec pour mission, après s'être fait communiquer l'intégralité des pièces médicales et administratives du dossier par la caisse primaire ou par tout tiers susceptible de les détenir, et avoir dûment convoqué les parties, de prendre connaissance de l'entier dossier médical de M. [K] établi par la caisse primaire, déterminer exactement les lésions initiales imputables à l'accident du 10 juillet 2018, fixer la durée des arrêts de travail en relation directe et exclusive avec le sinistre en cause et déterminer si à la nouvelle date de consolidation que l'expert aura fixée, l'état de l'assurée laissait subsister des séquelles imputables aux lésions initialement prises en charge ;
- de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure pour qu'il soit débattu du contenu du rapport d'expertise ;
- de lui déclarer inopposables les prestations servies n'ayant pas de lien direct, certain et exclusif avec l'accident du 10 juillet 2018 de M. [K] ;
En toute hypothèse,
- condamner la caisse en tous les dépens de l'instance.
La société [1] soutient que les séquelles déclarées par M. [K] ne constituent pas un accident du travail, mais une rechute d'un accident survenu le 4 février 2016. Elle fait valoir le caractère identique de la nature et du siège des lésions médicalement constatées par certificat médical du 12 juillet 2018 et ajoute que le simple fait de tourner un volant ne saurait s'apparenter à un évènement brusque et soudain caractérisant l'accident du travail.
Aux termes de ses dernières conclusions du 2 décembre 2022, la caisse sollicite de la cour qu'elle:
- confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 novembre 2020 par le pôle social du tribunal de grande instance de Bordeaux ;
- déboute la société [1] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamne la société [1] au paiement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens.
La caisse soutient que les faits déclarés par M. [K] répondent à la définition d'un accident du travail et elle se prévaut, en conséquence, de la présomption d'imputabilité couvrant l'ensemble des symptômes, soins et arrêts prescrits à l'assuré par suite de son accident du 10 juillet 2018.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.
Motifs de la décision
En application des articles L411-1, L431-1 et L433-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme un accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.
Il appartient à la caisse primaire d'assurance maladie de rapporter la preuve que l'accident est intervenu au temps et au lieu du travail pour bénéficier de la présomption d'imputabilité, et à l'employeur qui conteste cette imputabilité de rapporter la preuve de l'existence d'un état pathologique antérieur sans lien avec l'accident ou la maladie et évoluant pour son propre compte, ou d'une cause qui lui serait totalement étrangère.
La présomption s'applique aux lésions initiales, à leurs complications, à l'état pathologique antérieur aggravé par l'accident ou la maladie jusqu'à la guérison ou la consolidation et fait obligation à la caisse de prendre en charge les dépenses afférentes à ces lésions au titre de la législation sur les risques professionnels.
En l'espèce, M. [K] a déclaré avoir ressenti une douleur vive et soudaine le 10 juillet 2018 à 9h45 alors qu'il effectuait une tâche inhérente à son activité professionnelle (conduite d'un tracteur de laitier) et qu'il travaillait, ce jour-là, de 6h00 à 14h00. Il ressort de la lettre de réserves émise par la société [1] que le salarié s'est tout de suite rendu à l'infirmerie, de sorte qu'il est établi que l'information à l'employeur a été immédiate. De plus, le certificat médical initial a été rédigé le 12 juillet 2018, soit dans un laps de temps proche des faits énoncés, et ce document fait état de constatations médicales conformes aux doléances émises par M. [K] tant sur la déclaration d'accident du travail qu'auprès de l'infirmière de la société (douleur cou épaule avant-bras droits). Dès lors, les éléments constitutifs d'un accident du travail, à savoir l'existence d'un fait précis et soudain au temps et au lieu du travail ayant engendré des lésions médicalement constatables, sont bien réunis de sorte que la caisse bénéficie de la présomption d'imputabilité. Le jugement critiqué est donc confirmé sur ce point.
La société [1] fait toutefois valoir qu'il ne s'agit pas d'un accident à part entière, mais d'une rechute d'un accident du travail survenu le 4 février 2016.
Toutefois, force est de constater :
- que les réserves de l'employeur ont abouti à une enquête diligentée par la caisse, dont il ne ressort aucune incohérence ;
- qu'il n'appartient pas à l'infirmière de l'employeur de déterminer si les faits en question relèvent ou non d'un accident du travail, mais bien au service médical de la caisse ;
- qu'il existe une continuité des soins, symptômes et arrêts au regard des certificats médicaux établis jusqu'au 1er janvier 2020, date de la guérison de l'assuré, qui mentionnent les mêmes lésions et une rééducation adaptée ;
- que le service de contrôle de la caisse a estimé le 10 juillet 2018 que l'arrêt de travail était justifié ;
- que l'avis du docteur [O], médecin-consultant de l'employeur, est non documenté et se borne à émettre des hypothèses quant à un éventuel lien avec un état antérieur sans pour autant parvenir à démontrer l'absence totale de lien avec l'accident déclaré en juillet 2018. En effet, s'il est avéré que M. [K] avait déjà été blessé à l'épaule droite le 4 février 2016, non seulement les circonstances de l'accident divergent (douleur en chargeant un bac), mais la société [1] ne présente aucun élément susceptible d'établir un lien entre les deux accidents autre que le siège commun des lésions. Ni le diagnostic, ni les suites de l'accident de 2016 n'ont été versés aux débats.
En tout état de cause, il est rappelé que la dolorisation d'un état antérieur ne fait pas obstacle à la survenue d'un nouvel accident du travail concernant une même zone, sauf à l'employeur à rapporter la preuve d'une cause totalement étrangère au travail et évoluant pour son propre compte, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Compte tenu de tous ces éléments, le jugement rendu le 27 novembre 2020 est confirmé en toutes ses dispositions, sans qu'il y ait lieu d'ordonner de mesure d'expertise médicale, laquelle ne peut avoir pour but de pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve.
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société [1] qui succombe, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel. Elle sera également condamnée à verser à la caisse la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code précité.
Par ces motifs
La cour,
Confirme le jugement rendu le 27 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Bordeaux ;
Y ajoutant,
Condamne la société [1] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société [1] aux dépens de la procédure d'appel.
Signé par Madame Marie-Paule Menu, présidente,et par Madame Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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