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15/03/2023 | FRANCE | N°19/06101

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 15 mars 2023, 19/06101


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 15 MARS 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 19/06101 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LKIK















Société civile SCEA CHATEAU GUILLAUME



c/



Monsieur [K] [D]

















Nature de la décision : AU FOND

















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Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 octobre 2019 (R.G. n°F 18/00151) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Agriculture, suivant déclaration d'appel du 20 novembre 2019,





APPELANTE :

SCEA Château Guillaume, agissant en la personne de ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 15 MARS 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 19/06101 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LKIK

Société civile SCEA CHATEAU GUILLAUME

c/

Monsieur [K] [D]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 octobre 2019 (R.G. n°F 18/00151) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Agriculture, suivant déclaration d'appel du 20 novembre 2019,

APPELANTE :

SCEA Château Guillaume, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 387 689 086

assistée de Me Jérôme MARFAING-DIDIER de la SCP DECKER & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE, représentée par Me Cécile BOULE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur [K] [D]

né le 05 Août 1956 à [Localité 3] de nationalité Française

Profession : Retraité(e), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Caroline REGES, avocat au barreau de LIBOURNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 janvier 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente, et Madame Sylvie Tronche conseillère chargée d'instruire l'affaire

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [K] [D], né en 1956, a été engagé en qualité d'ouvrier agricole par la SCEA Château Guillaume, par contrat de travail à durée déterminée à compter du 2 avril 2013.

La relation contractuelle s'est ensuite poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2013.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des exploitations agricoles de la Gironde.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [D] s'élevait à la somme de 1.638,04 euros.

Un avertissement a été notifié à M. [D] au printemps 2017, sans aucune précision quant à sa date, pour avoir quitté, sans autorisation, le bureau de Mme [W], son supérieur hiérarchique et lui avoir manqué de respect au cours de l'entretien annuel.

Le 23 mai 2018 au matin, une altercation a eu lieu au sein de l'entreprise entre M. [D] et l'un de ses collègues, M. [L] lequel, après avoir déposé plainte, a fait constater ses blessures par un médecin.

Par lettre datée du 23 mai 2018, M. [D] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 29 mai 2018.

M. [D] a contesté la mise à pied conservatoire qui lui a été notifiée.

Il a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 31 mai 2018 ainsi rédigée : « (...)

Vous avez pris votre poste de travail à 6h du matin au lieu de 8h sans l'autorisation de votre responsable d'exploitation, de plus vous avez eu un comportement dégradant à l'encontre d'un de vos collègue de travail en ayant recours à des actes de violences à son égard profitant de l'absence de témoins pour agir de la sorte ce qui vaut une ITT de 8 jours à celui-ci constatée par son médecin et un dépôt de plainte à votre encontre.

(...) ».

A la date du licenciement, M. [D] avait une ancienneté de 5 ans et 1 mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, M. [D] a saisi le 23 octobre 2018 le conseil de prud'hommes de Libourne qui, par jugement rendu le 10 octobre 2019, a :

- dit que le licenciement de M. [D] est dénué de cause réelle et sérieuse,

- condamné la SCEA Château Guillaume à payer à M. [D] les sommes suivantes :

* 350 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

* 344,80 euros à titre de paiement de la mise à pied,

* 34,48 euros à titre de congés payés y afférents,

* 3.276,08 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 327,60 euros à titre de congés payés y afférents,

* 1.842,79 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [D] de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre de sommes impayées,

- fixé la moyenne des trois derniers mois à 1.638,04 euros,

- débouté la SCEA Château Guillaume de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la SCEA Château Guillaume aux dépens et frais éventuels d'exécution.

Par déclaration du 20 novembre 2019, la société Château Guillaume a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre adressée par le greffe aux parties le 22 octobre 2019.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 28 septembre 2020, la société appelante demande à la cour de débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes, de réformer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre de sommes impayées et, statuant à nouveau, de :

A titre principal,

- dire que le licenciement de M. [D] est fondé sur une faute grave,

- débouter M. [D] de l'intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- constater que M. [D] ne justifie d'aucun préjudice,

- ramener à de plus justes proportions les demandes de M. [D] ;

En tout état de cause,

- dire que le comportement de M. [D] a causé un préjudice d'image à la société Château Guillaume et le condamner à payer 500 euros de dommages et intérêts en réparation de celui-ci,

- condamner M. [D] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 25 juin 2020, M. [D] demande à la cour de'le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes et de :

A titre principal,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a condamné la société au titre de la mise à pied et des congés payés y afférents, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents, l'indemnité de licenciement, au titre des frais irrépétibles et des dépens et en ce qu'il a fixé la moyenne des salaires à la somme de 1.638,04 euros,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé une condamnation à l'encontre de la société à titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mais le réformer s'agissant du quantum, à fixer à la somme de 9.828,24 euros,

A titre subsidiaire,

- dire que la procédure de licenciement est entachée d'irrégularité,

- en conséquence, condamner la société Château Guillaume à lui payer la somme de 1.638,04 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

En tout état de cause,

- condamner la société à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

- débouter la société Château Guillaume de ses demandes reconventionnelles.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 décembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 17 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave, doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.

Aux termes de la lettre de licenciement pour faute grave, qui fixe les termes du litige, il est reproché à M. [D] des actes de violences à l'encontre de son collègue, M. [L] ainsi que d'avoir pris son poste de travail à 6h du matin au lieu de 8h, sans l'autorisation de son responsable d'exploitation.

Il ressort des pièces versées à la procédure par l'employeur et notamment du procès-verbal d'audition de M. [L] dressé le 23 mai 2018 par la gendarmerie de [Localité 3], du certificat médical établi le même jour par le docteur [J] ayant constaté une tuméfaction de la joue gauche et une irritation de la face interne de la joue gauche de M. [L] ainsi que de l'attestation émanant d'un autre salarié, [V] [T], que M. [D] a porté des coups de poing au niveau de la mâchoire de son collègue M. [L], ces éléments venant contredire les affirmations de M. [D] selon lequel, il avait eu une altercation avec M. [L] le 23 mai 2018 sans toutefois lui avoir porté de coups.

Ces faits, d'une particulière gravité, qui se sont déroulés à un horaire où le salarié n'aurait pas dû être présent puisqu'il devait prendre son poste deux heures plus tard, constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de la société.

Dés lors le licenciement de M. [D] pour faute grave est fondé de sorte qu'il convient d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

***

La mise à pied à titre conservatoire prise ensuite de cet incident étant justifiée, il ne peut être fait droit à la demande du salarié tendant à l'allocation d'une somme de 344,80 euros outre celle réclamée au titre des congés payés afférents. En conséquence, la décision des premiers juges sera infirmée.

De la même façon, le licenciement pour faute grave ne pouvant donné lieu à l'allocation de sommes au titre de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de licenciement, la décision entreprise sera infirmée de ces chefs.

Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'infirmer la décision de première instance en ce qu'elle a alloué à M. [D] la somme de 350 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'irrégularité de la procédure de licenciement

Pour solliciter l'allocation d'une somme de 1.634,04 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article L.1235-2 du code du travail, le salarié invoque deux irrégularités, l'une tenant au non-respect du délai séparant la lettre recommandée de convocation et la tenue de l'entretien préalable et l'autre, tenant au délai avant lequel il ne peut être procédé à l'envoi de la lettre de licenciement.

- Sur le délai entre la convocation et l'entretien préalable

Si comme le souligne à juste titre le salarié, la lettre recommandée reçue le 25 mai 2018 le convoquant à un entretien préalable en vue de son licenciement ne respecte pas les prescriptions de l'article L.1232-2 du code du travail en vertu desquelles l'entretien ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée de la lettre de convocation, il n'en demeure pas moins qu'il ne justifie ni même n'allègue d'un quelconque préjudice au soutien de sa demande alors qu'il ressort des pièces versées par ses soins qu'il a été présent à l'entretien et était assisté d'un conseiller.

- Sur le délai entre l'entretien préalable et la notification du licenciement

M. [D] soutient qu'ayant reçu la notification de son licenciement le 31 mai 2018, moins de deux jours ouvrables après l'entretien préalable qui s'est déroulé le 29 mai 2018, la procédure était irrégulière sans toutefois faire état et justifier d'un quelconque préjudice.

Dès lors, ce chef de demande ne peut qu'être rejeté.

Sur la demande de la société au titre du préjudice d'image

C'est à juste titre que les premiers juges ont débouté la société de sa demande, le préjudice invoqué n'était pas rapporté.

Leur décision sera confirmée sur ce point.

Sur les autres demandes

M. [D], partie perdante à l'instance, sera condamné aux dépens ainsi qu'à payer à la société la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la SCEA Château Guillaume de sa demande au titre du préjudice d'image,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [D] pour faute grave est fondé,

Déboute M. [D] de l'intégralité de ses demandes,

Condamne M. [D] à verser à la SCEA Château Guillaume la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres prétentions,

Condamne M. [D] aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/06101
Date de la décision : 15/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-15;19.06101 ?
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