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15/03/2023 | FRANCE | N°19/05813

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 15 mars 2023, 19/05813


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 15 MARS 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 19/05813 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LJQA















Madame [M] [O] épouse [J]



c/



SARL FUTUR DIGITAL

















Nature de la décision : AU FOND











Grosse délivrée le :


r>à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 septembre 2019 (R.G. n°F 19/00043) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 04 novembre 2019,





APPELANTE :

Madame [M] [O] épouse [J]

née le 04 Février 1990 à [Localit...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 15 MARS 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 19/05813 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LJQA

Madame [M] [O] épouse [J]

c/

SARL FUTUR DIGITAL

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 septembre 2019 (R.G. n°F 19/00043) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 04 novembre 2019,

APPELANTE :

Madame [M] [O] épouse [J]

née le 04 Février 1990 à [Localité 5] (MAROC) de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Céline PILON, substituant Me Anaïs SAULNIER, avocats au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SARL Futur Digital, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 517 862 967

assistée de Me BUCKSUN substituant Me Jérémie PONTONNIER, avocat au barreau de PARIS, représentée par Me Frédéric CAVEDON, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 janvier 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d'instruire l'affaire, et Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [M] [O] épouse [J], née en 1990, a été engagée en qualité d'attachée commerciale par contrat de travail à durée indéterminée établi le 25 août 2014, à effet au 27 août 2014. par la SARL Futur Digital Direct 2, devenue Futur Digital.

Le contrat de travail prévoyait que la rémunération de Mme [O] était constituée par un salaire fixe de 1.200 euros bruts outre une prime mensuelle forfaitaire de 'bonne conduite' liée à la bonne utilisation du matériel et du véhicule mis à sa disposition d'un montant de 300 euros.

Il stipulait également qu'à l'issue de la période d'essai, la salariée disposerait d'un véhicule de fonction.

Un avenant signé le même jour a prévu un plan de rémunération variable en fonction d'un objectif de 15 contrats par mois lissés sur les deux premiers mois de l'intégration de la salariée au sein de la société.

Le secteur de mme [O] était constitué des départements suivants : 33, 47, 24, 40, 64, 16, 17 et 87.

Le contrat contenait également une clause de non-concurrence, la salariée s'engageant à ne pas commercialiser des produits identiques sur ce secteur pendant 12 mois à compter de la cessation de la relation contractuelle.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil.

Le 23 octobre 2014, a été signée une annexe prévoyant un objectif de 3 contrats par mois et fixant des commissions, fonction du chiffre d'affaires réalisé.

Le 3 novembre, un nouvel avenant a fixé en outre un objectif de CA minimum de 13.000 euros par mois et a modifié les modalités de calcul des commissions.

Le 30 décembre 2015, un avenant au contrat de travail a été signé entre Mme [O] et son employeur fixant le salaire fixe de cette dernière à la somme mensuelle brute de 1.500 euros.

Du 14 mars au 31 juillet 2016, Mme [O] a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie puis, à nouveau du 13 au 20 mars 2017.

Le 1er juin 2017, Mme [O] a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement fixé au 13 juin 2017.

Suite à la réception d'un arrêt de travail jusqu'au 18 juin 2017 et par lettre datée du 7 juin 2017, la société a reporté l'entretien préalable au 20 juin 2017.

Lors de cet entretien, une proposition de rupture conventionnelle a été envisagée.

Mme [O] a ensuite été licenciée pour insuffisance de résultats par lettre datée du 26 juin 2017.

A la date du licenciement, Mme [O] avait une ancienneté de 2 ans et 10 mois et la société occupait à titre habituel plus de 10 salariés.

Par courrier en date du 6 juillet 2017, Mme [O] a été dispensée d'effectuer son préavis et son salaire a été maintenu.

Les documents de fin de contrat ont été adressés à Mme [O] les 4 et 13 septembre 2017.

La clause de non-concurrence de Mme [O] a été levée le 7 septembre 2017.

Contestant à titre principal la validité de son licenciement en raison du harcèlement moral subi, à titre subsidiaire, son caractère réel et sérieux et réclamant des dommages et intérêts pour préjudice moral et financier outre des rappels de salaires pour heures supplémentaires, des rappels de salaires et des congés payés, Mme [O] a saisi le 24 janvier 2018 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, après radiation de l'affaire le7 décembre 2018 et réinscription le 11 janvier 2019, a, par jugement rendu le 27 septembre 2019 :

- maintenu la qualification de licenciement pour insuffisance professionnelle à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée de Mme [O] signé avec la société Futur Digital,

- débouté Mme [O] de toutes ses demandes et laissé les dépens à sa charge,

- débouté la société Futur Digital de sa demande reconventionnelle.

Par déclaration du lundi 4 novembre 2019, Mme [O] a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 2 octobre 2019.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 avril 2022, Mme [O] demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée, de dire la société Futur Digital irrecevable en toutes ses demandes et, statuant à nouveau, de :

A titre principal,

- constater le harcèlement moral vécu par elle,

- dire que la rupture du contrat de travail faite sur cette base est nulle,

- condamner la société Futur Digital au paiement de 25.356 euros à titre de dommages et intérêts,

A titre subsidiaire,

- dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Futur Digital à lui verser la somme de 25.356 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En toute hypothèse,

- condamner la société Futur Digital à lui verser la somme de 2.189 euros à titre de rappel de salaire,

- condamner la société Futur Digital à lui verser la somme de 415,10 euros au titre des congés payés,

- condamner la société Futur Digital à lui verser une indemnité de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Futur Digital aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 décembre 2022, la société Futur Digital demande à la cour de':

A titre principal,

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 27 septembre 2019,

- constater l'absence de faits constitutifs de harcèlement moral,

- constater que le licenciement pour insuffisance professionnelle était valablement fondé,

- constater que Mme [O] succombe dans l'administration de la preuve,

- débouter Mme [O] de l'ensemble de ses prétentions,

A titre subsidiaire,

- limiter les demandes de Mme [O],

En tout état de cause,

- condamner Mme [O] à lui porter et à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamner Mme [O] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du16 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rappel de salaire

Mme [O] sollicite le paiement de la somme de 2.189 euros correspondant à un rappel de salaire de novembre 2014 à septembre 2015, fondant cette demande à la fois sur :

- le fait que son salaire était inférieur au SMIC, ainsi qu'elle l'invoquait en première instance au soutien d'une demande formulée à hauteur de 3.900 euros,

- le non-respect des minima conventionnels, moyen qui n'était pas invoqué devant les premiers juges, exposant que sa demande en cause d'appel correspondrait, sans plus de précision, au différentiel entre le salaire de base qu'elle a perçu (soit 1.200 euros) et le salaire minimum prévu par la convention collective soit 1.399 euros et soutenant qu'il n'y a pas lieu d'intégrer les primes et avantages en nature dans la comparaison.

En relevant que la prescription triennale s'oppose à toute demande antérieure à novembre 2014, la société s'oppose à cette demande au motif que, d'une part, le salaire perçu était supérieur au SMIC et que, d'autre part, la comparaison avec le minimum conventionnel doit être faite en incluant la prime perçue, soit 300 euros, et l'avantage en nature, soit 178,71 euros, la société produisant l'avenant n° 34 du 16 juin 2007 relatif aux salaires minima conventionnels des ETAM.

***

Aux termes de l'avenant n° 42 du 21 mai 2013 à la convention collective applicable, étendu par arrêté du 2 août 2013 publié au JORF du 4 septembre 2013, les salaires minimaux conventionnels des ETAM sont déterminés selon la formule suivante :

« Salaire minimum conventionnel = partie fixe + (valeur du point ETAM × coefficient de la position).

Pour les positions 1.3.1, 1.3.2, 1.4.1 et 1.4.2, la valeur du point est fixée à 2,85 € bruts et la partie fixe à 827 € bruts » soit un salaire brut minimal de 1.539,50 euros compte tenu de la position 1.4.2 de Mme [O].

Le contrat de travail conclu entre les parties prévoyait que la rémunération de Mme [O] était constituée par un salaire fixe de 1.200 euros bruts outre une prime mensuelle forfaitaire 'de bonne conduite' liée à la bonne utilisation du matériel et du véhicule mis à sa disposition d'un montant de 300 euros, qui lui a été versée tout au long de la relation contractuelle.

Il stipulait également qu'à l'issue de la période d'essai, la salariée disposerait d'un véhicule de fonction, qui figure en avantage en nature sur les bulletins de paie pour un montant de 178,71 euros de novembre 2014 à mai 2015, de 170,84 euros en juin 2015, puis de 152,52 euros en juillet, août et septembre 2015.

L'article 32 de la convention collective applicable précise que :

- dans les barèmes des appointements minimaux garantis afférents aux positions définies, sont inclus les avantages en nature évalués d'un commun accord et mentionnés dans la lettre d'engagement ainsi que les rémunérations accessoires en espèces, mensuelles ou non, fixées par la lettre d'engagement ;

- pour établir si l'ETAM reçoit au moins le minimum le concernant, les avantages prévus ci-dessus doivent être intégrés dans la rémunération annuelle dont 1/12 ne doit, en aucun cas, être inférieur à ce minimum ;

- par contre, les primes d'assiduité et d'intéressement, si elles sont pratiquées dans l'entreprise, les primes et gratifications de caractère exceptionnel et non garanties ne sont pas comprises dans le calcul des appointements minimaux, non plus que les remboursements de frais, les indemnités en cas de déplacement ou détachement, la rémunération des heures supplémentaires.

Contrairement à ce que soutient Mme [O], la mise à disposition permanente d'un véhicule de fonction et le paiement d'une prime mensuelle contractualisée, même 'distinctes' dans le contrat ne constituent pas des primes à caractère exceptionnel et leur montant doit donc être intégré dans la comparaison entre la rémunération perçue et le salaire minimal garanti par la convention collective.

Ayant perçu une rémunération s'élevant à 1.678,71 euros, supérieure à ce salaire minimal garanti, Mme [O] doit être déboutée de sa demande à ce titre.

Par ailleurs, en vertu des dispositions de l'article D. 3231-6 du code du travail, le salaire horaire à prendre en considération dans la comparaison avec le salaire minimum de croissance est celui qui correspond à une heure de travail effectif compte tenu des avantages en nature et des majorations diverses ayant le caractère de fait d'un complément de salaire.

Sont exclues les sommes versées à titre de remboursement de frais, les majorations pour heures supplémentaires prévues par la loi et la prime de transport.

La mise à disposition d'un véhicule de manière permanente constitue un complément de salaire au sens de ce texte mais, en revanche la prime de 'bonne conduite', susceptible d'être suspendue en cas notamment d'accident avec ledit véhicule, ne doit pas être prise en compte.

Doivent en revanche être intégrées les commissions perçues par le salarié, correspondant à la contrepartie de sa prestation de travail.

Or, à l'examen des commissions perçues par Mme [O] sur la période concernée par le rappel de salaire représentant un montant total de 15.386,78 euros auquel il convient d'ajouter un complément de salaire de 39,50 euros versé à 4 reprises, le montant de la rémunération servie à Mme [O] sur la période concernée par sa demande en paiement, a été supérieur au SMIC applicable, soit 1.445,38 euros en 2014 et 1.457,52 euros en 2015.

Mme [O] doit donc être également déboutée de sa demande de ce chef, le jugement étant confirmé à ce titre.

Sur la demande au titre des congés payés

Mme [O] sollicite le paiement d'une somme de 415,10 euros, estimant que ses jours de congés ont été décomptés de manière erronée par son employeur en faisant valoir qu'elle avait sollicité par courriel du 20 février 2017 :

- 4 jours de congés pour mariage,

- un jour de congés pour aménagement,

* jours qui devaient être pris du 27 au 31 mars 2017,

- 4 jours de congés payés du 21 au 24 mars 2017 qui avaient été validés par sa direction.

Or, tous ces jours auraient néanmoins été décomptés en congés payés par la société qui prétend que Mme [O] n'avait pas adressé le justificatif de son mariage qu'elle n'a produit que dans le cadre de la présente procédure.

La société conclut au rejet de cette demande, au motif de l'absence de justificatif adressé par la salariée et ajoutant que la convention collective ne prévoit pas de jour exceptionnel pour déménagement.

***

L'article 29 de la convention collective applicable prévoit que des autorisations d'absences exceptionnelles non déductibles des congés et n'entraînant pas de réduction d'appointements seront accordées au salarié notamment pour se marier à hauteur de 4 jours ouvrés.

Dans la mesure où la convention collective n'exige pas la production d'un justificatif et qu'il n'est ni établi ni même allégué d'une réclamation faite par l'employeur à ce titre, Mme [O] justifiant dans le cadre de la présente procédure de son mariage intervenu le 25 mars 2017, sa demande au titre des 4 jours est justifiée.

En revanche, il n'est pas prévu de congé exceptionnel pour déménagement.

En conséquence, il sera alloué à Mme [O] la somme de 322,08 euros bruts à ce titre.

Sur le harcèlement moral

Mme [O] soutient avoir été victime de harcèlement et conclu en conséquence à la nullité de son licenciement.

Selon les dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1154-1 prévoit, qu'en cas de litige, si le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Au soutien de sa demande, Mme [O] invoque les éléments suivants :

- des objectifs et challenges de plus en plus importants ;

- des horaires de travail excessifs en lien avec l'étendue de son secteur au visa de sa pièce 9 qui témoignerait, selon elle, de dépassements importants au regard de la durée légale de travail ; est listé en pages 11 et 12 de ses écritures le nombre de 'déplacements' hors son secteur pour 2015, 2016 et 2017 au visa d'un tableau figurant en pièce 21 ;

- une dégradation de ses conditions de travail et une pression insoutenable ayant conduit en 2016 à des arrêts de travail pour burn-out au visa de sa pièce 22 constituée d'arrêts de travail ; ces documents sont illisibles et ne mentionnent pas leur motif mais sur les bulletins de paie, figure une absence pour maladie du 14 mars 2016 jusqu'au 31 juillet 2016 ;

- un certificat daté du 21 juin 2018 établi par le médecin prescripteur des arrêts qui fait état d'un 'problème anxio-dépressif' (pièce 18).

A sa reprise, qu'elle date dans ses écritures du mois d'avril 2016, Mme [O] aurait vu sa situation professionnelle et son emploi constamment mis à mal :

- des déplacements hors de sa zone professionnelle lui auraient été imposés :

- certains dossiers ne lui étaient plus accessibles ;

- les codes internet ne lui étaient plus communiqués.

Outre les pièces déjà visées, Mme [O] invoque :

- l'attestation de Mme [P] (pièce 19) qui fait état de l'échec de sa période d'essai (de mai à juillet 2015) en en attribuant la responsabilité à la société, se plaignant d'un déficit d'intégration dans l'équipe de commerciaux en place, d'une ambiance hostile cautionnée par la direction, de rendez-vous fournis de 'très mauvaises qualités' car obtenus à la suite d'un harcèlement du call center de la société, concluant « Comment réussir quand les conditions de travail sont mauvaises en tout point » ;

- 4 avis négatifs qui concerneraient la société, émis de manière anonyme sur un site internet (pièce 23) ;

- des extraits d'agenda (pièce 15) ;

- 6 copies d'écran de téléphone (pièce13).

Sur les objectifs et challenges de plus en plus importants ; aucune pièce n'est visée et la cour relève que les termes des messages téléphoniques ne témoignent pas d'une pression anormale dans ce type d'activité.

L'inaccessibilité de 'certains dossiers' ou le défaut de communication des codes internet ne reposent que sur les seules affirmations de Mme [O].

Sur le caractère excessif des horaires de travail, les déplacements (pièce 21) ne corroborent pas le tableau des horaires de travail produit en pièce 9 : outre que cette pièce est difficilement exploitable car les semaines y figurant ne se suivent pas dans un ordre chronologique et que l'année n'est pas précisée, Mme [O] passe en effet sous silence le nombre très important de rendez-vous annulés ou non confirmés, qu'elle n'a par conséquent pas honorés, et qui représentent généralement la moitié des visites programmées ; à titre d'exemple, les extraits d'agenda sur lesquels l'année ne figure pas mentionnent :

- semaine du 8 septembre : 2 RV le mercredi, 3 le jeudi et 1 le vendredi ;

- semaine du 22 septembre : 3 RV le mardi et 3 le mercredi ;

- semaine du 29 septembre : 2 RV le mardi, 4 le jeudi et 1 le vendredi ;

- le maximum de RV y figurant étant de 12 dans la semaine.

S'agissant des déplacements hors secteurs, le tableau figurant en pièce 21 fait effectivement apparaître des rendez- vous en Corrèze, Creuse, Vienne, ou encore le Lot, voire une fois en région parisienne, à [Localité 4] : pour ces deux derniers, il s'agissait de RV 'perso' donc pris par la salariée elle-même qui ne peut donc valablement soutenir qu'ils lui auraient été imposés, celui de [Localité 4] ayant au demeurant été annulé.

Pour les autres, d'une part, le nombre de RV réellement honorés par suite de l'annulation ou de la non confirmation d'un grand nombre est sans commune mesure avec celui figurant dans les écritures de Mme [O], le décompte fait par la cour aboutissant à :

- 2015 : 44,

- 2016 : 103,

- 2017 : 17.

D'autre part, les départements concernés étaient limitrophes de ceux figurant au contrat et n'allongeaient pas considérablement les temps de trajet, contrairement à ce que prétend l'appelante, la cour relevant au surplus que les RV étaient programmés le plus souvent sur le même département ou un département voisin pour chaque semaine.

Enfin, sur le tableau, il est mentionné qu'un certain nombre de ces RV ont été pris 'personnellement' par Mme [O] qui ne peut dès lors soutenir qu'ils lui étaient imposés.

Quant au nombre de déplacements, il ne peut qu'être relevé que ceux-ci sont inhérents à l'emploi qu'occupait la salariée, chargée de visiter des prospects en vue de leur faire signer des contrats.

L'attestation de Mme [P] ne fait état d'aucun fait précis concernant Mme [O] et les avis négatifs publiés sur Internet outre leur caractère anonyme ne peuvent être extrapolés à la situation de celle-ci.

Les arrêts de travail produits (pièce 22) sont illisibles et ne mentionnent pas, en tout état de cause leur motif ; l'existence d'un burn-out, qui ne repose que sur l'affirmation de Mme [O] n'est pas plus étayée par le certificat médical établi le 21 juin 2018 par le médecin prescripteur des arrêts qui fait état d'un 'problème anxio-dépressif' sans faire aucune référence à des conditions de travail dégradées qu'aurait évoquées Mme [O] (pièce 18).

Au vu de ces observations, les faits que Mme [O] invoque ne sont pas établis.

Mme [O] a donc été à juste titre déboutée par les premiers juges de sa demande de nullité de son licenciement fondée sur l'existence d'un harcèlement qui ne peut être retenue.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

La lettre de licenciement adressée le 26 juin 2017 à Mme [O] est ainsi rédigée :

« Nous faisons suite à l'entretien préalable qui s'est déroulé mardi 20 juin 2017 en présence de Mme [T] [R], conseiller du salarié.

Les explications que vous nous avez fournies lors de cet entretien, n'ont pas permis de modifier notre analyse de la situation si bien que nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour insuffisance professionnelle.

Vous connaissez parfaitement nos attentes. Elles n'ont d'ailleurs rien d'extraordinaire au regard de vos missions qui consistent, en substance, à assurer la représentation, la promotion et la commercialisation des contrats proposés par Futur Digital Direct 2 dans le but de développer/potentialiser le chiffre d'affaire de l'entreprise.

A cet effet, les objectifs de votre contrat de travail étaient doubles:

1- D'une part, obtenir la signature d'un objectif minimum de 3 contrats signés par mois sur votre propre prospection commerciale, qui permet de mesurer votre capacité à développer le portefeuille de clients par la mobilisation de vos propres ressources personnes.

2- D'autre part, à réaliser mensuellement un chiffre d'affaires minimum de 13.000 euros HT.

Force est de constater cependant, qu'après plusieurs mois d'activité, votre secteur ne s'est en rien développé.

Il apparaît assez nettement un manque d'implication et de professionnalisme quant à nos attentes contractuelles.

Les chiffres relevés sur les derniers mois d'activité parlent d'eux-mêmes :

Mois

Nombre de rendez-vous issus de la prospection personnelle

Total CA réalisé HT

Septembre 2016

2

14.299, 41 euros

Octobre 2016

1

18.694 euros

Novembre 2016

0

4.817,56 euros

Décembre 2016

1

1.990 euros

Janvier 2017

1

14.280 euros

Février 2017

1

11.032,94 euros

Mars 2017

1

4.560,59 euros

Avril 2017

1

1.900 euros

Mai 2017

0

3.467,94 euros

Juin 2017

0

-

Total

8

75.042,53 euros

Vos résultats négatifs reflètent un travail irrégulier et, en toute hypothèse, un manque d'implication (le nombre de rendez-vous est insuffisant) et de prise en compte de notre méthodologie de travail.

Suite à de nombreux échanges concernant votre travail, nous estimons que nous vous avons suffisamment laissé le temps de vous ressaisir et de mettre en place la méthode de vente Futur Digital Direct 2.

Nous constatons que le résultat est en deçà de nos attentes et de vos objectifs contractuels.

Par ailleurs, vous disposiez d'une demi-journée par semaine, le lundi après-midi, pour positionner vos rendez-vous issus de la prospection personnelle sur deux journées complètes.

Or, sur la période de Septembre 2016 à ce jour, vous avez effectué 74 rendez-vous issus de votre prospection personnelle.

Ce qu revient à environ 8 rendez-vous par mois, soit 2 rendez-vous à peine par semaine !

Un rendez-vous dure en moyenne 1 heure 30 à 2 heures, soit 4 heures de travail par semaine.

Ainsi, nous nous interrogeons légitimement sur la gestion de votre temps de travail, du travail fourni au sein de notre société et du temps effectif travaillé pour arriver à des résultats aussi peu pertinents.

Au regard de vos résultats, il apparaît une incapacité manifeste à mobiliser vos ressources personnelles et où vous auriez dû exploiter les outils mis à votre disposition pour créer de nouveaux contacts clients et générer de nouveaux contrats.

La dimension commerciale du poste implique une démarche proactive soutenue pour développer et potentialiser le chiffre d'affaires de l'entreprise que vous n'avez pas mise en place malgré le soutien de votre hiérarchie.

Ce n'est pourtant pas le temps qui vous manque pour répondre à nos légitimes attentes au regard des journées qui vous sont octroyées pour vous permettre de vous consacrer pleinement à la prospection commerciale qui constitue votre coeur de métier.

Vous comprendrez que cela pénalise le bon fonctionnement de l'entreprise.

Telles sont finalement les conditions dans lesquelles nous avons finalement décidé de mettre un terme à notre collaboration. (...) ».

Pour voir infirmer le jugement déféré, Mme [O] invoque les éléments suivants :

- le caractère irréalisable des objectifs fixés en raison de l'accroissement de la concurrence et de l'augmentation de la durée des contrats d'une durée de 12 mois en lieu et place des engagements de 48 mois initialement prévus dans l'avenant du 3 novembre 2014 ;

- des déplacements inutiles à des RV auxquels les clients ne se présentaient pas ;

- des déplacements hors de son secteur et la durée des trajets en général non prise en compte par la société qui n'inclut pas non plus le temps de préparation des RV au nombre de 6 voire 12 certaines semaines ;

- le lundi était consacré à la prise de RV donc elle ne pouvait réaliser ces entretiens avec les clients que 3 jours par semaine (sic) ;

- elle n'a pu atteindre les objectifs fixés que ponctuellement tout en déployant toutes ses capacités ;

- lors de son retour, après son burn-out, les pressions et le harcèlement ont repris et elle n'a pas pu reprendre le rythme imposé ;

- la société qui n'a pas fourni de fichier clients est responsable de son échec ;

- le licenciement ne peut reposer sur la non-réalisation de 3 contrats par mois dès lors que cet objectif n'avait qu'une incidence sur le droit à commissionnement ;

- le chiffre d'affaires de 13.000 euros a été atteint sur la moitié des mois et durant les autres, elle était en congés.

La société sollicite la confirmation du jugement déféré exposant les éléments suivants :

- les objectifs fixés reposaient sur l'accord des parties figurant à l'avenant signé le 3 novembre 2014 ;

- Mme [O] avait pu réaliser ces objectifs au cours des années 2014 et 2015 ; elle n'était pas une débutante et n'a pas été évincée des challenges, contrairement à ce qu'elle prétend, ayant d'ailleurs perçu des primes à ce titre en 2015 et en août 2016 ;

- à partir de janvier 2016, l'objectif mensuel de trois contrats conclus à partir de sa propre prospection commerciale n'a pas été atteint, la société faisant la liste des résultats en pages 13 de ses écritures et y ajoutant l'insuffisance du chiffre d'affaires réalisé ;

- les résultats de l'agence de [Localité 3] démontrent que les objectifs assignés aux salariés étaient réalisables.

***

L'insuffisance de résultats, qui doit être caractérisée par des éléments concrets quantifiables et vérifiables telle la non-atteinte des objectifs fixés à condition qu'ils soient réalisables, ne constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement que si elle repose soit sur une insuffisance professionnelle, qui se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié d'exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, soit sur une carence fautive du salarié.

Les objectifs fixés à la salariée étaient prévus dans l'avenant conclu le 3 novembre 2014 en ces termes :

« Les objectifs du salarié sont doubles.

D'une part, le salarié s'engage, par sa propre prospection commerciale (clients ou prospects non fournis par Futur Digital) à aboutir à la signature d'un minimum de 3 (trois) contrats par mois.

Le non-respect de cet engagement entraîne une diminution du droit à commissionnement dans les conditions fixées à l'article 3.2 du présent avenant.

D'autre part, le salarié s'engage à réaliser mensuellement un chiffre d'affaires HT minimum de 13.000 euros. »

En premier lieu, si, ainsi que le soutient Mme [O], le défaut de signature de 3 contrats par mois, entraînait une diminution du droit à commissions, il figurait néanmoins comme un engagement du salarié, susceptible d'être sanctionné par l'employeur.

Sur le caractère réalisable de ces objectifs, au vu du listing établi par la société dans ses écritures, d'une part, le nombre de contrats conclus par mois par Mme [O] atteignait une moyenne de trois en 2014 et 2015 et le chiffre d'affaires était largement réalisé durant cette même période.

Le tableau figurant en pièce 23 de la société démontre que 6 des sept commerciaux de l'agence de [Localité 3] atteignaient l'objectif de chiffre d'affaires fixé.

L'affirmation faite par Mme [O] sur l'existence d'une concurrence accrue et la modification des contrats à une date non précisée ne repose sur aucune pièce.

De même, il est établi que les commerciaux disposaient d'une demi-journée par semaine dédiée à la prise de rendez-vous personnels et d'un nombre de rendez-vous avec des prospects organisés par la société elle-même, la cour ne comprenant pas comment Mme [O] peut ainsi prétendre n'avoir plus disposé que de trois jours par semaine pour honorer les RV dès lors qu'elle était engagée à temps plein.

Par ailleurs, il a été ci-avant retenu que les déplacements hebdomadaires étaient concentrés généralement sur un même département ou sur deux départements limitrophes et que nombre de RV, annulés ou non-confirmés, n'étaient pas honorés en sorte que l'existence d'une surcharge de travail et / ou de pressions ne peut être retenue.

Or, au cours des 10 derniers mois ayant suivi la fin de l'arrêt de travail pour maladie de Mme [O], soit d'août 2016 à mai 2017, le nombre de contrats mensuel n'a jamais été atteint, s'est élevé à 2 en août et septembre 2016, à 1 en octobre 2016 puis de novembre à avril 2017 et à 0 les autres mois ; quant au chiffre d'affaires, il n'a été atteint que durant deux mois -octobre 2016 et janvier 2017- pour diminuer considérablement de mars à mai et ce, même en le proratisant au temps de présence de la salariée.

Enfin, contrairement à ce que prétend Mme [O], l'échange de mails avec le directeur régional en avril 2017, démontre que la salariée avait été alertée sur l'insuffisance de ces résultats (pièce 22 société).

Or, à l'examen de la pièce 21 de Mme [O], il ne peut qu'être fait le constat d'un nombre très faible de RV hebdomadaires, même en y maintenant ceux annulés et / ou non confirmés, confortant les éléments invoqués dans la lettre de licenciement quant à l'insuffisance d'activité de la salariée à l'origine de la baisse drastique de ses résultats, impactant nécessairement le chiffre d'affaires de l'entreprise.

En considération de ces éléments, le jugement déféré qui a estimé que le licenciement de Mme [O] reposait sur une cause réelle et sérieuse sera confirmé, l'appelante étant déboutée de ses prétentions à ce titre.

Sur les autres demandes

La société, condamnée en paiement au titre d'un solde de congés payés, supportera les dépens mais eu égard à la somme allouée à Mme [O] qui n'établit avoir produit le justificatif nécessaire à ce règlement que dans le cadre de la procédure judiciaire, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Mme [M] [O] de sa demande en paiement d'un rappel de salaire et l'a condamnée aux dépens,

L'infirmant de ces chefs et statuant à nouveau,

Condamne la société Futur Digital à payer à Mme [M] [O] la somme de 322,08 euros bruts à titre de rappel d'indemnités de congés payés,

Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Futur Digital aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/05813
Date de la décision : 15/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-15;19.05813 ?
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