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15/03/2023 | FRANCE | N°19/05577

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 15 mars 2023, 19/05577


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 15 MARS 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 19/05577 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LI4D













Monsieur [G] [H]



c/



SELARL EKIP' anciennement dénommée SELARL Louis [F]

UNEDIC Délégation AGS CGEA DE [Localité 3]

















Nature de la décision : AU FOND


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Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 septembre 2019 (R.G. n°F 18/00184) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 18 octobre 2019,





APPELAN...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 15 MARS 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 19/05577 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LI4D

Monsieur [G] [H]

c/

SELARL EKIP' anciennement dénommée SELARL Louis [F]

UNEDIC Délégation AGS CGEA DE [Localité 3]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 septembre 2019 (R.G. n°F 18/00184) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 18 octobre 2019,

APPELANT :

Monsieur [G] [H]

né le 04 Septembre 1983 à LIBOURNE (33500) de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Magali BISIAU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

SELARL EKIP' -anciennement dénommée SELARL Louis [F]-, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL [Y] & Fils prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 530 321 355

UNEDIC Délégation AGS CGEA DE [Localité 3] , prise en la personne de son Directeur domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 4]

représentées par Me Cécile AUTHIER, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 janvier 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente et Madame Bénédicte Lamarque, conseillère chargée d'instruire l'affaire,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [G] [H], né en 1983, a été engagé en qualité de mécanicien auto, dépanneur par la SARL [Y] et Fils, par contrat de travail à durée déterminée d'une durée de 12 mois à compter du 1er juillet 2009.

Les parties ont ensuite conclu un contrat de travail à durée indéterminée à effet au du 1er juillet 2010, selon lequel M. [H] a été maintenu aux mêmes fonctions.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des services de l'automobile.

A compter d'avril 2016, M. [H] a été amené à effectuer régulièrement des permanences / astreintes. Il a signé à cet effet plusieurs avenants temporaires, le 1er avril 2016, le 1er mai 2016, le 1er juin 2016 et un avenant sans terme le 1er juillet 2016.

M. [H] a été placé en arrêt de travail pour maladie d'origine non professionnelle du 12 avril au 14 mai 2017.

Durant cette absence, M. [H] s'est plaint par plusieurs courriers du non-paiement de l'intégralité de son salaire et a également dénoncé le retard de paiement de ses salaires des derniers mois.

M. [H] a repris son poste de travail et a adressé un courrier le 1er juin 2017, faisant état des différents manquements dont il s'estimait victime.

A compter du 12 juin 2017, M. [H] a été de nouveau placé en arrêt de travail pour maladie jusqu'au 14 juin 2017 puis, à compter du 27 juin 2017.

Par jugement en date du 31 juillet 2017, le tribunal de commerce de Libourne a prononcé la liquidation judiciaire de la société [Y] et Fils et a désigné la SELARL [F] en qualité de liquidateur.

M. [H] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 11 août 2017 et a ensuite été licencié pour motif économique par lettre datée du 12 août 2017.

Le 30 août 2017, M. [H] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle.

Le contrat de travail de M. [H] a pris fin le 1er septembre 2017.

Le 9 octobre 2017, M.[H] a perçu son solde de tout compte.

Le 20 octobre 2017, M. [H] a dénoncé auprès du mandataire liquidateur le reçu pour solde de tout compte qu'il avait signé en rappelant l'absence de réponses à plusieurs courriers recommandés envoyés au gérant de la société [Y] et Fils.

Le mandataire liquidateur n'a pas donné suite au courrier.

Le 23 novembre 2018, invoquant des manquements de l'employeur à ses obligations et sollicitant le paiement de rappels de salaires outre et des dommages et intérêts, d'une indemnité pour travail dissimulé et la remise de documents de fin de contrat rectifiés, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Libourne qui, par jugement rendu le 27 septembre 2019, a :

- fixé la créance de M. [H] dans la liquidation judiciaire de la société [Y] et Fils à concurrence de :

* 200 euros bruts au titre d'une astreinte non réglée,

* 20 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

- dit que la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé est prescrite,

- débouté M. [H] du surplus de ses demandes,

- dit que Maître [F] devra inscrire sur le relevé des créances les sommes dues à M. [H] et se faire remettre les sommes nécessaires par l'AGS-CGEA de [Localité 3],

- dit que le jugement est opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 3] dans les limites de sa garantie fixées aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,

- ordonné l'emploi des dépens et frais d'exécution en frais privilégiés dans la liquidation judiciaire de la société [Y] et Fils.

Par déclaration du 18 octobre 2019, M. [H] a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance du 5 janvier 2022, le président du tribunal de commerce de Bordeaux a désigné la SELARL Ekip' prise en la personne de Maître [O] en remplacement de la SELARL [F].

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 2 décembre 2022, M. [H] demande à la cour de le recevoir en son appel, de le déclarer bien fondé en toutes ses demandes et de :

- réformer le jugement déféré en ce qu'il :

* a limité sa créance dans la liquidation judiciaire de la société [Y] et Fils à concurrence de :

- 200 euros bruts au titre d'une astreinte non réglée,

- 20 euros bruts au titre des congés y afférents,

* a dit que la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé est

prescrite,

* l'a débouté du surplus de ses demandes,

Statuant à nouveau,

- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société [Y] et Fils aux sommes suivantes :

* solde des heures supplémentaires : 1.023,51 euros bruts,

* indemnité compensatrice de congés payés afférente au solde des heures

supplémentaires : 102,35 euros bruts,

* solde de prime d'astreinte : 1.400 euros bruts,

* indemnité compensatrice de congés payés afférente au solde de prime

d'astreinte : 140 euros bruts,

* solde de l'indemnité compensatrice de congés payés : 272,37 euros bruts,

* dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 5.000

euros,

* dommages intérêts en réparation du préjudice subi pour manquement à

l'obligation de préserver la santé et la sécurité du salarié : 3.000 euros,

- juger que sa demande afférente au travail dissimulé n'est pas prescrite,

- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société [Y] et Fils à 19.614 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

- ordonner, la remise, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, des documents suivants :

* les bulletins de paie d'avril à août 2017,

* les bulletins de paie rectifiés de juillet 2016 à avril 2017,

* une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée intégrant les condamnations prononcées,

- juger que les condamnations porteront intérêt au taux légal,

- juger l'arrêt à intervenir opposable au CGEA de [Localité 3],

- condamner la SELARL Ekip' en sa qualité de mandataire liquidateur de la société

[Y] et Fils à :

* article 700 du code de procédure civile : 2.500 euros,

* dépens et frais éventuels d'exécution,

- débouter la SELARL Ekip'et le CGEA de [Localité 3] de l'ensemble de leurs demandes,

Pour le surplus,

- confirmer le jugement dont appel.

Dans ses conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 29 novembre 2022, la SELARL Ekip' en sa qualité de mandataire liquidateur de la société [Y] et Fils demande à la cour de :

- déclarer l'appel de M. [H] injustifié,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- juger la demande formulée au titre du travail dissimulé comme prescrite,

- débouter M. [H] de l'intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- réduire le montant des dommages et intérêts sollicités pour exécution déloyale,

- limiter le montant de l'indemnité pour travail dissimulé à la somme de 14.818,56 euros.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 29 novembre 2022, l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 3] demande à la cour de':

- déclarer l'appel de M. [H] injustifié,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- juger la demande formulée au titre du travail dissimulé comme prescrite,

- débouter M. [H] de l'intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- réduire le montant des dommages et intérêts sollicités pour exécution déloyale,

- limiter le montant de l'indemnité pour travail dissimulé à la somme de 14.818,56 euros,

En tout état de cause,

- juger que les dépens ne pourront en aucun cas être laissés à sa charge,

- juger que l'arrêt à intervenir ne lui sera opposable que dans la limite légale de sa garantie, en l'espèce le plafond 6, laquelle exclut l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 16 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande au titre des heures supplémentaires

Aux termes des dispositions des articles L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail et L. 3171-4 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant

compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

A l'appui de sa demande en paiement des heures supplémentaires, M. [H] produit un tableau récapitulatif faisant apparaître :

- pour la semaine 7 de février 2017, 38h30 heures supplémentaires effectuées alors que le bulletin de paie mentionne le paiement de 18h30 à ce titre,

- pour les semaines 10 et 12 de mars 2017, 45 heures 25 supplémentaires effectuées, le bulletin de paie correspondant mentionnant le paiement de 39 heures supplémentaires uniquement,

- et pour la semaine 14 d'avril 2017, 31 heures 05 supplémentaires non rémunérées, le bulletin de paie établi par le mandataire liquidateur ne faisant mention d'aucune heure supplémentaire payée sur ce mois,

Ces documents constituent des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en justifiant des horaires effectivement réalisés.

Le mandataire liquidateur conteste la réalité des heures supplémentaires dont M. [H] sollicite le paiement, faisant valoir l'absence de réclamation pendant le temps de la relation contractuelle et de ce que les bulletins de paie font déjà état d'heures supplémentaires réglées. Il indique que M. [H] ne peut se faire preuve à lui-même en produisant des tableaux horaires, en précisant que, dans le cadre de la procédure de liquidation, l'employeur ne lui a pas remis les relevés de temps de travail des salariés qu'il a conservés.

***

Le contrat de travail de M. [H] prévoyait un temps de travail hebdomadaire égal à 39 heures. Il était prévu que M.[H] serait amené à effectuer des interventions de dépannage-remorquage en dehors de ses horaires normaux au cas où le dépanneur de service serait parti en mission. En fin de mois, la société devait remettre au salarié un document récapitulant le nombre d'heures effectuées par celui-ci au cours du mois écoulé ainsi que la compensation correspondante.

L'employeur, qui assure le contrôle des heures effectuées par ses salariés, est représenté par le liquidateur qui ne peut produire aucun élément de nature à établir que le décompte de M. [H] serait erroné, ne versant aucun relevé mensuel du temps de travail que l'employeur avait l'obligation contractuelle de délivrer à M. [H] pour justifier du paiement des heures supplémentaires réglées sur les bulletins de paie.

Au vu des éléments précis produits par le salarié, la cour a la conviction que la société est redevable envers M. [H] de la somme de 1.023,51 euros au titre des heures supplémentaires non payées outre 102,35 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur la demande au titre du solde des astreintes

M. [H] sollicite le paiement de la somme de 1.400 euros bruts et des congés payés y afférents correspondant à :

- 2 primes d'astreinte de novembre 2016,

- 1 prime d'astreinte de décembre 2016,

- 2 primes d'astreinte de janvier 2017,

- 2 primes d'astreinte de mars 2017.

Pour s'opposer à la demande, le mandataire liquidateur soutient que le salarié ne justifie pas avoir réalisé les astreintes dont il demande le paiement, rappelant avoir exécuté le jugement déféré qui l'a condamné à payer 200 euros à ce titre.

***

En vertu de l'article L. 3121-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent litige, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

L'article L. 3121-5 du même code dans sa rédaction applicable au litige définit l'astreinte comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de

l'entreprise.

La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.

Aux termes de l'article R. 3121-2, en fin de mois, l'employeur doit établir et remettre au salarié un document récapitulant le nombre d'heures d'astreintes accomplies par lui au cours du mois écoulé, ainsi que la compensation correspondante.

Les avenants au contrat de travail de M. [H] distinguaient deux types d'astreinte :

- pour les périodes d'astreintes 'régulières', qui ne seraient pas du temps de travail effectif, une compensation financière de 150 euros, montant porté à 200 euros brut à compter du 1er juillet 2016, serait attribuée au salarié par semaine d'astreinte, périodes estimées à 'environ toutes les 3 semaines' ;

- pour les astreintes 'exceptionnelles', une programmation individuelle des périodes d'astreinte, qui devait être portée à la connaissance du salarié 15 jours à l'avance (délai pouvant être réduit à 1 jour franc en cas de circonstances exceptionnelles).

Il est ainsi établi contractuellement que toutes les trois semaines M. [H] était d'astreinte une semaine sans que l'employeur n'ait à lui en faire la demande par courrier, procédure qui était réservée aux astreintes exceptionnelles.

M. [H] produit un tableau précis duquel il ressort qu'il a été d'astreinte ordinaire toutes les 3 semaines et qu'il a également assuré des astreintes exceptionnelles la semaine du 21 mars 2017, suivant demande par courrier de l'employeur du 20 mars 2017, la semaine du 3 avril 2017, suivant demande par courrier de l'employeur du même jour.

M. [H] justifie avoir porté à la connaissance de l'employeur sa demande le 1er juin 2017, portant réclamation des astreintes qui découlent des dispositions contractuelles.

Il est établi par les tableaux récapitulatifs dressés par M. [H] et par la production des bulletins de paie correspondant que celui-ci a effectué 2 astreintes d'une semaine chacune en novembre 2016 (semaines 44 et 47), une astreinte en décembre (semaine 50), deux semaines d'astreinte en janvier 2017 (semaines 1 et 4) et deux semaines d'astreintes en avril 2017 (semaines 10 et 12) qui ne lui ont pas été rémunérées.

Il sera fait droit au rappel de paiement de ces sept semaines d'astreinte non rémunérées à hauteur de 1.400 euros, conformément aux engagements contractuels ayant prévu 200 euros par semaine d'astreinte, outre 140 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur la demande au titre du solde de l'indemnité compensatrice de congés payés

M. [H] sollicite le paiement de 4 jours de congés payés restants dus en décembre 2016, soit 8 jours pris et 12 jours décomptés contrairement aux mentions portées sur le bulletin de paie de décembre.

Le mandataire liquidateur s'oppose à la demande soutenant avoir déjà réglé une indemnité de congés payés de 4.007,85 euros bruts.

***

Au vu des mentions sur les bulletins de paie, au 31 décembre 2016, M. [H] avait soldé son droit à congé sur l'année 2014, il lui restait 35 jours à prendre sur 2016 en plus des jours acquis au 31 août 2017 et il lui a été versé une indemnité de 4.007,85 euros correspondant à plus de 50 jours de congés, de sorte qu'aucune somme ne lui reste due à ce jour à ce titre.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Pour voir fixer une créance au passif de la société pour exécution déloyale du contrat par l'employeur, M. [H] fait valoir :

- la perte subie du fait des retards de paiement des salaires, du non-paiement des heures supplémentaires, primes d'astreinte et indemnité compensatrice de congés payés restant dues et des frais engagés pour faire valoir ses droits,

- le refus de l'employeur d'établir l'attestation de salaire destinée au paiement des indemnités journalières et de régulariser un dossier auprès de l'IRP Auto,

- l'incidence du non-paiement de l'intégralité des heures de travail et des astreintes durant l'exécution du contrat de travail ayant entraîné une minoration de ses allocations de chômage.

Le mandataire liquidateur invoque l'absence de manquement de l'employeur aux motifs suivants :

- la société était en difficultés financières expliquant que les salaires entre les mois de décembre 2016 et avril 2017 aient été réglés en deux paiements, le tribunal de commerce de Libourne ayant retenu le 1er janvier 2017 comme date de cessation des paiements,

- le mandataire liquidateur a régularisé la situation de M. [H] auprès de la CPAM dès sa nomination en août 2017.

L'UNEDIC fait en outre valoir qu'elle ne peut garantir des dommages et intérêts fondés sur la responsabilité délictuelle dès lors que M. [H] fait référence à l'article 1382 du code civil.

***

En vertu de l'article L. 1222-1 du code du travail, expressément visé par l'appelant dans ses dernières écritures, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

A ce titre, l'employeur a un devoir de loyauté dans l'exécution du contrat de travail aussi bien en ce qui concerne la mise en oeuvre du contrat que l'application de la législation du travail.

Il n'est pas contesté que les salaires de décembre 2016 à avril 2017 ont chacun été payés en deux règlements avec un mois de décalage, alors que M. [H] a poursuivi son activité sur cette même période ayant été placé en arrêt de travail pour maladie du 12 avril au 14 mai puis à compter du 13 juin 2017 jusqu'à la fin du contrat de travail.

Le non-paiement des salaires ou le paiement en retard du salaire cause un préjudice au salarié qui, bien qu'il poursuive l'exécution du contrat de travail, ne reçoit pas la contrepartie de sa prestation.

M. [H] dresse une liste de frais administratifs liés aux démarches qu'il a dû effectuer et justifie également de frais bancaires en raison du défaut d'approvisionnement de son compte.

M. [H] établit également avoir alerté son employeur dès le 1er juin 2017 de ce que la sécurité sociale n'avait pas reçu l'attestation de salaire de sa part, alors qu'il y avait une obligation de maintien de salaire sur une période de 45 jours d'arrêt maladie par l'organisme de protection sociale des professionnels des services de l'automobile, l'IRP Auto. Il justifie avoir adressé lui-même à la CPAM les 20 juin et 28 juillet 2017 les documents nécessaires à la régularisation de son dossier. Il est établi que la CPAM n'a commencé à lui régler les indemnités journalières dues au titre de son arrêt maladie qu'en octobre 2017, soit 4 mois après le début de celui-ci et l'IRP Auto 6 mois après, l'intervention du mandataire liquidateur datant de la fin du mois d'août.

La société ayant manqué à ses obligations de loyauté dans l'exécution du contrat, obligeant M. [H] à faire valoir ses droits, à entreprendre seul des démarches qui incombaient à l'employeur et à subir une perte de revenu du fait de ces carences, il sera alloué à M. [H] une indemnité d'un montant de 500 euros qui sera fixée au passif de la liquidation judiciaire.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Pour voir condamner l'employeur à lui verser la somme de 3.000 euros, M. [H] invoque le manquement à l'obligation de visite médicale tant au moment de l'embauche qu'après une période de plus de 30 jours d'arrêt de travail ainsi qu'à l'obligation de prévention des risques, estimant avoir été soumis à un rythme de travail qui a nui à sa santé, exposant ne pas avoir disposé de chaussures de sécurité et vêtements de travail et, enfin, invoquant l'absence de document unique d'évaluation des risques professionnels.

Pour s'opposer à cette demande, le mandataire liquidateur fait valoir que M. [H] ne s'est jamais plaint de l'absence de visite médicale, ni de n'avoir pas bénéficié de chaussures de sécurité ou de vêtement de travail durant l'exécution du contrat et qu'il ne justifie pas de sa charge de travail importante.

***

Selon l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa version applicable au moment des faits, L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur doit veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L. 4121-2 du même code détermine les principes généraux de prévention sur le fondement desquels ces mesures doivent être mises en oeuvre.

Aux termes des dispositions de l'article R. 4121-1, l'employeur doit, dans le cadre de son obligation de sécurité, établir un document unique comportant les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il doit procéder en application de l'article L. 4121-3.

A ce titre, l'employeur se doit de veiller à l'organisation des examens médicaux d'embauche et périodiques, destinés à connaître l'état de santé du salarié et la compatibilité de celui-ci avec les contraintes du poste de travail.

En vertu de l'article R. 4624-22 dans sa rédaction applicable à l'espèce, le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.

La cour a retenu l'existence d'heures supplémentaires et de semaines d'astreinte non rémunérées. Il ressort ainsi des feuilles de paie et des heures supplémentaires décomptées que M. [H] avait une charge de travail très importante, assurant les réparations, les déplacements, les dépannages y compris sur des semaines d'astreintes à un rythme rapproché toutes les trois semaines, au cours desquelles il effectuait entre 60 à 70 heures hebdomadaires.

Ces dépassements d'horaire étaient de nature à altérer la santé du salarié.

Or, il ressort des pièces du dossier que l'employeur a manqué à ses obligations en n'organisant pas de manière régulière les visites auprès du médecin du travail et notamment au retour de l'arrêt de travail maladie de M. [H] qui a ensuite subi un nouvel arrêt de travail qu'il attribue à un épuisement lié au rythme de travail, ce dont atteste le dossier médical du salarié et l'arrêt de travail du 12 juin 2017 faisant état d'un burn out, de cervicalgies et de céphalées.

Il convient de relever le manquement de l'employeur à ses obligations en l'absence de document unique d'évaluation des risques professionnels alors que M. [H] invoque dans le même temps l'absence de fourniture de vêtement de travail, notamment de chaussures de sécurité, ainsi que des douleurs qu'il déclarait au médecin du travail au niveau du genou et des cervicales.

Le mandataire liquidateur ne produit aucune pièce, se limitant à soulever la tardiveté de la demande, jamais formulée durant l'exécution du contrat alors qu'il s'agit d'une obligation de l'employeur indépendante de toute réclamation et qui doit au contraire être mise en oeuvre en vue d'assurer une réelle prévention des risques des salariés.

En réparation du préjudice subi aux titre de ces manquements, il sera alloué à M. [H] la somme de 1.500 euros, qui sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société.

Sur la demande au titre du travail dissimulé

Pour voir dire son action recevable, M. [H] soutient que le délai de prescription de 12 mois prévus par l'article L. 1233-67 du code du travail ne peut lui être opposable comme n'ayant pas été mentionné dans le contrat de sécurisation professionnelle. Subsidiairement, il indique avoir agi dans le délai de 2 ans prévu pour les actions portant sur l'exécution du contrat de travail.

Sur le fond, il fait valoir le caractère intentionnel du non paiement des heures dues motivé par la dissimulation d'activité.

Pour s'opposer à la demande, le mandataire liquidateur soulève la prescription de l'action de M. [H] comme n'ayant pas agi dans les 12 mois de la rupture du contrat.

***

Même si la demande indemnitaire liée à l'infraction de travail dissimulé ne peut être sollicitée qu'une fois le contrat de travail rompu, la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance invoquée.

Or, l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 8223-1du code du travail est due en raison du non-respect par l'employeur de ses obligations liées à l'exécution du contrat et notamment de celle relative au paiement et à la déclaration des heures supplémentaires réalisées.

Le délai d'un an de la prescription attachée aux actions relatives à la rupture du contrat ne peut donc être opposé au salarié.

En l'espèce, la rupture du contrat de travail est intervenue le 31 août 2017, après adhésion de M. [H] au contrat de sécurisation professionnelle ; l'action engagée par la saisine du conseil de prud'hommes le 23 novembre 2018 n'est donc pas prescrite.

***

En vertu des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement soit à l'accomplissement de la formalité relative à la déclaration préalable à l'embauche, soit à la délivrance d'un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie, soit aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L. 8223-1 prévoit qu'en cas de rupture du contrat, le salarié auquel l'employeur a eu recours en commettant les faits prévus au texte susvisé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le liquidateur, qui représente l'employeur justifie de ce que l'URSSAF a bien reçu les déclarations de salaire de M. [H] à compter du 25 mai 2009 au 31 décembre 2014 même si l'état des archives de l'organisme de recouvrement des cotisations sociales ne permet pas de retrouver la déclaration préalable d'embauche au contrat du 1er juillet 2009.

Le liquidateur a également transmis au salarié les bulletins de paie d'avril 2017 aux termes du contrat de travail.

M. [H] ne justifie pas de ce que les salaires n'auraient pas été déclarés auprès de l'URSSAF postérieurement au 31 décembre 2014, l'organisme en confirmant uniquement la réception sur une période donnée sans mentionner le défaut de production postérieurement à cette date. Il ne justifie pas non plus de ce que les reversement des

charges sociales au moment de la rupture du contrat n'auraient pas été effectués, le liquidateur étant intervenu dans la suite du prononcé de la liquidation judiciaire.

Même si l'employeur avait connaissance d'heures supplémentaires et d'astreintes effectuées non payées, il n'est pas relevé d'élément intentionnel au regard notamment du faible montant des sommes allouées à ce titre et des difficultés financières que rencontrait la société. L'infraction de travail dissimulé n'est donc pas établie.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur la remise des documents

Le mandataire liquidateur devra délivrer à M. [H] :

- un bulletin de paie rectificatif comportant les créances salariale fixées par le présent arrêt,

- une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée, intégrant les condamnations prononcées, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, la mesure d'astreinte sollicitée n'étant pas en l'état justifiée.

Sur les autres demandes

Compte-tenu de la liquidation judiciaire prononcé le 31 juillet 2017, soit avant la saisine du conseil de prud'hommes, les sommes ne peuvent produire d'intérêts.

La société [Y] et Fils, représentée par la SELARL Ekip' en qualité de mandataire liquidateur est partie perdante à l'instance.

Les dépens seront ainsi supportés par la liquidation judiciaire, l'équité commandant de ne pas prononcer de condamnation au titre des frais irrépétibles exposés en cours d'appel.

La présente décision sera déclarée opposable à l'UNEDIC pour l'ensemble des condamnations prononcées, à l'exception des dépens, et dans les limites légales et réglementaires de sa garantie et du plafond applicable.

PAR CES MOTIFS,

La cour

Déclare recevable la demande de M. [G] [H] au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [G] [H] de sa demande en paiement du solde de l'indemnité de congés payés et mis les dépens à la charge de la liquidation judiciaire de la société [Y] et Fils,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Fixe les créances de M. [G] [H] au passif de la de la liquidation judiciaire de la société [Y] et Fils représentée par la SELARL Ekip' aux sommes de :

- 1.023,51 euros bruts au titre des heures supplémentaires non payées,

- 102,35 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

- 1.400 euros bruts au titre des primes d'astreinte dues,

- 140 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

- 500 euros au titre du manquement de l'employeur à son obligation de loyauté dans l'exécution du contrat,

- 1.500 euros au titre du manquement à l'obligation de sécurité,

Ordonne à la SELARL Ekip' la remise à M.[G] [H] d'un bulletin de paie rectificatif comportant les créances salariale fixée et d'une attestation destinée à Pôle Emploi modifiée, intégrant les condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

Déboute M. [G] [H] de sa demande au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

Déclare le présent arrêt opposable à l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 3] dans les limites légales et réglementaires de sa garantie et du plafond applicable et à l'exception des dépens,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Dit que les dépens seront supportés par la liquidation judiciaire de la société [Y] et Fils.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/05577
Date de la décision : 15/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-15;19.05577 ?
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