La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/03/2023 | FRANCE | N°20/02107

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 09 mars 2023, 20/02107


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 09 MARS 2023









N° RG 20/02107 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LSLA







S.A. MAAF ASSURANCES



c/



[K] [P]

CPAM DE LA DORDOGNE



























Nature de la décision : AU FOND

























Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 juin 2020 par le Tribunal judiciaire de PERIGUEUX (RG : 18/01588) suivant déclaration d'appel du 22 juin 2020





APPELANTE :



S.A. MAAF ASSURANCES, agissant en la personne de son représentant légal, directeur général, domicilié en cette qu...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 09 MARS 2023

N° RG 20/02107 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LSLA

S.A. MAAF ASSURANCES

c/

[K] [P]

CPAM DE LA DORDOGNE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 juin 2020 par le Tribunal judiciaire de PERIGUEUX (RG : 18/01588) suivant déclaration d'appel du 22 juin 2020

APPELANTE :

S.A. MAAF ASSURANCES, agissant en la personne de son représentant légal, directeur général, domicilié en cette qualité audit siège social sis [Adresse 6]

représentée par Maître Julie JULES de la SCP DEFFIEUX - GARRAUD - JULES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

[K] [P]

née le [Date naissance 3] 1996 à [Localité 11] (24)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

représentée par Maître Kathleen GENTY, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Delphine JEAN, avocat plaidant au barreau de ROUEN

CPAM DE LA DORDOGNE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 5]

non représentée, assignée à personne habilitée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Emmanuel BREARD, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Roland POTEE, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Le 20 mai 2009, [K] [P], âgée de 13 ans, a été renversée par une voiture conduite par M. [C], assuré auprès de la société MAAF Assurances, alors qu'elle circulait à pied.

Transportée au centre hospitalier de [Localité 11], elle a présenté à son arrivée une bosse pariéto-temporale droite, ainsi qu'un traumatisme avec entorse du genou droit.

Une IRM effectuée le 18 juin 2009, révélait 'une rupture récente proximale du ligament croisé antérieur (du genou droit). 'Petite désinsertion partielle avec arrachement cortical osseux de l'insertion proximale du ligament latéral externe, pas d'anomalie méniscale'.

L'apparition d'une grosseur au niveau du genou droit conduisait à la réalisation d'une nouvelle IRM le 16 novembre 2011 mettant en évidence 'une lésion a priori compatible avec un sarcome des tissus mous et éventuellement une tumeur mixoïde'.

Le 9 décembre 2011, une biopsie révélait l'existence d'une tumeur desmoïde.

Un traitement par cryothérapie a été réalisé du 20 au 22 mars 2012, suivi de séances de chimiothérapie à compter du mois de novembre 2012 afin de traiter la tumeur.

Les 28 mai 2010 et 29 juin 2011, le Docteur [M] [D], médecin expert missionné par la compagnie MAAF, réalisait deux expertises médicales concluant à l'absence de consolidation de la victime.

Le 27 novembre 2013, Mme [P] faisait l'objet d'un nouvel examen médical par le docteur [D]. S'interrogeant sur l'imputabilité de la tumeur desmoïde à l'accident dont elle avait été victime le 20 mai 2009, le docteur sollicitait l'avis du professeur [Y] [Z], rhumatologue au CHU de [Localité 9], et concluait de la façon suivante :

'De par la concordance de siège, de par la réalité et la sévérité du traumatisme initial du 20 mai 2009, de par la superposition de l'histoire clinique de Mme [P] aux données de la littérature concernant les tumeurs desmoïdes post-traumatiques, je pense logique d'accepter l'imputabilité de la tumeur desmoïde de la face postéro-externe du genou droit de Mademoiselle [P] au traumatisme initial du 20 mai 2009'.

Le docteur [D] sollicitait un second avis auprès du professeur [A] [T], chirurgien orthopédiste, qui déclarait au terme d'un courrier en date du 9 septembre 2014 :

'Au total, en l'absence de toute explication physiopathologique établie scientifiquement d'un possible lien de causalité entre les traumatismes directs et la survenue d'une tumeur desmoïde, on ne peut qu'évoquer la possibilité peut être d'un éventuel facteur favorisant mais certainement pas un mécanisme déclenchant la survenue de la tumeur'.

Le docteur [D] rendait son rapport d'expertise médicale le 18 septembre 2014 déclarant rejoindre l'avis du professeur [T] à savoir 'qu'il n'existe pas d'explication physio pathogénique permettant d'établir un lien certain et direct entre un traumatisme et la survenue d'une telle tumeur. En conséquence, nous considérons que cette tumeur desmoïde ne peut être imputée à l'accident dont Mademoiselle [P] a été victime le 20/05/2009'.

Dans ces circonstances, Mme [P] a sollicité une expertise judiciaire.

Par ordonnance du 25 août 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Niort a fait droit à la demande d'expertise judiciaire et a désigné le docteur [R] [E] pour y procéder.

Le docteur [H] a établi son rapport le 6 décembre 2016 qui conclut que 'la survenue d'un traumatisme au niveau du genou droit le 20 mai 2009, l'intervalle libre de deux ans et demi, la survenue d'une tumeur desmoïde, biopsiée, au niveau de la zone traumatisée permettent d'établir un lien de causalité entre le traumatisme et la survenue de la tumeur desmoïde'.

Suivant actes d'huissier des 4 et 8 octobre 2018, la société MAAF Assurances a assigné Mme [P] et la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne devant le tribunal de grande instance de Périgueux afin de voir liquider le préjudice de la victime après avoir constaté que Mme [P] ne rapportait pas la preuve d'un lien de causalité direct et certain entre la tumeur desmoïde et l'accident de la circulation dont elle a été victime le 20 mai 2009.

Par jugement du 2 juin 2020, le tribunal judiciaire de Périgueux a :

- déclaré la société MAAF Assurances, en sa qualité d'assureur du véhicule impliqué dans le fait dommageable, tenue d'indemniser le préjudice résultant pour Mme [P] de l'accident dont elle a été victime le 20 mai 2009,

- déclaré l'apparition de la tumeur desmoïde dont souffre Mme [P] au niveau du genou droit directement imputable à l'accident dont elle a été victime le 20 mai 2009,

En conséquence,

- dit que l'indemnisation de son préjudice par la société MAAF Assurances devra prendre en compte les dommages résultant de cette tumeur,

- ordonné une mesure d'expertise médicale afin de liquider le préjudice subi par Mme [P] prenant en compte la tumeur desmoïde et ses conséquences,

- commis pour y procéder :

le Docteur [V] [I]

CMPR [8]

[Localité 4]

Mail : [Courriel 7]

Tél : [XXXXXXXX01]

en qualité d'expert, lequel aura pour mission de :

1) convoquer Mme [P], dans le respect des textes en vigueur,

2) se faire communiquer par la victime, son représentant légal ou tout tiers détenteur tous documents médicaux relatifs au fait dommageable, en particulier le certificat médical initial,

3) fournir le maximum de renseignements sur l'identité de la victime, ses conditions d'activités professionnelles, son niveau scolaire s'il s'agit d'un enfant ou d'un étudiant, son statut exact et/ou sa formation s'il s'agit d'un demandeur d'emploi,

4) à partir des déclarations de la victime imputables au fait dommageable et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités du traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d'hospitalisation et, pour chaque période d'hospitalisation, la nature et le nom de l'établissement, le ou les services concernés et la nature des soins,

5) indiquer la nature de tous les soins et traitements prescrits imputables au fait dommageable et, si possible, la date de la fin de ceux-ci,

6) décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l'autonomie et, lorsque la nécessité d'une aide temporaire est alléguée, la consigner et émettre un avis motivé sur sa nécessité et son imputabilité,

7) retranscrire dans son intégralité le certificat médical initial et, si nécessaire, reproduire totalement ou partiellement les différents documents médicaux permettant de connaître les lésions initiales et les principales étapes de l'évolution,

8) prendre connaissance et interpréter les examens complémentaires produits,

9) recueillir les doléances de la victime en l'interrogeant sur les conditions d'apparition, l'importance des douleurs et de la gêne fonctionnelle et leurs conséquences,

10) décrire un éventuel état antérieur en interrogeant la victime et en citant les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles ; dans cette hypothèse :

* au cas où il aurait entraîné un déficit fonctionnel antérieur, fixer la part imputable à l'état antérieur et la part imputable au fait dommageable,

* au cas où il n'y aurait pas de déficit fonctionnel antérieur, dire si le traumatisme a été la cause déclenchante du déficit fonctionnel actuel ou si celui-ci se serait de toute façon manifesté spontanément dans l'avenir,

11) procéder dans le respect du contradictoire à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime,

12) analyser dans une discussion précise et synthétique l'imputabilité entre l'accident, les lésions initiales et les séquelles invoquées en se prononçant sur :

* la réalité des lésions initiales,

* la réalité de l'état séquellaire,

* l'imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales, et en précisant l'incidence éventuelle d'un état antérieur,

13) déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine, directe et exclusive avec l'accident, la victime a dû interrompre totalement ses activités professionnelles ou ses activités habituelles :

* si l'incapacité fonctionnelle n'a été que partielle, en préciser le taux,

* préciser la durée des arrêts de travail au regard des organismes sociaux au vu des justificatifs produits ; si cette durée est supérieure à celle de l'incapacité temporaire retenue, dire si ces arrêts sont liés au fait dommageable,

14) fixer la date de consolidation, qui est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation,

15) chiffrer, par référence au 'Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun' le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent (incapacité permanente) imputable à l'accident, résultant de l'atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes qu'elle ressent, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle rencontre au quotidien après consolidation ; dans l'hypothèse d'un état antérieur, préciser en quoi l'accident a eu une incidence sur celui-ci et décrire les conséquences de cette situation,

16) lorsque la victime allègue une répercussion dans l'exercice de ses activités professionnelles, recueillir les doléances, les analyser, les confronter avec les séquelles retenues, en précisant les gestes professionnels rendus plus difficiles ou impossibles ; dire si un changement de poste ou d'emploi apparaît lié aux séquelles,

17) décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées pendant la maladie traumatique (avant consolidation) du fait des blessures subies, les évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés,

18) donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en précisant s'il est temporaire(avant consolidation) ou définitif, l'évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés, indépendamment de l'éventuelle atteinte fonctionnelle prise en compte au titre du déficit,

19) lorsque la victime allègue l'impossibilité de se livrer à des activités spécifiques de sport et de loisir, donner un avis médical sur cette impossibilité et son caractère définitif sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation,

20) dire s'il existe un préjudice sexuel, le décrire en précisant s'il recouvre l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la libido, l'acte sexuel proprement dit (impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction),

21) indiquer, le cas échéant :

* si l'assistance d'une tierce personne constante ou occasionnelle est ou a été nécessaire, en décrivant avec précision les besoins (niveau de compétence technique, durée d'intervention quotidienne),

* si des appareillages, des fournitures complémentaires et si des soins postérieurs à la consolidation sont à prévoir,

- dit que l'expert, s'il l'estime nécessaire, pourra recourir à un sapiteur de son choix, dans un domaine ne relevant pas de sa spécialité,

- dit que l'expert déposera un pré-rapport communiqué aux parties, lesquelles se verront alors imparties un délai pour formuler des dires écrits,

- dit que l'expert répondra à ces dires dans son rapport définitif,

- dit que le contrôle de la présente expertise sera exercé par Mme [S] [L], vice-présidente chargée de suivre les opérations d'expertise,

- dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert commis, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur simple requête adressée au magistrat chargé de suivre les opérations d'expertise,

- dit que de ses opérations, constatations et avis l'expert dressera rapport qui sera déposé au greffe du tribunal judiciaire de Périgueux avant le 31 décembre 2020,

- dit que la société MAAF Assurances devra consigner entre les mains du régisseur d'avances et de recettes du tribunal judiciaire de Périgueux avant le 31 juillet 2020 la somme de 1 000 euros à valoir sur la rémunération de l'expert,

- dit qu'en déposant son rapport, l'expert adressera aux parties sa demande de rémunération,

- condamné la société MAAF Assurances à verser à Mme [P] la somme de 10 000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice,

- condamné la société MAAF Assurances, à verser à Mme [P] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société MAAF Assurances de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté l'ensemble des parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

- condamné la société MAAF Assurances aux dépens de l'instance,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

La société MAAF Assurances a relevé appel du jugement par déclaration du 22 juin 2020.

Par conclusions déposées le 30 décembre 2020, la société MAAF Assurances demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Périgueux le 2 juin 2020 (RG n° 18/01588)

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- ordonner une contre-expertise judiciaire au contradictoire de Mme [P] et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne,

- désigner un collège d'experts composé d'un oncologue et d'un chirurgien orthopédiste spécialisé dans les tumeurs osseuses, qualifiés dans le domaine de la réparation du dommage corporel, avec pour mission :

1. Contact avec la victime

Dans le respect des textes en vigueur, convoquer les parties et leur conseil en les informant de la faculté de se faire assister par le médecin conseil de leur choix,

2. Dossier médical

Se faire communiquer par la victime ou son représentant légal tous documents médicaux relatifs à l'accident, en particulier le certificat médical initial, le(s) compte(s) rendu(s) d'hospitalisation, le dossier d'imagerie, et tout autre document utile à l'expertise,

3. Situation personnelle et professionnelle

Prendre connaissance de l'identité de la victime ; fournir le maximum de renseignements sur son mode de vie, ses conditions d'activités professionnelles, son statut exact ; préciser, s'il s'agit d'un enfant, d'un étudiant ou d'un élève en formation professionnelle, son niveau scolaire, la nature de ses diplômes ou de sa formation ; s'il s'agit d'un demandeur d'emploi, préciser son statut et/ ou sa formation.

4. Rappel des faits

A partir des déclarations de la victime (ou de son entourage si nécessaire) et des documents médicaux fournis :

4.1 Relater les circonstances de l'accident.

4.2 Décrire en détail les lésions initiales, les suites immédiates et leur évolution.

4.3 Décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l'autonomie et, lorsqu'elle a eu recours à une aide temporaire (humaine ou matérielle), en préciser la nature et la durée.

5. Soins avant consolidation

Décrire tous les soins médicaux et paramédicaux mis en oeuvre jusqu'à la consolidation, en précisant leur imputabilité, leur nature, leur durée et en indiquant les dates exactes d'hospitalisation avec, pour chaque période, la nature et le nom de l'établissement, le ou les services concernés.

6. Lésions initiales et évolution

Dans le chapitre des commentaires et/ou celui des documents présentés, retranscrire dans son intégralité le certificat médical initial, en préciser la date et l'origine et reproduire totalement ou partiellement les différents documents médicaux permettant de connaître les lésions initiales et les principales étapes de leur évolution.

7. Examens complémentaires

Prendre connaissance des examens complémentaires produits et les interpréter.

8. Doléances

Recueillir et retranscrire dans leur entier les doléances exprimées par la victime (ou par son entourage si nécessaire) en lui (leur) faisant préciser notamment les conditions, date d'apparition et importance des douleurs et de la gêne fonctionnelle, ainsi que leurs conséquences sur la vie quotidienne.

9. Antécédents et état antérieur

Dans le respect du code de déontologie médicale, interroger la victime sur ses antécédents médicaux, ne les rapporter et ne les discuter que s'ils constituent un état antérieur susceptible d'avoir une incidence sur les lésions, leur évolution et les séquelles présentées.

10. Examen clinique

Procéder à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime. Retranscrire ces constatations dans le rapport.

11. Discussion

11.1 Analyser dans une discussion précise et synthétique l'imputabilité à l'accident des lésions initiales, de leur évolution et des séquelles en prenant compte, notamment, les doléances de la victime et les données de l'examen clinique ; se prononcer sur le caractère direct et certain de cette imputabilité et indiquer l'incidence éventuelle d'un état antérieur.

Expliquer le mécanisme de l'imputabilité ou de l'absence d'imputabilité et étayer la réponse par de la littérature médicale récente.

Analyser l'étiologie des tumeurs desmoïdes et examiner les autres causes possibles de survenue d'une telle tumeur du genou chez Mme [P].

Réaliser toutes investigations et examens nécessaires à confirmer ou écarter ces hypothèses.

En discuter la plausibilité, en particulier l'hypothèse d'une cause génétique.

11.2 Déterminer les préjudices de la victime selon la nomenclature Dintillac (voir points suivants) et préciser quels sont les préjudices strictement imputables à l'accident.

12. Les gênes temporaires constitutives d'un 'déficit fonctionnel temporaire'

Que la victime exerce ou non une activité professionnelle :

- prendre en considération toutes les gênes temporaires subies par la victime dans la réalisation de ses activités habituelles à la suite de l'accident ; en préciser la nature et la durée (notamment hospitalisation, astreinte aux soins, difficultés dans la réalisation des tâches ménagères)

- en discuter l'imputabilité à l'accident en fonction des lésions et de leur évolution et en préciser le caractère direct et certain.

13. Arrêt temporaire des activités professionnelles

En cas d'arrêt temporaire des activités professionnelles, en préciser la durée et les conditions de reprise. En discuter l'imputabilité à l'accident en fonction des lésions et de leur évolution rapportée à l'activité exercée.

14. Consolidation

Fixer la date de consolidation qui se définit comme 'le moment où les lésions se sont fixées et ont pris un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire si ce n'est pour éviter une aggravation, et qu'il devient possible d'apprécier l'existence éventuelle d'un déficit fonctionnel permanent.

15 DFP-Déficit fonctionnel permanent

Décrire les séquelles imputables, fixer par référence à la dernière édition du 'barème indicatif d'évaluation des taux d'incapacité en droit commun', publié par le concours médical, le taux éventuel résultant d'une ou plusieurs atteinte(s) permanente(s) à l'intégrité physique et psychique (AIPP) persistant au moment de la consolidation, constitutif d'un déficit fonctionnel permanent (DFP).

L'AIPP se définit comme 'la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant d'une atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique :

* médicalement constatable donc appréciable par un examen clinique approprié, complété par l'étude des examens complémentaires produits,

* à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques normalement liés à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours'.

16. Souffrances endurées

Décrire les souffrances physiques, psychologiques ou morales liées à l'accident s'étendant de la date de celui-ci à la consolidation.

Elles sont représentées par la 'douleur physique consécutive à la gravité des blessures, à leur évolution, à la nature, la durée et le nombre d'hospitalisations, à l'intensité et au caractère astreignant des soins auxquels s'ajoutent les souffrances psychiques et morales représentées par les troubles et phénomènes émotionnels découlant de la situation engendrée par l'accident et que le médecin sait être habituellement liées à la nature des lésions et à leur évolution'. Elles s'évaluent selon l'échelle habituelle de 7 degrés.

17. Dommage esthétique

Donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du dommage esthétique imputable à l'accident. L'évaluer selon l'échelle habituelle de 7 degrés, indépendamment de l'éventuelle atteinte physiologique déjà prise en compte au titre du déficit fonctionnel permanent.

18. Répercussion des séquelles

* Activités professionnelles :

Lorsque la victime fait état d'une répercussion dans l'exercice de ses activités professionnelles ou d'une modification de la formation prévue ou de son abandon (s'il s'agit d'un écolier, d'un étudiant ou d'un élève en cours de formation professionnelle), émettre un avis motivé en discutant son imputabilité à l'accident, aux lésions et aux séquelles retenues. Se prononcer sur son caractère direct et certain et son aspect définitif.

* Activités d'agrément :

Lorsque la victime fait état d'une répercussion dans l'exercice de ses activités spécifiques sportives ou de loisirs effectivement pratiquées antérieurement à l'accident, émettre un avis motivé en discutant son imputabilité à l'accident, aux lésions et aux séquelles retenues.

Se prononcer sur son caractère direct et certain et son aspect définitif.

* Vie sexuelle :

Lorsque la victime fait état d'une répercussion dans sa vie sexuelle, émettre un avis motivé en discutant son imputabilité à l'accident, aux lésions et aux séquelles retenues. Se prononcer sur son caractère direct et certain et son aspect définitif.

19. Soins médicaux après consolidation / frais futurs

Se prononcer sur la nécessité de soins médicaux, paramédicaux, d'appareillage ou de prothèse, nécessaires après consolidation pour éviter une aggravation de l'état séquellaire ; justifier l'imputabilité des soins à l'accident en cause en précisant s'il s'agit de frais occasionnels, c'est à dire limités dans le temps ou de frais viagers, c'est à dire engagés la vie durant.

20. Conclusions

Conclure en rappelant la date de l'accident, la date et le lieu de l'examen, la date de consolidation et l'évaluation médico-légale retenue pour les points 12 à 20.

- dire que le collège d'experts accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile ; en particulier il pourra s'adjoindre de tout sapiteur de son choix, dans une spécialité distincte de la sienne,

- dire que préalablement au dépôt du rapport d'expertise, le collège d'experts devra adresser aux parties un pré-rapport, pour leur permettre de lui adresser, dans un délai d'un mois, leurs observations ou dires éventuels auxquels il devra répondre dans son rapport définitif.

- dire qu'il déposera son rapport au greffe de ce tribunal dans le délai imparti et en adressera une copie à chacune des parties et à leur avocat,

- dire qu'en cas d'empêchement d'un ou plusieurs experts, il sera procédé à leur remplacement par simple ordonnance,

- surseoir à statuer sur la liquidation du préjudice de Mme [P] dans l'attente du dépôt du rapport,

A titre subsidiaire,

- déclarer l'apparition de la tumeur desmoïde du genou chez Mme [P] sans lien de causalité direct et certain avec l'accident du 20 mai 2009,

- en conséquence, fixer comme suit l'indemnisation des postes de préjudices subis par Mme [P] suite à l'accident de la circulation du 20 mai 2009 :

Poste de préjudice

Montant

Créance CPAM

Solde revenant à Mme [P]

Dépenses de santé actuelles

Réserve

Réserve

Réserve

Déficit fonctionnel temporaire partiel

4 845 euros

Néant

4 845 euros

Tierce personne temporaire

1 476 euros

Réserve

Réserve

Souffrances endurées

3 500 euros

Néant

3 500 euros

Dépenses de santé futures

Réserve

Réserve

Réserve

Déficit fonctionnel permanent

13 500 euros

Néant

13 500 euros

Préjudice d'agrément

2 000 euros

Néant

2 000 euros

Préjudice esthétique permanent

1 500 euros

Néant

1 500 euros

TOTAL

26 821 euros

sous réserve de la créance CPAM

Réserve

25 345 euros

sous réserve de la créance CPAM

- déduire des sommes allouées à Mme [P] celle de 26 300 euros en deniers et quittances déjà versées à titre provisionnel,

- en conséquence, condamner Mme [P] à rembourser la société MAAF Assurances la somme de 955 euros trop perçue, à parfaire à réception de la créance définitive de la caisse primaire d'assurance maladie,

En tout état de cause,

- réduire à de plus justes proportions l'indemnité susceptible d'être allouée à Mme [P] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Par conclusions déposées le 1er décembre 2020, Mme [P] demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Périgueux le 2 juin 2020,

A titre principal,

- rejeter la demande de contre-expertise judiciaire sollicitée par la société MAAF Assurances,

A titre subsidiaire,

Dans l'hypothèse où la cour de céans accueillerait la demande de liquidation de préjudice présentée par la société MAAF Assurances,

- condamner la société MAAF Assurances à verser à Mme [P] la somme de 33 813 euros à titre d'indemnisation, se décomposant comme suit :

* déficit fonctionnel temporaire : 4 845 euros

* tierce personne : 1 968 euros

* souffrances endurées : 5 000 euros

* déficit fonctionnel permanent : 15 000 euros

* préjudice d'agrément : 5 000 euros

* préjudice esthétique permanent : 2 000 euros

- condamner la société MAAF Assurances aux entiers dépens,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Régulièrement assignée, la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 10]-Pyrénées a indiqué, par courrier du 3 septembre 2020, qu'elle n'entendait pas intervenir à l'instance et que le montant provisoire de ses débours s'élevait à la somme de 4 723,35 euros.

L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 23 janvier 2023.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 9 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I Sur la demande de contre-expertise avant dire droit.

La société appelante, au visa de l'article 144 du code de procédure civile, estime que les différentes expertises communiquées aux débats montrent un désaccord sur la question de l'imputabilité de la tumeur desmoïde du genou que présente Mme [P] à l'accident que celle-ci a subi le 20 mai 2009.

Ainsi, elle oppose à l'expertise judiciaire effectuée par le docteur [H] le rapport de l'expertise amiable rendu par le docteur [D], ce dernier constituant un élément de preuve soumis au débat.

La société MAAF Assurances dit en outre verser l'avis de 4 autres sachants réfutant toute imputabilité de la tumeur à l'accident.

Elle reproche également aux conclusions de l'expert judiciaire de s'être basées sur les critères de [U] et [J], retenant au vu des autres avis que l'origine des tumeurs desmoïdes n'est pas identifiée et qu'elles peuvent être reliées à une mutation génétique ou à une maladie héréditaire, voir à des facteurs multiples. Elle estime que la piste génétique n'a pas été écartée par le docteur [H], outre qu'il n'a pas expliqué sa position sur le plan médico-légal.

Elle avance encore qu'il ne résulte pas de la démonstration de l'expertise judiciaire que le critère de continuité évolutive de la maladie soit rempli, la tumeur n'ayant été révélée que deux ans et demi après le traumatisme lié à l'accident.

***

La cour constate, comme l'a exactement fait le premier juge, que l'expert judiciaire a relevé une concordance entre la rupture du ligament du genou droit de Mme [P] en mai 2009 et l'apparition en 2011 en terme de localisation, outre un délai d'apparition compatible avec la causalité retenue.

Mieux, il résulte y compris des écrits du docteur [T] (pièce 6 de l'appelante) qu'il est fréquemment rapporté un antécédent traumatique loco-régional au site de développement d'une tumeur desmoïde, ce qui ferait de l'accident une cause non unique mais nécessaire à l'apparition de ladite tumeur.

Cette analyse est également confirmée par le docteur [Z] et il doit être déduit de ces éléments que l'analyse effectuée par le docteur [H] est non seulement suffisante, mais également fondée.

De surcroît, il sera relevé que les documents versés par l'appelante (pièces 6 à 9 de cette partie) ne sauraient être suffisamment probants en ce qu'ils ne font référence qu'à des études générales et non à la situation particulière de Mme [P], laquelle n'a pas été examinée par les experts amiables consultés. De même, si ces éléments ont pu être contradictoirement débattus, leur rédaction répond à une demande non contradictoire de l'assureur et non à une mission d'expertise.

Dès lors, la demande de contre-expertise ne pourra qu'être rejetée.

II Sur la liquidation du préjudice de Mme [P].

La société MAAF Assurances entend à titre subsidiaire que le préjudice de Mme [P] soit liquidé sur la base du rapport d'expertise établi par le docteur [D].

Néanmoins, comme l'a relevé le jugement en date du 2 juin 2020, l'intimée n'était pas consolidée lors de l'expertise du docteur [H] lors de l'année 2016, raison pour laquelle une nouvelle expertise a été ordonnée.

Là encore, la décision du premier juge ne pourra qu'être confirmée au vu de ce qui précède.

III Sur les demandes annexes.

Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Sur ce fondement, la société MAAF Assurances, qui succombe au principal, supportera la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME la décision rendue par le tribunal judiciaire de Périgueux le 2 juin 2020 ;

y ajoutant,

CONDAMNE la société MAAF Assurances aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/02107
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;20.02107 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award