La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/03/2023 | FRANCE | N°20/01340

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 09 mars 2023, 20/01340


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------







ARRÊT DU : 09 MARS 2023







N° RG 20/01340 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LQCC









S.A.R.L. [T] [N]

S.A.R.L. HOLDING JLS





c/



Monsieur [Y] [C]

Madame [N] [W] épouse [C]

Madame [P] [K] épouse [T]

Monsieur [N] [T]

S.A. MAAF ASSURANCES

























N

ature de la décision : AU FOND





















Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 11 février 2020 (R.G. 19/03018) par la 7ème chambre civile du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 09 mars 2020





...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 09 MARS 2023

N° RG 20/01340 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LQCC

S.A.R.L. [T] [N]

S.A.R.L. HOLDING JLS

c/

Monsieur [Y] [C]

Madame [N] [W] épouse [C]

Madame [P] [K] épouse [T]

Monsieur [N] [T]

S.A. MAAF ASSURANCES

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 11 février 2020 (R.G. 19/03018) par la 7ème chambre civile du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 09 mars 2020

APPELANTES :

La SARL [T] [N],

Société à Responsabilité Limitée, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés sous le numéro 404 478 604, dont le siège social est sis [Adresse 5] à [Localité 4], prise en la personne de son gérant, Monsieur [H] [R]

La SARL HOLDING JLS,

Société à Responsabilité Limitée à associé unique, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés sous le numéro 789 261 468, dont le siège social est sis [Adresse 1] à [Localité 3], prise en la personne de son gérant, Monsieur [H] [R]

Représentées par Me Dominique LAPLAGNE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

[Y] [C]

né le 25 Mars 1945 à [Localité 8]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

[N] [W] épouse [C]

née le 23 Juin 1946 à [Localité 9]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

Représentés par Me Eric VISSERON de la SELARL VISSERON, avocat au barreau de BORDEAUX

[P] [K] épouse [T]

née le 07 Mars 1957 à [Localité 6]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

[N] [T]

né le 02 Juin 1962 à [Localité 6]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

Représentés par Me Stéphanie VIGNOLLET, avocat au barreau de BORDEAUX

La société MAAF ASSURANCES SA, inscrite au RCS de Niort sous le numéro 542 073 580, dont le siège est sis [Adresse 7] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Julie JULES de la SCP DEFFIEUX - GARRAUD - JULES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 janvier 2023 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Madame Christine DEFOY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

M. [Y] [C] et Mme [N] [W] épouse [C] ont confié à la S.A.R.L. [T] [N] (la S.A.R.L. [T]) la réfection des peintures extérieures de leur maison d'habitation pour la somme de 13 873,62 euros TTC selon facture du 24 juillet 2012.

Alléguant l'apparition d'un phénomène de fissuration apparu postérieurement à la prestation de l'entrepreneur, M. [C] a effectué une déclaration de sinistre auprès de son assureur protection juridique qui a diligenté une expertise le 28 octobre 2014.

Par ordonnance du 02 mai 2016, le juge des référés, saisi par les maîtres d'ouvrage, a désigné M. [Z] en qualité d'expert judiciaire.

Le rapport d'expertise de ce dernier a été déposé le 28 juin 2018.

Par acte du 22 mars 2019, M. et Mme [C] ont assigné la S.A.R.L. [T] et son assureur la société anonyme MAAF Assurances (la SA MAAF) devant le tribunal judiciaire de Bordeaux afin d'obtenir l'indemnisation de divers préjudices.

Suivant un exploit d'huissier du 31 mai 2019, la S.A.R.L. [T] a appelé en cause Mme [P] [K] épouse [T] et M. [N] [T] en exposant notamment que dans le cadre de la cession des parts sociales de cette société intervenue le 03 décembre 2012 entre ces derniers (cédants) et la société Holding JLS (cessionnaire), il a été prévu une clause de garantie d'actif et de passif des cédants au profit du cessionnaire, de sorte qu'elle demande, dans l'hypothèse d'une condamnation, à être garantie et relevée indemne solidairement par ceux-ci.

Les deux affaires ont été jointes le 30 août 2019 par mention au dossier.

Par jugement contradictoire du 11 février 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- déclaré la S.A.R.L. [T] responsable des dommages subis par les époux [C] sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun,

- rejeté les demandes dirigées contre la SA MAAF, en qualité d'assureur de la S.A.R.L. [T],

- condamné la S.A.R.L. [T] à verser aux époux [C] la somme de 44 467,50 euros TTC (TVA 10%) correspondant au coût des travaux de reprise,

- débouté les époux [C] de leur demande d'indemnisation du préjudice de jouissance,

- déclaré la S.A.R.L. [T] irrecevable en ses demandes dirigées contre M. et Mme [T] au titre de la garantie d'actif et de passif,

- débouté la S.A.R.L. [T] de sa demande de condamnation solidaire des époux [T] à régler à la société Holding JLS toute somme allouée aux époux [C],

- condamné la S.A.R.L. [T] à verser à M. et Mme [C] la somme de 3 000 euros

au titre des frais irrépétibles et rejeté plus amples demandes à ce titre,

- condamné la S.A.R.L. [T] aux dépens en ce compris les frais de référé et d'expertise,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Les S.A.R.L. [T] et Holding JLS ont relevé appel de cette décision le 9 mars 2020 en ce qu'elle a :

- déclaré la S.A.R.L. [T] responsable des dommages subis par les époux [C] sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun,

- rejeté les demandes dirigées contre la SA MAAF assurances en qualité d'assureur de la S.A.R.L. [T],

- condamné la S.A.R.L. [T] à verser aux époux [C] la somme de 44 467,50 euros TTC (TVA 10%) correspondant au coût des travaux de reprise,

- déclaré la S.A.R.L. [T] irrecevable en ses demandes dirigées contre M. et Mme [T] au titre de la garantie d'actif et de passif,

- débouté la S.A.R.L. [T] de sa demande de condamnation solidaire des époux [T] à régler à la société Holding JLS toute somme allouée aux époux [C],

- condamné la S.A.R.L. [T] à verser à M. et Mme [C] la somme de 3 000 euros

au titre des frais irrépétibles et aux dépens en ce compris les frais de référé et d'expertise.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 26 septembre 2022, les S.A.R.L. [T] et Holding JLS demandent à la cour

- de déclarer la première nommée recevable et bien fondée en son appel,

- réformer le jugement du 11 février 2020, en ce qu'il a :

- 'déclaré la S.A.R.L. [T] responsable des dommages subis par les époux [C] sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun,

- rejeté les demandes dirigées contre la SA MAAF assurances en qualité d'assureur de la S.A.R.L. [T],

- condamné la S.A.R.L. [T] à verser aux époux [C] la somme de 44 467,50 euros TTC (TVA 10%) correspondant au coût des travaux de reprise,

- déclaré la S.A.R.L. [T] irrecevable en ses demandes dirigées contre M. et Mme [T] au titre de la garantie d'actif et de passif,

- débouté la S.A.R.L. [T] de sa demande de condamnation solidaire des époux [T] à régler à la S.A.R.L. Holding JLS toute somme allouée aux époux [C],

- condamné la S.A.R.L. [T] à verser à M. et Mme [C] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens en ce compris les frais de référé et d'expertise',

- prendre acte que la S.A.R.L. [T] ne conteste pas l'engagement de sa responsabilité civile professionnelle au titre des dommages causés à 'l'élément d'équipement constitué d'un mortier de ciment rapporté sur les maçonneries',

- dire que les désordres constatés ont été causés à des biens ou ouvrages existants non réalisés par ses soins (la S.A.R.L. [T]),

- dire que seuls sont réparables les préjudices en lien direct et certain avec les manquements commis par l'assurée,

- dire que les travaux de reprise de l'existant auraient nécessairement dû être pris en charge par les demandeurs et que leur imputation à la société [T] serait constitutif pour eux d'un enrichissement sans cause,

- dire que M. et Mme [C] ne justifient nullement d'un préjudice immatériel, tel qu'un préjudice de jouissance et qu'ils doivent en conséquence en être déboutés,

- limiter l'indemnisation des préjudices de M. et Mme [C], en faisant application du principe de réparation intégrale, à une somme qui ne saurait dépasser 6 250 euros,

- condamner la SA MAAF à la garantir (la S.A.R.L. [T]) au titre des 'Conventions spéciales 5 : Assurance responsabilité civile professionnelle' défense recours' du contrat 'Multipro', numéro de police : 133359391 J 001 MPB,

- condamner M. et Mme [T] à faire jouer leur garantie de passif à l'égard de la S.A.R.L. Holding JLS, et, par substitution, à la S.A.R.L. [T],

- condamner en conséquence in solidum la SA MAAF, M. et Mme [T] à la (la S.A.R.L. [T]) garantir et relever intégralement indemne de toutes sommes qui pourraient être mises à sa charge au profit de M. et Mme [C],

- condamner également in solidum toutes parties succombantes à leur verser la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des dépens de la procédure de référé, d'expertise et du fond.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 06 juillet 2020, M. et Mme [T] demandent à la cour, sur le fondement des articles 32 et 122 du code de procédure civile ainsi que 1353 du code civil de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes dirigées à leur encontre,

En conséquence :

- à titre principal, déclarer la S.A.R.L. [T] irrecevable en son action dirigée à leur encontre pour défaut de qualité à agir,

- à titre subsidiaire, vu le principe de non-cumul des fondements et le caractère d'ordre public de la garantie décennale, la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- à titre très subsidiaire, les déclarer recevables et bien fondés à faire application de la franchise de 1 500 euros contractuellement prévue à l'acte de cession du 03 décembre 2012 et déclarer qu'elle viendra en déduction des éventuelles condamnations prononcées à leur encontre.

- En tout état de cause, condamner la S.A.R.L. [T] ou à défaut tout succombant à leur payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Suivant ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 09 octobre 2020, la SA MAAF demande à la cour, sur le fondement de l'article L112-6 du code des assurances, de :

A titre principal :

- confirmer le jugement entrepris ayant rejeté les demandes dirigées à son encontre en qualité d'assureur de la S.A.R.L. [T],

En conséquence,

- déclarer que ses garanties ne sont pas acquises,

- débouter les S.A.R.L. [T] et Holding JLS, ou toute autre partie, de l'ensemble de leurs demandes formulées à son encontre,

- condamner les S.A.R.L. [T] et Holding JLS, ou toute autre partie succombante, à lui verser la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens,

A titre subsidiaire :

- déclarer qu'elle est fondée à déduire des sommes qui seront mises à sa charge le montant de sa franchise contractuelle,

- réduire dans de plus justes proportions la somme allouée à la S.A.R.L. [T] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 05 janvier 2023, M. et Mme [C] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- retenu la responsabilité contractuelle de la S.A.R.L. [T] dans les dommages subis par eux-mêmes,

- condamné la S.A.R.L. [T] à leur verser des dommages intérêts correspondant au coût des travaux de reprise outre les intérêts depuis la première décision, mais augmenter le coût à la somme de 54 250,35 euros,

- a condamné la S.A.R.L. [T] à leur verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ainsi que les dépens, les frais de référé et les frais d'expertise,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leur demande d'indemnisation du préjudice de jouissance,

- condamner la S.A.R.L. [T] à leur verser la somme de 2 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

- condamner la SA MAAF à garantir la S.A.R.L. [T] [N] de la faute commise et ordonner que celle-ci indemnise directement les intimés pour les montants précités,

- condamner la S.A.R.L. [T] au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les frais irrépétibles devant la cour d'appel de Bordeaux, ainsi que les entiers dépens devant ladite juridiction.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 09 janvier 2023.

Dans des conclusions de procédure du 16 janvier 2023, les appelantes demandent à la cour d'écarter des débats les conclusions n°3 et la pièce n°8 communiquées par M. et Mme [C] le 4 janvier 2023, soit cinq jours avant l'ordonnance de clôture du 9 janvier 2023.

Suivant de nouvelles conclusions au fond notifiées également le 16 janvier 2023, les S.A.R.L. [T] et Holding JLS demandent à la cour, au visa des articles 1134, 1147 (anciens) et 1353 (nouveau du code civil, 1382 (anciens) et suivants du code civil, L. 114-1 du code des assurances et 9 du code de procédure civile :

A titre liminaire :

- d'ordonner rabat de l'ordonnance de clôture au jour des plaidoiries ;

- d'ordonner le rejet des conclusions déposées par les époux [C] le 4 janvier 2022 ;

Sur le fond :

de faire droit à leurs prétentions antérieures.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de certaines conclusions et pièces

En l'absence de démonstration de l'existence d'un motif grave de révocation de la clôture, les conclusions au fond des appelantes notifiées par voie électronique postérieurement à la date de l'ordonnance de clôture seront déclarés irrecevables.

Les S.A.R.L. [T] et Holding JLS demandent dans des conclusions de procédure que soient écartés des débats les dernières écritures et la pièce n°8 signifiées par M. et Mme [C] le 05 janvier 2023.

Celles-ci sont par principe recevables car notifiées quatre jours avant l'ordonnance de clôture, sauf pour les appelants à démontrer que leur communication constitue une violation du principe de la contradiction.

La seule modification figurant dans les conclusions critiquées de M. et Mme [C] consiste en une demande d'augmentation de leur indemnisation relative aux travaux réparatoires en se fondant sur la production d'un nouveau devis émanant de la S.A.S. Solebat (pièce n°8).

Le débat sur la responsabilité éventuelle de la S.A.R.L. [T] et le coût des travaux de reprise a fait l'objet de nombreuses conclusions que les parties se sont régulièrement communiquées tout au long de la procédure de première instance et d'appel.

Ayant disposé d'un temps suffisant pour répondre à la nouvelle demande chiffrée présentée à son encontre, l'appelante ne fournit par à la cour les éléments lui permettant de caractériser les circonstances particulières qui ont empêché le respect de la contradiction.

Dès lors, les dernières conclusions de M. et Mme [C] ainsi que la pièce n°8 notifiées par voie électronique le 05 janvier 2023 seront déclarées recevables.

Sur les désordres

Aux termes des dispositions de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance numéro 2016-131 du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

L'expert judiciaire, sans être contredit sur ce point par les parties, a relevé la présence de nombreuses fissurations d'orientation anarchique qui se situent dans l'épaisseur des couches de peinture au niveau des murs en façades Est et Ouest de l'immeuble. Leur largeur est comprise entre 0,4 et 0,6 mm.

A la suite d'analyses d'échantillons en laboratoire par microscope électronique à balayage associé à une spectrométrie X à dispersion d'énergie et examen complémentaire dans le but de rechercher l'origine du phénomène de fissuration, M. [Z] a conclu que la peinture a été appliquée en façade en deux couches sur un support composé d'un enduit organique renfermant une charge sableuse très hétérogène et très poreuse en raison d'un faible dosage apparent en liant, alors que l'application par la S.A.R.L. [T] des produits Globalite Hydro et Globaprim Classic sur cette couche poreuse n'est pas admise d'après les indications des fiches techniques mises à sa disposition (p15, 16).

Ainsi, le support, qualifié de poreux et doté d'une résistance mécanique 'très limitée' du crépi n'était pas apte à être recouvert d'une peinture de faible épaisseur, incompatible pour les fonds non stabilisés qui ont subis des mouvements thermiques climatiques (chaud 40° et froid 0°), ce qui a accentué le processus de fissuration.

L'expert judiciaire relève qu'il appartenait à l'entrepreneur, conformément au DTU 59.01 et aux règles de l'art, de procéder en amont à la vérification de l'adhérence et l'épaisseur du crépi afin de déterminer la compatibilité de la peinture appliquée sur les supports (p21). Il a estimé que le type de peinture appliquée n'était pas adaptée au crépi présent sur les murs.

En l'absence d'atteinte à la solidité ou la destination de l'ouvrage, la S.A.R.L. [T] admet que sa responsabilité contractuelle est engagée.

Sur la garantie de la SA MAAF

En application des dispositions de l'article L113-1 du code des assurances, les pertes et dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. L'alinéa second précise que : 'Toutefois, l'assureur ne répond pas» des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré'.

La S.A.R.L. [T] a souscrit auprès de la SA MAAF un contrat garantissant sa responsabilité civile professionnelle 'Multipro' n°133359391 J 001 MPB.

Aucune des parties ne conteste que la police était en vigueur à la date de la déclaration du sinistre à l'assureur et avant sa résiliation intervenue le 31 décembre 2013.

La S.A.R.L. [T] sollicite la garantie de la SA MAAF en application du volet de 'Conventions spéciales 5 : assurance responsabilité civile professionnelle'défense recours'.

Le contrat stipule en son article 2 que ' Sous réserve des limites et exclusions prévues au contrat, nous vous garantissons lors d'un sinistre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que vous encourez en raison des réclamations relatives à des dommages corporels, matériels ou immatériels consécutifs subis par un tiers, préposé ou salarié à l'occasion de l'exercice de l'activité professionnelle déclarée aux conditions particulières et ne résultant ni de l'exécution d'une prestation, ni d'une erreur ou faute professionnelle'.

Dès lors, c'est à bon droit que la SA MAAF soutient que sa garantie n'est pas mobilisable :

- dans la mesure où les désordres résultent d'une faute professionnelle de sa part telle que relevée par l'expert judiciaire (non respect du DTU 59.01/absence de vérification du support ; produit appliqué inadapté au caractère poreux du crépi) ;

- en application de l'article 7-14 de la convention spéciale n° 5 qui exclut 'les frais exposés pour le remplacement, la remise en état ou le remboursement des biens que vous avez fournis et/ou pour la reprise des travaux exécutés par vos soins, cause ou origine du dommage, ainsi que les frais de dépose et repose et les dommages immatériels qui en découlent'.

Ces clauses combinées ne sauraient être qualifiée de formelles, limitées et ainsi vider de sa substance la garantie souscrite, comme le soutient la S.A.R.L. [T], car elles laissent à la charge de l'assureur les dommages autres que ceux résultant des malfaçons affectant les ouvrages ou travaux.

En conséquence, le tribunal a justement exclu la mobilisation de la garantie de la SA MAAF. Les demandes présentées à l'encontre de celle-ci, tant par l'appelante que par M. et Mme [C], seront donc rejetées.

Sur les demandes indemnitaires de M. et Mme [C]

au titre du coût des travaux de reprise des désordres

Le tribunal a chiffré le coût des travaux réparatoires en retenant le devis émanant de la société Solebat, validé par l'expert judiciaire (p18), représentant la somme de 44 467,50 euros.

La S.A.R.L. [T] conteste ce montant qu'elle estime disproportionné et constitutif d'un enrichissement sans cause des maîtres d'ouvrage. Elle considère ne pas être redevable du coût de la reprise des supports, sa prestation initiale ne consistant qu'en l'apposition d'une peinture sur la surface du mur préexistante.

En réponse, M. et Mme [C] réclament l'augmentation du montant de leur indemnisation en raison du temps qui s'est écoulé depuis le chiffrage retenu par l'expert judiciaire et réclament ainsi le versement d'une somme de 54 250,35 euros.

Si l'appelante n'est effectivement pas responsable de la qualité du mur, elle a appliqué sa peinture qui s'avère non adaptée au support (p18, 19, 21) et sans procéder à une vérification en amont sur la capacité du crépi à recevoir les couches appliquées par ses soins.

C'est la prestation de la S.A.R.L. [T] qui est à l'origine des désordres affectant l'immeuble des maîtres d'ouvrage, le crépi ne présentant aucun désordre avant son intervention.

M. et Mme [C] ont droit à l'indemnisation totale de leur préjudice par la remise en l'état de l'ouvrage afin qu'il soit exempt de vice et conforme aux stipulations contractuelles.

Le montant retenu par l'expert judiciaire, qui intègre notamment un nécessaire repiquage du crépi, ne saurait constituer un enrichissement sans cause des maîtres d'ouvrage comme le soutient l'appelante ni une indemnisation disproportionnée.

S'agissant de la demande d'augmentation du montant des travaux réparatoires présentée par M. et Mme [C], qui ne saurait constituer une demande nouvelle comme l'affirme la S.A.R.L. [T], le coût des travaux doit être actualisé afin de replacer le maître d'ouvrage dans la situation où il se serait trouvé si l'acte dommageable ne s'était pas produit (Civ. 3e, 27 mars 2012, n° 11-10.891).

En l'état, il convient donc de d'infirmer le jugement entrepris ayant condamné la S.A.R.L. [T] au paiement à M. et Mme [C] de la somme de 44 467,50 euros et de retenir le montant de 54 250,35 euros.

Au titre d'un préjudice de jouissance

M. et Mme [C] échouent à démontrer que les travaux de peinture engendreraient une gène dans leurs conditions d'existence, étant observé qu'ils ne concernent uniquement que l'extérieur de l'habitation de sorte que leurs occupants peuvent continuer à y résider durant leur réalisation.

Dès lors, le jugement entrepris ayant rejeté la demande d'indemnisation présentée par M. et Mme [C] au titre d'un préjudice de jouissance sera confirmé.

Sur la garantie du passif

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, d'intérêt, la prescription, le délai préfix et la chose jugée.

L'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance numéro 2016-131 du 10 février 2016, énonce que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L'acte de cession de parts sociales de la S.A.R.L. [T] signé le 03 décembre 2012 entre la Société Holding (cessionnaire) et M. et Mme [T] (cédants), a prévu une clause de garantie d'actif et passif des cédants au profit du cessionnaire. Il est stipulé en page 17 que : 'Ci-après dénommés solidairement Mme [P] [K] épouse [T] et M. [N] [T] -garants-, s'engagent chacun, sur leur patrimoine commun ou propre, présent et à venir, à indemniser le bénéficiaire de la garantie tel qu'il sera défini ci-après en cas de révélation de tout passif supplémentaire ou de toute insuffisance d'actif dans le bilan de la société arrêté à la date du 30 septembre 2012 et dont la cause serait antérieure à ladite date mais qui n'aurait pas été comptabilisé ou provisionné ou qui l'aurait été insuffisamment dans lesdites comptes ou exercices précédents. La S.A.R.L. Holding est désignée en qualité de bénéficiaire de la garantie.

S'appuyant sur cette convention, la S.A.R.L. [T] demande la condamnation de M. et Mme [T] :

- en application de la garantie de passif en sa qualité de substituée à la S.A.R.L. Holding ;

- ou à défaut, si sa qualité de tiers à l'acte était reconnue, sur le fondement de leur responsabilité délictuelle.

En réponse, M. et Mme [T] sollicitent la confirmation du jugement attaqué qui a déclaré irrecevable la première prétention pour défaut de qualité à agir et rejeté sur le fond la seconde.

Il n'est pas contesté que le passif supplémentaire de la S.A.R.L. [T] trouve sa cause dans un événement survenu avant la date contractuellement fixée au 30 septembre 2012, les travaux de peinture au domicile de M. et Mme [C] ayant été réalisés en juillet de la même année.

La convention de cession de parts sociales a prévu que la S.A.R.L. Holding 'se réserve la faculté selon sa convenance, en cas de mise en jeu de la présente garantie, de désigner au garant toute personne physique ou morale de son choix en qualité de substitué total ou partiel'.

Si la société cessionnaire a effectivement informé M. et Mme [T] de l'existence de la procédure diligentée à l'encontre de la S.A.R.L. [T], celle-ci n'a jamais expressément désigné tout entité juridique la substituant en application de l'acte du 03 décembre 2012 ni notifié cette désignation aux cédants.

L'interprétation de la volonté des parties à la convention par le juge, sollicitée par l'appelante pour considérer que la clause de substitution doit s'interpréter à son profit, n'est rendue nécessaire qu'en raison de l'existence d'une ambiguïté et d'une imprécision qui pourraient résulter de sa rédaction. Or la clause de substitution est très claire et n'a pas été mis en oeuvre par la S.A.R.L. Holding.

En conséquence, la S.A.R.L. [T], en sa qualité de tiers à l'acte de cession de parts sociales, n'est pas bénéficiaire de la garantie. Elle ne dispose donc pas de la qualité à agir à l'encontre de M. et Mme [T].

S'agissant de ses autres demandes fondées sur les dispositions de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance numéro 2016-131 du 10 février 2016, elle échoue à démontrer l'existence d'une faute commise par l'une ou l'autre des parties à l'acte. Il sera en effet constaté que la mise en oeuvre de la clause de substitution n'est qu'une faculté offerte à la S.A.R.L. Holding qui ne peut ainsi se voir reprocher un manquement à ses obligations contractuelle en cas d'absence de désignation d'une personne physique ou morale la substituant.

Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris ayant tout à la fois déclaré irrecevable la demande de condamnation de M. et Mme [T] présentée par la S.A.R.L. [T] et rejeté sur le fond la demande fondée sur les dispositions de l'article 1382 précité.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Outre la somme mise à la charge de la S.A.R.L. [T] en première instance, il y a lieu en cause d'appel de la condamner au versement à M. et Mme [C], ensemble, d'une indemnité complémentaire de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter les autres demandes de ce chef.

PAR CES MOTIFS

- Déclare recevables les dernières conclusions et la pièce numéro 8 signifiées le 05 janvier 2023 par Mme [N] [W] épouse [C] et M. [Y] [C] ;

- Infirme le jugement rendu le 11 février 2020 par le tribunal de grande instance de Bordeaux en ce qu'il a condamné la société à responsabilité limitée [T] [N] à verser à M. [Y] [C] et Mme [N] [W] épouse [C] la somme de 44 467,50 euros TTC (TVA 10%) correspondant au coût des travaux de reprise ;

et, statuant à nouveau dans cette limite :

- Condamne la société à responsabilité limitée [T] [N] à verser à M. [Y] [C] et Mme [N] [W] épouse [C], ensemble, la somme de 54 250,35 euros correspondant au coût des travaux de reprise ;

- Confirme la décision déférée pour le surplus ;

Y ajoutant ;

- Condamne la société à responsabilité limitée [T] [N] à verser à Mme [N] [W] épouse [C] et M. [Y] [C], ensemble, une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejette les autres demandes présentées sur ce fondement ;

- Condamne la société à responsabilité limitée [T] [N] au paiement des dépens d'appel qui pourront être directement recouvrés par maître Stéphanie Vignollet en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/01340
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;20.01340 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award