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09/03/2023 | FRANCE | N°19/04631

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 09 mars 2023, 19/04631


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------







ARRÊT DU : 09 MARS 2023







N° RG 19/04631 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LGF2









SARL LG ENERGIES





c/



Monsieur [Y] [T]

Madame [G] [V] épouse [T]

SARL JD EAU

Société MUTUELLE DE [Localité 7] ASSURANCES

SA MAAF ASSURANCES



























Nature d

e la décision : AU FOND



























Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 juillet 2019 (R.G. 17/01479) par la 1ère chambre civile du Tribunal de Grande Instance d'ANGOULEME suivant déclaration d'appel du 14 août 2019





APP...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 09 MARS 2023

N° RG 19/04631 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LGF2

SARL LG ENERGIES

c/

Monsieur [Y] [T]

Madame [G] [V] épouse [T]

SARL JD EAU

Société MUTUELLE DE [Localité 7] ASSURANCES

SA MAAF ASSURANCES

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 juillet 2019 (R.G. 17/01479) par la 1ère chambre civile du Tribunal de Grande Instance d'ANGOULEME suivant déclaration d'appel du 14 août 2019

APPELANTE :

SARL LG ENERGIES

Immatriculée au RCS de Angoulême sous le n° 507 752 350, dont le siège social est [Adresse 4]

Représentée par Me BOUTTIN substituant Me Denise BOUDET de la SELARL AB VOCARE, avocat au barreau de CHARENTE

INTIMÉS :

[Y] [T]

né le 20 Décembre 1956 à [Localité 8] (16) [Localité 8]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

[G] [V] épouse [T]

née le 06 Mars 1953 à [Localité 1] (62) [Localité 1]

de nationalité Française

Retraitée,

demeurant [Adresse 3]

Représentés par Me Gabrielle GERVAIS DE LAFOND de la SCP ACALEX AVOCATS CONSEILS ASSOCIES, avocat au barreau de CHARENTE

La société JD EAU, SARL immatriculée sous le numéro 392 337 390 RCS ANGOULEME, dont le siége social se situe [Adresse 2], représentée par ses représentants légaux

Représentée par Me Laurent LEGIER substituant Me Vanessa POISSON de la SELARL CABINET VALOIS, avocat au barreau de CHARENTE

LA MUTUELLE DE [Localité 7] ASSURANCES, Société d'assurance mutuelle, immatriculée au RCS de Poitiers sous le n° 775 715 683, dont le siège social est [Adresse 5]) prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Caroline PECHIER de la SELARL JURICA, avocat au barreau de CHARENTE

La SA MAAF ASSURANCES, société anonyme inscrite au RCS de Niort sous le n° 542 073 580, dont le siège social est sis [Adresse 6]), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Katell LE BORGNE de la SCP LAVALETTE AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 janvier 2023 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Madame Christine DEFOY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Monsieur [Y] [T] et Madame [G] [V] épouse [T] sont propriétaires d'une maison d'habitation située au numéro [Adresse 3]. Cet immeuble comporte une installation de chauffage composée d'un plancher chauffant, de radiateurs acier et d'une chaudière fuel.

La société JD Eau leur a fourni et posé une pompe à chaleur à chaleur air/eau de marque Mitsubishi avec réseau hydraulique en sol au rez-de-chaussée et radiateurs aciers à l'étage, pour un montant de 15 900,96 euros suivant facture du 11 décembre 2009.

La société à responsabilité limitée LG Energies (la S.A.R.L. LG Energies) a réalisé sa mise en service suivant facture du 18 février 2010.

Au mois d'avril 2011, le groupe extérieur a fait l'objet d'une procédure de rappel par Mitsubishi qui a donné lieu au changement de celui-ci par une société tiers.

Au mois de novembre 2010, la société Applic Froid est intervenue à la demande de la société JD Eau pour un diagnostic à la suite de dysfonctionnements constatés par M. et Mme [T].

Par la suite, la société Applic Froid a procédé le 20 février 2012 au remplacement du module Boro endommagé par le gel les 13 et 14 mars 2012.

La société JD Eau est de nouveau intervenue à plusieurs reprises au cours de l'année 2013, notamment le 26 juillet.

Invoquant l'existence des dysfonctionnements de l'appareil, M. et Mme [T] ont déclaré le sinistre auprès de leur assureur protection juridique qui a organisé une expertise amiable diligentée par le cabinet Polyexpert au cours de l'année 2014.

Par la suite, la société Applic Froid a été radiée du registre du commerce et des sociétés d'Angoulème le 28 février 2015.

Suivant un acte d'huissier du 02 décembre 2015, M. et Mme [T] ont assigné la société JD Eau, qui a elle-même assigné le 27 janvier 2016 son assureur la société Mutuelle de [Localité 7] Assurances, afin d'obtenir du juge des référés du tribunal de grande instance d'Angoulème l'instauration d'une mesure d'expertise.

L'ordonnance du 27 janvier 2016 a fait droit à cette demande et désigné M. [M]

Par ordonnance du 05 octobre 2016, les opérations d'expertise ont été étendues aux S.A.R.L. LG Energies, son assureur la société anonyme MAAF Assurances (la SA MAAF) et la l'assureur de la société Applic Froid, la société anonyme Generali (la SA Generali).

M. [M] a déposé son rapport le 16 mars 2017.

Suivant un exploit d'huissier du 18 juillet 2017, M. et Mme [T] ont assigné la société JD Eau et la société Mutuelle de [Localité 7] Assurances devant le tribunal de grande instance d'Angoulême afin d'obtenir, à titre principal sur le fondement de la garantie décennale et à titre subsidiaire sur celui de la responsabilité contractuelle, la réparation de divers préjudices.

Par actes des 13, 14 décembre 2017 et 05 janvier 2018, la société JD Eau a assigné la S.A.R.L. LG Energies, la SA MAAF et la SA Generali.

La jonction des deux affaires a été prononcée le 6 mars 2018.

Par jugement du 04 juillet 2019, le tribunal de grande instance d'Angoulême a :

- débouté la S.A.R.L. LG Energies de sa demande de nullité du rapport d'expertise,

- condamné la société JD Eau solidairement avec la société Mutuelle de [Localité 7] Assurances à régler à M. et Mme [T], avec intérêts au taux légal à compter de la décision, :

* 26 489,24 euros en réparation de leur préjudice matériel résultant des travaux de réparation à hauteur de 22 013,44 euros TTC, de la surconsommation d'énergie pour 1 200 euros et des travaux inutiles pour 3 275,80 euros,

* 1 200 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

- condamné la société JD Eau solidairement avec la Mutuelle de [Localité 7] Assurances à payer à M. et Mme [T] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société JD Eau solidairement avec la société Mutuelle de [Localité 7] Assurances à payer aux SA Generali et MAAF la somme de 1 000 euros à chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la S.A.R.L. LG Energies à relever indemnes la société JD Eau et la société Mutuelle de [Localité 7] Assurances à hauteur de 20% des sommes mises à leur charge,

- condamné la société JD Eau solidairement avec la Mutuelle de [Localité 7] Assurances aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

La S.A.R.L. LG Energies a relevé appel de cette décision le 14 août 2019 en ce qu'elle a :

- dit que les travaux exécutés constituent un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil et jugé que les désordres qui l'affectent engagent la responsabilité des constructeurs sur le fondement de l'article 1792 du même code ;

- prononcé la mise hors de cause de la SA MAAF en sa qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle et ce faisant n'a pas statué sur l'obligation à garantie de celle-ci en sa qualité d'assureur sur le fondement de la garantie décennale.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 09 mars 2022, la S.A.R.L. LG Energies demande à la cour, sur le fondement des articles 1792, 1147 ancien du code civil et L.124-5 du code des assurances :

rejetant toutes conclusions contraires comme injustes ou mal fondées :

- de la déclarer recevable et bien fondé en son appel,

- d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que les travaux exécutés constituent un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil et jugé que les désordres qui l'affectent engagent la responsabilité des constructeurs sur le fondement de l'article 1792 du code civil, prononcé la mise hors de cause de la SA MAAF Assurances en sa qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle et ce faisant n'a pas statué sur l'obligation à garantie de la SA MAAF Assurances sur le fondement de la garantie décennale,

en conséquence et statuant à nouveau :

- de déclarer M. et Mme [T] irrecevables en leur demande fondée sur les dispositions de l'article 1792 du code civil et constater qu'ils sont forclos à agir sur le terrain de la garantie de bon fonctionnement,

- de déclarer la société JD Eau irrecevable à agir à son encontre sur le fondement de l'article 1792 du code civil,

- de constater que la société JD Eau ne démontre pas l'existence d'une quelconque faute de sa part au titre de son intervention de mise en service de la pompe à chaleur et dire et juger que les dysfonctionnements ne lui sont pas imputables,

- par conséquent de débouter la société JD Eau de son appel en garantie à son encontre,

- de voir prononcer sa mise hors de cause,

à titre subsidiaire :

- de condamner la société MAAF à la relever et garantir indemne de toute condamnation en principal, frais, dépens et accessoires pouvant intervenir à son encontre,

en tout état de cause :

- de condamner la société JD Eau ou, à défaut, la société MAAF au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que des entiers dépens de première instance et d'appel,

- de débouter l'ensemble des autres parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires aux présentes.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 05 février 2020, la S.A.R.L. JD Eau demande à la cour, sur le fondement des articles 1792 et 1231-1 du code civil, de :

- confirmer le jugement déféré,

à titre subsidiaire :

- condamner la S.A.R.L. LG Energies à la garantir et relever indemne de l'ensemble des condamnations qui seront mises à sa charge au titre de sa responsabilité contractuelle,

en toutes hypothèses :

- condamner la S.A.R.L. LG Energies au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens de l'instance.

Suivant leurs dernières conclusions notifiées le 04 mai 2020, M. et Mme [T] demandent à la cour de :

à titre principal :

- dire que la responsabilité décennale de la société JD Eau est engagée à leur égard au titre des désordres relatifs à la pompe à chaleur,

- dire que l'assurance Mutuelle de [Localité 7], en sa qualité d'assureur de la société JD Eau doit sa garantie décennale,

- dire et juger que la société JD Eau et son assurance Mutuelle de [Localité 7] sont tenues solidairement d'indemniser leur préjudice,

- juger irrecevable la demande de LG Energies à leur égard,

- débouter la S.A.R.L. LG Energies de l'intégralité de ses demandes,

- et confirmer en toutes ses dispositions le jugement critiqué,

à titre subsidiaire, si la responsabilité décennale de la société JD Eau n'était pas retenue :

- juger que la responsabilité de la société JD Eau est engagée à leur égard au regard des dispositions de l'article 1147 ancien du code civil,

- confirmer le jugement querellé pour le surplus en ce qu'il a condamné JD Eau à leur payer les sommes de :

- 26 489,24 euros en réparation du préjudice matériel subis,

- 1 200 euros au titre du préjudice de jouissance,

- et 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

en tout état de cause :

- condamner les sociétés LG Energies et JD Eau au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile et des entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 04 mai 2022, la SA MAAF Assurances demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris,

en conséquence,

- débouter la S.A.R.L. LG Energies de l'intégralité de ses demandes dirigées à son encontre,

- débouter la société JD Eau et son assureur, la société Mutuelle de [Localité 7] Assurances de l'intégralité de leurs demandes dirigées à son encontre,

- débouter toute autre partie à la présente procédure de toutes demandes qu'elle dirigeait à son encontre,

à titre infiniment subsidiaire :

- déclarer qu'elle ne peut être condamnée à relever et garantir indemne la S.A.R.L. LG Energies que du montant des condamnations imputé de la franchise, celle-ci restant à sa charge,

en tout état de cause :

- condamner la société JD Eau solidairement avec la société Mutuelle de [Localité 7] Assurances au paiement de la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire,

joutant au jugement entrepris :

- condamner la société JD Eau solidairement avec société la Mutuelle de [Localité 7] Assurances et in solidum avec la S.A.R.L. LG Energies au paiement d'une indemnité de 3 000 au titre des frais irrépétibles d'appel, outre aux entiers dépens d'appel,

- débouter la société JD Eau, la société Mutuelle de [Localité 7] Assurances et la S.A.R.L. LG Energies de toutes demandes contraires.

Aux termes de ses dernières écritures signifiées par voie électronique le 04 janvier 2023, la société Mutuelle de [Localité 7] Assurances demande à la cour, au visa de l'article 1792 du code civil, de :

- la dire et juger recevable et fondée en son appel incident ;

- réformer le jugement de première instance dans la totalité de ses dispositions et, statuant à nouveau ;

- dire et juger M. et Mme [T] irrecevables en leur action principale ;

- rejeter en conséquence l'ensemble des demandes formées à son encontre, en sa qualité d'assureur décennal de la société JD Eau ;

- prononcer sa mise hors de cause ;

- condamner M. et Mme [T] ou toute autre partie défaillante au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, soit 2.500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et 2.500 € pour ceux d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens, en ceux compris ceux relatifs à la procédure de référé.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2023.

MOTIVATION

Sur l'application de la responsabilité décennale

Aux termes de l'article 1792 du code civil 'tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité est écartée si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère'.

La garantie décennale n'a vocation à s'appliquer que dans l'hypothèse où il y a eu réception et que le dommage s'est révélé postérieurement à celle-ci.

Les parties s'opposent sur la qualification juridique exacte de la pompe à chaleur : ouvrage ou élément d'équipement.

Sur la nature de la pompe à chaleur

Le tribunal a estimé que l'appareil de chauffage pouvait être qualifié d'ouvrage au sens de l'article 1792 précité et condamné, au regard des désordres relevés par l'expert judiciaire, la société JD Eau, solidairement avec son assureur, sur le fondement de la responsabilité décennale. Il a également relevé indemne celles-ci par la S.A.R.L. LG Energies à hauteur de 20% du montant des condamnations, comprenant également celle prononcée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La S.A.R.L. LG Energies conteste le caractère décennal des désordres et considère que la pompe à chaleur ne peut être qualifiée d'ouvrage. Elle estime de surcroît qu'elle ne saurait être tenue sur le fondement de la responsabilité décennale à relever indemnes la société JD Eau en raison de l'absence de conclusion d'un contrat de louage d'ouvrage avec celle-ci et de l'impossibilité pour le sous-traitant d'être tenu à cette garantie.

La société Mutuelle de [Localité 7] Assurance et la SA MAAF considèrent également que la pompe à chaleur ne peut être qualifiée d'ouvrage et dénient tout caractère décennal des désordres.

Au contraire, M. et Mme [T] et la S.A.R.L. JD Eau sollicitent la confirmation du jugement entrepris sur ce point.

La notion d'ouvrage, qui se définit par opposition à celle d'élément d'équipement, suppose nécessairement l'édification d'une construction solidaire du sol ou du sous sol.

Certes, la pompe à chaleur installée au domicile de M. et Mme [T] n'était pas destinée à assurer le chauffage de la totalité de leur habitation mais à apporter un complément de chaleur à celle produite par la chaudière au fioul.

Cependant, il résulte du schéma figurant en page 7 du rapport d'expertise judiciaire que l'unité intérieure de cet appareil n'est pas dissociable de l'ouvrage pour être ancrée dans

le sol et est de surcroît directement raccordée, par un système de tuyauterie, à la chaudière au fioul alimentant le parquet chauffant et les radiateurs.

Quant à l'unité extérieure, celle-ci est également scellée au sol.

La tuyauterie reliant d'une part la chaudière au fioul à l'unité intérieure et d'autre part cette dernière à l'unité extérieure représente une longueur de près de 06 mètres.

Le percement des murs de l'immeuble de M. et Mme [T] a été rendu nécessaire pour raccorder les deux unités de la pompe à chaleur.

Un démontage de l'entière installation endommagerait nécessairement l'existant et obligerait à procéder à des travaux réparatoires.

Au regard de ces éléments, le tribunal a retenu à bon droit que la pompe à chaleur devait être qualifiée d'ouvrage au sens des dispositions de l'article 1792 précité.

Pour ce qui concerne la S.A.R.L. JD Eau

Le marché confié le 29 octobre 2009 par M. et Mme [T] à la société JD Eau a consisté dans la mise en oeuvre d'une pompe à chaleur, laquelle a été fabriquée sur site, raccordée hydrauliquement à une ancienne installation de chauffage composée principalement d'une chaudière au fioul, d'un réseau de radiateurs et d'un réseau de planchers chauffants.

L'expert judiciaire a relevé que l'appareil de chauffage installé au domicile de M. et Mme [T] n'était pas :

- fabriqué suivant les prescriptions mentionnées dans la notice d'instruction du constructeur, notamment pour ce qui concerne le schéma du raccordement hydraulique et électrique et considérant, au regard des documents qui lui ont été remis, que la société JD Eau disposait de la qualité de fabricant ;

- conforme à la norme CE applicable à l'assemblage sur site, l'absence de notice d'instruction de l'ensemble constitué étant de surcroît soulignée ;

- apte à remplir son office, en l'occurrence l'apport d'économies d'énergie.

- conforme aux règles de sécurité imposant son positionnement à une distance suffisante de la chaudière au fioul.

Si l'expert judiciaire a exclu que les désordres affectant la pompe à chaleur portent atteinte à la destination de l'immeuble de M. et Mme [T] (p11), il estime cependant qu'elle est définitivement hors service et 'à rebuter'. Cet ouvrage est dès lors impropre à sa destination.

En conséquence, le jugement déféré ayant considéré que la S.A.R.L. JD Eau engage sa responsabilité décennale sera confirmé de sorte que la garantie de son assureur doit être mobilisée.

Le montant du coût des travaux réparatoires et du préjudice de jouissance de M. et Mme [T] qui a été retenu par le premier juge n'est pas contesté par la S.A.R.L. JD Eau et la société Mutuelle de [Localité 7] Assurance.

Pour ce qui concerne la S.A.R.L. LG Energies

La S.A.R.L. LG Energies conteste la mise à sa charge de 20% du montant de l'indemnisation accordée à M. et Mme [T] et demande ainsi l'infirmation du jugement entrepris l'ayant condamnée à relever indemne à hauteur de ce pourcentage la S.A.R.L. JD Eau et la société Mutuelle de [Localité 7] Assurances des sommes mises à sa charge, comprenant celles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En réponse, la S.A.R.L. JD Eau réclame le confirmation du jugement entrepris.

Il sera observé que la société Mutuelle de [Localité 7] Assurances ne sollicite pas la confirmation de la décision attaquée sur ce point.

En qualité de sous-traitante de la S.A.R.L. JD Eau, la responsabilité de la S.A.R.L. LG Energies, assurée auprès de la SA MAAF, ne peut être engagée sur le fondement de la garantie décennale.

Elle est en revanche tenue vis à vis de son donneur d'ordre d'une obligation de résultat.

Pour autant, l'obligation de résultat ne dispense pas de rapporter la preuve du lien entre les désordres et l'intervention du sous traitant.

Il n'est pas contesté que l'appelante a mis en service la pompe à chaleur et facturé cette prestation à la S.A.R.L. JD Eau.

L'expert judiciaire a relevé à l'égard de la S.A.R.L. LG Energies la commission de plusieurs fautes, en l'occurrence :

- l'absence de vérification de la bonne application des recommandations du constructeur Mitsubishi, ajoutant que son attestation lui enjoignait de ne pas mettre en service l'appareil sans s'assurer au préalable que toutes les recommandations du constructeur étaient mises en oeuvre ;

- l'absence de réalisation du tirage au vide et du test d'étanchéité réglementaire du fluide frigorigène ;

- l'absence de remise à M. et Mme [T] des paramètres de fonctionnement de l'installation.

Il sera immédiatement observé que ce dernier reproche est sans lien avec les causes de la défaillance de la pompe à chaleur.

Comme le fait justement observer la S.A.R.L. LG Energies, le matériel de marque Mitsubishi a parfaitement fonctionné entre la date de la mise en service par celle-ci (02 février 2010) et le mois d'avril 2011, soit durant une période supérieure à un an.

Les désordres ayant finalement abouti à l'absence de fonctionnement de la pompe à chaleur ont été constatés à la suite de nombreuses interventions de sociétés tierces, en l'occurrence JD Eau en juillet 2013, mais également Applic Froid (novembre 2011 et février 2012).

L'expert judiciaire n'a pu obtenir du constructeur Mitsubishi des éléments de nature technique relatifs à la première réparation de la pompe à chaleur effectuée en avril 2011 par une société mandatée par ses soins (société Maisoning) de sorte qu'il n'a pu comparer l'état dans lequel se trouvait cet appareil lors de cette intervention avec celui mis en service par la S.A.R.L. LG Energies en février 2010.

De plus, il résulte de l'examen de la facture du 18 février 2010 établie par la S.A.R.L. LG Energies et de son rapport d'intervention que celle-ci mentionne expressément avoir réalisé le tirage au vide et les tests d'étanchéité de sorte que l'affirmation péremptoire de l'expert judiciaire, non étayée par des investigations techniques, ne sera pas prise en considération.

Quant au premier reproche formulé par M. [M] à l'encontre de l'appelante, un lien direct entre son acceptation d'intervenir pour le compte de la S.A.R.L. JD Eau, société professionnelle en la matière qui disposait de la licence Mitsubishi, et les causes des dysfonctionnements de l'appareil de chauffage d'appoint n'est pas suffisamment établi, étant ajouté qu'aucune documentation contenant les recommandations du constructeur ne lui a été remise par son donneur d'ordre.

En conséquence, le lien entre l'intervention du sous traitant et les désordres est insuffisamment établi. L'appelante ne sera dès lors pas condamnée à garantir et relaver indemne son donneur d'ordre (et son assureur au regard des observations figurant ci-dessus). Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.

Enfin, l'absence de condamnation de la S.A.R.L. LG Energies rend sans objet l'examen des conditions de la mobilisation de la garantie responsabilité civile de la SA MAAF.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il doit être observé que la SA Generali n'a pas été intimée par l'une ou l'autre des parties. Dès lors, la condamnation solidaire de la société JD Eau et de la société Mutuelle de [Localité 7] Assurances au paiement à celle-ci d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ne peut être remise en cause par la cour et ce même si la société Mutuelle de [Localité 7] Assurances réclame dans ses dernières écritures le rejet de l'ensemble des demandes présentées à son encontre.

Le jugement de première instance ayant condamné la société JD Eau et la société Mutuelle de [Localité 7] Assurance à payer à :

- M. et Mme [T] la somme de 3 000 euros,

- et la SA MAAF la somme de 1 000 euros,

en application de ce texte sera confirmé.

En cause d'appel, il convient de condamner la S.A.R.L. JD Eau à verser :

- d'une part à la S.A.R.L. LG Energies ;

- d'autre par à M. et Mme [T], ensemble,

une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter les autres prétentions de ce chef.

PAR CES MOTIFS

- Infirme, dans les limites de l'appel, le jugement rendu le 04 juillet 2019 par le tribunal de grande instance d'Angoulème en ce qu'il a condamné la société à responsabilité limitée LG Energies à relever indemnes la société à responsabilité limitée JD Eau et la société Mutuelle de [Localité 7] Assurances à hauteur de 20% des sommes mises à leur charge ;

Et, statuant à nouveau dans cette limite :

- Rejette la demande présentée par la société à responsabilité limitée JD Eau et la société Mutuelle de [Localité 7] Assurances tendant à être garanties et relevées indemnes par la société à responsabilité limitée LG Energies des sommes mises à leur charge ;

- Dit n'y avoir lieu à mobilisation de la garantie de la société anonyme MAAF et rejette les demandes présentées à son encontre ;

- Confirme le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant ;

- Condamne in solidum la société à responsabilité limitée JD Eau et la société Mutuelle de [Localité 7] Assurances à verser à la société à responsabilité limitée LG Energies une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne in solidum la société à responsabilité limitée JD Eau et la société Mutuelle de [Localité 7] Assurances à verser à M. [Y] [T] et Mme [G] [V] épouse [T], ensemble, une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejette les autres demandes présentées sur ce fondement ;

- Condamne in solidum la société à responsabilité limitée JD Eau et la société Mutuelle de [Localité 7] Assurances au paiement des dépens d'appel.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/04631
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;19.04631 ?
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