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07/03/2023 | FRANCE | N°21/05335

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Juridic.premier president, 07 mars 2023, 21/05335


CONTESTATION EN MATIÈRE D'HONORAIRES D'AVOCAT

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Monsieur [S] [N]

C/

S.E.L.A.R.L. DELOM-[B], Maître [U] [P]

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N° RG 21/05335 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MKP2

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DU 07 MARS 2023

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Grosse délivrée



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ARRÊT

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Rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Le 07 MARS 2023



LA JURIDI...

CONTESTATION EN MATIÈRE D'HONORAIRES D'AVOCAT

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Monsieur [S] [N]

C/

S.E.L.A.R.L. DELOM-[B], Maître [U] [P]

--------------------------

N° RG 21/05335 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MKP2

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DU 07 MARS 2023

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Notifications

le :

Grosse délivrée

le :

ARRÊT

--------------

Rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Le 07 MARS 2023

LA JURIDICTION DE LA PREMIERE PRESIDENTE DE LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX

Vu l'ordonnance de fixation en collégialité du 16 décembre 2022 de la première présidente ;

Vu le renvoi de l'affaire devant la formation collégiale composée de :

Isabelle DELAQUYS, conseillère,

Noria FAUCHERIE, conseillère,

Nathalie PIGNON, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

Nathalie PIGNON, ayant entendu les parties en qualité de rapporteur, a rendu compte des débats à la Cour,

assistées de Séverine ROMA, greffière,

dans l'affaire

ENTRE :

Monsieur [S] [N]

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 6] (MAROC), demeurant [Adresse 2]

Absent,

représenté par Me Sarah NASR, avocat au barreau de BORDEAUX

Demandeur au recours contre une décision rendue le 23 août 2021 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 4],

ET :

S.E.L.A.R.L. DELOM-[B] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité [Adresse 3]

Maître [U] [P]

Avocate, demeurant [Adresse 3]

représentées par Me Pauline FRANCILLOUT, avocat au barreau de BORDEAUX

Défenderesse,

A rendu publiquement l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue devant nous, assistées de Séverine Roma, Greffière, en audience publique, le 31 Janvier 2023  et qu'il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus désignés.

FAITS, MOYENS DÉVELOPPÉS PAR LES PARTIES ET PROCÉDURE SUIVIE

M. [S] [N] a relevé appel de la décision rendue le 23 août 2021 par la délégataire du bâtonnier du barreau de Bordeaux ayant arrêté à la somme de 10.300 € ttc le montant de l'honoraire qu'il devrait à ses avocats la Selarl Delom [B] et Me [U] [P] et ayant constaté que cette somme correspond aux honoraires payés.

M. [S] [N] prétend avoir réglé à ses anciens conseils, notamment par l'intermédiaire de sa famille, une somme de 14.000 € dont il demande la restitution. Il explique qu'aucune convention d'honoraire n'a jamais été signée et que ses conseils ne justifient pas des diligences accomplies dans son intérêt. Il souligne qu'il a été contraint de changer d'avocat. Il dénonce les manquements de ses conseils aux prescriptions du code de déontologie en matière d'honoraire :

- principe d'honneur, de désintéressement, de délicatesse, de modération et de courtoisie, alors que ses conseils n'ont cessé de le presser de payer, sous la menace de suspendre leurs prestations et ont abusé de l'état de dénuement dans lequel il se trouvait ;

- principe de compétence, de dévouement, diligence et prudence, alors que ses conseils ont négligé sa défense,

- absence de convention,

- absence de comptabilité et de justificatifs des honoraires réclamés.

Il souligne que la prétendue consultation du dossier en intégralité est inexacte, que son placement en liberté sous contrôle judiciaire relève d'une décision du parquet, que les diligences qui sont listées sont superficiellement gonflées, et qu'il n'a jamais été informé du coût de l'intervention de son conseil et des modalités de réglement.

Enfin, il reproche à la décision déférée de ne pas avoir pris en compte dans l'évaluation de l'honoraire son impécuniosité.

La Selarl Delom [B] et Me [U] [P] concluent au débouté des prétentions de l'appelant et à la confirmation de la décision déférée et sollicitent la condamnation de M. [S] [N] à leur payer 2.500 € pour frais irrépétibles.

La Selarl Delom [B] et Me [U] [P] expliquent qu'elles ont assisté l'appelant au cours de la procédure pénale dirigée contre lui de juin 2017 au 4 décembre 2019, qu'elles ont perçu en tout et pour tout une somme de 10.300 €, et non pas 14.000 € comme le prétend sans le démontrer l'intéressé, que cette somme couvre leurs diligences et les différents déplacements sur [Localité 5] pour assister M. [S] [N] devant le juge d'instruction, les rendez-vous avec l'intéressé, l'obtention d'un contrôle judiciaire plutôt qu'une incarcération et les demandes de modification du contrôle judiciaire.

MOTIFS DE LA COUR :

Conformément à l'article 10 de la loi n' 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi n' 2015-990 du 6 août 2015 les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.

Sauf urgence ou force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi

n' 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat doit conclure par écrit avec son client une convention d'honoraires.

En l'absence de convention, comme en l'espèce, les honoraires revenant à l'avocat doivent être fixés en application des critères de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi du 10 juillet 1991, et de l'article 10 du décret du 12 juillet 2005, aux termes desquels les honoraires sont fixés à défaut de convention entre l'avocat et son client, "selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de la notoriété et des diligences de celui-ci".

Par ailleurs, la procédure spéciale prévue par les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ne s'applique qu'aux contestations relatives à la fixation et au recouvrement des honoraires des avocats, de sorte que ni le bâtonnier ni, en appel, la cour à laquelle l'affaire a été renvoyée n'ont le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat au titre d'un éventuel manquement à son obligation d'information préalable sur les conditions de sa rémunération.

Enfin, à chaque demande de versement d'honoraires, que les parties aient ou non signé une convention, l'avocat doit adresser à son client une facture qui doit respecter les dispositions de l'article L.441-3 du code de commerce et contenir obligatoirement :

- les diligences effectuées par l'avocat

- et le temps passé à chaque diligence.

M. [N] fait état en premier lieu de pressions qu'il aurait subies de la part de ses avocates, mais ni la teneur des messages échangés, ni les attestations de membres de sa famille ne permettent de caractériser de telles pressions.

Les éventuelles négligences dans l'exécution de leur mission n'étant pas de la compétence du juge de l'honoraire, il ne peut être tenu compte des éléments avancés par M. [N] sur ce point pour fixer le montant des honoraires dus à la Selarl Delom [B] et

Me [U] [P]. Il sera tout au plus observé que les intimées justifient avoir assisté M. [N] lors de sa garde à vue, que l'intéressé a été placé sous contrôle judiciaire, et que ses avocates ont sollicité et obtenu la copie de l'intégralité du dossier pénal comprenant plus de 1.000 cotes.

En revanche, il est constant qu'aucune facture n'a été fournie à M. [N] lors de l'exécution de la mission de ses avocates, les deux factures produites aux débats datant des 22 et 24 février 2021, soit après la saisine du Bâtonnier, et alors que M. [N] avait changé de conseil en janvier 2020.

Ces deux factures, d'un montant chacune de 5.150 € TTC mentionnent au titre des diligences accomplies les mêmes prestations, à savoir : ' Garde à vue : 96 heures, Comparution devant le juge anti-terroriste, consultation du dossier, modification du contrôle judiciaire, audition du 20.11.2017". Il n'est pas précisé le nombre d'heures facturées, pas plus que le taux horaire pratiqué.

S'agissant de la somme réglée par M. [N], il convient en premier lieu de rappeler qu'aucun des versements pourtant reconnus par ses conseils à hauteur de 10.300 € n'a fait l'objet de la remise d'un reçu ou de tout autre document attestant de ces réglements.

Les diligences mentionnées, au regard de la complexité du dossier (assistance en garde à vue pour une durée de 96 heures, examen d'un important dossier pénal de plus de 1000 cotes, multiples échanges avec le mis en examen, demande de modification de contrôle judiciaire à laquelle il a été satisfait, correspondances avec le juge d'instruction...) justifient un honoraire de 10.000 € TTC.

De l'échange des messages par textos produit aux débats par l'appelant, dont la teneur ne fait l'objet d'aucune contestation de la part des intimées, il ressort que celles-ci ont reçu la somme de 14.000 €, ainsi que le rappelle le message de M. [N] du 25 juin 2019 dans les termes suivants : ' Je vous avez (sic) dit que je vous ai déjà donné 14000 € et et vous m'aviez dit qu'il faudrait 2000 € si on fait une demande de non-lieu.... Je n'ai rien absolument rien et ce n'est pas comme si je n'ai pas payé 14000 €.' Ce message n'a fait l'objet d'aucune réponse, pas plus que le courriel du 28 avril 2020 adressé par M. [N] à Me [B], rappelant le versement de 14000 €.

L'appelant fournit en outre plusieurs attestations qui certes émanent de membres de sa famille, mais qui sont toutes concordantes pour témoigner du versement de la somme de 14000 € sans l'obtention de reçu(s) et/ou facture(s).

Il en résulte que M. [N] rapporte la preuve du versement de cette somme.

La décision déférée sera en conséquence infirmée, l'honoraire des intimées sera fixé à la somme de 10.000 € et il sera ordonné la restitution de la somme de 3.700 €.

La Selarl Delom [B] et Me [U] [P] succombant à l'instance, il n'y a pas lieu de prononcer à leur profit une condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et elles supporteront les dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par décisison contradictoire, et par mise à disposition au greffe,

Infirme la décision déférée,

Statuant à nouveau :

Fixe les honoraires revenant à la Selarl Delom [B] et Me [U] [P] à la somme de 10.000 euros TTC ;

Constate que la somme de 14.000 euros a déjà été réglée par M. [S] [N],

Dit que la Selarl Delom [B] et Me [U] [P] devront restituer à M. [S] [N] la somme de 4.000 euros TTC,

Déboute la Selarl Delom [B] et Me [U] [P] de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la Selarl Delom [B] et Me [U] [P] aux dépens,

Dit qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l'arrêt sera notifié aux parties par le greffe de la cour par lettre recommandée avec accusé de réception.

Le présent arrêt a été signé par Isabelle DELAQUYS, conseillère, et par Séverine ROMA, greffière, à laquelle la minute a été remise par le Magistrat signataire.

La Greffière La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Juridic.premier president
Numéro d'arrêt : 21/05335
Date de la décision : 07/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-07;21.05335 ?
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