COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION B
--------------------------
ARRÊT DU : 02 MARS 2023
SÉCURITÉ SOCIALE
N° RG 20/04422 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LZAG
Madame [L] [G] [E]
c/
URSSAF ILE DE FRANCE
Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 octobre 2020 (R.G. n°18/02772) par le Pôle social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d'appel du 09 novembre 2020.
APPELANT :
Madame [L] [G] [E]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Mélanie CONOIR substituant Me Johanne AYMARD-CEZAC, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
URSSAF ILE DE FRANCE venant aux droits de l'URSSAF de [Localité 5] prise en la personne de son directeur domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]
représentée par Me Jessica GARAUD substituant Me Françoise PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 janvier 2023, en audience publique, devant Monsieur Eric VEYSSIERE, Président magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a retenu l'affaire
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Eric Veyssière, président
Madame Sophie Lésineau, conseillère
Madame Cybèle Ordoqui, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Evelyne GOMBAUD,
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Exposé du litige
Le 11 décembre 2018, l'Urssaf Ile de France a signifié à Mme [L] [E] une contrainte pour le recouvrement d'une somme totale de 15.396, 96 euros représentant les cotisations et majorations de retard relatives aux 3ème et 4ème trimestre 2013, 1er au 3ème trimestre 2014 et au 4ème trimestre et régularisation 2015.
Cette contrainte a été précédée de l'envoi de quatre mises en demeure en date du 28 décembre 2015, 6 avril 2016, 6 mai 2016 et 11 mai 2016.
Le 26 décembre 2018, Mme [E] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Gironde d'une opposition à cette contrainte.
Par jugement du 5 octobre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- déclaré l'opposition de Mme [E] recevable mais mal fondée,
- débouté Mme [E],
- validé la contrainte du 29 novembre 2018 à hauteur de la somme de 15 188 euros outre le frais de signification de la contrainte de 72,45 euros,
- condamné Mme [E] aux dépens de l'instance.
Par déclaration du 16 novembre 2020, Mme [E] a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions du 8 décembre 2022, Mme [E] sollicite de la cour qu'elle :
A titre principal
- infirme le jugement querellé en ce qu'il a :
- juger l'opposition de Madame [L] [E] recevable mais mal
fondée,
- débouté Mme [E],
- validé la contrainte du 29 novembre 2018 à hauteur de la somme de 15 188 euros outre les frais de signification de la contrainte de 72,45 euros,
- condamné Madame [L] [E] aux dépens de l'instance.
Et statuant à nouveau :
- reçoit Mme [E] en ses conclusions, fins et prétentions,
En conséquence :
- juge l'opposition à contrainte formée par Mme [E] bien fondée,
- juge que Mme [E] n'est pas à l'origine de la création de la société [3], génératrice des cotisations litigieuses, qu'elle n'est pas la signataire des statuts de cette société, qu'elle n'a jamais été gérante de cette société et qu'elle n'a jamais exercé aucune activité indépendante,
- juge que Mme [E] n'est donc pas débitrice des cotisations et contributions sociales réclamées par l'Urssaf pour un montant de 15.188 euros,
- annule la contrainte signifiée le 11 décembre 2018 à Mme [E],
A titre subsidiaire
- juge que les quatre mises en demeures sont nulles,
- juge que la contrainte signifiée le 11 décembre 2018 à Mme [E] est nulle,
En tout état de cause
- déboute l'Urssaf de ses demandes,
- condamne l'Urssaf à payer à Mme [E] la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Par ses dernières conclusions enregistrées le 06 octobre 2022, l'Urssaf demande à la cour de confirmer en toute ses dispositions le jugement du Tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 05 octobre 2020.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.
Motifs de la décision
Il résulte des pièces produites par Mme [E] que celle-ci a été victime d'une usurpation d'identité à la suite d'un vol de son passeport pour lequel elle a déposé plainte le 4 mars 2013 et que l'auteur de cette usurpation a, sous l'identité de Mme [E], ouvert un compte bancaire auprès du [4] à [Localité 6] et immatriculé une société dénommée [3] dont la domiciliation était une boîte postale à [Localité 6].
Mme [E] déclarée comme gérante sur le K bis de la société a obtenu, le 20 janvier 2015, la radiation de celle-ci du registre du commerce.
Les investigations des policiers ont mis en évidence la réalité de l'usurpation d'identité. Le classement sans suite de la plainte est sans incidence sur le présent litige dés lors que l'auteur de l'infraction n'a pas été identifié. En outre, la réceptionniste de son entreprise et son supérieur hiérarchique attestent du fait que l'enveloppe contenant son passeport, qui lui avait été adressé le 4 mars 2013 par sa mère à la suite du vol de son sac à main, était parvenue au service courrier de l'entreprise déchirée et vide.
Mme [E] justifie, par ailleurs, que sa signature n'est pas celle ayant été apposée sur les statuts de la société [3], qu'elle est salariée en contrat à durée indéterminée, statut cadre, depuis le 11 septembre 2012 et qu'aucun mouvement sur ses comptes bancaires sur les années 2013-2015 laisse supposer l'existence d'une activité parallèle à son emploi au titre, notamment, de la société [3].
De ces éléments concordants, il découle que Mme [E] n'était pas la gérante de la société [3] et que dés lors la contrainte émise par l'Urssaf au titre de l'affiliation de Mme [E] au RSI est sans cause et doit être annulée.
Le jugement sera réformé en ce sens.
L'équité commande d'allouer à Mme [E] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'Urssaf, partie perdante, supportera la charge des dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement entrepris
statuant à nouveau
Annule la contrainte signifiée à Mme [L] [E] le 11 décembre 2018 par l'Urssaf Ile de France pour le recouvrement d'une somme totale de 15.396, 96 euros
Y ajoutant
Condamne l'Urssaf Ile de France à Payer à Mme [L] [E] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne l'Urssaf Ile de France aux dépens.
Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Evelyne Gombaud, greffière, à
laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
E. Gombaud E. Veyssière