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01/03/2023 | FRANCE | N°19/05904

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 01 mars 2023, 19/05904


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 01 MARS 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 19/05904 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LJW4















SARL HL INTERIM



c/



Madame [Z] [M]

















Nature de la décision : AU FOND

















Grosse délivrée le :
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à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 septembre 2019 (R.G. n°F 18/00084) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 08 novembre 2019,





APPELANTE :

SARL HL Intérim, agissant en la personne de son gérant Monsieur [D] ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 01 MARS 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 19/05904 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LJW4

SARL HL INTERIM

c/

Madame [Z] [M]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 septembre 2019 (R.G. n°F 18/00084) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 08 novembre 2019,

APPELANTE :

SARL HL Intérim, agissant en la personne de son gérant Monsieur [D] [Y] domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 801 888 728

représentée par Me Joaquim BRUNETEAU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Madame [Z] [M]

née le 02 Octobre 1974 à [Localité 3] de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Aurélie NOEL de la SELARL HARNO & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 janvier 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bénédicte Lamarque, conseillère chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [Z] [M], née en 1974, a été engagée en qualité d'assistante commerciale par la SARL unipersonnelle HL Intérim, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 mai 2016.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à l'accord national du 23 janvier relatif aux salariés permanents des entreprises de travail temporaire.

Mme [M] a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 21 novembre 2017 jusqu'au 7 janvier 2018 en raison d'un état dépressif majeur.

Elle a repris le travail le 8 janvier 2018 puis, à compter du 12 janvier 2018, a de nouveau été placée en arrêt de travail.

Le 26 janvier 2018, la société a demandé par courriel à Mme [M] de restituer le véhicule de la société ainsi que le téléphone portable et le 9 février 2018 et le répertoire téléphonique.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [M] s'élevait à la somme de 2.631,61euros, moyenne calculée sur les 3 derniers mois travaillés en 2017.

Par lettre datée du 8 mars 2018, reçue le 9 mars 2018, Mme [M] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 21 mars 2018. Etant placée en arrêt de travail à cette date, Mme [M] a sollicité le report de l'entretien sans recevoir de réponse de la société.

Mme [M] a ensuite été licenciée pour absence prolongée perturbant le fonctionnement de l'entreprise et rendant nécessaire son remplacement définitif par lettre datée du 26 mars 2018. En raison d'un dysfonctionnement des services de la Poste, la lettre de licenciement n'a été présentée pour la première fois à Mme [M] que le 5 mai 2018.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités outre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ainsi que des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de santé et de sécurité, Mme [M] a saisi le 20 juin 2018 le conseil de prud'hommes de Libourne qui, par jugement rendu le 25 septembre 2019, a :

- débouté Mme [M] de ses demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de santé et de sécurité de l'employeur,

- dit que le licenciement de Mme [M] est sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la SARL HL Intérim, prise en la personne de son représentant légal à payer à Mme [M] les sommes suivantes :

* 9.210,64 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2.631,61 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 263,16 euros au titre de l'indemnités de congés payés sur préavis,

* 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit, conformément à l'article R. 1454-28 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois, cette moyenne étant fixée à 2.631,61 euros,

- dit que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement et que les intérêts produits seront capitalisables conformément à l'article 1154 du code civil,

- débouté Mme [M] du surplus de ses demandes,

- condamné la SARL HL Intérim aux dépens et frais éventuels d'exécution du jugement.

Par déclaration du 8 novembre 2019, la SARL HL Intérim a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre adressée par le greffe aux parties le 8 octobre 2019.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 6 décembre 2022, la société HL Intérim demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* jugé le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

* condamné la société à verser à Mme [M] une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [M] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de santé et de sécurité de l'employeur,

Et, statuant à nouveau, de :

- dire que le licenciement de Mme [M] repose bien sur une cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, la débouter de l'ensemble de ses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail,

- dire que la demande de dommages et intérêts de Mme [M] pour exécution déloyale du contrat de travail n'est pas fondée,

- dire que la demande de dommages et intérêts de Mme [M] pour manquement à l'obligation de santé et de sécurité de l'employeur n'est pas fondée,

- en conséquence, la débouter de l'ensemble de ses demandes au titre de l'exécution du contrat de travail,

- condamner Mme [M] au paiement d'une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

- condamner Mme [M] aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 17 avril 2020, Mme [M] demande à la cour de':

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

* dit son licenciement dénué de toute cause,

* condamné la société à lui verser des sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés y afférents, au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

- réformer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes sur l'exécution du contrat,

Et ainsi :

- condamner la SARL HL Intérim à lui verser les sommes suivantes :

* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de santé et de sécurité pesant sur l'employeur,

* 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

- condamner l'employeur aux dépens d'instance,

- assortir les condamnations de l'intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 10 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat

Pour voir la société condamner à lui verser des dommages et intérêts en raison du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale de son contrat de travail, Mme [M] invoque le comportement inadapté de son employeur à partir de la seconde période de son arrêt de travail pour maladie du 12 janvier 2018 : celui-ci a souhaité venir discuter chez elle et lui a demandé dès le 26 janvier la restitution du véhicule de la société, du téléphone portable et du répertoire téléphonique clients, la contactant sur son adresse courriel mais également sur le téléphone de son époux.

Elle soutient que ces demandes répétées de restitution du matériel alors qu'aucune procédure de licenciement n'avait pas encore été engagée démontrent la volonté de la société de l'exclure des effectifs de l'entreprise à une période où elle était en grand état de fragilité.

La société fait valoir que le téléphone portable et le véhicule de fonction restent la propriété exclusive de l'entreprise et qu'elle était fondée à en demander la restitution pour la poursuite de son activité.

***

En vertu de l'article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

A ce titre, l'employeur a un devoir de loyauté dans l'exécution du contrat de travail aussi bien en ce qui concerne la mise en oeuvre du contrat que l'application de la législation du travail.

*

Mme [M] produit la réponse faite par courriel à M. [Y], gérant de la société, le 19 janvier 2018 : 'suite à ton appel téléphonique du mercredi 17 janvier 2018 pour venir discuter chez moi. Actuellement je suis en arrêt maladie, je ne souhaite pas te rencontrer car je ne suis pas capable de te recevoir. De plus, je souhaiterais que tu n'appelles plus mon mari sur son téléphone me concernant'.

Si l'employeur n'a pas contesté dans ses conclusions avoir passé cet appel téléphonique, aucun élément ne permet d'attester du contenu des propos qu'il a tenus à la salariée.

*

Aucune disposition contractuelle ne précise les conditions de la mise à disposition à la salariée du véhicule de société et du téléphone professionnel. Toutefois les bulletins de paie de Mme [M] font apparaître la mise à disposition d'un véhicule comme un avantage en nature confirmant ainsi qu'il s'agissait d'un véhicule de fonction.

Le véhicule de fonction et le téléphone portable professionnel, dont le salarié conserve l'usage dans sa vie personnelle, ne peuvent, sauf stipulation contraire, être retirés à l'intéressé pendant la période de suspension du contrat de travail qu'est l'arrêt maladie, le salarié restant dans les effectifs de l'entreprise.

Mme [M] produit des courriels du 26 janvier dans lesquels l'employeur sollicite la restitution du véhicule de la société 'qui fait partie de l'entreprise'. Elle justifie avoir restitué le téléphone portable le 9 février 2018, le véhicule le 18 mai 2018, ayant indiqué dès le 14 mai 2018 que le répertoire clients se trouvait sur le logiciel Tempo de l'entreprise.

Par ailleurs, la société ne démontre pas que ces deux matériels étaient nécessaires au bon fonctionnement de l'entreprise et à la poursuite de l'activité pendant l'arrêt de travail de Mme [M].

*

La société qui a obligé Mme [M] à restituer son téléphone et son véhicule pendant le temps de suspension du contrat de travail sans tenir compte des réponses apportées par elle sur le répertoire clients dans ses courriers, a fait preuve d'un manque de loyauté en ne respectant ni les temps de repos, ni les périodes de suspension du contrat de travail pas plus que la situation de fragilité de Mme [M] l'ayant conduit à un arrêt de travail pour maladie et sera condamnée en conséquence à verser à celle-ci une somme de 500 euros en réparation du préjudice subi.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Mme [M] invoque le manquement de l'employeur qui n'a pas organisé la visite médicale de reprise après son arrêt de travail d'une durée de 47 jours entre le 21 novembre 2017 et le 7 janvier 2018.

La société soutient que Mme [M] n'est restée en poste qu'une semaine après cette reprise du travail pour être de nouveau en arrêt maladie le 12 janvier et qu'elle n'a donc pas eu le temps d'organiser la visite de reprise, qui, dans tous les cas, peut se tenir dans les 8 jours de la reprise. N'ayant pas dépassé ce délai, elle conteste tout manquement.

***

L'employeur est tenu d'une obligation légale de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise et doit en assurer l'effectivité en vertu des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail.

Conformément à l'article R. 4624-31 du code du travail dans sa version applicable au litige, le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail après une absence d'au moins trente jours pour cause de maladie . Dès que l'employeur a connaissance de la date de la reprise effective du travail par le travailleur, il saisit le service de santé qui organise l'examen de reprise le jour de la reprise effective du travail et au plus tard dans le délai de huit jours qui suivent cette reprise.

Mme [M] a repris le travail le 8 janvier 2018 et l'employeur ne justifie pas avoir saisi le médecin du travail dans des délais permettant de réaliser la visite de reprise entre le 9 janvier et le 16 janvier, aucune convocation n'ayant été reçue par Mme [M] durant sa semaine de travail.

La reprise faisait suite à un arrêt de travail de 47 jours et Mme [M] a de nouveau été arrêtée 5 jours plus tard, sans reprise de poste jusqu'à son licenciement en mars 2018, ce qui permet de retenir qu'elle a subi un préjudice du fait de l'absence de visite médicale de reprise, en réparation duquel il lui sera alloué à une somme de 500 euros.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

La société souligne à la fois le faible nombre de salariés qu'elle emploie, Mme [M] ayant occupé le seul poste d'assistante commerciale aux côtés de l'assistante en ressources humaines et du comptable, les conséquences pénalisantes de son absence prolongée et continue et le recrutement le 8 février 2018, soit 1 mois avant le licenciement de Mme [M], d'une nouvelle assistante commerciale pour la remplacer de manière définitive.

Pour voir au contraire reconnaître que son licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse, Mme [M] soutient que l'employeur ne démontre pas que son absence a entraîné la désorganisation ou perturbation de l'entreprise ni qu'il y avait une nécessité à la remplacer de manière définitive.

La lettre de licenciement qui fixe l'état du litige en date du 26 mars 2018 est ainsi rédigée :

« Nous faisons suite à la convocation que nous vous avons adressée pour un entretien fixé au 21 mars 2018 auquel vous ne vous êtes pas rendue et qu'il ne nous a pas été possible de reporter.

Nous vous informons que les perturbations causées dans le fonctionnement de l'entreprise par votre absence prolongée rendent nécessaire votre remplacement définitif. En effet, il convient de rappeler que notre TPE n'occupe que trois emplois : une aide comptable, un poste en ressources humaines et le poste d'assistant commercial que vous occupez.

Ce poste est très important pour l'entreprise dans la mesure où il s'agit notamment de démarcher de nouveaux potentiels clients, de suivre nos clients actuels et de recruter de nouveaux profils pour les proposer à nos clients.

Compte tenu des tâches effectuées, l'entreprise ne peut pas se passer d'un tel poste. Pendant votre absence, nous n'avons pas pu vous remplacer dans le biais de contrat à durée déterminée.

Dans ces conditions, pour sauvegarder le bon fonctionnement de l'entreprise nous n'avons pas d'autre choix que de vous remplacer à titre définitif par une embauche à durée indéterminée.

Pour ces raisons, nous vous notifions par la présente votre licenciement.

Nous vous dispensons d'effectuer votre préavis d'une durée d'u mois commençant à la date de première présentation du présent courrier.

['] Il s'agira en outre de nous remettre l'intégralité des contacts qui figuraient sur votre téléphone portable professionnel et que vous avez effacés avant restitution, comme nous vous l'avons déjà demandé à plusieurs reprises. »

***

En application des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, le juge apprécie

le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié.

L'article L. 1132-1 du code du travail ne s'oppose pas au licenciement motivé, non pas par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif d'un salarié dont l'absence prolongée ou les absences répétées perturbent son fonctionnement. Le salarié ne peut être licencié que si les perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié, lequel doit intervenir à une date proche du licenciement ou dans un délai raisonnable après celui-ci.

En l'espèce, la société ne verse aucun document sur son activité, ses résultats et les perturbations du fonctionnement de l'entreprise résultant de l'absence prolongée de Mme [M].

Elle se limite à indiquer qu'il n'y avait que 3 salariés, sans d'ailleurs en justifier, ne produisant aucun registre du personnel.

De la même façon, la société ne produit aucun document sur les missions qu'effectuait Mme [M]. Elle ne démontre pas avoir cherché des solutions de remplacement temporaire pour pallier l'absence de Mme [M] pendant les 47 jours de son premier arrêt maladie ni après le 12 janvier 2018, date du début du second arrêt de travail de celle-ci.

Elle n'indique pas en quoi la spécificité de son activité l'empêchait de recourir à des contrats de travail à durée déterminée, ayant au contraire embauché une nouvelle assistante commerciale en contrat à durée indéterminée le 8 février 2018, soit un mois avant d'engager la procédure de licenciement de Mme [M]. Ainsi, à la date où l'employeur a décidé de rompre le contrat de travail de Mme [M], celle-ci était déjà remplacée sur son poste par une personne embauchée en contrat à durée indéterminée et la société n'a pas respecté les conditions relatives au délai raisonnable de remplacement définitif du salarié devenu nécessaire en application de l'article L. 1132-1 du code du travail.

La société échouant à démontrer la nécessité de pourvoir au remplacement définitif de Mme [M] ainsi que les perturbations résultant de l'absence de la salariée, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes financières au titre de la rupture du contrat

Aux termes de l'article L. 1243-3 du code du travail, la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement au salarié fixe le point de départ du préavis.

Il n'est pas contesté en l'espèce que la lettre de licenciement adressée le 26 mars 2018 n'a été présentée à Mme [M] que le 5 mai 2018 et reçue le 7.

Si l'article 13.2 de l'accord national précise dans son 3ème alinéa que le salarié ne percevra d'indemnité de préavis que pour la durée qu'il serait effectivement en mesure d'accomplir, l'article L. 1234-5 du code du travail précise que l'inexécution du préavis en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis.

Mme [M], engagée le 2 mai 2016 en qualité d'employée, avait droit à un préavis d'un mois, à compter du 7 mai 2018, peu important qu'elle se soit toujours trouvée en arrêt de travail pour maladie à cette date dès lors que c'est l'employeur qui dans la lettre de licenciement, l'a dispensée d'effectuer ce préavis.

Aucune réduction ne peut être opérée sur la somme, fixée forfaitairement au montant du salaire antérieur à la suspension du contrat, que l'employeur doit verser au salarié, la question de la conservation des avantages reçus au titre des prestations versées par l'organisme de sécurité sociale et par une institution de prévoyance en raison de l'état de santé du salarié relevant des seuls rapports entre ces derniers et ce, même si ce cumul permet au salarié de percevoir une somme supérieure à celle qui lui est habituellement versée.

C'est à bon droit que les premiers juges ont condamné la société à verser à Mme [M] une indemnité compensatrice de préavis égale au montant du salaire qu'elle aurait perçue, sans déduction des indemnités journalières de la sécurité sociale.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

***

Pour calculer le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'ancienneté du salarié doit s'apprécier au jour où l'employeur envoie la lettre recommandée de licenciement, soit en l'espèce le 26 mars 2018 et non à la date de la réception par la salariée. A cette date, déduction faite des périodes d'arrêts maladies ordinaires, Mme [M] avant une ancienneté de 19 mois.

Mme [M] justifie être restée sans emploi deux ans après son licenciement, période entrecoupée d'arrêts de travail pour maladie.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise de moins de 11 salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à [M] de 2.631,61 euros, de son âge au moment du licenciement (43 ans), de sa faible ancienneté, de sa difficulté à trouver un nouvel emploi eu égard à son état de santé et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il sera alloué à Mme [M] la somme de 5.200 euros de nature à assurer la réparation du préjudice subi à la suite de son licenciement abusif en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail.

Le jugement sera infirmé sur le quantum retenu du chef de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

La société HL Interim, partie perdante en son recours, sera condamnée aux dépens de d'appel ainsi qu'au paiement à Mme [M] de la somme complémentaire de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, a accordé une indemnité au titre du préavis d'un montant de 2.631,16 euros et les congés payés y afférents ainsi qu'au titre des frais irrépétibles et condamné la société HL Interim aux dépens,

Statuant à nouveau,

Condamne la société HL Interim à verser à Mme [Z] [M] les sommes de :

- 500 euros en réparation du préjudice subi du fait du manquement à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail,

- 500 euros en réparation du préjudice subi du fait du manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur,

- 5.200 euros en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,

Condamne la société HL Interim à verser à Mme [Z] [M] la somme complémentaire de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans la procédure d'appel,

Condamne la société HL Interim aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/05904
Date de la décision : 01/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-01;19.05904 ?
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