COUR D'APPEL DE BORDEAUX
2ème CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 24 FEVRIER 2023
N° RG 22/05144 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M665
[K] [B]
c/
[F] [A] VEUVE [D] (DECEDEE)
[R], [P] [I] épouse [H]
[V] [L] [H]
[Y] [E] [D]
Nature de la décision : DÉFÉRÉ
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 26 octobre 2022 par le magistrat chargé de la mise en état de la 2ème chambre civile du conseiller de la mise en état de la Cour d'Appel de BORDEAUX (RG : 22/01357) suivant conclusions portant requête en date du 08 novembre 2022
DEMANDEUR :
[K] [B], né le 11 Juillet 1966 à [Localité 4], de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Raphaël MONROUX de la SCP HARFANG AVOCATS, avocat au barreau de LIBOURNE
DÉFENDEURS :
[F] [A] VEUVE [D], (représentée par Madame [Y] [E] [D], curateur), Décédée le 20.11.2021, née le 06 Avril 1925 à [Localité 7], demeurant [Adresse 5]
[R], [P] [I] épouse [H], née le 26 Janvier 1963 à [Localité 3], de nationalité Française, demeurant [Adresse 8] (ITALIE)
Représentées par Me Anne THIBAUD, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me Anne LAPORTE, cabinet TAOMA PARTNERS, avocat au Barreau de Bordeaux,
[V] [L] [H], né le 27 Septembre 1957 à [Localité 6] (ETATS-UNIS), de nationalité Américaine, demeurant [Adresse 8] (ITALIE)
Représenté par Me Anne THIBAUD, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me Anne LAPORTE, cabinet TAOMA PARTNERS, avocat au Barreau de Bordeaux,
INTERVENANTE :
[Y] [E] [D], de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Philippe DUPRAT de la SCP DAGG, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 janvier 2023 en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Véronique LEBRETON, première présidente de chambre
Monsieur Eric VEYSSIERE, président de chambre
Madame Nathalie PIGNON, présidente de chambre
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie LARA,
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Par jugement en date du 7 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a:
- déclaré la demande de M. [K] [B] recevable,
- déclaré l'intervention volontaire de M. [V] [H] et Mme [R] [I] épouse [H] recevable,
- rejeté l'intégralité des demandes de M. [K] [B],
- condamné M. [K] [B] à payer à Mme [F] [A] veuve [D], représentée par Mme [Y] [D], la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [K] [B] à payer à M. [V] [H] et Mme [R] [I] épouse [H] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Mme [F] [A] veuve [D], représentée par Mme [Y] [D], et M. [V] [H] et Mme [R] [I] épouse [H] pour le surplus,
- condamné M. [K] [B] aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire .
M.[B] a relevé appel de ce jugement le 4 novembre 2021 .
Mme [F] [A] veuve [D] est décédée le 20 novembre 2021.
Ce décès a été notifié par son avocat aux avocats des autres parties le 26 novembre 2021.
Par ordonnance rendue le 20 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la radiation du rôle de l'affaire faute par l'appelant d'avoir satisfait à l'injonction qui lui avait été délivrée.
Le 17 mars 2022, M. [B] a demandé la réinscription au rôle de la procédure afin de permettre la reprise de l'instance et de permettre l'intervention volontaire de Mme [Y] [D] en sa qualité d'héritière de sa mère Mme [F] [D]. Le même jour les époux [H] ont également notifié des conclusions de remise au rôle.
M. [B] a notifié ses conclusions le 16 juin 2022.
M. et Mme [H] ont demandé au conseiller de la mise en état, sur le fondement des articles 908, 641 et 377 du code de procédure civile de prononcer la caducité de la déclaration d'appel n°21/04722 présentée par M. [B] en date du 4 novembre 2021, faute pour lui d'avoir conclu dans le délai de 3 mois prévu par le premier de ces textes, de le débouter de ses demandes et en conséquence de déclarer irrecevables les conclusions de M. [B] signifiées le 16juin 2022, de le condamner à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de le condamner aux entiers dépens avec distraction au profit de Me Anne Thibaud, en application de l'article 699 du code de procédure civile .
Mme [Y] [D] a pour sa part demandé au conseiller de la mise en état, sur le fondement des articles 908, 640 et 377 du code de procédure civile de prononcer la caducité de la déclaration d'appel n°21/04722 en date du 4 novembre 2021, et de condamner M. [B] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
M. [B] a demandé au conseiller de la mise en état, sur le fondement des articles 901 et suivants, 369 et suivants, 377 et 381 et suivants du code de procédure civile, de:
- débouter M. [H] et Mme [I] de toutes leurs demandes et de leur incident,
- les condamner in solidum au paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner solidairement aux dépens de l'incident.
Pour s'opposer aux demandes de ses contradicteurs, M. [B] a fait notamment valoir que Mme [A] veuve [D] est décédée le 20 novembre 2021, que ce décès a emporté interruption de l'instance conformément à l'article 370 du code de procédure civile, et que la radiation emportant suspension et non interruption des délais, les conclusions de reprise d'instance du 17 mars 2022 ont fait courir un nouveau délai de trois mois et ce d'autant que le litige est indivisible, en sorte qu'il pouvait valablement conclure jusqu'au 17 juin 2022.
Par ordonnance en date du 26 octobre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel du 4 novembre 2021, constaté le dessaisissement de la cour ainsi que de l'instance ouverte après réinscription au rôle du 17 mars 2022, condamné M. [K] [B] à payer à M. et Mme [H] ensemble et à Mme [Y] [D], respectivement, une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et condamné M. [K] [B] aux dépens de l'incident.
Pour adopter cette décision le magistrat chargé de la mise en état a retenu :
Il est constant que M. [B] a interjeté appel le 4 novembre2021 et qu'il devait conclure, à peine de caducité de sa déclaration d'appel avant le 5 février 2022. Or, d'une part, c'est à bon droit que les intimés font valoir que l'interruption de l'instance prévue par les dispositions de l'article 370 du code civil dans le cas du décès de l'une des parties ne profite qu'aux ayants droit de cette partie de sorte qu'il importe peu de savoir comment a été notifiée cette interruption d'instance et, d'autre part, si conformément aux dispositions de l'article 524 du code de procédure civile, la radiation emporte effectivement suspension du cours des délais prévus aux articles 905-2, 909, 910 et 911, elle n'emporte pas suspension des délais prévus aux dispositions de l'article 908 notamment.
Au surplus, M. [B] se méprend sur le terme de suspension qui contrairement à l'interruption ne fait pas naître un nouveau délai de même durée, mais impose que le délai reprend là où la cause de suspension l'avait interrompu.
Dès lors, M. [B] n'ayant conclu que le 17 juin 2022, alors qu'il se devait de conclure avant le 5 février 2022, sa déclaration d'appel est caduque.
Le 8 novembre 2022, M. [B] a notifié une requête en déféré, dont les termes sont également repris et développés dans ses conclusions en date du 30 décembre 2022, par laquelle il demande à la cour de réformer l'ordonnance sus-mentionnée en ce qu'elle a prononcé la caducité de la déclaration d'appel du 4 novembre 2021, de déclarer non caduc l'appel qu'il a interjeté, de débouter les intimés de leurs demandes et de les condamner in solidum au paiement de la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir que les dispositions de l'article 524 du code de procédure civile, qui prévoient la radiation de l'affaire à défaut d'exécution de la décision revêtue de l'exécution provisoire, sont inapplicables en l'espèce, puisque la radiation prononcée par le conseiller de la mise en état le 20 janvier 2022, n'est pas intervenue au visa de ce texte, mais pour défaut de diligence au visa des articles 377 et 381 du code de procédure civile lesquels emportent suspension de tous les délais sans aucune distinction, et que c'est donc à tort que l'ordonnance se fonde sur les dispositions de l'article 524 du code de procédure civile.
Il ajoute que la notification du décès de Mme [F] [D], par voie électronique intervenue le 26 novembre 2021, a interrompu l'instance, ce qui a eu un effet sur la computation des délais qui repartent à zéro à compter de la reprise d'instance, qui date du 17 mars 2022, que la radiation de l'instance ne prive pas l'interruption d'instance de son effet, qu'elle en est seulement la conséquence, qu'aucun acte de procédure ne peut être accompli pendant son interruption et que ceux qui l'auraient été sont réputés non avenus, que l'interruption de l'instance s'impose à tous et qu'elle ne bénéficie pas qu'aux héritiers .
Par conclusions du 11 janvier 2023, Mme [Y] [D] sollicite de la cour qu'elle confirme par substitution de motifs, l'ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 26 octobre 2022 en ce qu'elle a déclaré caduque la déclaration d'appel de Monsieur [B] du 4 novembre 2021 et qu'elle le condamne aux dépens et à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que l'instance n'est interrompue que par la notification du décès d'une partie que la notification qui en est faite aux autres parties elles-mêmes, que le courrier d'information adressé aux conseils des parties n'ayant pas produit d'effet interruptif, il appartenait à l'appelant de mettre en cause les héritiers et de conclure dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile, ce à quoi il a été enjoint par un avis du conseiller de la mise état, l'affaire ayant été radiée faute pour lui d'avoir effectué les diligences requises, sans que le délai ne soit suspendu.
Par conclusions du 11 janvier 2023, M. et Mme [H] demandent à la cour, le cas échéant en procédant par substitution de motifs, de confirmer l'ordonnance déférée à la cour en ce qu'elle a prononcé la caducité de la déclaration d'appel du 4 novembre 2021, constaté le dessaisissement de la cour, condamné M. [B] aux dépens et à payer à M. et Mme [H] ensemble et à Mme [Y] [D], respectivement, une somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Ils sollicitent la condamnation de M. [B] aux entiers dépens du présent appel avec distraction au profit de Maître Anne Thibaud en application de l'article 699 du code de procédure civile et au paiement d'une somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir que l'appelant a conclu après l'expiration du délai dont il bénéficiait, puisque si la radiation a produit un effet suspensif en application de l'article 377 du code de procédure civile, le délai a continué de courir pour le temps qu'il restait à compter de la reprise d'instance de l'héritière de la partie décédée. Ils ajoutent que l'appelant ne peut se prévaloir d'une interruption de l'instance car celle-ci, qui ne profiterait en tout état de cause qu'aux héritiers, n'est pas intervenue faute d'une notification régulière du décès faite par acte d'huissier et que l'appel incident est sans effet sur le délai pour conclure de l'appelant.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l'article 370 du code de procédure civile l'instance est interrompue par le décès d'une partie dans le cas où l'action est transmissible à compter de la notification qui en est faite à l'autre partie.
La notification du décès d'une partie à l'instance ne produit d'effet interruptif que lorsqu'elle est réalisée selon les modalités prévues par le code de procédure civile, soit par voie de signification par commissaire de justice et que lorsque les parties elles-mêmes en ont été destinataires. En outre, cette interruption ne bénéficie qu'aux seuls ayants-droits de la partie décédée, quelle que soit la partie ayant procédé à la notification, puisqu'elle a pour finalité de permettre à la succession de se positionner sur la poursuite de l'instance.
En l'espèce, il n'est pas discuté que le décès de Me [F] [A] veuve [D] intervenu le 20 novembre 2021 a été notifié par son avocat aux avocats des autres parties le 26 novembre 2021, via le RPVA, de sorte que, n'ayant pas été réalisée dans les formes requises, cette notification n'a pas pu produire d'effet interruptif.
De plus, pour les motifs qui précèdent et ainsi que l'a pertinemment relevé le conseiller de la mise en état, même si la notification avait été utilement effectuée, M. [K] [B] n'aurait pu utilement s'en prévaloir pour soutenir que le délai pour conclure dont il bénéficiait en application de l'article 908 du code de procédure civile avait été interrompu le 26 novembre 2022 pour recommencer à courir, pour un nouveau délai de 3 mois à compter du 17 mars 2022, date de la demande de réinscription au rôle déposée par les époux [H].
Par ailleurs, en application de l'article 377 du code de procédure civile, qui prévoit qu'en dehors des cas où la loi le prévoit, l'instance est suspendue par la décision qui radie l'affaire, l'ordonnance de radiation rendue par le conseiller de la mise en état le 20 janvier 2022 au visa de l'article 381 du code de procédure civile, l'article 524 du même code n'étant pas applicable en l'espèce, a suspendu l'instance dès son prononcé.
Par conséquent le délai pour conclure de l'appelant a été suspendu et a recommencé à courir à compter du 17 mars 2022, mais pour le temps restant à courir à la date de la décision de radiation.
En l'occurrence, M. [K] [B] a relevé appel du jugement le 4 novembre 2021. Il disposait donc d'un délai de 3 mois expirant le 4 février 2022 pour conclure. L'ordonnance de radiation a été rendue le 20 janvier 2022 alors que le délai restant à courir était de 15 jours.
La demande de réinscription au rôle datant du 17 mars 2022, le délai dont disposait M. [K] [B] expirait donc le 31 mars 2022.
Or il a déposé et notifié ses conclusions le 16 juin 2022, soit bien après l'expiration de ce délai. Il a donc encouru la sanction de caducité de sa déclaration d'appel prévue à l'article 908 du code de procédure civile et ne fait valoir aucune circonstance présentant les caractères de la force majeure qui permettrait de l'écarter en application de l'article 910-3 du code de procédure civile.
Dans ces conditions, l'ordonnance déféré sera confirmée, par substitution de motifs néanmoins.
M. [K] [B] succombant à l'incident et au déféré, sera condamné aux dépens et à payer à Mme [Y] [D], en sa qualité d'héritière de sa mère Mme [F] [D], et les époux [H] chacun la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera quant à lui débouté de sa demande du même chef.
PAR CES MOTIFS
Confirme, par substitution de motifs, l'ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 26 octobre 2022 en toutes ses dispositions,
Déboute M. [K] [B] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [K] [B] aux dépens de l'incident et de déféré et à payer à Mme [Y] [D], en sa qualité d'héritière de sa mère Mme [F] [D], et aux époux [H], la somme de 1500€ chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Véronique LEBRETON, présidente, et par Julie LARA, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière, Le président,