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13/02/2023 | FRANCE | N°21/05012

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 13 février 2023, 21/05012


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 13 FEVRIER 2023









N° RG 21/05012 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MJRS







S.A. DOMOFRANCE



c/



[V] [P]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/004477 du 19/05/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)


























>Nature de la décision : AU FOND

























Grosse délivrée le : 13 Février 2023



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 09 juillet 2021 par le Juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de BORDEAUX ( RG : 20/01175) ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 13 FEVRIER 2023

N° RG 21/05012 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MJRS

S.A. DOMOFRANCE

c/

[V] [P]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/004477 du 19/05/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le : 13 Février 2023

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 09 juillet 2021 par le Juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de BORDEAUX ( RG : 20/01175) suivant déclaration d'appel du 01 septembre 2021

APPELANTE :

S.A. DOMOFRANCE agissant poursuites et diligences de son Représentant Légal domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 1]

Représentée par Me Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ E :

[V] [P]

née le 12 Novembre 1988 à [Localité 5]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Marine GARCIA, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Roland POTEE, président, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Roland POTEE, président,

Sylvie HERAS DE PEDRO, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,

Greffier lors des débats : Séléna BONNET

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 1er février 2013, la SA d'HLM Domofrance a consenti un bail d'habitation à Mme [V] [P], portant sur un logement situé dans le [Adresse 3] à [Localité 6] moyennant un loyer révisable de 484,25 €, outre une provision mensuelle sur charges de 68,26 €.

Depuis 2016, Domofrance a été destinataire de plaintes du voisinage concernant des tapages et des voies de faits imputés aux locataires du [Adresse 3] à [Localité 6]. Le bailleur a mis en demeure Mme [P] de cesser les troubles à plusieurs reprises.

Face à la persistance des plaintes du voisinage à l'encontre de la locataire du n°19, la société Domofrance a, par acte introductif d'instance du 12 juin 2020, fait assigner Mme [V] [P] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bordeaux (pôle protection et proximité) à l'audience du 28 juillet 2020, aux fins notamment de voir constater les manquements de la locataire à ses obligations, notamment celle de jouir paisiblement des lieux loués, ordonner la résiliation du contrat de bail, l'expulsion de Mme [P] et condamner celle-ci au paiement d'une indemnité d'occupation.

Par jugement du 9 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- débouté la SA d'HLM Domofrance de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la SA d'HLM à payer à Mme [V] [P] la somme de 1000 € au titre des indemnités prévues à l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA d'HLM Domofrance aux dépens.

La société Domofrance a relevé appel de ce jugement par déclaration du 1er septembre 2021 et par conclusions déposées le 30 mai 2022, elle demande à la cour de :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement du 9 juillet 2021,

- constater les manquements de Mme [P] à ses obligations et notamment à son obligation de jouir paisiblement des lieux loués,

En conséquence,

- ordonner la résiliation des contrats de bail consenti à Mme [P],

- ordonner l'expulsion de Mme [P] ainsi que de tous occupants de son chef, comme de tous les meubles, objets mobiliers leur appartenant, des locaux donnés à bail avec au besoin le concours de la force publique et assistance d'un serrurier,

- condamner Mme [P] au paiement d'une juste indemnité d'occupation égale au montant du loyer et charges jusqu'à complète libération des lieux,

- condamner Mme [P] au paiement d'une indemnité de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans caution,

- condamner Mme [P] aux entiers dépens de la procédure,

- ordonner constater les manquements résiliation des contrats de bail consenti à Mme [P],

- ordonner l'expulsion de Mme [P] ainsi que de tous occupants de son chef, comme de tous les meubles, objets mobiliers leur appartenant, des locaux donnés à bail avec au besoin le concours de la force publique et assistance d'un serrurier,

- condamner Mme [P] au paiement d'une juste indemnité d'occupation égale au montant du loyer et charges jusqu'à complète libération des lieux,

- condamner Mme [P] au paiement d'une indemnité de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- débouter Mme [P] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Mme [P] aux entiers dépens de la procédure.

A cet effet, l'appelant fait valoir notamment que :

- les personnes résidant chez Mme [P] sont à l'origine de troubles de voisinage graves et répétés ;

- ces nuisances sont causées par ses enfants et par M. [D] [H], son concubin, qui réside toujours au domicile de Mme [P] ;

- que ces troubles causés par les occupants de son chef caractérisent les manquements de Mme [P] à la jouissance paisible des lieux.

Par conclusions déposées le 28 février 2022, Mme [P] demande à la cour de :

- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement du 9 juillet 2021 du Tribunal Judiciaire de Bordeaux ' Pôle proximité et protection,

Et en conséquence,

- débouter la SA d'HLM Domofrance de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la SA d'HLM Domofrance au paiement de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 20 juillet 1991, sous réserve que le Conseil de Mme [P] renonce à percevoir la part contributive de l'Etat allouée au titre de l'aide juridictionnelle,

- condamner la SA d'HLM Domofrance aux entiers dépens.

A cet effet, elle fait valoir notamment que :

- l'appelante ne démontre pas l'existence d'agissements imputables à Mme [P] ou aux personnes dont elle répond de nature à justifier son expulsion, ni leur quelconque persistance ;

- Mme [P] s'est séparée de son compagnon, qui ne vit donc plus à son domicile, au regard de ses agissements au sein du domicile et des troubles occasionnés ;

L'affaire a été fixée à l'audience du 9 janvier 2023.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 26 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la résiliation du bail

Selon les articles 1728 et 1729 du code civil, le locataire est tenu d'user de la chose louée raisonnablement et s'expose à la résiliation de son bail en cas de manquement à son obligation.

Il est également tenu de répondre des dégradations et des pertes qui arrivent par le fait des personnes de sa maison, au sens de l'article 1735 du code civil.

Aux termes de l'article 7 b) de la loi du 6 juillet 1989 le locataire est obligé d'user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location.

Il est responsable à ce titre des actes de nuisance troublant la tranquillité du voisinage commis par les occupants de son chef.

Il est constant que Mme [V] [P] loue un logement dans le [Adresse 2], au [Adresse 3] à [Localité 6], que son bailleur Domofrance a été destinataire de plaintes de voisins dénonçant des troubles de voisinage imputés à Mme [P] et a fait assigner cette dernière, le 12 juin 2020, devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bordeaux, qui a rendu sa décision le 9 juillet 2021.

Au soutien de sa demande, la société Domofrance produit des courriers émanant de plusieurs voisins, adressées tantôt à Domofrance, tantôt à la mairie de [Localité 6], à compter de l'année 2014, dans lesquels ils décrivent les nuisances qu'ils subissent et qu'ils imputent notamment à Mme [P] et aux personnes dont elle répond. Il y est notamment question de nuisances sonores causées par un coq et par un chien, ce que ne conteste pas Mme [P] qui affirme cependant s'être séparée de ces animaux. Par ailleurs, la plupart des troubles imputés aux enfants de l'intéressée ressortent de témoignages anciens datant de 2016 et 2017.

Cependant, les agissements les plus graves sont attribués à M. [D] [H], dont il est question de savoir s'il réside au domicile de Mme [P] et s'il est effectivement la source de troubles de voisinage persistants dont cette dernière devrait répondre.

La société Domofrance produit un jugement du tribunal de Police de Bordeaux du 14 mars 2019 condamnant M. [D] [H] pour des faits de violence à l'encontre de [A] [B], demeurant au [Adresse 4]. Il y est mentionné que M. [H] vit en situation de concubinage et demeure au [Adresse 3], c'est-à-dire au domicile de Mme [P]. Plusieurs courriels émanant de trois voisins, datés des 13 et 22 mars 2021 font également état de ce que M. [H] vit chez Mme [P]. Enfin, l'appelant verse à son dossier les conclusions produites par la mère de M. [H], Mme [L] [H], le 9 novembre 2021, dans le cadre de la procédure d'expulsion dont elle fait elle-même l'objet. Elle y explique que 'son fils [D] [H], cité à de multiples reprises dans les pièces de la société Domofrance, (...) ne vit absolument pas au domicile de la concluante, et dispose de son propre logement situé au n° 19, avec sa compagne'.

Mme [P] explique s'être séparée de son compagnon 'eu égard à ses agissements au sein de son domicile et des troubles occasionnés'. Toutefois elle ne précise pas la date de la séparation et n'apporte aucun élément de preuve au soutien de ses affirmations.

Ainsi, compte tenu des éléments de preuve versés aux débats, il y a lieu de considérer que M. [D] [H] réside bien au [Adresse 3] à [Localité 6].

Or, M. [H] a été pénalement condamné pour des violences commises à l'encontre d'un habitant du lotissement dans le courant de l'année 2018. Il est également visé dans les dépôts de plainte en gendarmerie d'une voisine, daté des 19 et 23 juin 2020, faisant état d'injures, de menaces et de dégradations de biens. Une autre voisine évoque les injures et les gestes menaçants qu'il lui aurait adressés (courriels des 22 et 27 mars 2021). Ces pièces suffisant à établir la persistance de graves nuisances causées par M. [H] au voisinage. Au surplus, une voisine soutient avoir été agressée verbalement par Mme [P] (courriel du 23 mars 2021) tandis qu'une autre se plaint des de tapages nocturnes répétés impliquant le scooter d'[U], fils de l'intimée (courriel du 12 mars 2021).

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que Mme [P] et les occupants de son chef sont à l'origine de troubles du voisinage suffisamment graves et répétés pour caractériser le manquement de l'intimée à son obligation de jouissance paisible des lieux loués.

Par conséquent, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a débouté la SA Domofrance de sa demande de résiliation du contrat de bail consenti à Mme [P].

Sur l'indemnité d'occupation

En cas de maintien dans les lieux malgré la résiliation du contrat de bail, il convient de fixer l'indemnité d'occupation due par l'occupant à compter de la résiliation du bail et jusqu'à libération parfaite des lieux, au montant du loyer et des charges qu'il aurait payé en cas de non résiliation du bail.

Etant donné que la demande de l'appelant n'est pas chiffrée et qu'il n'est versé aucune pièce permettant d'établir la somme versée mensuellement par Mme [P] au titre du loyer et des charges au jour où la cour statue, l'indemnité d'occupation sera fixée à hauteur du montant du loyer et de la provision sur charges, auquel Mme [P] est contractuellement tenu à la date de l'audience.

Sur les autres demandes

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Mme [P] qui succombe en supportera donc la charge.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

Mme [P], admise à l'aide juridictionnelle totale, sera condamnée au paiement d'une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Infirme le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bordeaux du 9 juillet 2021,

Et, statuant à nouveau,

Condamne Mme [V] [P] et à tous occupants de son chef à quitter les lieux loués situés au [Adresse 3] à [Localité 6];

Dit qu'à défaut pour Mme [V] [P] de libérer volontairement les lieux, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec si nécessaire le concours et l'assistance de la force publique deux mois après la délivrance d'un commandement de quitter les lieux conformément aux dispositions des articles L. 411-1 et L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

Fixe le montant de l'indemnité d'occupation due à compter de ce jour et jusqu'à la libération parfaite des lieux, au montant du loyer révisable et des provisions sur charges dont est redevable Mme [P] à la date de l'audience, augmenté de la régularisation au titre des charges sur production de justificatifs et condamne Mme [P] à son paiement,

Y ajoutant,

Condamne Mme [V] [P] aux dépens,

Condamne Mme [V] [P] à verser à la SA Domofrance la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/05012
Date de la décision : 13/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-13;21.05012 ?
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