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07/02/2023 | FRANCE | N°22/02405

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 3ème chambre famille, 07 février 2023, 22/02405


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



TROISIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 07 FEVRIER 2023









N° RG 22/02405 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MWRL









[H] [F]



c/



[T] [L] [J] [F]



















Nature de la décision : RENVOI DE CASSATION







28A



Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déféré

e à la Cour : saisine sur renvoi de cassation, suite à un arrêt rendu le 02.03.2022 (188F-B) par la cour de cassation faisant suite à 2 arrêts rendus les 19.11.2020 (20/24370) et 09.09.2020 (18/3031) par la cour d'appel de Poitiers, suite à un jugement rendu le 22.06.2018 par le Tribunal de Grande Insta...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 07 FEVRIER 2023

N° RG 22/02405 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MWRL

[H] [F]

c/

[T] [L] [J] [F]

Nature de la décision : RENVOI DE CASSATION

28A

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : saisine sur renvoi de cassation, suite à un arrêt rendu le 02.03.2022 (188F-B) par la cour de cassation faisant suite à 2 arrêts rendus les 19.11.2020 (20/24370) et 09.09.2020 (18/3031) par la cour d'appel de Poitiers, suite à un jugement rendu le 22.06.2018 par le Tribunal de Grande Instance de SAINTES RG 16/1133

APPELANT :

[H] [F]

né le 30 Juillet 1950 à [Localité 4]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX (postulant) et par Me Frédéric MADY de la SELARL MADY-GILLET-BRIAND-PETILLION, avocat au barreau de POITIERS (plaidant)

INTIMÉ :

[T] [L] [J] [F]

né le 10 Mai 1944 à [Localité 5]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Manuel DUCASSE de la SELARL DUCASSE NICOLAS SICET, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 décembre 2022 hors la présence du public, devant la Cour composée de :

Président : Hélène MORNET

Conseiller: Danièle PUYDEBAT

Conseiller : Françoise ROQUES

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique DUPHIL

Greffier lors du prononcé : Florence CHANVRIT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 al. 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

[H] [F] est décédé le 30 avril 1969, laissant pour lui succéder :

- son conjoint survivant, Mme [Y] [R], avec laquelle il s'était marié sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts, selon contrat de mariage en date du 30 juin 1943, et à laquelle il avait fait donation au dernier vivant de la quotité disponible la plus large entre époux, selon acte authentique en date du 16 juillet 1966,

- ses deux enfants issus de cette union, [T], né le 10 mai 1944 et [H] [F], né le 30 juillet 1950.

Selon attestation de notoriété en date du 30 octobre 1969, Mme [R] a déclaré opter pour le bénéfice de l'usufruit de la totalité des biens dépendant de l'actif de la succession qui comportait notamment une propriété agricole et viticole et une grande maison d'habitation à [Localité 5] (Charente-Maritime) dont elle a occupé une partie jusqu'à son décès, l'autre partie étant occupée depuis 1971 par [T] [F], à la fois pour un usage professionnel, dans le cadre de son activité de médecin libéral, et pour un usage d'habitation, pour lui et sa famille.

Mme [R] est décédée le 8 février 2015, laissant pour lui succéder ses deux fils précités.

Selon testament authentique en date du 11 décembre 2014, elle avait exprimé les volontés suivantes :

''Je veux que mes biens et argent soient partagés par moitié à chacun de mes enfants,

Je veux que mon fils [T], qui habite depuis 1972 et encore aujourd'hui gratuitement la maison de [Localité 5] avec sa femme et ses enfants rapporte cet avantage afin que mon autre fils [H] soit dédommagé pour ces avantages dont il n'a pas bénéficié lui-même et qui a dû payer son logement à [Localité 6] pour sa profession.

Je veux que mon fils [H], qui, à la mort de son père en 1969, est venu travailler à la maison, dans les vignes, aux vendanges et entretenir les bâtiments et les terres qui n'étaient pas loués soit dédommagé pour ce travail qu'il effectue encore gratuitement. Je veux qu'on lui soit reconnaissant pour ce travail fourni gratuitement. Il effectue encore ce travail de nos jours.''

Les héritiers n'ont pu s'entendre sur les modalités de liquidation des successions de leurs auteurs, et un procès-verbal de difficultés a été dressé le 21 juin 2015 par Me [X], notaire à [Localité 3] (17).

Par jugement en date du 22 juin 2018, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Saintes a, pour l'essentiel:

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre M. [H] [F] et M. [T] [F], des suites des décès de [H] [F] et de [Y] [R] veuve [F],

- nommé pour y procéder le président de la chambre des notaires de la Charente Maritime, avec faculté de délégation, à l'exception de Maître [X] et de Maître [U],

- commis le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Saintes pour surveiller ces opérations et faire rapport en cas de difficultés,

- fixé une indemnité d'occupation à la charge de M. [T] [F] d'un montant de 700 euros par mois à compter du 8 février 2015 jusqu'au partage de l'indivision ou jusqu'à son départ de la partie privative du bien indivis qu'il occupe,

- rejeté les autres demandes,

- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage.

Procédure d'appel :

Par déclaration en date du 3 octobre 2018, M. [H] [F] a relevé appel principal de ce jugement. [T] [F] a relevé appel incident.

Par un arrêt du 9 septembre 2020, la cour d'appel de Poitiers a :

- Infirmé partiellement le jugement, dans la limite de l'appel, en ce qu'il a :

* débouté M. [H] [F] de sa demande de rapport à la succession de la somme de 434 381,66 euros,

* débouté [H] [F] de sa demande de fixation d'une créance de salaire différée d'un montant de 39170 euros et de sa demande en paiement d'une indemnité d'un montant de 98782 euros sur le fondement de l'article 815-12 du code de procédure civile,

* fixé une indemnité d'occupation à la charge de M. [T] [F] d'un montant de 700 euros par mois, à compter du 8 février 2015,

Statuant à nouveau de ces chefs,

- Dit que M. [T] [F] a bénéficié d'un avantage indirect, soumis à rapport, par mise à disposition sans paiement de loyer, à titre privé et professionnel, d'une partie de la propriété de [Localité 5], depuis janvier 1971 jusqu'au décès de Mme [Y] [R], survenu le 8 février 2015,

- Condamné en conséquence M. [T] [F] à rapporter à la succession de Mme [Y] [R] la somme de 261 536,49 euros au titre de cet avantage indirect,

- Déclaré recevables et partiellement fondées les demandes formées par M. [H] [F] au titre du salaire différé,

- Dit que M. [H] [F] est titulaire à l'encontre de la succession de Mme [Y] [R] d'une créance de salaire différé d'un montant de 60 269.12 euros, entre avril 1969 et juillet 1976,

- Dit que M. [H] [F] est créancier d'une indemnité de gestion d'un montant de 92 600 euros à l'encontre de la succession, pour la période comprise entre juillet 1976 et janvier 2015,

- Dit que M. [H] [F] est créancier de l'indivision successorale d'une indemnité de gestion de 200 euros par mois à compter du 8 février 2015 jusqu'à la date du partage à intervenir, provisoirement arrêtée à la somme de 11 600 euros en novembre 2019, date des dernières écritures de l'appelant,

- Condamné [T] [F] à payer à [H] [F] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejeté les autres demandes,

- Condamné [T] [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par un arrêt rectificatif du 19 novembre 2020, la cour d'appel de Poitiers a constaté avoir omis dans son dispositif un chef de jugement et y a rajouté : 'Déboute M. [H] [F] de sa demande d'indemnité d'occupation.'

Procédure devant la Cour de Cassation :

M. [T] [F] a formé un pourvoi en cassation.

Par un arrêt en date du 2 mars 2022, la Cour de cassation a :

- Cassé et annulé l'arrêt d'appel, mais seulement en ce qu'il dit que M. [H] [F] est créancier d'une indemnité de gestion d'un montant de 92 600 euros à l'encontre de la succession, pour la période comprise entre juillet 1976 et janvier 2015, et d'une indemnité de gestion de 200 euros par mois, à compter du 8 février 2015 jusqu'à la date du partage à intervenir, provisoirement arrêtée à la somme de 11 600 euros en novembre 2019, l'arrêt rendu le 9 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

- Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

- Condamne M. [H] [F] aux dépens ;

- En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [H] [F] et le condamne à payer à M. [T] [F] la somme de 3 000 euros ;

- Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé.

Procédure d'appel devant la cour d'appel de Bordeaux :

Par déclaration de saisine en date du 12 mai 2022, M. [T] [F] a saisi la cour d'appel de renvoi.

Selon dernières conclusions en date du 28 novembre 2022, M. [T] [F] demande à la cour de :

- Dire et juger irrecevables les demandes de M. [H] [F] et l'en débouter ;

- A titre subsidiaire, dire et juger que les demandes de M. [H] [F] sont mal fondées et l'en débouter ;

- Plus généralement, débouter M. [H] [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner M. [H] [F] à payer à M. [T] [F] une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'arti cle 700 du Code de procédure civile ;

- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Selon dernières conclusions en date du 21 novembre 2022, M. [H] [F] demande à la cour de :

- Dire et juger que [H] [F] est créancier à raison du travail qu'il a réalisé depuis juillet 1976 sur la propriété familiale,

- Dire et juger que [H] [F] est créancier de la succession de [Y] [R] à hauteur de 163.439 € (353 € par mois de juillet 1976 jusqu'au décès survenu le 8 février 2015, soit 463 mois),

- Dire et juger que cette créance sera inscrite au passif de la succession de [Y] [R],

- Dire et juger, qu'au titre des comptes d'administration, [H] [F] est créancier de l'indivision, sur le fondement de l'article 815-12 du code civil, à hauteur de 353 € par mois depuis le 8 février 2015 et jusqu'au partage à intervenir, soit une somme provisoirement arrêtée à 32.829 € au 8 novembre 2022 (93 mois), à parfaire au jour du partage,

- Condamner [T] [F] à payer à la [H] [F] la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Le condamner en tous les frais et dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Laydeker-Sammarcelli-Mousseau, Avocat, qui sera autorisée à les recouvrer dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile,

- Débouter [T] [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires au présent dispositif.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 novembre 2022.

L'affaire est appelée à l'audience collégiale du 13 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'aux termes de l'article 638 du code de procédure civile, l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit devant la cour de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation.

En conséquence, la cour de céans ne doit statuer que sur les demandes relatives aux travaux d'entretien accomplis par M. [H] [F] depuis juillet 1976 sur l'immeuble litigieux.

Sur la recevabilité de la demande :

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Il est en outre constant qu'en matière de partage, toute demande formulée doit être considérée comme une défense à la prétention adverse. Dès lors, toute demande nouvelle relative au partage peut être formée en cause d'appel ou durant la procédure.

En l'espèce, l'intimé soulève l'irrecevabilité de la demande d'indemnisation de l'appelant sur la période antérieure au décès de Mme [R], estimant cette demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile.

M. [H] [F] a modifié le fondement juridique de sa demande suite à l'arrêt de cassation ; alors qu'il demandait, devant les premiers juges, à se voir reconnaitre une créance envers l'indivision existant entre M. [T] [F] et lui-même sur l'immeuble familial, il sollicite désormais que sa créance soit reconnue envers la succession de Mme [R]. M. [T] [F] estime qu'il s'agit d'une demande nouvelle en ce qu'elle est présentée à l'encontre d'une autre partie.

S'il est constant que la créance est désormé réclamée contre une entité patrimoniale différente, ces deux entités ne disposent pas de la personnalité morale et, de fait, appartiennent aux mêmes indivisaires, les frères [F].

La prétention de M. [H] [F] demeure toutefois inchangée puisqu'il demande toujours une indemnisation pour les travaux d'entretien réalisés sur l'immeuble familial entre 1976 et 2015. Seule l'assiette de la créance litigieuse diffère, ce qui n'entraîne pas l'irrecevabilité de la demande.

En tout état de cause, la demande s'inscrivant dans le cadre des opérations de partage d'une succession, elle ne saurait être déclarée nouvelle au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, quand bien même l'intimé ne formulerait pas de demandes en réplique.

La demande sera déclarée recevable.

Sur la demande de rétribution de [H] [F] depuis juillet 1976:

Sur la période allant de juillet 1976 au 8 février 2015 :

L'article 605 du code civil dispose que l'usufruitier n'est tenu qu'aux réparations d'entretien. Les grosses réparations demeurent à la charge du nu-propriétaire.

Il est constant que le nu-propriétaire qui a réalisé des travaux d'entretien sur le bien peut en demander le remboursement à l'usufruitier.

En l'espèce, M. [H] [F] verse aux débats de nombreuses attestations concordantes démontrant avoir entretenu la propriété familiale de juillet 1976 au décès de sa mère le 8 février 2015. Les attestations fournies indiquent qu'il se déplaçait régulièrement sur son temps libre lorsqu'il était encore en activité, puis deux à trois fois par semaine lorsqu'il était à la retraite, à partir de mai 2007.

Il démontre avoir, par son industrie personnelle, accompli un grand nombre de travaux parmi lesquels l'entretien des peupleraies et bordures de ruisseau, des prairies non louées, l'entretien, la gestion et la vente des bois, le nettoyage et l'entretien du moulin à eau, la taille des arbres, l'entretien courant des bâtiments et la gestion des locations des deux maisons louées.

Ces actes incombaient normalement à Mme [R], usufruitière. En tant que nu-propriétaire indivis, M. [H] [F] peut demander réparation à la succession de Mme [R] pour les travaux réalisés, relevant de l'usufruitière.

M. [T] [F] ne démontre pas que ces travaux ont été accomplis dans une intention libérale, le testament de Mme [R] sur lequel il se fonde visant précisément à faire reconnaître une dette de la succession envers M. [H] [F].

Pour le surplus, le fait que Mme [R] n'ait pas donné mandat explicite ou tacite à M. [H] [F] demeure sans incidence, dans la mesure où le nu-propriétaire qui a accompli lui-même ou fait faire des travaux d'entretien incombant à l'usufruitier a droit à leur remboursement, même si ces travaux ont été entrepris sans l'accord préalable de l'usufruitier.

Pour fixer le montant de cette créance, les attestations et la nature des travaux d'entretien réalisés permettent à la cour d'estimer qu'il a travaillé sur place, une moyenne de 10 heures par mois entre juillet 1976 et mai 2007, et de 20 heures par mois entre mai 2007 et janvier 2015. En utilisant la valeur du Smic horaire net (8,68 euros), le montant de sa créance s'élève à 32 116 euros pour sa période d'activité et 16 144,80 euros pour sa période de retraite, soit un total de 48 260,80 euros.

Le jugement déféré sera infirmé et une créance de 48 260,80 euros sera reconnue à M. [H] [F] sur la succession de Mme [R].

Sur la période postérieure au 8 février 2015 :

Aux termes du dernier alinéa de l'article 815-3 du code civil, si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux.

L'article 815-12 du code civil dispose que si l'indivisaire qui gère un ou plusieurs biens indivis est redevable des produits nets de sa gestion, il a droit à rémunération de son activité dans les conditions fixées à l'amiable ou, à défaut, par décision de justice, à condition qu'il n'ait pas géré l'indivision essentiellement pour son propre compte.

Il est constant qu'un indivisaire qui a déployé son industrie personnelle pour assurer tout l'entretien d'un bien indivis a droit à rémunération sur le fondement de l'article 815-12 du code civil.

En l'espèce, M. [H] [F] a poursuivi les travaux d'entretien qu'il effectuait avant le décès de sa mère sur la propriété familiale. M. [T] [F] ne conteste pas avoir été informé de ces actes, puisqu'il habitait lui-même les lieux. Il ne démontre pas non plus s'être opposé à la réalisation de ces actes. Le fait de s'être opposé dans le cadre de la procédure à la rémunération de M. [H] [F] et à ce que lui soit reconnue la qualité de mandataire n'est pas assimilable à une opposition à la gestion elle-même.

Par ailleurs, l'article 815-3 du code civil n'impose nullement la détention exclusive des biens indivis pour reconnaître l'existence d'un mandat tacite, à l'inverse de ce que sous-entend M. [T] [F].

Enfin, l'article 815-12 du code civil constitue une dérogation au principe de la gratuité du mandat.

M. [H] [F] était par conséquent bien titulaire d'un mandat tacite de gestion de l'indivision portant sur l'immeuble familial.

M. [H] [F] démontre, à l'aide de factures, constats d'huissier et d'attestations, plusieurs actes de gestion de la propriété, à savoir entre autres la gestion et l'abattage d'arbres qui menaçaient de tomber sur le mur du cimetière, l'entretien du bief, la coupe de peupleraies, la réparation des dépendances, et la gestion du fermage des parcelles et de la location du logement d'habitation. Ces travaux sont attestés sur la période allant de février 2015 à mars 2022, date du dernier constat d'huissier.

Sur la base du calcul réalisé précédemment, en retenant une moyenne de 20 heures de travail mensuelles et un Smic horaire à 8,68 euros, la rémunération due par l'indivision à M. [H] [F] s'élève à 14 930 euros.

Le jugement déféré sera infirmé et il sera fixé une créance due par l'indivision portant sur l'immeuble en faveur de M. [H] [F] s'élevant à la somme de 14 930 euros.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il n'y a pas lieu de revenir sur l'arbitrage des premiers juges qui ont ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage.

En tant que partie succombante, M. [T] [F] sera condamné aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP Laydeker-Sammarcelli-Mousseau, avocat, qui sera autorisée à les recouvrer dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

L'équité commande en outre de condamner M. [T] [F] à payer à M. [H] [F] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Statuant dans les limites du renvoi, après arrêt rendu le 2 mars 2022 par la première chambre civile de la Cour de Cassation,

DECLARE recevable la demande de M. [H] [F] ;

INFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Saintes du 22 juin 2018 en ce qu'il a débouté M. [H] [F] de sa demande d'indemnité pour les travaux d'entretien réalisés depuis juillet 1976 sur la propriété familiale ;

Statuant à nouveau,

DIT que la succession de Mme [R] est redevable envers M. [H] [F] de la somme de 48 260,80 euros au titre des travaux d'entretien réalisés entre juillet 1976 et janvier 2015 ;

DIT que l'indivision existant entre MM. [T] et [H] [F] portant sur l'immeuble familial est redevable envers M. [H] [F] de la somme de 14 930 euros au titre de l'indemnité de gestion de l'article 815-12 du code civil pour la période allant de février 2015 à mars 2022 ;

CONFIRME le jugement déféré sur les dépens ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [T] [F] aux dépens d'appel ;

CONDAMNE M. [T] [F] à payer à M. [H] [F] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le DEBOUTE de ses demandes plus amples ou contraires.

Signé par Hélène MORNET, Présidente de la chambre et par Florence CHANVRIT, AAP Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre famille
Numéro d'arrêt : 22/02405
Date de la décision : 07/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-07;22.02405 ?
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