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24/01/2023 | FRANCE | N°23/00012

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, C.e.s.e.d.a., 24 janvier 2023, 23/00012


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X







R N° RG 23/00012 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NCOD





ORDONNANCE









Le VINGT QUATRE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS à 15 H 00



Nous, Emmanuel BREARD, conseiller à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assisté de Julie LARA, greffier,



En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,



En présence de Mme Corinne N

AUD, représentante du Préfet de La Gironde,





En présence de Mme [G] [J], interprète en langue arabe déclarée comprise par la personne retenue à l'inverse du Français, inscr...

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X

R N° RG 23/00012 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NCOD

ORDONNANCE

Le VINGT QUATRE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS à 15 H 00

Nous, Emmanuel BREARD, conseiller à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assisté de Julie LARA, greffier,

En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,

En présence de Mme Corinne NAUD, représentante du Préfet de La Gironde,

En présence de Mme [G] [J], interprète en langue arabe déclarée comprise par la personne retenue à l'inverse du Français, inscrite sur la liste des experts de la cour d'appel de Bordeaux,

En présence de Monsieur [R] [S], né le 04 Mars 2022 à MAZOUNA (ALGÉRIE), de nationalité Algérienne, et de son conseil Me Mylène DA ROS,

Vu la procédure suivie contre Monsieur [R] [S], né le 04 Mars 2022 à MAZOUNA (ALGÉRIE), de nationalité Algérienne et l'arrêté préfectoral du Préfet de la Gironde en date du 14 septembre 2022 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de retour pendant une durée de 3 ans visant l'intéressé,

Vu l'ordonnance rendue le 22 janvier 2023 à 11 H 54 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, autorisant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [R] [S] pour une durée de 28 jours,

Vu l'appel interjeté par le conseil de Monsieur [R] [S], né le 04 Mars 2022 à MAZOUNA (ALGÉRIE), de nationalité Algérienne le 23 janvier 2023 à 11 h 05,

Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,

Vu la plaidoirie de Maître Mylène DA ROS, conseil de Monsieur [R] [S], ainsi que les observations de Madame [P] [D], représentante de la préfecture de La Gironde et les explications de Monsieur [R] [S] qui a eu la parole en dernier,

A l'audience, Monsieur le Conseiller a indiqué que la décision serait rendue le 24 janvier 2023 à 15 h 00,

Avons rendu l'ordonnance suivante:

Faits et procédure

M. [R] [S], de nationalité algérienne, a fait l'objet d'une décision de placement en rétention prise par la préfète de la Gironde le 19 janvier 2023.

Par requête reçue au greffe le 20 janvier 2023, Mme la préfète de la Gironde a sollicité, au visa des articles L742-1 à L742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la prolongation de la rétention de l'intéressé dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 28 jours.

Par ordonnance en date du 22 janvier 2023 rendue à 11h54 et notifiée sur le champ à l'intéressé, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé l'aide juridictionnelle à M. [S], rejeté les moyens de nullité de la procédure antérieure au placement en rétention, a déclaré irrecevable le moyen relatif à l'irrégularité de la procédure de placement en rétention administrative de M. [S], a autorisé la prolongation de la rétention administrative de M. [S] pour une durée de 28 jours à l'issue du premier délai de rétention de 48 heures, rejeté le surplus des demandes.

Par courriel adressé au greffe le 23 janvier 2023 à 11 heures 05, le conseil de M. [S] a fait appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 22 janvier 2023 et a demandé à la cour de :

déclarer irrégulière la procédure de placement en rétention,

dire n'y avoir lieu à prolongation la rétention de M. [S],

ordonner la remise en liberté de M. [S],

de condamner la préfecture de la Gironde à verser au conseil de l'appelant la somme de 1000 euros par application des dispositions combinées des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 alinéa 2 de loi du 20 juillet 1991.

A l'audience, le conseil de [S] dénonce l'irrégularité de la notification des droits en garde à vue, faute pour l'intéressé de s'être vu remettre le formulaire des droits en garde à vue traduit dans sa langue.

De même, il est allégué l'absence d'interprète lors de la notification des droits de l'intéressé, en violation des articles 706-21 du code de procédure pénale et L.141-3 du CESEDA, celle-ci étant intervenue par téléphone, sans qu'il en soit justifié la nécessité, alors que ses autres droits lui ont été notifiée en présence de l'interprète 15 minutes auparavant. Le conseil estime que ce moyen revient à vérifier la régularité de la procédure et peut donc être soulevé in limine litis, y compris en l'absence de contestation de l'arrêté de placement.

Enfin, il ressort selon l'appelant du procès-verbal de fin de garde à vue que celle-ci a pris fin le 19 janvier 2023 à 10 heures 30 alors qu'il est lui-même rédigé à 10 heures 05, ce dont il est déduit une irrégularité de notification.

Il est encore allégué l'absence de diligences suffisantes de la part de l'administration préfectorale pour la reconduite de M. [S] dans son pays d'origine, alors que la rétention ne peut être ordonnée que pour le temps strictement nécessaire à l'éloignement selon l'article L.741-3 du CESEDA.

Il sollicite une assignation à résidence, disant avoir remis son passeport aux autorités de police et disposer de garantie de représentation.

A l'audience, Mme la représentante de la préfecture de la Gironde confirme les termes de la requête et sollicite la confirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.

Elle explique que les mentions relatives à l'intervention d'un interprète s'explique par l'horaire auquel ce dernier a été sollicité et au fait que ce dernier n'avait pas de moyen de transport, s'étant néanmoins déplacé le lendemain. Elle observe que si le formulaire de notification des droits n'apparaît pas en procédure, sa remise à M. [S] ressort cependant du procès-verbal de notification de sa garde à vue et de sa notification au parquet.

Elle expose également que si le procès-verbal de fin de garde à vue mentionne avoir été clos à 10 heures 05, il restait néanmoins diverses formalités à accomplir, raison pour laquelle il y est mentionné que la mesure restrictive de liberté ne serait levée qu'à 10 heures 30. Elle en déduit la régularité de ce point de procédure.

Elle se prévaut, au soutien de la confirmation du maintien en rétention, du fait que l'appelant ne présente pas de garantie de représentation, s'oppose à son éloignement du territoire français, notamment en l'absence de respect de son assignation à résidence du 14 septembre 2022. Il rappelle que les diligences ont été effectuées par l'autorité administrative en ce qu'un routing a été sollicité dès le 19 janvier 2023, mais n'a pas fait l'objet de réponse à ce jour.

Motifs de la décision

1/ Sur la recevabilité de l'appel :

Effectué dans les délais et motivé, l'appel est recevable.

2/sur la légalité de la décision de placement en rétention (sur la motivation en droit de la décision de placement en rétention):

L'article L.141-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile énonce que lorsqu'un étranger fait l'objet d'une décision de refus d'entrée en France, de placement en rétention ou en zone d'attente, de retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour ou de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire.
Ces informations sont mentionnées sur la décision de refus d'entrée, de placement ou de transfert ou dans le procès-verbal prévu au premier alinéa de l'article L. 813-13. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure.
Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français.

L'article L.141-3 du même code précise que lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire.
En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur une liste établie par le procureur de la République ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration.

Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger.

Il résulte de l'article L741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (ci-après CESEDA) que peut-être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, l'étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres c'est-à-dire notamment lorsqu'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation, risque qui, selon les mêmes dispositions peut-être regardé comme établi sauf circonstances particulières lorsque l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ou lorsqu'il ne présente pas de garantie de représentation suffisante, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité.

Aux termes de l'article L741-3 du CESEDA, "un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet".

En vertu de l'article L.741-10 du CESEDA, l'étranger qui fait l'objet d'une décision de placement en rétention peut la contester devant le juge des libertés et de la détention, dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification.
Il est statué suivant la procédure prévue aux articles L. 743-3 à L. 743-18.

Le conseil de M. [S] soutient que ce dernier ne s'est pas vu remettre le formulaire écrit énonçant ses droits en arabe lors de son placement en garde à vue prévu à l'article 63-1 du code de procédure pénale.

S'il est exact que ce formulaire n'est pas joint en procédure, il ressort toutefois du procès-verbal de notification en début de garde à vue et de l'avis donné au parquet que ce document lui a été remis. Aucun élément ne vient à l'encontre de cette énonciation, laquelle est suffisante pour établir ladite remise.

Le moyen sera donc rejeté.

Sur la question de la notification des droits en matière d'asile lors du placement en rétention administrative de M. [S], il doit être remarqué, comme l'a justement fait le premier juge, que ce moyen revient à contester la régularité du placement en rétention administrative. Il sera déclaré irrecevable à ce titre, faute de respecter le délais et conditions prévus aux articles L.741-10 et R.741-3 du CESEDA.

En effet, cette contestation revient à remettre en cause la légalité de la mesure de rétention initiale, du fait de son irrégularité. Or, il est constant que l'étranger qui entend contester la régularité de la décision le plaçant en rétention administrative doit saisir le juge des libertés et de la détention par requête adressée par tout moyen avant l'expiration d'un délai de 48 heures à compter de la notification de cette décision ; pour prononcer la mise en liberté du demandeur, le juge doit être régulièrement saisi d'une contestation de la régularité de la décision de placement en rétention, tel n'est pas le cas lorsqu'il est saisi par le préfet aux fins de prolongation de la rétention. Le moyen sera donc rejeté.

En ce qui concerne la régularité du procès-verbal de fin de garde à vue, il sera retenu, comme l'a exactement fait le premier juge, que la mention de l'horaire de 10 heures 30 résulte non pas d'une incohérence, mais de l'horaire de fin de la mesure restrictive de liberté. Il n'a donc effectivement pas existé de privation de liberté sans cadre juridique et la décision attaquée ne pourra être que confirmée de ce chef;

Il doit être remarqué qu'il revient par ailleurs à M. [S] d'établir la preuve qu'il dispose de garanties de représentation. Or, l'intéressé ne justifie d'aucun moyens de subsistance, fourni une attestation d'hébergement auprès du 115 Gironde en hôtel et s'est soustrait à la précédente mesure d'éloignement, faute d'avoir respecté l'assignation à résidence du 14 septembre 2022.

Dès lors, M. [S] ne saurait présenter de garanties suffisantes de représentation et le risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement est important.

Pour accueillir une demande de première prolongation, le juge doit ainsi contrôler le caractère suffisant des diligences de l'administration pour organiser le départ de l'étranger. Il est tenu de vérifier que les autorités étrangères ont été requises de manière effective et qu'il existe des perspectives raisonnables d'éloignement.

En l'occurrence, M. [S] possède un passeport algérien et il a été sollicité un routing, ce qui établit l'existence de démarches suffisantes de la part de l'administration compétente, le seul fait qu'un vol n'ait pas encore été fixé ne saurait être suffisant à ce stade de la procédure.

Il convient en conséquence de confirmer en totalité la décision du juge de première instance.

Il n'y a pas lieu d'allouer la moindre somme au titre des frais irrépétibles, M. [S] succombant au principal.

Par ces motifs

Statuant après débats en audience publique par ordonnance contradictoire mise à la disposition au greffe après avis aux parties

Déclarons l'appel recevable,

Accordons l'aide juridictionnelle provisoire à M. [S]

Confirmons intégralement l'ordonnance Juge des Libertés et de la Détention du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 22 janvier 2023,

y ajoutant

Déboutons M. [S] de sa demande d'indemnité de procédure,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile,

Le Greffier, Le Conseiller délégué,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : C.e.s.e.d.a.
Numéro d'arrêt : 23/00012
Date de la décision : 24/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-24;23.00012 ?
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