La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/01/2023 | FRANCE | N°22/02125

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 24 janvier 2023, 22/02125


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 24 JANVIER 2023









N° RG 22/02125 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MVU6







SOCIETE POUR LA PERCEPTION DE LA REMUNERATION EQUITABLE DE LA COMMUNICATION AU PUBLIC DES PHONOGRAMMES DU COMMERCE SPRE



c/



S.A.S. MER ET GOLF



























Nature de la décision : APPEL D'U

NE ORDONNANCE DE REFERE





















Grosse délivrée le : 24 janvier 2023



aux avocats

Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 11 avril 2022 par le Président du Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (RG : 21/02115) suivant déclaration d'...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 24 JANVIER 2023

N° RG 22/02125 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MVU6

SOCIETE POUR LA PERCEPTION DE LA REMUNERATION EQUITABLE DE LA COMMUNICATION AU PUBLIC DES PHONOGRAMMES DU COMMERCE SPRE

c/

S.A.S. MER ET GOLF

Nature de la décision : APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REFERE

Grosse délivrée le : 24 janvier 2023

aux avocats

Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 11 avril 2022 par le Président du Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (RG : 21/02115) suivant déclaration d'appel du 29 avril 2022

APPELANTE :

SOCIETE POUR LA PERCEPTION DE LA REMUNERATION EQUITABLE DE LA COMMUNICATION AU PUBLIC DES PHONOGRAMMES DU COMMERCE SPRE, inscrite au RCS 334 784 865 agissant en la personne de son représentant légal demeurant en cette qualité au siége sis [Adresse 1]

Représentée par Me Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Me Guillem QUERZOLA, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

S.A.S. MER ET GOLF prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

Représentée par Me Pierre RAVAUT de la SELARL BIROT-RAVAUT ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 novembre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Roland POTEE, président, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Roland POTEE, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,

Greffier lors des débats : Séléna BONNET

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Par acte du 29 septembre 2021, la société pour la Perception de la Rémunération Equitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (ci après la SPRE) a assigné la SAS Mer & Golf Appart-Hotel, exploitant une résidence de tourisme en qualité de locataire gérante, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, aux fins de la voir condamner à lui payer une provision sur les sommes dues au titre de la rémunération équitable instituée par l'article L.214-1 du code de la propriété intellectuelle, soit la somme de 23.609,13€ au titre de la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2021, avec intérêts au taux légal sur la somme de 12.980,31 € à compter de la mise en demeure du 20 septembre 2021 et capitalisation des intérêts, ainsi que la somme de 3.000 € à titre de provision sur dommages et intérêts en réparation du préjudices subi, outre 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

Par ordonnance de référé du 11 avril 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- dit n'y avoir lieu à référé, et en conséquence, rejette les demandes de la SPRE.

- condamné la SPRE à payer à la SAS Mer & Golf APPART-HOTEL la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La SPRE a relevé appel de cette ordonnance par déclaration du 29 avril 2022 et par conclusions déposées le 25 octobre 2022, elle demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

- dire la SPRE recevable et bien fondée en ses demandes ;

- débouter la société Mer & Golf Appart-Hotel de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Mer & Golf Appart-Hotel à payer à la SPRE une provision de 31.689,40€ au titre de la rémunération équitable due pour l'exploitation de ses établissements de résidence de tourisme sur la période de droits du 1er janvier 2018 au 31décembre 2022, augmentée des intérêts au taux légal :

- sur la somme de 12 980,31 € à compter de la mise en demeure du 24 juin 2021,

- sur la somme de 23 609,13 € à compter de la mise en demeure du 20 septembre 2021,

- sur le solde à compter de la notification des présentes conclusions,

dont la capitalisation pourra intervenir conformément à l'article 1343-2 du code civil ; - condamner la société Mer & Golf Appart-Hotelà payer à la SPRE une provision de 3.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la SPRE ;

- condamner la société Mer & Golf Appart-Hotel à payer à la SPRE la somme de 6.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions déposées le 7 novembre 2022, la SAS Mer & Golf Appart-Hotel prie la cour de :

- confirmer l'ordonnance rendue le 11 avril 2022 en toutes ses dispositions.

- condamner la SPRE à payer à la SAS Mer & Golf Appart-Hotel une indemnité de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Birot-Razvaut et associés, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- en toute hypothèse, réduire l'éventuelle indemnité mise à la charge de la SAS Mer & Golf Appart-Hotel à de plus justes proportions.

L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 23 novembre 2022, avec clôture de la procédure à la date du 9 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La SPRE soutient que l'intimée qui depuis le 1er janvier 2017, a une activité de gestion hôtelière et para-hôtelière de résidences de tourisme et gère ainsi plus de 6.000 lits en résidences de tourisme et appart-hôtels dans 12 établissements, ne peut sérieusement contester être redevable de la rémunération prévue à l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle pour les chambres sonorisées qu'elle exploite dans ces résidences de tourisme.

L'appelante fait valoir que l'intimée ne conteste pas être redevable de droits d'auteur auprès de la SACEM, avec laquelle elle reconnaît avoir conclu en 2018 un contrat général de type musique de sonorisation, pour cette diffusion musicale réalisée dans les chambres de ses établissements au moyen d'un téléviseur alors que le barème réglementaire de calcul de la rémunération équitable prévoit expressément qu'elle s'élève à 65 % des droits d'auteur dus pour cette sonorisation.

La SPRE ajoute que l'acte d'exploitation est le même, envisagé sous l'angle du droit d'auteur pour ce qui est de la SACEM et sous l'angle des droits voisins du droit d'auteur pour ce qui est de la SPRE, à savoir une communication au public que la mise à disposition de téléviseurs dans les chambres d'un établissement hôtelier suffit à caractériser selon une jurisprudence constante, tant française qu'européenne, peu important que les téléviseurs équipant les logements appartiennent aux copropriétaires et non à l'exploitant, l'acte de communication au public étant le fait de ce dernier.

La SAS Mer & Golf Appart-Hotel demande confirmation de l'ordonnance qui a estimé que son assujetissement à la rémunération équitable prévue à l'article L 214-1 du code de la propriété intellectuelle était sérieusement contestable.

Elle expose que ce texte, d'interpretation restrictive, ne vise que la communication directe dans un lieu public à des fins de commerce, d'un phonogramme publié, ce qu'elle ne fait pas en sa qualité d'exploitante de résidences de tourisme, établissements non visés par la décision du 5 janvier 2010 relative au barême de la rémunération équitable, ces résidences mettant à disposition des locaux à usage d'habitation meublés avec un téléviseur, appartenant à des propriétaires privés et n'étant pas classées comme établissements recevant du public.

L'intimée ajoute que la jurisprudence invoquée par l'appelante n'est pas applicable en l'espèce, les décisions citées concernant d'une part des débits de boissons diffusant de la musique ou des chambres d'hôtels et d'autre part des décisions relatives au paiement par des résidences de tourisme ou appart'hôtel des redevances dues au titre des droits d'auteur qui n'obéissent pas au même régime que celui de la rémunération équitable, l'article L 122-2 -2° du code de la propriété intellectuelle visant la télédiffusion par tout procédé de télécommunication de sorte qu'un établissement peut être assujetti au paiement des droits d'auteur sans l'être au paiement de la rémunération équitable.

SUR CE;

La rémunération équitable est un droit voisin du droit d'auteur, prévu par l'article

L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle qui dispose :

' Lorsqu'un phonogramme a été publié à des fins de commerce, l'artiste-interprète et le

producteur ne peuvent s'opposer :

1° A sa communication directe dans un lieu public, dès lors qu'il n'est pas utilisé dans un spectacle ;

2° A sa radiodiffusion et à sa câblo-distribution simultanée et intégrale, ainsi qu'à sa reproduction strictement réservée à ces fins, effectuée par ou pour le compte d'entreprises de communication audiovisuelle en vue de sonoriser leurs programmes propres diffusés sur leur antenne ainsi que sur celles des entreprises de communication audiovisuelle qui acquittent la rémunération équitable.

Dans tous les autres cas, il incombe aux producteurs desdits programmes de se conformer au droit exclusif des titulaires de droits voisins prévu aux articles L. 212-3 et L. 213-1.

Ces utilisations des phonogrammes publiés à des fins de commerce, quel que soit le lieu

de fixation de ces phonogrammes, ouvrent droit à rémunération au profit des artistes-

interprètes et des producteurs.

Cette rémunération est versée par les personnes qui utilisent les phonogrammes publiés

à des fins de commerce dans les conditions mentionnées aux 1°, 2° et 3° du présent article....'

L'article 6 de la décision du 5 janvier 2010 publiée par le ministère de la culture, et relative au barème de la rémunération équitable prévoit que:

« Sont concernés notamment par les dispositions de cet article les établissements, activités, espaces et lieux sonorisés suivants :

Véhicules sonorisés, pars de stationnement, parcs d'attraction, aéroports, centres et aires de jeux et/ou sports individuels et collectifs, détente, soins corporels, piscines et plages payantes, cours de danse et de gymnastique, chambres d'hôtels (y compris dans les établissements de santé, et la parahôtellerie à caractère social et/ou médical), chambres d'hôtes, établissements d'enseignement, espaces communs sonorisés comme les salons, salles d'attente et de détente, salles de jeux, halls, couloirs, paliers, ascenseurs, locaux associatifs, espaces en plein air, bureaux ouverts au public ; séances occasionnelles ».

Il y a lieu de noter que les résidences de tourisme ne sont pas citées par ces dispositions, malgré le grand nombre de ces établissements en France et que si l'adverbe 'notamment' ne permet certes pas de les exclure, leur absence dans la liste précitée, pourtant très détaillée en matière d'hébergement touristique, ne milite pas pour la reconnaissance de l'évidence de leur appartenance aux établissements visés.

Par ailleurs, même si le barème réglementaire de calcul de la rémunération équitable prévoit qu'elle s'élève à 65 % des droits d'auteur dus pour cette sonorisation et que l'intimée ne conteste pas son assujetissement à la redevance des droits d'auteur pour ses résidences, il est exact que le régime légal et réglementaire d'assujetissement de ces deux types de rémunération diffère et qu'il ne peut être incontestablement déduit l'obligation au paiement de la rémunération équitable de l'assujetissement admis au paiement du droit d'auteur.

Il est significatif à cet égard, de constater que si la SPRE produit aux débats plusieurs jurisprudences confirmant l'assujetissement des résidences de tourisme au paiement des redevances de droits d'auteur, elle n'en verse aucune pour l'assujetissement à la rémunération équitable.

Elle ne produit en outre aucun exemple de recouvrement non contesté de cette rémunération auprès des résidences de tourisme ou appart'hôtels alors que la France en compte plus de deux mille et que la SPRE est seule investie de la mission légale de perception de la rémunération équitable auprès de tous les établissements diffusant des phonogrammes du commerce.

En l'état de ce constat, c'est à juste titre que le premier juge, notant par ailleurs que l'intimée est titulaire d'un bail commercial pour les logements meubles loués aux touristes mais appartenant à des propriétaires privés et que la question de savoir si cette situation constitue bien une utilisation ou une communication directe de phonogrammes échappe à la compétence du juge des référés, a rejeté les demandes de la SPRE au regard des contestations sérieuses élevées par la SAS Mer & Golf Appart-Hotel.

L'appelante versera à l'intimée une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme l'ordonnance déférée;

Condamne la SPRE à payer à la SAS Mer & Golf Appart-Hotel la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne la SPRE aux dépens avec bénéfice de distraction au profit de l'avocat de l'intimée dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/02125
Date de la décision : 24/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-24;22.02125 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award