COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
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ARRÊT DU : 18 JANVIER 2023
PRUD'HOMMES
N° RG 19/05055 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LHP6
SARL BRM RECTIFICATION
c/
Monsieur [S] [N]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 septembre 2019 (R.G. n°F 18/01143) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 23 septembre 2019,
APPELANTE :
SARL BRM Rectification, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]
N° SIRET : 509 483 780
représentée par Me Loïc CHAMPEAUX de la SCP MAATEIS, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
Monsieur [S] [N]
né le 12 Mars 1993 à [Localité 3] (CAMEROUN) de nationalité Camerounaise Profession : Technicien(ne), demeurant [Adresse 1]
représenté pour Me Julie MENJOULOU-CLAVERIE, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 novembre 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Tronche, conseillère chargée d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente
Madame Sylvie Tronche, conseillère
Madame Bénédicte Lamarque, conseillère
Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
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EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [N] [S], né en 1993, a été engagé en qualité de technicien par la SARL BRM Rectification, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 mai 2015.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la métallurgie de la Gironde.
En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [N] s'élevait à la somme de 1.800 euros.
M. [N] a été victime d'un accident du travail le 4 août 2016. Il sera placé à diverses reprises en arrêt de travail jusqu'au 11 janvier 2018.
Par lettre du 13 juillet 2017, M. [N] s'est vu notifier un premier avertissement lui reprochant des retards.
Une modification de ses horaires de travail a été mise en place à compter du 31 juillet 2017.
Par lettre du 4 septembre 2017, M. [N] s'est vu notifier un second avertissement, son employeur lui reprochant de l'avoir trouvé dans le bureau de la société voisine, Autobilan, pendant ses horaires de travail.
Par lettre datée du 5 février 2018, M. [N] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 15 février 2018.
M. [N] a ensuite été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre datée du 20 février 2018 ainsi motivée : « Malgré l'avertissement du 4 septembre 2017, dont vous n'avez pas tenu compte, les 15 janvier, 17 janvier, 18 janvier, 23 janvier, 25 janvier vous vous êtes absenté de votre poste de travail pour vous rendre au Contrôle Technique sans autorisation de notre part (plusieurs personnes peuvent en témoigner) ».
A la date du licenciement, M. [N] avait une ancienneté de 2 ans et 9 mois et la société occupait à titre habituel moins de onze salariés.
Contestant à titre principal la validité de son licenciement en raison d'une discrimination en lien avec son état de santé et à titre subsidiaire, la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, M. [N] a saisi le 18 juillet 2018, le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 6 septembre 2019, a :
- condamné la société BRM rectification à payer à M. [N] les sommes suivantes :
* 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
cette somme portant intérêt au taux légal à compter de la date du prononcé de la présente décision,
* 900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire,
- dit qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ni pour le non respect de l'obligation de sécurité,
- met la totalité des dépens à la charge de la société BRM rectification,
- dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société BRM rectification,
- en conséquence, dit que le licenciement de Monsieur est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Qu'il convient d'attribuer à Monsieur la somme de à titre de dommage et intérêts (sic).
Par déclaration du 23 septembre 2019, la société BRM Rectification a relevé appel de cette décision, sous le numéro RG 19/05055.
Par déclaration du 18 octobre 2019, M. [N] a également relevé appel de cette décision, sous le numéro RG 19/05551.
Par mention au dossier du 19 mai 2021, la cour a joint ces deux dossiers sous le numéro RG 19/05055.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 10 janvier 2020, la société BRM Rectification demande à la cour de :
- ordonner la jonction des procédures enregistrées sous les numéros 19/05055 et 19/05551 sous le n° 19/05055,
- dire recevable et bien fondée la société BRM rectification en son appel,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* constaté que l'ensemble des équipements de protection individuelle est mis à disposition par l'employeur ;
* dit que les préconisations de la médecine du travail, s'agissant du poste de M. [N], ont été respectées par la société BRM rectification,
* en conséquence, débouté M. [N] de l'ensemble de ses demandes tendant à l'indemnisation d'un comportement déloyal de la société BRM rectification,
* dit que le licenciement de M. [N] est fondé sur ces diverses absences et retards injustifiés valant comme faits fautifs,
* En conséquence, débouté M. [N] de sa demande tendant à la reconnaissance de la nullité de son licenciement pour discrimination,
- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que le licenciement de M. [N] n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau :
- dire justifiés les avertissements délivrés à son encontre,
- dire que le licenciement de M. [N] est intervenu pour une cause réelle et sérieuse,
- dire que M. [N] n'a droit à aucune indemnisation au titre de son licenciement,
- condamner M. [N] [S] à verser à la société BRM Rectification la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 2 juin 2020, M. [N] demande à la cour de :
- ordonner pour une bonne administration de la justice la jonction des recours enregistrés sous les numéros 19/05055 et 19/05551,
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
* dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
* condamné la société BRM Rectification à verser à M. [N] des dommages et intérêts au titre de la rupture de son contrat de travail avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,
* condamné la société BRM Rectification à verser à M. [N] la somme 900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
* mis à la charge la société BRM Rectification les entiers dépens en ce compris les frais éventuels d'exécution forcée,
- débouter la société BRM Rectification de sa demande de condamnation de M. [N] à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre d'appel incident :
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
* dit que le licenciement de M. [N] ne repose pas sur une discrimination liée à son état de santé et débouté celui-ci de sa demande de nullité du licenciement et de paiement d'une indemnité de 10.000 euros sur le fondement de l'article L.1235-3-1 du code du travail,
* limité le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 4.000 euros,
* dit qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et violation de l'obligation de sécurité de résultat (7.000 euros),
Statuant à nouveau :
A titre principal,
- dire que la société BRM Rectification s'est livrée à un licenciement discriminatoire en raison de l'état de santé de M. [N] en violation des dispositions de l'article L.1132-4
du code du travail,
- en conséquence, condamner la société BRM Rectification au paiement d'une indemnité de 10.000 euros sur le fondement de l'article L.1235-3-1 du code du travail,
A titre subsidiaire (dans l'hypothèse où la cour estimerait que le licenciement n'est pas nul mais simplement dépourvu de cause réelle et sérieuse),
- condamner la société BRM Rectification au paiement d'une indemnité de 7.200 euros en application du barème de l'article L.1235-3 du code du travail,
En tout état de cause :
- dire que le contrat de travail a été exécuté de mauvaise foi ce qui contrevient aux dispositions de l'article L.1222-1 du code du travail,
- dire que la société BRM Rectification a violé son obligation de sécurité de résultat
prévue à l'article L.4121-1 du code du travail,
- condamner la société BRM Rectification au paiement de la somme de 7.000 euros à titre de dommages et intérêts sur ce fondement,
Y ajoutant,
- condamner la société BRM Rectification au paiement de la somme de 2.500 euros en
application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens d'appel.
La médiation proposée aux parties le 19 mai 2021, par le conseiller de la mise en état, n'a pas aboutie.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 octobre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 22 novembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.
*
MOTIFS DE LA DÉCISION
-I- Sur l'exécution du contrat de travail
Pour voir infirmer la décision des premiers juges et solliciter l'allocation d'une somme de 7.000 euros à titre de dommages et intérêts, M. [N] fait valoir que l'employeur a manqué tant à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail qu'à celle relative à la sécurité de résultat.
- 1- Sur la violation de l'exécution loyale du contrat de travail
Le salarié soutient, sur le fondement des dispositions de l'article L.1222-1 du code du travail que la société a violé son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail en raison des deux avertissements reçus le 13 juillet 2017 et le 4 septembre 2017 injustifiés, de la modification unilatérale de ses horaires de travail et du règlement tardif de son salaire du mois de juillet 2017.
- Sur les sanctions disciplinaires
Aux termes des dispositions de l'article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige sur une sanction disciplinaire, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction et forme sa conviction au vu des éléments retenus par l'employeur pour prononcer la sanction et de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
- Sur l'avertissement du 13 juillet 2017
Le salarié considère avoir été sanctionné à tort pour ne pas avoir respecté l'horaire d'embauche fixé à 8h00 et pour ne pas avoir renseigné le tableau de pointage en exposant que sa fiche de poste prévoit une certaine souplesse pour la prise de poste, entre 8h00 et 9h00, que ses retards étaient minimes (5mn) et qu'il n'existait pas de tableau de pointage dans l'entreprise.
L'employeur confirme les manquements qui ont été sanctionnés en raison du caractère régulier des retards qualifiés de minimes par le salarié qui nuisent à l'organisation d'une entreprise lorsque l'équipe ne compte que quatre salariés à l'atelier. Il ajoute que la souplesse des horaires dont se prévaut le salarié ressort d'une fiche d'entreprise établie par la Médecine du travail et qu'il lui arrivait malgré tout de se présenter sur son poste de travail après 9 heures (page 10 de ses écritures) en dépit de l'aménagement des horaires dont il avait bénéficié et dont il justifie par le versement d'un courrier joint à l'avertissement indiquant que les horaires de travail sont modifiés à compter du 31 juillet passant à 9h00 pour la prise de poste du matin.
Il ressorts des pièces versées par les parties et notamment du contrat de travail que M. [N] a été engagé par la société BRM Rectification le 20 mai 2015 en qualité de technicien, les horaires de travail étant fixés en concertation avec la société mais aucun élément n'est versé au soutien de la détermination des horaires du salarié, aucun tableau de pointage, aucune fiche de poste.
De la même façon, si le courrier versé par l'employeur atteste de la modification des horaires de travail du salarié en fixant sa prise de poste à 9 heures, la lecture de l'avertissement ne permet pas de confirmer les allégations de la société selon laquelle le salarié aurait pris son poste après 9 heures.
Au regard de ces éléments, l'avertissement n'apparaît pas en l'état justifié.
- Sur l'avertissement du 4 septembre 2017
Il est fait reproche au salarié d'avoir été « trouvé assis dans le bureau de la société Auto Bilan, située en face de notre entreprise en train de discuter au lieu d'être à votre poste de travail » ce que conteste le salarié.
L'employeur produit les trois attestations suivantes :
- celle de Mme [Z], salariée de l'entreprise qui indique le 13 septembre 2018, avoir vu le salarié le 18 janvier 2018 vers 10h30 le 23 et le 25 janvier à 11 h00, le 25 janvier à 16 h00 les 18 et 23 janvier de 16 h00 à 17 h30 dans les locaux de l'entreprise de contrôle technique,
- celle de M. [O], un client, rédigée le 19 septembre 2018, qui indique avoir aperçu le salarié le 17 janvier 2018 en discussion dans l'enceinte du contrôle technique,
- celle de M. [U] du 20 septembre 2018 qui indique avoir constaté la présence du salarié le 17 janvier 2018 à 10h30 dans le bureau du l'entreprise de contrôle technique.
Néanmoins, la cour observe que les faits qui y sont relatés sont postérieurs à l'avertissement critiqué lequel n'est justifié par aucun autre élément probant alors qu'il a été contesté par le salarié aux termes de son courrier du 11 septembre 2017, demandant en outre l'organisation d'un entretien avec le gérant, ce qui ne semble n'avoir jamais eu lieu.
Par voie de conséquence, cet avertissement est injustifié.
Dès lors, ces deux avertissements injustifiés caractérisent une exécution déloyale du contrat du contrat de travail de la part de l'employeur.
-Sur la modification unilatérale des horaires de travail
Le salarié considère qu'en modifiant ses horaires de travail ayant eu pour effet de repousser l'heure de la débauche à 18 h00 et de bouleverser l'organisation familiale, l'employeur a souhaité le sanctionner ce que conteste la société pour laquelle il s'agissait d'un aménagement destiné à permettre au salarié de prendre son poste à l'heure.
L'article L.3123-11 du code du travail prévoit que toute modification de la répartition de la durée du travail doit être notifiée au salarié en respectant un délai de prévenance.
Le courrier adressé au salarié le 13 juillet 2017, en même temps que l'avertissement, portant modification des horaires de travail pour une prise d'effet au 31 juillet 2017, obéit aux prescriptions légales.
Aucune exécution déloyale du contrat de travail ne peut donc être retenue à l'encontre de l'employeur.
- Sur le règlement tardif du salaire de juillet 2017
Le salarié prétend que le salaire du mois de juillet 2017 lui a été réglé tardivement et en justifie par le courrier qu'il a adressé à l'employeur le 17 août 2017 pour se plaindre de cette situation.
Pour s'y opposer la société se contente de produire une copie du talon du chèque établi à l'ordre du salarié le 27 juillet 2017.
Toutefois, la cour rappelle qu'en application de l'article 1353 du code civil, selon lequel celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation, il incombe à l'employeur de démontrer, notamment par la production de pièces comptables que le salaire dû afférent au travail effectivement effectué a été payé, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Par conséquent, ces éléments établissent une exécution déloyale du contrat de travail de la part de l'employeur
-2- Sur la violation de l'obligation de sécurité de résultat
Fort des visites de reprise des 6 avril 2017, 4 septembre 2017 et 16 janvier 2018 consécutives à l'accident de travail dont il a été victime le 4 août 2016, lui faisant notamment interdiction de porter des charges supérieures à 20 kg et d'adopter une position accroupie, le salarié soutient que l'employeur n'a pris aucune précaution afin de respecter les prescriptions du médecin du travail. Il veut en justifier par la production de photographies démontrant la vétusté des équipements de levage et des gants troués. Il déplore encore l'absence de mise à disposition du document unique d'évaluation des risques professionnels qui selon lui caractérise un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, la fiche d'entreprise versée par l'employeur ne pouvant se substituer à lui.
L'employeur s'en défend en précisant que la position accroupie n'était pas utile à l'accomplissement des missions du salarié, lesquelles ne nécessitaient pas par ailleurs le port de charge de 15 à 20 kg . Il précise que l'absence du document unique d'évaluation des risques professionnels ne suffit pas à établir une quelconque violation de l'obligation de sécurité de résultat pesant sur lui car il convenait en outre de justifier d'un préjudice, ce que s'abstenait de faire M. [N]. Il ajoute que la photographie versée à la procédure pour tenter d'établir un défaut de mise à disposition des équipements de protection individuelle ne permettait pas de déterminer dans quelles conditions elle avait été prise.
*
L'article L 4121-1 du code du travail dispose que l'employeur est débiteur d'une obligation de sécurité à l'égard des salariés.
Cette obligation légale impose à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés et qu'il lui appartient de prendre les mesures immédiates propres à faire cesser les faits contraires.
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Si comme l'ont relevé à juste titre les juges de première instance, les pièces de la procédure et notamment la fiche d'entreprise établissent que les salariés de la société étaient amenés à soulever des charges bien supérieures à 20 kg, toutefois aucune ne démontre que le salarié était soumis au port de ces charges et que l'exercice de ses fonctions lui imposait de s'accroupir. Par ailleurs, il ne justifie en l'état d'aucun préjudice résultant de l'absence du document unique d'évaluation des risques professionnels pas plus que de la vétusté des équipements individuels de protection par une seule photographie.
Par voie de conséquence, ces éléments sont insuffisants à établir une violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat. La décision de première instance sera confirmée sur ce point.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'employeur a failli à son obligation d'exécution loyale du contrat et sera condamné en conséquence à verser au salarié une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts. La décision des premiers juges sera infirmée.
-II- Sur la rupture du contrat de travail
Le salarié soutient que le licenciement, à titre principal, a été prononcé en raison de son état de santé et à titre subsidiaire, est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
1- Sur la nullité du licenciement en raison de la discrimination liée à l'état de santé
Pour voir infirmer la décision contestée sur ce point, le salarié invoque la nullité de son licenciement en raison de la discrimination dont il aurait été victime, car il a été le seul à faire l'objet de ce traitement fait de « sanctions injustifiées, retard dans le paiement de salaire, modifications des horaires de travail, etc... » qui selon lui ne s'explique que par l'existence de ses absences prolongées consécutives à son accident du travail survenu le 4 août 2016.
De son côté, l'employeur affirme que le salarié n'a fait l'objet d'aucune discrimination liée à son état de santé dans la mesure où il n'a eu a déplorer le comportement du salarié que lors de ses périodes de travail.
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L'article L.1132-1 du code du travail alors en vigueur dispose qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3 du même code, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.
En outre, l'article L1132-4 prévoit que tout acte contraire à l'égard d'un salarié est nul de plein droit.
L'article L. 1134-1 prévoit, qu'en cas de litige, si le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
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Le salarié invoque avoir été victime de discrimination en raison de son état de santé caractérisé par le traitement injustifié que l'employeur lui a réservé et dont il a été le seul à pâtir.
Le salarié ne verse au soutien de ses affirmations que les seuls arrêts de travail.
Dès lors, ces éléments de fait, pris dans leur ensemble, ne permettent pas en l'état de laisser supposer l'existence d'une discrimination de la part de l'employeur en lien avec l'état de santé du salarié.
Par voie de conséquence ce chef de demande ne peut qu'être rejeté et la décision déférée, confirmée.
Sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement
Pour voir infirmer la décision déférée ayant considéré que le licenciement de M. [N] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, l'employeur fait valoir que les faits reprochés au salarié sont étayés par les trois attestations versées par ses soins à la procédure .
Le salarié sollicite quant à lui la confirmation de la décision déférée sur ce point ainsi que l'allocation d'une somme de 7.200 euros à titre de dommages et intérêts, montant supérieur à celui alloué en première instance.
*
En application des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié.
Les griefs figurant dans la lettre de licenciement du 20 février 2018 sont ainsi libellés : «Malgré l'avertissement du 4 septembre 2017 dont vous n'avez pas tenu compte, les 15 janvier, 17 janvier, 18 janvier, 23 janvier, 25 janvier vous vous êtes absenté de votre poste de travail pour vous rendre au contrôle technique sans autorisation de notre part (plusieurs personnes peuvent en témoigner)", ce que conteste, à juste titre, le salarié pour lequel l'attestation de Mme [Z] ne peut être prise en compte du fait de son lien de subordination et également du fait que depuis son bureau, elle ne pouvait rien voir. S'agissant des deux autres attestations, le salarié expose ne pas connaître leurs rédacteurs et que leur précision quant aux dates et horaires est suspecte au regard de la date à laquelle elles sont intervenues, soit environ 7 mois après les faits.
Ainsi, ces attestations qui ont été détaillées supra au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, sont insuffisantes à caractériser une cause réelle et sérieuse du licenciement dans la mesure où des clients de la société qui n'ont pas vocation à connaître les habitudes de l'entreprise et celles de ses salariés n'ont pu se souvenir de façon très précise plus de six mois après leur survenance, de faits de nature mineure (les va-et- vient d'un salarié) non susceptibles, de par leur banalité, de marquer les esprits. S'agissant de l'attestation de Mme [Z] et ainsi que l'ont souligné les premiers juges, il est surprenant qu'une attestation rédigée longtemps après les faits reprochés au salarié soit aussi précise sur les horaires pendant lesquels le salarié n'aurait pas été à son poste de travail.
Par conséquent, le licenciement de M. [N] sera déclaré sans cause réelle et sérieuse, le doute devant lui profiter.
La décision de première instance sera donc confirmée de ce chef.
M. [N] sollicite le paiement de la somme de 7.200 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse .
Compte tenu de la taille de l'entreprise (moins de onze salariés) et de son ancienneté (moins de deux ans), l'indemnisation du préjudice de M. [N] relève des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail.
M.[N] précise avoir perçu les allocations du chômage jusqu'en décembre 2018, date à laquelle il s'est installé en qualité d'auto-entrepreneur.
Eu égard notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [N], de son âge, de son ancienneté, des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 4 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse .
La décision de première instance sera infirmée de ce chef.
-III- Sur les autres demandes
La société, partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à M. [N] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [N] de ses demandes au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail de la part de la société BRM Rectification, alloué la somme de 4.000 euros à M. [N] au titre de l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau,
Condamne la société BRM Rectification à verser à M. [N] les sommes suivantes :
- 500 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,
- 4 500 euros à titre d'indemnité en raison de son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne la société BRM Rectification aux dépens.
Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard