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17/01/2023 | FRANCE | N°21/01375

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Juridic.premier president, 17 janvier 2023, 21/01375


RÉPARATION DE LA

DÉTENTION PROVISOIRE

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[O], [Z] [I]



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N° RG 21/01375 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-L7LD

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DU 17 JANVIER 2023

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D E C I S I O N

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Rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Le 17 JANVIER 2023



Nous, Cécile RAMONATXO, Présidente à la Cour d'appel de Bor...

RÉPARATION DE LA

DÉTENTION PROVISOIRE

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[O], [Z] [I]

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N° RG 21/01375 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-L7LD

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DU 17 JANVIER 2023

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Notifications

le :

D E C I S I O N

---------------

Rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Le 17 JANVIER 2023

Nous, Cécile RAMONATXO, Présidente à la Cour d'appel de Bordeaux désignée en l'empêchement légitime de la Première Présidente par ordonnance en date du 07 janvier 2022, assistée de Séverine ROMA, Greffière,

Statuant en audience publique sur la requête de :

Monsieur [O], [Z] [I]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]

Présent,

assisté de Me Natacha BEAUVILAIN, avocat au barreau de LIBOURNE

Demandeur

D'une part,

ET :

L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT pris en la personne de son représentant légal, demeurant [Adresse 3]

Absent

représenté par Me Jean-Michel CAMUS de la SCP LEGALCY AVOCATS-CONSEILS, avocat au barreau de CHARENTE, non comparant

Défendeur

D'autre part,

En présence du Procureur Général près la Cour d'appel de Bordeaux, pris en la personne de Jean-Luc GADAUD, Avocat Général près ladite Cour,

Avons rendu la décision suivante, après que les débats ont eu lieu devant nous, assisté de Séverine ROMA, Greffière, en audience publique, le 06 Décembre 2022, conformément aux dispositions de l'article R 37 du code de procédure pénale.

Faits et procédure

M. [O] [I] a été mis en examen du chef d'agression sexuelle incestueuse sur mineure de 15 ans par ascendant et corruption de mineurs de 15 ans le 8 octobre 2019 et placé en détention provisoire. Il a fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu le 7 septembre 2020.

M. [O] [I] a été placé en détention provisoire du 8 octobre 2019 au 28 novembre 2019, date à laquelle il a été remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire. Il a donc été détenu provisoirement pendant 51 jours.

Par requête reçue le 1 mars 2021, le conseil de M. [O] [I] a présenté une demande en indemnisation de la détention provisoire.

Il demande qu'il soit alloué à M. [O] [I] les sommes de

- 20 297 € en réparation du préjudice lié à la perte des revenus

- 12 140 € en réparation du préjudice moral

- 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur le préjudice matériel, le conseil relève que M. [O] [I] qui est artisan plombier avait établi des devis à hauteur de 20 297€ qui n'ont pas pu être finalisés. En outre, sa détention a porté atteinte à sa réputation qui a été un frein au développement de son entreprise et lui a même fait perdre toute sa clientèle.

Sur le préjudice moral, le conseil relève d'une part le choc carcéral, M. [O] [I] n'ayant jamais été condamné et la séparation familiale pendant laquelle il n'a pas pu apporter son aide à sa compagne. Il relève encore des conditions d'incarcération particulièrement difficiles.

Il demande au titre du préjudice lié à l'incarcération la somme de 100 € par jour majorée de 40 % soit 7 140€ et 5 000 € au titre du préjudice moral lié à sa situation familiale la somme de 5 000€.

Dans ses conclusions reçues au greffe le 16 juillet 2021 et confirmées le 15 novembre 2022, l'Agent Judiciaire de L'État conclut à l'irrecevabilité de la requête sur la forme n'étant pas établi le caractère définitif de l'ordonnance de non-lieu faute d'avoir produit un certificat de non appel. Sur le fond il conclut à la recevabilité de la requête sur le fondement de l'article 149 du code de procédure pénale.

Sur le préjudice matériel, l'Agent Judiciaire de L'État conclut au débouté de la demande, le lien de causalité directe et exclusif entre la détention provisoire et le préjudice allégué n'étant pas établi et étant au contraire incertain, seuls des devis étant produits dont il n'est pas établi qu'ils auraient été acceptés par le client et à défaut d'avoir produit l'avis d'imposition, un bilan d'activité. Sur la perte de clientèle, l' Agent Judiciaire de L'État relève que ce n'est pas la détention provisoire mais la nature des poursuites qui a pu entraîner la perte de clientèle qui n'est au demeurant pas justifiée.

Sur le préjudice moral, l'Agent Judiciaire de L'État relève que la séparation avec la famille a nécessairement causé un préjudice à M. [O] [I] mais qu'il a bénéficié de contacts téléphoniques et de visites et que si ses enfants lui ont tourné le dos c'est en raison de la nature des poursuites. L'Agent Judiciaire de L'État relève encore s'agissant des conditions de détention qu'aucun justificatif n'a été produit permettant d'établir qu'elles auraient été indignes et que si M. [O] [I] avait été contraint de « s'isoler » c'était en raison de « ses fragilités ». Tenant compte d'un casier judiciaire vierge, il propose une indemnité de 4 000 € en réparation de préjudice moral.

Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l' Agent Judiciaire de L'État demande qu'elle soit réduite à de plus justes proportions faute de justificatif.

Dans son avis en date du 20 septembre 2021, M. le Procureur général conclut à la recevabilité de la requête et demande que l'indemnisation du préjudice moral soit fixé à la somme de 4 000€ et la demande d'indemnisation du préjudice matériel rejetée.

Fixée à l'audience du 25 janvier 2022, l'examen de la requête a été renvoyé à la demande du requérant et renvoyé à l'audience du 6 décembre 2022

Motifs de la décision

Aux termes de l'article 149 du code de procédure pénale ['] la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention ['] Toutefois aucune réparation n'est due lorsque ['] la personne était dans le même temps détenue pour autre cause [']

Cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral en lien de causalité direct et certain avec la privation de liberté.

Aux termes de l'article 149-2 du code de procédure pénale la requête doit être déposée dans le délai de 6 mois à compter de la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive.

1/ Sur la recevabilité de la requête

L'ordonnance de non-lieu a été notifiée à M [O] [I] le 7 septembre 2020.

La requête en indemnisation de la détention provisoire a été enregistrée au greffe le 1 mars 2021.

La requête déposée dans le délai de 6 mois et le certificat de non appel produit, doit être déclarée recevable.

2/ Sur le préjudice matériel

S'agissant de la perte de revenus liés aux devis non finalisés.

Au vu des devis communiqués, il convient de relever que sur les 6 devis, 5 ont été établis en juillet et août 2019 soit bien avant l'incarcération de M [O] [I], le dernier le 7 octobre 2019. Il n'est pas justifié que ces devis auraient été acceptés par les clients. Le délai de validité était expiré pour les deux premiers devis.

Il n'est d'ailleurs pas justifié en l'absence de tout autre élément que la production des devis en question qu'ils n'aient été acceptés.

S'agissant de la perte de clientèle

En l'absence de tout élément comptable, la Cour ignore tout de l'activité de M [O] [I] avant son incarcération puis après celle-ci, ce qui ne permet pas d'établir qu'il a subi une perte de clientèle.

En conséquence, M [O] [I] ne justifie pas d'un préjudice matériel certain dont son incarcération serait la cause directe et exclusive et il sera débouté de sa demande.

3/ Sur le préjudice moral

Le préjudice moral au sens de l'article 149 du code de procédure pénale résulte du choc carcéral ressenti par une personne injustement privée de liberté, le choc carcéral correspondant à l'émotion violente et inattendue provoquée par la perturbation physique et psychique éprouvée par une personne écrouée dans un établissement pénitentiaire.

Pour évaluer le préjudice moral, la jurisprudence prend en compte la situation personnelle et familiale de la personne, l'existence ou non d'antécédents judiciaires, les conditions et la durée de la détention.

Ce préjudice peut être aggravé notamment par des conditions d'incarcération particulièrement difficiles ou au contraire minoré lorsque la personne avait déjà connu la prison auparavant.

En l'espèce et ainsi que déjà précisé, M [O] [I] fait part d'un choc carcéral d'autant plus violent que son casier judiciaire est vierge et qu'il ne connaissait pas les code du milieu carcéral. Il fait également part de son désarroi de « savoir sa compagne sans pouvoir lui apporter le soutien nécessaire ». Il est précisé qu'au moment de son incarcération il était en concubinage avec la grand-mère des plaignants, laquelle s'est trouvée esseulée ses enfants lui ayant « pour certains » tourné le dos. Il relève encore des conditions d'incarcération particulièrement difficiles.

S'agissant de la durée de l'incarcération, M [O] [I] a été détenu provisoirement du 8 octobre 2019 au 28 novembre 2019 soit 51 jours.

Lors de son incarcération, il était âgé de 52 ans. Il a déclaré vivre en concubinage et travailler comme artisan plombier chauffagiste.

Son casier judiciaire était vierge de toute condamnation et il s'agissait d'une première incarcération.

Si la séparation d'avec sa famille proche lui a nécessairement causé un préjudice moral, il ne démontre pas que les contacts téléphoniques ou les droits de visite lui aient été refusés.

Il ne justifie pas de conditions indignes de détention et ni quelque particularité que ce soit qui pourrait être prise comme facteur d'aggravation du préjudice moral lié à une détention injustifiée, la nature des faits reprochés ayant manifestement été prise en compte dans la gestion de sa détention pour éviter ou limiter les contacts avec les autres détenus et le préserver de toute prise à partie.

En conséquence, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient de fixer le préjudice moral subi par M [O] [I] à la somme de 4 000 €.

S'agissant de la séparation de sa compagne et de la douleur de la savoir seule « certains » de ses enfants lui ayant tourné le dos, il convient de relever que cette situation est sans rapport avec la détention provisoire mais avec la nature des faits reprochés s'agissant de faits dénoncés comme ayant été commis à l'encontre d'enfants de la famille. M [O] [I] ne justifie même pas de sa situation de concubinage, n'ayant produit aucun justificatif de sa situation personnelle.

M [O] [I] sera donc débouté de sa demande de ce chef d'aggravation du préjudice moral.

4/ Sur les frais d'avocat

Aucune facture n'étant produite à l'appui de la demande, elle sera rejetée.

Il sera néanmoins alloué à M [O] [I] la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

Statuant publiquement, contradictoirement par décision susceptible de recours

Déclare la requête en indemnisation de la détention provisoire recevable

Alloue à M [O] [I]

- la somme de 4 000 euros en réparation du préjudice moral

- la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Rejette le surplus de ses demandes

Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.

La présente décision est signée par Cécile RAMONATXO, présidente de chambre et par Séverine ROMA, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Juridic.premier president
Numéro d'arrêt : 21/01375
Date de la décision : 17/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-17;21.01375 ?
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