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17/01/2023 | FRANCE | N°20/00810

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 17 janvier 2023, 20/00810


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 17 JANVIER 2023



EB





N° RG 20/00810 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LOU2









[K] [O]



c/



Société MACSF ASSURANCES

SA SNCF VOYAGEURS venant aux droits de la SNCF MOBILITES

























Nature de la décision : AU FOND

























Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 31 décembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 16/06514) suivant déclaration d'appel du 13 février 2020





APPELANT :



[K] [O]

né le [Date naissance 1] 1959 à ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 17 JANVIER 2023

EB

N° RG 20/00810 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LOU2

[K] [O]

c/

Société MACSF ASSURANCES

SA SNCF VOYAGEURS venant aux droits de la SNCF MOBILITES

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 31 décembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 16/06514) suivant déclaration d'appel du 13 février 2020

APPELANT :

[K] [O]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 5] (ALGERIE)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Servan KERDONCUFF de la SELARL KERDONCUFF AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

Société MACSF ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 6]

représentée par Maître LE PENNEC substituant Maître Jean-Jacques ROORYCK de la SELARL AEQUO, avocats au barreau de BORDEAUX

SA SNCF VOYAGEURS venant aux droits de la SNCF MOBILITES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]

représentée par Maître XAVIER substituant Maître Eric DASSAS de la SCP CABINET LEXIA, avocats au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 novembre 2022 en audience publique, devant la cour composée de :

Roland POTEE, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Le 15 juin 2015 vers 8 heures 15, M. [K] [O], alors âgé de 56 ans, a été victime d'un accident de la circulation alors qu'il se rendait à son travail au guidon de sa motocyclette afin d'éviter d'entrer en collision avec un véhicule de marque Citroën C4 Picasso conduit par M. [U] [S] et assuré auprès de la MACSF, venant en sens inverse et s'apprêtant à rentrer dans la caserne Nansouty à [Localité 4].

Transporté aux urgences du CHU de [Localité 4], M. [O] a présenté une fracture fermée de la diaphyse du fémur gauche, une fracture fermée de la diaphyse du fémur droit, une fracture fermée bifocale de la diaphyse du tibia droit entraînant une ITT de deux mois.

Par actes d'huissier des 31 mai et 8 juin 2016, M. [O] a fait assigner la SA MACSF et la Caisse de Prévoyance de Retraite du Personnel de la SNCF, organisme social auprès duquel il est affilié, pour voir juger son droit à obtenir l'indemnisation intégrale des préjudices résultant de l'accident dont il a été victime, sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, après réalisation d'une expertise médicale, et obtenir le paiement d'une provision.

Par jugement du 30 août 2017 devenu définitif, le tribunal de grande instance de Bordeaux a, entre autres dispositions :

- déclaré recevable l'intervention volontaire à titre principal de l'établissement public à caractère industriel et commercial SNCF Mobilités,

- mis hors de cause la Caisse de Prévoyance de Retraite du Personnel de la SNCF,

- dit que le véhicule conduit par M. [S] et assuré par la société MACSF est impliqué dans la survenance de l'accident du 15 juin 2015,

- dit que la faute commise par M. [O] réduisait son droit à indemnisation de 20%,

- ordonné une expertise médicale confiée au professeur [E] [Z] avec mission de déterminer le préjudice corporel de M. [O], à charge pour lui de consigner la somme de 1.092 €,

- alloué à M. [O] une provision de 10. 000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel,

- sursis à statuer sur l'ensemble des autres demandes jusqu'au dépôt du rapport d'expertise médicale,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- renvoyé l'affaire à l'audience de la mise en état du 19 décembre 2017.

La juridiction a notamment retenu que M. [O] n'était pas resté maître de la vitesse son véhicule en fonction des circonstances, contribuant ainsi à la réalisation de l'accident, cette faute étant de nature à réduire son droit à indemnisation dans la proportion de 20%.

Le Docteur [I] [D], expert chirurgien orthopédiste commis en remplacement du professeur [Z], a établi son rapport le 23 janvier 2018.

Par lettre recommandée réceptionnée le 25 mai 2018, la MACSF a fait une offre transactionnelle à M. [O] pour un montant de 14.763 € en complément de la provision de 10.000 € déjà versée, qu'il n'a pas acceptée.

Par jugement du 31 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- fixé le préjudice corporel de M. [O], avant limitation de son droit à indemnisation, à la somme de 144.290,64 € décomposée comme suit :

* Dépenses de santé actuelles (DSA) : 53.765,94 €

* Frais divers (F.D.) : 4.322,41 €,

* Pertes de gains professionnels actuels (P.G.P.A.) : 44.406,04 €

* Pertes de gains professionnels futurs (P.G.P.F.) : rejet

* Incidence professionnelle (I.P.) : 3.000 €

* Déficit fonctionnel temporaire (D.F.T.) : 6.256, 25 €

* Souffrances endurées (S.E.) : 18. 000 €

* Préjudice esthétique temporaire (P.E.T.) : 600 €

* Déficit fonctionnel permanent (D.F.P.) : 9.940 €

* Préjudice esthétique permanent (P.E.P.) : 4.000 €

* Préjudice d'agrément (P.A.) : rejet

* Préjudice sexuel (P.S.) : rejet,

- fixé le préjudice de M. [O], après limitation de son droit à indemnisation à hauteur de 20%, à la somme de 115.432,51 €,

- condamné la SA MACSF à payer à M. [O] la somme de 27.248,51 € en réparation de son préjudice corporel consécutif à l'accident survenu le 15 juin 2015, après application de la limitation de son droit à indemnisation, imputation de la créance de l'organisme social et déduction faite de la provision versée à hauteur de 10.000 €,

- débouté M. [O] de sa demande relative au doublement des intérêts au taux de l'intérêt légal,

- débouté M. [O] de sa demande indemnitaire complémentaire tirée du défaut d'offre d'indemnisation,

- dit que cette condamnation portera intérêt au taux légal à compter du présent jugement et qu'il sera fait application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil pour l'avenir selon les conditions légales définies par ce texte,

- condamné la SA MACSF, prise en la personne de son représentant légal, à payer à la SNCF Mobilités les sommes suivantes :

* 78.184 € en remboursement des prestations versées pour le compte de son assuré social M. [O],

* 17.270, 89 € en remboursement des charges patronales versées pour le compte de M. [O] en sa qualité d'employeur,

* 1.066 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, sur le fondement de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale,

le tout avec intérêts au taux légal à compter du jugement et application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil pour l'avenir selon les conditions légales définies par ce texte,

- condamné la SA MACSF, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [O] la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA MACSF, prise en la personne de son représentant légal, à payer à la SNCF Mobilité la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement à hauteur à hauteur des 2/3 des condamnations prononcées,

- condamné la SA MACSF, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

M. [O] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 13 février 2020 et par conclusions déposées le 11 avril 2022, il demande à la cour de :

- le déclarer recevable en son appel et bien fondé en ses demandes,

- réformer le jugement dont appel sur les postes suivants et fixer le préjudice subi par M. [O], avant réduction du droit à indemnisation et déduction de la créance du tiers payeur, comme il suit :

A. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX

1. Préjudices patrimoniaux temporaires

Frais divers : 4 622,41€

2. Préjudices patrimoniaux permanents

Perte de gains professionnels futurs : 24 843,74 €

Incidence professionnelle : 38 706,26 €

B. PRÉJUDICES EXTRAPATRIMONIAUX PERMANENTS

Préjudice d'agrément : 5 000€

Préjudice sexuel : 5 000€

Considérant la réduction du droit à indemnisation opposé à la victime à hauteur de 20%,

- condamner la MACSF à payer à M. [O] la somme de 95 088,51 € se décomposant comme suit, après réduction du droit à indemnisation et déduction de la créance du tiers payeur et avant déduction des provisions allouées se décomposant comme suit pour les postes dont appel :

A. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX

1. Préjudices patrimoniaux temporaires

Frais divers : 4 057,93 €

2. Préjudices patrimoniaux permanents

Perte de gains professionnels futurs : 19 874,99 €

Incidence professionnelle : 30 965,01 €

B. PRÉJUDICES EXTRAPATRIMONIAUX PERMANENTS

Préjudice d'agrément : 4 400 €

Préjudice sexuel : 4 400 €

- confirmer le jugement pour la fixation de l'évaluation des autres postes de préjudices,

- juger la violation de la procédure d'offre par l'absence d'offre provisionnelle, et que l'offre finale présentée par la société MACSF est incomplète et équivaut à un défaut d'offre,

- ordonner le doublement du taux d'intérêt légal des sommes fixées au préjudice avant déduction des provisions et de la créance du tiers payeur avec capitalisation des intérêts par année entière, à compter du 15 février 2016, soit l'expiration du délai de 8 mois suivant l'accident, et à défaut, à compter du 24 juin 2018, date de connaissance de la consolidation par la société MACSF, jusqu'au jour de la décision rendue définitive, à titre de sanction du défaut d'offre,

- condamner la société MACSF à payer à M. [O] la somme de 6 000€ en réparation de son préjudice subi du fait du défaut d'offre d'indemnisation formulée,

- déclarer la décision à intervenir opposable à la société SNCF MOBILITES,

- condamner la MACSF à payer à M. [O] la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens qui comprendront le coût de l'expertise, les frais de signification de l'arrêt à intervenir, ainsi que les frais d'exécution.

Par conclusions déposées le 5 juin 2020, la société MACSF Assurances demande à la cour de :

- juger M. [O] mal fondé en son appel, l'en débouter et le condamner à lui payer une indemnité de 2 000 € par application des dispositions de l'article 700 code de procédure civile,

- condamner M. [O] aux dépens d'appel.

Par conclusions déposées le 9 juin 2020, la SA SNCF Voyageurs venant aux droits de SNCF Mobilités demande à la cour de :

- déclarer la SA SNCF VOYAGEURS, venant aux droits de SNCF MOBILITES, recevable et bien fondée en son appel incident, dès lors y faisant droit,

- réformer le jugement du 31 décembre 2019 sur les postes visés par l'appel limité de M. [O] et statuant de nouveau, liquider ces postes de la manière suivante avant déduction de la créance de la SA SNCF VOYAGEURS et réduction du droit à indemnisation de la victime établi à 20% :

- Frais divers : 4 622,41€

- Perte de gains professionnels futurs : 29 092, 20 €

- Incidence professionnelle : 25 000 €

- Préjudice d'agrément : 5 000 €

- Préjudice sexuel : 5 000 €

- confirmer le jugement dont appel sur les autres postes de préjudices en ce qu'ils ont été liquidés de la manière suivante :

- Dépenses de santé actuelles : 53 765,94 €

- Pertes de gains professionnels actuels : 44 406,04 €

- Déficit fonctionnel temporaire : 6 256,25 €

- Souffrances endurées : 18 000 €

- Déficit fonctionnel permanent : 9 940 €

- Préjudice esthétique temporaire : 600 €

- Préjudice esthétique permanent : 4 000 €

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a limité le montant du préjudice de la SA VOYAGEURS à la somme de 96.520,89 euros (78.184 € + 17.270,89 € + 1.066 €),

- statuant de nouveau, déclarer que la créance définitive de la SA SNCF VOYAGEURS, venant aux droits de SNCF Mobilités (auto- assureur AT/ MP et employeur) s'élève à la somme de 122.342,80 euros, conformément au relevé de prestations définitif du 15 mars 2018, en ce compris les frais de gestion établis à 1.066 euros, et s'imputera poste par poste,

En conséquence,

- condamner la société MACSF à régler la somme de 122.342,80 euros à la SA SNCF VOYAGEURS (auto- assureur AT/ MP et employeur), qui se décompose ainsi :

- en qualité d'auto-assureur pour le risque accident du travail et maladie professionnelle (AT/MP), la somme établie à 100.754,19 euros par priorité et due à concurrence de l'indemnité réparant l'atteinte à l'intégrité physique de la victime ;

- en qualité d'employeur, la somme établie à 21.588,61 euros, représentant les charges patronales afférentes aux salaires versés à M. [O] pendant son indisponibilité.

- condamner la société MACSF au paiement des intérêts au taux légal à compter du jour où les débours ont été exposés et aux intérêts capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil ;

- condamner la société MACSF au paiement, en cause d'appel, de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à son profit ;

- condamner la société MACSF aux entiers dépens.

- débouter la société MACSF de toutes ses prétentions plus amples ou contraires.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 22 novembre 2022.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 8 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I Sur la liquidation du préjudice de M. [O].

1. Sur les frais divers.

L'appelant reproche à la décision attaquée d'avoir réduit la totalité du montant alloué à ce titre de 20% du fait de la limitation de son droit à indemnisation, alors que cette réduction ne doit pas jouer selon lui à propos des frais d'assistance par médecin conseil, soit un montant total de 1.800 € sur le total de 4.322,41 € avant limitation.

Il est constant que les examens indispensables à l'évaluation des préjudices de la victime doivent être indemnisés en totalité (en ce sens Cour de Cassation 2ème chambre civile 6 février 2020 18-19.518).

Aussi, le jugement attaqué doit-il être réformé de ce chef et la société MACSF sera condamnée à indemniser M. [O] de la somme de 2.857,93 € après réduction du droit à indemnisation, comme celui-ci le sollicite.

2. Sur l'assistance tierce personne temporaire (ATPT).

M. [O] remet en cause le montant alloué à ce titre en première instance en ce qu'il ne doit pas être subordonné à la justification des dépenses exposées de ce chef, mais au coût réel de l'emploi. Il retient une base de 20 € de l'heure au titre de cette aide humaine et non de 16 € comme l'a fait le tribunal de grande instance de Bordeaux.

La cour constate que l'indemnisation de l'aide directe à la personne doit être calculée sur la base de 20 € de l'heure, en ce que ce montant correspond au taux horaire pratiqué au titre d'une prestation.

La décision du premier juge sera donc également infirmée de ce chef et il sera alloué un montant de 1.500 €.

***

Au final, la société MACSF sera condamnée à régler à M. [O] la somme de 4.057,93 € après réduction du droit à indemnisation au titre des frais divers.

3. Pertes de gains professionnels futurs (PGPF).

La victime conteste le rejet par la décision attaquée de ce poste de préjudice, rappelant subir un déficit fonctionnel permanent de 7%, avoir subi des périodes d'arrêt de travail allant du 15 juin 2015 au 1er décembre 2017, puis d'avoir arrêté sa carrière professionnelle en demandant une mise à la retraite par anticipation.

Elle dit subir une perte de salaire, communiquant au soutien de cette prétention ses avis d'imposition pour les années 2014 à 2017, ses bulletins de paie de décembre 2017 et 2018 et ses avis d'imposition pour les années 2020 à 2021, réclamant à ce titre un montant de 24.843,74 € pour la période allant du 2 novembre 2016 (date de consolidation) au 22 février 2021(date de ses 62 ans), soit après réduction de son droit à indemnisation, celui de 19.874,99 €.

***

Il ressort toutefois de l'expertise du docteur [D], expert judiciaire, qu'aucun élément ne permettait de rattacher les arrêts de travail qui ont eu lieu à compter du 1er novembre 2016 avec l'accident dont l'indemnisation est sollicitée. De même, comme l'a pertinemment souligné le premier juge, la reprise du travail effectuée par M. [O] entre décembre 2018 et février 2019 l'a été à mi-temps, sans que ce passage résulte d'une recommandation du médecin du travail, ce qui ne peut que constituer un choix personnel de l'appelant, tout comme son départ en retraite de façon progressive ou anticipée.

Il n'est donc justifié d'aucun lien de causalité entre les diminutions de salaires de M. [O] et son accident en date du 15 juin 2015 et la demande faite au titre du présent poste d'indemnisation ne pourra qu'être rejetée.

4. L'incidence professionnelle (IP).

Ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage qui limitent, après consolidation, les possibilités professionnelles ou rendent l'activité antérieure plus fatigante ou pénible, fragilisant ainsi la permanence de l'emploi, voire rendent son exercice de moindre intérêt, traduisant une certaine dévalorisation sur le marché du travail. L'incidence professionnelle suppose une appréciation in concreto au regard de la nature et de l'ampleur des séquelles, de l'emploi précédemment exercé par la victime et de son âge.

M. [O] sollicite à ce titre la somme de 38.706,26 €, avant déduction de sa part de responsabilité, alors qu'il ne lui a été accordé que celle de 3.000 € par le premier juge, faute d'avoir retenu la perte de droit à la retraite, en lien avec le changement de poste imputable à l'accident.

Il affirme avoir subi une mise en retraite précoce suite à sa collision du 15 juin 2015, du fait des limitations liées à son activité professionnelle, alors qu'il n'avait pas l'intention de partir. Il argue de la perte de droits à la retraite, étant parti avec 70,81% de son salaire antérieur, alors qu'il aurait pu bénéficier d'une retraite à taux plein (75%) en partant à 62 ans.

***

Il convient d'observer que l'expert judiciaire a évalué les séquelles subies par M. [O] imputables à l'accident au taux de 7% du fait de douleurs neurologiques et de souffrances psychologiques en lien avec un état de stress.

Il est donc avéré que ces conséquences sont en lien avec les doléances de l'appelant, suite à une plus grande fatigabilité des membres inférieurs, un périmètre de marche réduit et une sensation de déprime.

Il en résulte sans conteste une fatigabilité, une pénibilité accrues du travail, mais non une atteinte à la pérennité de l'emploi.

Il a donc été exactement retenu par le premier juge que la victime ne saurait se prévaloir d'un lien de causalité entre l'accident objet du présent litige et son départ en retraite, ce dernier relevant de son seul choix.

Il s'ensuit que la décision attaquée sera confirmée de ce chef.

5. Le préjudice d'agrément (PA).

M. [O] rappelle avoir été débouté en première instance de sa demande à ce titre, alors que l'expert judiciaire a fait état dans son rapport de l'impact de l'accident sur les activités d'agrément et sportives. Il estime que ses propres déclarations sont suffisantes en la matière et qu'il a indiqué pratiquer la course à pied (semi-marathon), le handball, du vélo et de la mécanique moto. Il précise à propos de cette dernière que le port de charges lourdes lui est difficile et qu'il a une réticence psychique à pratiquer de grands voyages.

Il verse également aux débats cinq attestations (pièces 36 à 40 de cette partie), toutes relatives à la pratique de la moto de l'appelant avant son accident.

Cependant, il doit être remarqué d'une part que ces éléments n'établissent pas l'existence des pratiques sportives, les seules déclarations de la victime ne pouvant être suffisantes à ce titre.

S'agissant de la pratique de la moto, il est exact que la simple limitation de cette activité est susceptible d'ouvrir droit à indemnisation, mais les attestations versées n'y font pas référence et ne permettent pas d'établir cet état de fait, alors que l'intéressé peut encore se servir d'un tel engin, puisqu'il l'a utilisé pour se rendre à l'expertise judiciaire.

La demande faite à ce titre sera donc rejetée.

6. Le préjudice sexuel.

Monsieur [O] met en avant à ce titre une diminution de sa libido, en lien avec son état dépressif réactionnel, repris dans le rapport d'expertise de 'sensation de déprime', dénonçant le refus de l'expert judiciaire de désigner un sapiteur psychiatre. Il soutient que sa vie sexuelle a été altérée et inexistante de nombreux mois après l'accident, tout en soulignant avoir bénéficié d'arrêt de travail du fait de ses souffrances psychiatriques et un arrêt de travail à ce dernier titre.

Il doit être relevé toutefois que l'appelant ne communique aucun élément médical postérieur à sa consolidation, alors que la preuve de ce préjudice lui incombe.

Ce chef de demande sera donc rejeté de ce fait.

***

Au final, au vu des frais divers alloués à M. [O], la somme totale de son préjudice sera fixée à 144.590,64 €, soit un montant de 115.672,51 € après limitation du droit à indemnisation.

II Sur la créance de la société SNCF Voyageurs.

Outre le rappel de la créance de cette société en sa qualité d'organisme social de l'appelant, celle-ci rappelle également être l'employeur de ce dernier et sollicite la confirmation des montants accordés en première instance au premier titre et le règlement des charges patronales versées pendant la période d'indisponibilité de son salarié.

Néanmoins, du fait de la confirmation des postes contestée, ces demandes sont devenues sans objet.

La société MACSF sera donc condamnée à régler à M. [O] la somme de 27.548,51 € en réparation de son préjudice corporel suite à l'accident en date du 15 juin 2015, après application de la limitation de son droit à indemnisation, imputation de la créance de l'organisme sociale et déduction faite de la provision versée à hauteur de 10.000 €.

III Sur la demande de doublement des intérêts.

L'article L.211-9 du code des assurances prévoit que 'Quelle que soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n'est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.

Une offre d'indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident. En cas de décès de la victime, l'offre est faite à ses héritiers et, s'il y a lieu, à son conjoint. L'offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu'ils n'ont pas fait l'objet d'un règlement préalable.

Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s'applique.

En cas de pluralité de véhicules, et s'il y a plusieurs assureurs, l'offre est faite par l'assureur mandaté par les autres'.

M. [O] considère qu'il n'a été effectué de la part de la société MACSF aucune offre provisionnelle dans les 8 mois de l'accident.

Il met encore en avant le fait que l'offre émise le 15 mai 2018 est incomplète, faute de faire la moindre proposition pour les dépenses de santé actuelles, les frais divers, les pertes de gains professionnelles et le préjudice d'agrément et en rejetant l'indemnisation des pertes de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle et du préjudice sexuel. Il note que l'offre faite lors des instances judiciaires est également incomplète, ce qui caractérise le défaut d'offre. Il allègue que le montant de l'offre est manifestement insuffisant, l'estimant à un montant deux fois et demi supérieur.

Il se prévaut également d'un préjudice suite à ce manquement à la procédure d'offre, ayant dû subvenir seul à ses besoins et à ses séquelles.

***

Il convient néanmoins de constater, comme l'a exactement fait le premier juge, que M. [O] avait déjà perçu une provision, fut-elle judiciaire, dans les 8 mois de l'accident, et qu'il ne saurait avoir été consolidé dans les 5 mois suivant les opérations d'expertise, ayant d'ailleurs lui-même sollicité l'avis d'un sapiteur psychiatrique.

Surtout, l'offre faite le 15 mai 2018 par la société MACSF, en ce qu'elle porte sur un montant de 14.763 € n'était pas insuffisante au vu des montants alloués par la présente juridiction après déduction de la créance du tiers payeur.

De surcroît, l'appelant ne justifie d'aucun dommage particulier découlant des délais d'offre précités.

Aussi, la décision du premier juge ne pourra qu'être confirmée sur ce point.

IV Sur les demandes annexes.

Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Sur ce fondement, la société MACSF supportera la charge des dépens, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

En l'espèce, l'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur d'une des parties à la présente instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux le 31 décembre 2019, sauf en ce qu'il a :

- fixé le montant des frais divers de M. [O], avant limitation de son droit à indemnisation, à la somme de 4.322,41 €,

- fixé le montant total du préjudice corporel de M. [O] à la somme de 144.290,64 €, soit un montant de 115.432,51 € après limitation du droit à indemnisation ;

- condamné la société MACSF à payer à M. [O] une somme totale de 27.248,51 € en réparation de son préjudice corporel suite à l'accident en date du 15 juin 2015, après application de la limitation de son droit à indemnisation, imputation de la créance de l'organisme sociale et déduction faite de la provision versée à hauteur de 10.000 € ;

Statuant à nouveau,

- Fixe le montant des frais divers au titre du préjudice corporel de M. [O], avant limitation de son droit à indemnisation, à la somme de 4.622,41 €, et par conséquent le montant total de son dommage à ce titre à la somme de 144.590,64 €, soit un montant de 115.672,51 € après limitation du droit à indemnisation ;

- condamne la société MACSF à payer à M. [O] une somme totale de 27.548,51 € en réparation de son préjudice corporel suite à l'accident en date du 15 juin 2015, après application de la limitation de son droit à indemnisation, imputation de la créance de l'organisme sociale et déduction faite de la provision versée à hauteur de 10.000 € ;

Y ajoutant,

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- Rejette l'ensemble des demandes faites sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la société MACSF aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/00810
Date de la décision : 17/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-17;20.00810 ?
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