COUR D'APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 17 NOVEMBRE 2022
N° RG 19/02432 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K76S
SARL MORIS-IMMOB
c/
Syndicat des copropriétaires de la [Adresse 4] [Adresse 4] À [Localité 3]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 21 mars 2019 (R.G. 17/02135) par la 5ème chambre civile du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 29 avril 2019
APPELANTE :
Société MORIS-IMMOB, immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le n° 397 558 776, dont le siège social est [Adresse 4] à [Localité 3] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Vianney LE COQ DE KERLAND de l'AARPI RIVIERE - DE KERLAND, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
Syndicat des copropriétaires de la [Adresse 4] sise [Adresse 4] à [Localité 3], représenté par son syndic en exercice, la SAS Jean et Philippe Dieu, SAS immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 473 202 711 dont le siège social est [Adresse 2] ' [Localité 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au dit siège,
Représentée par Me Valérie LABAT-CARRERE, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 octobre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Paule POIREL, Président,
Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,
Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
La S.A.R.L. Moris Immob est propriétaire de 6 lots portant les numéros 1, 2, 3, 4, 83 et 101 dépendant de la copropriété de la [Adresse 4].
Le 24 mai 2013, le Syndicat des copropriétaires de la [Adresse 4] (le SDC) a mis en demeure la S.A.R.L. Moris Immob de régler un arriéré de charges d'un montant de 52 202,49 euros.
Selon procès-verbaux du 24 juin 2013, l'assemblée générale des copropriétaires a approuvé cet arriéré de charges.
Une nouvelle assemblée générale en date du 8 octobre 2015 a voté la réalisation de travaux urgents au sein des parties communes de la copropriété. Ce document a été adressé par lettre recommandée avec accusé de réception à la société Moris-Immob. Les travaux ont fait l'objet d'une nouvel appel de fonds auprès de chaque copropriétaire.
Estimant que la société Moris-Immob ne s'était toujours pas acquittée des sommes dues, le SDC lui a adressé une nouvelle mise en demeure le 21 septembre 2017
Alléguant l'absence de règlements de l'arriéré de charges, le SDC, représenté par son syndic la société Garden immobilière de gestion, a, par acte du 18 juin 2013, assigné la S.A.R.L. Moris Immob devant le tribunal de grande instance de Bordeaux afin d'en obtenir le paiement.
Une ordonnance rendue le 22 mai 2017 par le président du tribunal de grande instance de Bordeaux a désigné la Selarl Vincent Mequinion en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété.
Le jugement rendu le 21 mars 2019 par le tribunal de grande instance de Bordeaux a :
- déclaré la demande recevable,
- condamné la société Moris-Immob à payer au SDC, représenté par la Selarl Vincent Mequinion en qualité d'administrateur provisoire, les sommes suivantes :
- 52 202,49 euros en règlement du solde des charges impayées arrêtées au 24 mai 2013, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 mai 2013,
- 24 734,01 euros en règlement des charges échues postérieurement 24 mai 2013 et arrêtées au 1er juillet 2017 avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 septembre 2017,
- débouté les parties de leurs autres chefs de demande,
- condamné la société Moris-Immob aux dépens ainsi qu'à payer à la SELARL Vincent Mequinion, ès qualités, une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire.
La S.A.R.L. Moris Immob a relevé appel du jugement le 29 avril 2019 en ce qu'il :
- l'a condamnée à payer au SDC, représenté par la SELARL Vincent Mequinion en qualité d'administrateur provisoire, les sommes suivantes:
- 52 202,49 euros en règlement du solde des charges impayées arrêtées au 24 mai 2013, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 mai 2013,
- 24 734,01 euros en règlement des charges échues postérieurement 24 mai 2013 et arrêtées au 1er juillet 2017 avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 septembre 2017,
- l'a condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à la SELARL Vincent Mequinion, ès qualités, une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 21 septembre 2022, la S.A.R.L. Moris-Immob demande à la cour, sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil, de :
- réformer le jugement entrepris et, statuant à nouveau,
- prononcer l'irrecevabilité d'office pour les nouvelles demandes afférentes aux charges de copropriété postérieures au 21 septembre 2017,
- débouter le SDC de toutes ses demandes, et de son appel incident,
- à défaut, accorder un moratoire de 24 mois pour apurer la dette qui sera jugée par la cour,
- condamner au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.
Suivant ses dernières conclusions notifiées le 22 septembre 2022, le SDC, représenté par son nouveau syndic la SAS Jean et Philippe Dieu, demande à la cour :
- d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture en date du 22 septembre 2022,
- de le dire et juger recevable et bien-fondé, en ses demandes,
- de confirmer en conséquence le jugement attaqué en ce qu'il a condamné la S.A.R.L. Moris-Immob à payer à la copropriété l'arriéré de charges de copropriété arrêté au 1er juillet 2017, soit en conséquence les sommes de :
- 52 202,49 euros en règlement de charges impayées arrêtées au 24 mai 2013 assorties des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 24 mai 2013,
- 24 734,01 euros en règlement des charges échues postérieurement, arrêtées au 1er juillet 2017 assorties des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 21 septembre 2017,
Y ajoutant,
- condamner l'appelante au paiement :
- à son profit de la somme en principal de 15 942,02 euros au titre des charges impayées échues postérieurement au 1er juillet 2017 et arrêtées au 31 décembre 2020, sauf à parfaire, assortie des intérêts de droit à compter de la décision à venir,
- des entiers dépens dont les frais nécessaires exposés pour le recouvrement de la créance en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 pour 1 983,22 euros sauf à parfaire,
- débouter la S.A.R.L. Moris-Immob de sa demande de délais de paiement et de ses plus amples demandes,
- condamner la S.A.R.L. Moris-Immob à lui payer la somme supplémentaire de 5 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 septembre 2022.
A l'audience, la société Moris-Immob et le SDC se sont accordés sur la révocation de l'ordonnance de clôture, avant tout débat au fond, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIVATION
Sur les sommes réclamées à la société Moris-Immob devant le tribunal de grande instance
En application des dispositions de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance numéro 2016-131 du 10 février 2016, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Il convient d'indiquer à titre liminaire qu'un différent ayant opposé la société Moris-Immob à son ancienne locataire commerciale, en l'occurrence la société Madeo exploitation, procédure qui a donné lieu au prononcé d'un arrêt par la présente cour le16 juin 2016, est sans incidence sur la solution à apporter au présent litige.
La recevabilité de l'action du SDC n'est plus contestée en appel par la société Moris-Immob sauf pour ce qui concerne les nouvelles demandes de celui-ci afférentes aux charges de copropriété postérieures au 21 septembre 2017. Cette fin de non-recevoir sera examinée plus loin.
A l'appui de sa contestation, la société Moris-Immob affirme que le syndicat ne produit pas les documents nécessaires établissant le bien-fondé de sa créance.
Il incombe au SDC qui poursuit le recouvrement de charges de copropriété de produire, outre un décompte de répartition des charges, le procès-verbal de l'assemblée générale approuvant les comptes de l'exercice correspondant ainsi que les documents comptables (3ème Civ., 24 octobre 2019, pourvoi n° 18-19.172).
Ainsi, le règlement de copropriété et l'état descriptif de division ne font pas partie des pièces exigées comme l'affirme à tort l'appelante.
Les différents procès-verbaux des assemblées générales des 9 novembre 2006, 13 avril 2007, 23 avril 2008, 8 juillet 2009, 25 juin 2010, 24 juin 2013, 08 octobre 2015 et 21 juin 2016, validant les comptes antérieurs et approuvant à la majorité requise le montant des marchés de travaux et autres dépenses relatives aux parties communes sont versés aux débats.
Ces documents ne précisent pas l'identité des copropriétaires présents et absents de sorte que l'argument de l'appelante tirée de l'absence de leur envoi par lettre recommandée avec accusé de réception est inopérant.
L'approbation rend ces comptes opposables à tous les copropriétaires, aucun recours n'ayant été exercé par l'un ou l'autre des copropriétaires en application de l'article 42 de la loi du 13 juillet 1965. Dès lors, ceux-ci sont tenus de régler leur part de charges, telle qu'elle résulte des comptes approuvés (3ème Civ., 14 octobre 2014 pourvoi n° 13-19.634).
Si, en application de l'article 45-1 du décret du 17 mars 1967, l'approbation des comptes du syndicat par l'assemblée générale n'interdit pas aux copropriétaires de contester leur décompte individuel, il appartient toutefois à celui qui remet en cause le montant réclamé d'apporter les éléments nécessaires au soutien de sa contestation (3ème Civ., 14 juin 2018 pourvoi n°17-14.766).
L'appelante se contente de critiques d'ordre général pour remettre en cause le bien-fondé des sommes réclamées à son encontre alors que les différents appels de charges sont produits par le SDC, de même que sa comptabilité,. Ces documents font apparaître l'augmentation régulière du montant des sommes dues depuis l'année 2007 et non réglées par l'appelante. Le report de soldes antérieurs, mentionné dans chaque document, ne comporte aucune erreur ou inexactitude. Il en est de même pour ce qui concerne la répartition de ces charges au regard des tantièmes afférents aux lots détenus par la société Moris-Immob au sein de la copropriété.
En conséquence, ces éléments motivent la confirmation du jugement attaqué ayant condamné la société Moris-Immob au paiement des sommes de :
- 52 202,49 euros en règlement du solde des charges impayées arrêtées au 24 mai 2013, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 mai 2013,
- 24 734,01 euros en règlement des charges échues postérieurement 24 mai 2013 et arrêtées au 1er juillet 2017 avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 septembre 2017.
Sur l'appel incident du SDC
Pour s'opposer aux sommes réclamées par le SDC en cause d'appel au titre d'impayés de charges de copropriété depuis la date du prononcé du jugement, la société Moris-Immob soutient que cette prétention nouvelle ne lui permet pas de bénéficier du double degré de juridiction. Il en soulève ainsi l'irrecevabilité.
Cependant, ces demandes ne peuvent être considérées comme nouvelles. Elles en sont le complément nécessaire au sens de l'article 566 du code de procédure civile, s'agissant d'une actualisation de la dette et en lien direct avec celles présentées en première instance et tendent aux mêmes fins, à savoir l'apurement des charges, ayant de surcroît le même fondement juridique. Les documents versés aux débats par la SDC, s'agissant des procès-verbaux des assemblées générales des 11 juillet 2019 et 12 juillet 2021, de la comptabilité de la copropriété et des appels de fonds des 3 avril, 23 et 25 juillet 2019, 10 janvier, 4 mars, 10 avril, 23 et 30 juin 2020, 15 février, 16 juillet, 29 septembre et 30 décembre 2021 démontrent que la dette de l'appelante envers la copropriété a augmenté en l'absence de versements et d'apurement du montant du solde antérieur. Les sommes réclamées sont en cohérence avec le montant des dépenses votées rapporté aux tantièmes des lots détenus par la société Moris-Immob.
Il convient en conséquence de condamner l'appelante au paiement au SDC d'une somme complémentaire de 15 942,02 euros au titre des charges impayées échues postérieurement au 1er juillet 2017 et arrêtées au 31 décembre 2020.
Sur la demande de délais de paiement
Aux termes de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues compte-tenu de la situation des débiteurs et en considération des besoins des créanciers.
A l'appui de sa demande de délais de paiement, la société Moris-Immob ne fournit aucun document relatif à sa situation pécuniaire et ne propose aucun échéancier susceptible de lui permettre l'apurement de sa dette dans un délai de 24 mois.
Ces éléments, ajoutés à l'ancienneté de la dette et l'attitude rétive de la société Moris-Immob, motive le rejet de cette prétention.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Outre la somme mise à la charge de la S.A.R.L.. Moris-Immob en première instance, il y a lieu en cause d'appel de la condamner au versement au SDC d'une indemnité complémentaire de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter les autres demandes de ce chef.
PAR CES MOTIFS
- Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture présentée par le Syndicat des copropriétaires de la [Adresse 4] ;
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 21 mars 2019 par le tribunal judiciaire de Bordeaux ;
Y ajoutant ;
- Déclare recevable la demande de condamnation présentée par le Syndicat des copropriétaires de la [Adresse 4], représenté par son syndic en exercice la société par actions simplifiées Jean et Philippe Dieu, à l'encontre de la société Moris-Immob pour obtenir le paiement de la somme de 15 942,02 euros au titre des charges impayées échues postérieurement au 1er juillet 2017 et arrêtées au 31 décembre 2020 ;
- Condamne la société Moris-Immob à verser au Syndicat des copropriétaires de la [Adresse 4], représenté par son syndic en exercice la société par actions simplifiées Jean et Philippe Dieu, la somme de 15 942,02 euros au titre des charges impayées échues postérieurement au 1er juillet 2017 et arrêtées au 31 décembre 2020 ;
- Rejette la demande de délais de paiement présentée par la société Moris-Immob ;
- Condamne la société Moris-Immob à verser au Syndicat des copropriétaires de la [Adresse 4], représenté par son syndic en exercice la société par actions simplifiées Jean et Philippe Dieu, une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejette les autres demandes présentées sur ce fondement ;
- Condamne la société Moris-Immob au paiement des dépens d'appel qui comprendront les frais nécessaires exposés pour le recouvrement de la créance du Syndicat des copropriétaires de la [Adresse 4], représenté par son syndic en exercice la société par actions simplifiées Jean et Philippe Dieu, en application des dispositions de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.
La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE