COUR D'APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 10 NOVEMBRE 2022
F N° RG 22/00478 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MQZA
S.A.S. PITO ENGINEERING
c/
Monsieur [G], [V] [H]
S.A.R.L. SEGUY AUTOMOBILES
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 10 janvier 2022 (R.G. 19/01449) par le Juge de la mise en état de Périgueux suivant déclaration d'appel du 31 janvier 2022
APPELANTE :
La Société PITO ENGINEERING, société par actions simplifiée, au capital
de 10.000 euros, dont le siège social se situe sis [Adresse 1]
BOULAZAC et immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de PERIGUEUX
sous le numéro 801 247 271
[Adresse 1]
Représentée par Me Eloïse GENTY substituant Me Julien DOMINGUEZ, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
[G], [V] [H]
né le 03 Juin 1951 à [Localité 5]
de nationalité Française
Retraité, demeurant Chez M. [B], [Adresse 3]
Représenté par Me Virginie LEMAIRE de la SELARL LEMAIRE VIRGINIE AVOCAT, avocat au barreau de PERIGUEUX
La SARLU SEGUY AUTOMOBILES, anciennement dénommée FORT ROYAL (EUR-AUTO), au capital de 1 000 € inscrite au RCS d'ANGOULEME sous le N°B 484 515 325, dont le siège social est situé [Adresse 4],
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 4]
Représentée par Me Kalina DENIAU substituant Me Dominique LAPLAGNE, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 septembre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller chargé du rapport, et M. Rémi FIGEROU Conseiller,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Paule POIREL, Président,
Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller,
Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Annie BLAZEVIC
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
M. [G] [H] est propriétaire d'un véhicule Renault Clio Sport V6 immatriculé [Immatriculation 2].
Le 2 août 2018, il a fait procéder à la révision de son automobile, dont le compteur affichait 123209 km, par la société par actions simplifiées Fort Royal exerçant sous l'enseigne EUR-AUTO GARAT.
Le jour même, le propriétaire du véhicule a subi une panne après avoir parcouru 70 km.
La société Fort Royal a diagnostiqué une défaillance du calculateur d'injection et transporté l'engin dans les locaux de la société par actions simplifiées Charente Automobiles Distribution (la SAS Charente Automobiles Distribution) qui a confirmé le diagnostic.
La société Fort Royal a fait procéder à la réparation du calculateur par la société par actions simplifiées Pito Engineering (la SAS Pito Engineering), lequel a ensuite été réinstallé par la SAS Charente Automobiles Distribution. Toutefois, le garage n'est pas parvenu à faire redémarrer le véhicule qui a été expédié au siège de la société Pito Engineering situé dans la commune de Boulazac, lieu où il demeure depuis cette date.
Suivant actes d'huissier des 23 et 25 octobre 2019, M. [H] a assigné les sociétés Fort Royal, exerçant sous l'enseigne EUR-AUTO, et Pito Engineering devant le tribunal de grande instance de Périgueux afin de mettre en jeu, sur le fondement des articles 1782, 1231 et 1240 et suivants du code civil, leur responsabilité civile et d'obtenir la restitution de son véhicule en état de marche, outre l'indemnisation de divers préjudices.
Suivant conclusions notifiées le 17 novembre 2020, la SAS Pito Engineering a saisi le juge de la mise en état d'une demande d'expertise du véhicule, aux frais avancés de M. [H], afin de déterminer l'origine exacte de la panne et son lien éventuel avec son intervention et celle du garage EUR-AUTO.
M. [H] a acquiescé à cette prétention tout en souhaitant que la mesure avant dire droit soit intégralement financée par la SAS Pito Engineering.
La société Fort Royal, devenue la société Seguy Automobile et exerçant sous l'enseigne EUR-AUTO, a conclu à titre principal au rejet de la demande d'expertise. Elle a émis à titre subsidiaire toutes protestations et réserves, considérant qu'à compter de la panne, elle n'était intervenue que comme intermédiaire/transporteur du véhicule et n'avait effectué aucune intervention technique sur le calculateur.
L'ordonnance du 11 janvier 2021 rendue par le juge de la mise en état a fait droit à la demande d'expertise, aux frais avancés de M. [H], et désigné M. [T] [X] pour y procéder avec mission notamment :
- d'examiner le véhicule, tester le fonctionnement du calculateur installé sur celui-ci et déterminer l'origine de la panne du véhicule ;
- de fournir tous éléments permettant de statuer sur les responsabilités éventuellement encourues ;
- d'indiquer les solutions techniques pour remédier à la panne du véhicule, chiffrer le coût des réparations ;
- de fournir tous éléments permettant de déterminer l'entier préjudice de M. [H].
L' expert a déposé son rapport le 30 août 2021.
Suivant conclusions notifiées le 20 octobre 2021, M. [H] a saisi le juge de la mise en état d'une demande tendant à être autorisé à faire procéder à la révision du véhicule pour des raisons de sécurité et obtenir la condamnation de la SAS Pito Engineering à lui verser une provision de 7 000 euros à valoir sur ses préjudices. Il conclut également au rejet de la demande formée par la SAS Pito Engineering au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance rendue le 10 janvier 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Périgueux a :
- autorisé M. [H] à faire procéder à la révision des organes mécaniques et de sécurité du véhicule Renault Clio Sport V6 immatriculé [Immatriculation 2] , avant sa mise en circulation ;
- condamné la SAS Pito Engineering à payer à M. [H] la somme de 7 000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice financier et de jouissance ;
- débouté la SAS Pito Engineering de sa demande formée au titre l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SAS Pito Engineering aux dépens de l'incident ;
- décerné injonction à toutes les parties de conclure au fond au plus tard le 1er mars 2022 ;
- dit qu'à défaut, il sera procédé à la clôture de l'instruction et à la fixation de l'affaire devant le tribunal.
Par déclaration électronique en date du 31 janvier 2022, la SAS Pito Engineering a relevé appel de cette décision limité aux dispositions :
- ayant autorisé M. [H] à faire procéder à la révision des organes mécaniques et de sécurité du véhicule Renault Clio Sport V6 immatriculé [Immatriculation 2] avant sa mise en circulation ;
- l'ayant condamnée à payer à M. [H] la somme de 7 000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice financier et de jouissance ;
- l'ayant déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- l'ayant condamnée aux dépens de l'incident.
*
* *
La société par actions simplifiées Pito Engineering, dans ses dernières conclusions d'appelante du 10 avril 2022, demande à la cour, au visa des articles 789 et 700 du code de procédure civile :
- d'infirmer l'ordonnance attaquée en ce qu'elle l'a :
condamnée à verser à M. [H] la somme de 7 000 euros à titre de provision ;
déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
condamnée aux dépens de l'incident ;
Et, statuant à nouveau :
- débouter M. [H] de sa demande incidente de provision ;
- condamner M. [H] à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [H], dans ses dernières conclusions d'intimé du 13 avril 2022, demande à la cour, de :
- confirmer l'ordonnance critiquée ;
- débouter la SAS Pito Engineering de l'ensemble de ses demandes ;
- débouter la société Seguy Automobiles de toute demande présentée à son encontre ;
- condamner l'appelante à lui payer une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner l'appelante aux dépens.
La société à responsabilité limitée unipersonnelle Seguy Automobiles (la SARLU Seguy Automobiles), venant aux droits et obligations de la Société Fort Royal (EUR-AUTO), demande à la cour, suivant ses dernières conclusions d'intimée du 14 avril 2022, de :
- voir statuer ce que de droit sur les mérites de l'appel enregistré par la SAS Pito Engineering à l'encontre de l'ordonnance du juge de la mise en état, en ce que les demandes qui ont été analysées ne la concernent pas directement ;
- voir néanmoins constater qu'elle a été contrainte de saisir un avocat devant la cour ;
- voir condamner en conséquence toute partie succombant dans le cadre de l'appel au paiement à son profit de la somme de 2 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens d'appel, dont distraction au profit de maître Dominique Laplagne, avocat à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 septembre 2022.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il doit être liminairement observé que la SAS Pito Engineering a contesté dans sa déclaration d'appel l'autorisation accordée à M. [H] par le juge de la mise en état de procéder à la révision du véhicule au regard de l'achèvement des opérations d'expertise, de la nécessité des travaux préconisés à sa mise en circulation et de la sécurité des utilisateurs et des autres usagers de la route. Or, l'appelante ne remet plus en cause cette prétention dans le dispositif de ses dernières conclusions de sorte que la cour n'est pas saisie d'une demande sur ce point.
Sur la demande de provision
Il résulte des dispositions de l'article 789 3° du code de procédure civile que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.
Le juge de la mise en état a fait droit à la demande de provision de M. [H] en considérant que l'obligation dans laquelle se trouve la SAS Pito Engineering d'indemniser le préjudice subi par ce dernier n'apparaissait pas sérieusement contestable et l'a condamnée à verser à M. [H] la somme provisionnelle de 7 000 euros pour ses préjudices financiers et de jouissance.
La SAS Pito Engineering soutient que, même si un rapport d'expertise détermine les responsabilités et à partir du moment où elle en conteste le principe, l'existence d'une contestation sérieuse conduit nécessairement au rejet de la demande de provision. Elle ajoute que le rapport d'expertise judiciaire ne tranche pas la question des responsabilités et que dès lors le juge de la mise en état ne peut dès lors les fixer car il s'agit d'une question de fond. Elle rappelle enfin que la panne du véhicule est survenue avant qu'elle ne soit moissonnée en qualité de sous-traitant pour cloner le calculateur existant.
M. [H] soutient qu'il ressort du rapport d'expertise que l'obligation pour la SAS Pito Engineering d'indemniser son préjudice n'est pas sérieusement contestable dans la mesure où la défectuosité du calculateur est démontrée et que seul son remplacement a permis au véhicule de démarrer. Il ajoute que c'est en raison de cette défectuosité que l'automobile a été immobilisée pendant une certaine période et que des frais liés à la remise en état des éléments mécaniques et de sécurité ont été engendrés.
Pour sa part, la société Seguy Automobiles expose que la réparation effectuée par l'appelante, consistant en un clonage du calculateur existant, s'est révélée inefficace de sorte qu'elle est seule responsable de cette situation. Elle ne sollicite néanmoins ni la confirmation ni la réformation de l'ordonnance déferrée.
En réponse, il convient de relever les éléments suivants :
Le juge de la mise en état s'est justement attaché à ne statuer que sur l'absence de contestation sérieuse mais n'a pas, comme l'indique à tort l'appelante, déterminé les responsabilités de chaque partie au présent litige.
Le rapport d'expertise judiciaire conclut que 'Le calculateur à injection est en défaut;
Les différentes fournitures et interventions de la SAS Pito Engineering n'ont pas permis de remettre le moteur du véhicule en état de fonctionner ; Avec l'accord des parties, M. [H] fait l'acquisition par l'intermédiaire de la Sarda, concessionnaire Renault, d'un calculateur auprès de la société Optimiz Access ; Après la mise en place de ce calculateur, le véhicule démarre ; L'origine de la panne était donc liée à un désordre électrique du calculateur'.
En l'état de la procédure, aucun élément de nature technique produit par l'appelant ne vient remettre en cause les constatations expertales.
La défectuosité du calculateur fourni par la SAS Pito Engineering à la société Eur-Auto pour être installé sur le véhicule de M. [H] n'est pas sérieusement contestable.
Il n'est également pas discuté que l'installation d'un nouveau calculateur, non fourni par l'appelante, a permis le redémarrage de l'automobile.
Pour chiffrer à la somme de 7 000 euros le montant de la provision, ont été pris en considération :
- le coût prévisible de la pose d'un nouveau calculateur représentant la somme de 2 525,14 euros ;
- la nécessité de réaliser une révision des éléments mécaniques et de sécurité du véhicule avant sa mise en circulation, l'expert ayant retenu à ce titre le devis estimatif du 7 août 2021 du concessionnaire Renault Sarda à hauteur de 6 925,97 euros TTC ;
- la longue durée d'immobilisation de l'automobile (depuis le 4 octobre 2018), étant observé que la SAS Pito Engineering ne démontre pas en l'état avoir répondu à un courrier de M. [H] du 29 décembre 2018 lui demandant de lui restituer l'engin en état de fonctionnement ;
La SAS Pito Engineering ne conteste plus désormais l'autorisation qui a été accordée à M. [H] par le juge de la mise en état de remettre en état le véhicule, opération ayant généré ainsi des frais à son propriétaire.
Dès lors, même si la somme de 7 000 euros est objectivement bien plus importante que le coût du calculateur facturé par la SAS Pito Engineering au garage Fort Royal (792 euros TTC), il n'est pas sérieusement contestable en l'état de la procédure que le propriétaire de l'automobile a subi un préjudice financier et de jouissance non négligeable au regard des montants mentionnés ci-dessus.
Ces éléments, ajoutés à ceux justement retenus par le premier juge, motivent la confirmation de l'ordonnance déférée ayant écarté l'existence d'une contestation sérieuse et accordé à M. [H] une provision de 7 000 euros.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
La décision de première instance doit être confirmée. Il y a lieu en cause d'appel de condamner la SAS Pito Engineering au versement à :
- M. [H] d'une part,
- la SARLU Seguy Automobiles d'autre part,
d'une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter les autres demandes de ce chef.
PAR CES MOTIFS
- Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 10 janvier 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Périgueux ;
Y ajoutant ;
- Condamne la société par actions simplifiées Pito Engineering à verser à M. [G] [H] une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne la société par actions simplifiées Pito Engineering à verser à la société à responsabilité limitée unipersonnelle Seguy Automobiles une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejette les autres demandes présentées sur ce fondement ;
- Condamne la société par actions simplifiées Pito Engineering au paiement des dépens d'appel qui pourront être directement recouvrés par maître Dominique Laplagne en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Annie BLAZEVIC, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE