La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/11/2022 | FRANCE | N°17/06954

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 09 novembre 2022, 17/06954


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 09 NOVEMBRE 2022







PRUD'HOMMES



N° RG 17/06954 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-KFXO















Madame [L] [Z] [M]



c/



Société SAINT EMILION IMMOBILIER

















Nature de la décision : AU FOND













Grosse délivré

e le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 novembre 2017 (R.G. n°F16/00185) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 15 décembre 2017,





APPELANTE :

Madame [L] [M]

née le 12 Août 1964 à [Localité 3] de natio...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 09 NOVEMBRE 2022

PRUD'HOMMES

N° RG 17/06954 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-KFXO

Madame [L] [Z] [M]

c/

Société SAINT EMILION IMMOBILIER

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 novembre 2017 (R.G. n°F16/00185) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 15 décembre 2017,

APPELANTE :

Madame [L] [M]

née le 12 Août 1964 à [Localité 3] de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représentée et assistée de Me Emilie MONTEYROL, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SASU Saint Émilion Immobilier, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 351 392 535

représentée par Me Franck DE SERMET de la SELARL DE SERMET, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 octobre 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d'instruire l'affaire et Madame Sylvie Tronche, conseillère

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 18 octobre 2016, Mme [L] [M], née en 1964, a saisi le conseil de prud'hommes de Libourne pour voir reconnaître l'existence d'un contrat de travail conclu avec la SARL Saint Emilion Immobilier en qualité de négociatrice immobilier à compter du 21 novembre 2013 et jusqu'au 21 mai 2015, un contrat d'agent commercial ayant ensuite été conclu entre les parties le 22 mai 2015.

Par jugement rendu le 17 novembre 2017, le conseil de prud'hommes a :

- dit que l'action de Mme [M], en demande de salaires et accessoires, n'est pas prescrite, et ce conformément à l'article L. 3245-1 du code du travail,

- dit que Mme [M] ne peut en aucun cas se prévaloir du statut de salariée de l'agence Saint Emilion Immobilier entre le 21 novembre 2013 et le 22 mai 2015,

- l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes,

- l'a condamnée aux entiers dépens et frais éventuels.

Par déclaration du 15 décembre 2017, Mme [M] a relevé appel de cette décision.

Cette déclaration a été signifiée à la société intimée non constituée par acte d'huissier délivré le 8 février 2018.

Par ordonnance du 7 octobre 2020, le magistrat chargé de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions notifiées le 12 juin 2020 par la société Saint Emilion Immobilier et fixé l'affaire à l'audience du 15 décembre 2020.

Le 21 octobre 2020, la société Saint Emilion Immobilier a saisi la cour d'une requête en déféré contre l'ordonnance par le magistrat de la mise en état.

La procédure de déféré a été radiée dans l'attente de l'issue de la procédure de faux incident invoqué par la société à l'encontre de l'acte de signification de la déclaration d'appel du 8 février 2018.

Par arrêt rendu le 26 mai 2021, rectifié par arrêt du 24 novembre 2021, concernant la forme juridique de la société, passée de la forme de SARL à celle de SASU, la cour a rejeté la demande d'inscription de faux, dit n'y avoir lieu à déclarer caduc l'appel formé par Mme [M] et condamné la société à une amende civile et à une indemnité au titre des frais irrépétibles.

La procédure de déféré a été réinscrite à la demande de Mme [M] le 11 octobre 2021.

Par arrêt rendu le 25 mars 2022, la cour a confirmé l'ordonnance rendue le 7 octobre 2021 par le conseiller de la mise en état, déclaré irrecevable la demande de la société tendant à voir prononcer la recevabilité de ses conclusions, bordereaux et pièces de première instance, débouté Mme [M] de sa demande de dommages et intérêts, condamné la société aux dépens ainsi qu'à payer à Mme [M] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par la voie électronique le 8 mars 2018, Mme [M] demande à la cour de réformer le jugement rendu le 17 novembre 2017 par le conseil de prud'hommes de Libourne en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et condamnée aux dépens et de :

- condamner la SARL Saint Emilion Immobilier à lui verser les sommes suivantes :

* 32.299,06 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la période du 21 novembre 2013 au 21 mai 2015 outre 3.229,90 euros bruts à titre de congés payés afférents,

* 295,89 euros bruts à titre de prime de 13ème mois 2013,

* 1.791,83 euros à titre de prime de 13ème mois 2014,

* 208,77 euros au titre des congés payés afférents aux primes,

* 11.433,48 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

* 7.622,32 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 541,85 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 1.806,17 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 181,62 euros bruts à titre de congés payés afférents,

- ordonner à la SARL Saint Emilion Immobilier la remise des bulletins de salaire afférents et des documents de fin de contrat, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision du conseil de prud'hommes (sic),

- condamner la SARL Saint Emilion Immobilier à lui verser la somme de 4.000 euros sur Ie fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens, la cour se réfère à aux conclusions écrites de l'appelante ainsi qu'au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour voir infirmer le jugement déféré, Mme [M] soutient avoir réalisé, de novembre 2013 à mai 2015, pour le compte de la société intimée, un travail salarié en qualité de négociatrice ainsi que des tâches de secrétariat, selon des conditions de travail définies par le gérant de la société, M. [D], qui lui avait fait créer une adresse de messagerie professionnelle au nom de l'agence, dans laquelle elle disposait d'un bureau attitré équipé d'un ordinateur, et qu'elle était soumise à des horaires dépendant de ceux d'ouverture de l'agence, ayant ainsi travaillé du lundi au vendredi de 10 heures à 18 heures avec une pause méridienne d'une heure.

Elle prétend avoir accompli, pour le compte de la société et de son gérant, de nombreuses tâches telles que :

- des travaux de secrétariat,

- des estimations, mandats de vente, publicités, visites de biens, négociations, relations avec les services d'urbanisme, les Bâtiments de France, les architectes, les experts immobiliers, les notaires ...,

- la permanence téléphonique et l'accueil des clients,

- la gestion des publicités,

- la rentrée de mandats,

- la prospection.

***

Aux termes des dispositions des articles 472 et 954 du code de procédure civile, lorsque l'intimé ne comparaît pas ou que ses conclusions ont été déclarées irrecevables, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés et doit examiner, au vu des moyens d'appel, la pertinence des motifs par lesquels les premiers juges se sont déterminés, motifs que la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier.

Le jugement déféré a débouté Mme [M] de ses prétentions aux motifs suivants :

« Attendu qu'il apparaît de manière incontestable que Madame [M] [L] a travaillé en collaboration avec l'agence SAINT EMILION IMMOBILIER entre novembre 2013 et mai 2015.

Le Conseil en verra pour preuve quelques éléments déterminants, comme des échanges de mails et une adresse mail qui, bien que propre à Madame [M] [L], laisse imaginer une certaine proximité de fait avec l'agence. Il en est de même avec l'incontestable mise à disposition (non exclusive) d'un bureau.

Attendu toutefois que les caractéristiques fondamentales d'un contrat de travail sont le lien de subordination et la soumission à des directives venant d'une autorité représentée par l'employeur.

Que force est de constater que, en l'espèce, Madame [M] [L] démontre tout au plus une collaboration avec l'agence SAINT EMILION IMMOBILIER, sans qu'elle prouve la moindre existence d'un lien de subordination ou de quelconques contraintes inhérentes à un statut de salarié.

Qu'à défaut de preuve, le Conseil reste dans la totale incapacité d'apprécier la nature

des relations de travail sur la période et ne peut que s'appuyer sur les dispositions de l'article L.8221-6-1 du code du travail. (...) ».

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité de celui qui se prétend salarié.

En l'absence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui s'en prévaut de rapporter la preuve qu'il a fourni un travail moyennant rémunération et dans le cadre d'un lien de subordination avec celui qu'il désigne comme son employeur.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un

employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements à son subordonné.

Mme [M] a produit les pièces suivantes :

- un extrait du registre des appels clients,

- de très nombreux courriels adressés par elle ou reçus (non classés ni numérotés et, pour certains, produits en double voire en triple exemplaires dans le dossier remis à la cour) sur une adresse de messagerie au nom de la société, où elle évoque sa fonction de 'négociatrice au sein de l'agence' , où elle demande ou fournit des renseignements à des clients, des descriptifs de biens immobiliers, prend des rendez-vous, se réfère à 'son directeur' ;

- un extrait du registre des mandats dans lequel ont été surlignées certaines ventes ;

- de nombreuses photographies de propriétés ;

- un mail du 1er septembre 2014 adressé à un client où Mme [M] indique être là tous les jours ;

- des échanges de courriels avec l'office de tourisme, les services du cadastre, un cabinet d'avocat, un notaire, des organismes de diagnostics immobiliers, une agence publicitaire et journaux pour la parution d'une annonce ;

- des mandats de vente signés par M. [D] ;

- des témoignages faisant état de sa présence régulière dans l'agence où elle disposait d'un bureau et d'un équipement informatique :

* M. [V] et Mme [P], commerçants exerçant à proximité de l'agence, qui attestent avoir vu Mme [M] à son bureau dans l'agence ;

* Mme [I], qui avait effectué un stage dans l'agence du 25 novembre au 20 décembre 2013 ;

* Mme [W] qui déclare avoir vendu un bien par l'intermédiaire de Mme [M] à une date non précisée ;

* M. [E] qui atteste que M. [D] lui avait fait part qu'il voulait recruter une personne pour développer les ventes, qui déclare que celui-ci n'a jamais établi de contrat de travail et a finalement proposé à Mme [M] un contrat d'agent commercial ; à la suite de son attestation, sont produits des mails témoignant de ce que le témoin et M. [E] avaient des projets de partenariat ;

- des photographies de l'agence et du bureau que Mme [M] occupait ;

- un courrier signé de M. [D] adressé le 2 juillet 2014 à un client pour l'estimation d'un bien ;

- des mails relatifs à la parution de maquettes dans un magazine spécialisé :

- des post-it et trois papiers attribués à M. [D] où sont mentionnés des noms, adresses de clients ;

- une attestation Pôle Emploi qui démontre que Mme [M] n'a cessé d'être inscrite comme demandeur d'emploi que le 31 mai 2015.

La lecture de l'ensemble de ces pièces ne fait ressortir à aucun moment que des instructions ont été données à Mme [M] par la société.

Le gérant lui transfère de manière très occasionnelle des fichiers ou des demandes de renseignements dans des messages 'vides' de tout texte.

Mme [N], agent commercial de l'agence, la remercie de ses tâches ou lui demande d'envoyer des documents ou des vues de propriété ou de lui adresser des renseignements.

Aucune des pièces produites ne démontre l'exercice d'un contrôle exercé par la société sur les activités menées par Mme [M] : les mails qu'elle échange notamment avec des clients ne sont pas adressés en copie au gérant de la société ; aucune pièce n'établit d'ailleurs qu'elle réfère à celui-ci pour l'une quelconque de ses activités ; aucun échange écrit entre Mme [M] et le gérant de la société n'est versé aux débats, certains des mails produits témoignant plutôt qu'elle dispose d'une très large liberté dans les négociations.

Il n'est pas plus justifié d'un contrôle sur les jours et horaires de travail ni sur ses congés, le seul fait que Mme [M] ait pu utiliser les locaux, dont elle disposait des clés, et divers outils de travail n'étant pas la démonstration qu'elle était soumise à un quelconque lien hiérarchique.

Ainsi, comme l'a retenu à juste titre le conseil de prud'hommes, s'il est établi que Mme [M] a développé au sein de la société une activité de négociatrice immobilière qui peut relever d'un statut de salarié mais aussi de celui de travailleur indépendant, rien ne permet de retenir que cette activité a été accomplie dans le cadre d'un lien de subordination.

La décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté Mme [M] de l'ensemble de ses prétentions.

Mme [M], partie perdante à l'instance et en son recours, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

Condamne Mme [M] aux dépens exposés en cause d'appel.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 17/06954
Date de la décision : 09/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-09;17.06954 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award