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03/11/2022 | FRANCE | N°22/01774

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 03 novembre 2022, 22/01774


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 03 NOVEMBRE 2022







F N° RG 22/01774 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MUVW









S.A.R.L. BOMAS CONSTRUCTION





c/



S.C. LES JARDINS D'AURORE



























Nature de la décision : AU FOND



















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Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 08 mars 2022 (R.G. 20/04252) par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 08 avril 2022





APPELANTE :



S.A.R.L. BOMAS CONSTRUCTION

[Adresse 4] - [Localité 3]



Représentée par Me Jérôme DI...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 03 NOVEMBRE 2022

F N° RG 22/01774 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MUVW

S.A.R.L. BOMAS CONSTRUCTION

c/

S.C. LES JARDINS D'AURORE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 08 mars 2022 (R.G. 20/04252) par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 08 avril 2022

APPELANTE :

S.A.R.L. BOMAS CONSTRUCTION

[Adresse 4] - [Localité 3]

Représentée par Me Jérôme DIROU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.C. LES JARDINS D'AURORE

Constructeur, demeurant [Adresse 1] - [Localité 2]

Représentée par Me Sophie RONGIER, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 septembre 2022 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,

Madame Christine DEFOY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Annie BLAZEVIC

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

En 2013, la société civile de construction vente Les Jardins d'Aurore a entrepris la construction d'un ensemble immobilier situé sur un terrain se trouvant sur la commune de [Localité 5], (33), composé de quatre logements et onze villas destinés à la vente en état futur d'achèvement et à être placés sous le régime de la copropriété.

Différentes personnes sont intervenues à l'acte de construire dont la SARL Bomas construction qui a été retenue au titre des lots: maçonnerie gros-'uvre, étanchéité, plomberie, menuiseries extérieures, portes de distribution, plâtrerie, isolation, sanitaires, chauffage et carrelage. La société Bomas a partiellement sous-traité ces travaux.

La reception des travaux est intervenue, avec réserves, les 24 juin 2013 et 11 octobre 2013.

La société Les jardins d'Aurore a assigné devant le tribunal judiciaire de Bordeaux quatre copropriétaires qui n'avaient pas réglé le solde de ses factures. Ceux-ci ont prétendu qu'il existait des désordres sur les parties privatives de leurs immeubles.

Parallèlement le syndicat des copropriétaires qui refusait de lever les réserves pour les parties communes a sollicité en référé une expertise judiciaire.

Par ordonnance du 2 mai 2016, il a été fait droit à sa demande, et M. [R], a été désigné à cette fin. L'expert judiciaire a déposé son rapport le 12 décembre 2018.

Par acte du 2 juin 2020, le syndicat des copropriétaires a assigné la SCCV Les jardins d'Aurore, mais également l'architecte, et la société Bomas construction pour les voir condamner à lui payer le coût des travaux de reprises des désordres

.

Le 20 octobre 2020, la société Bomas construction a assigné son assureur : la SMABTP pour obtenir sa garantie dans l'hypothèse où sa responsabilité serait retenue, outre en garantie ses sous-traitants, et leurs assureurs.

Le 11 décembre 2020, l'architecte a appelé en garantie différents autres intervenants à l'acte de construire, outre leurs assureurs.

Par conclusions du 30 septembre 2020, la société Bomas construction a demandé la condamnation de la SCCV Les jardins d'aurore à lui payer le solde de son marché soit la somme de 46 755,55 euros.

La société les jardins d'aurore a répondu que l'action en paiement de la société Bomas construction était prescrite.

Par jugement du 8 mars 2022 le tribunal judiciaire de Bordeaux a notamment jugé que l'action en paiement de la société Bomas construction était precrite, faute par elle d'avoir sollicité un tel paiement dans le délai quinquennal, soit avant le 25 juin 2019, après avoir relevé qu'aucun acte interruptif de la prescription n'était venu interrompre le délai de la forclusion.

Par déclaration du 8 avril 2022, la société Bomas construction a relevé appel du jugement , appel limité aux dispositions ayant fait droit à la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en paiement du solde de son marché.

La société Bomas Construction, dans ses dernières conclusions demande à la cour d':

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a fait droit à la fin de non-recevoir tirée de la prescription de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 46 755,52 euros dirigée contre la SCCV Les Jardins de l'Aurore.

- juger de la recevabilité de sa demande en paiement contre la SCCV Les Jardins de l'Aurore.

- condamner la SCCV Les Jardins de l'Aurore à lui payer en cause d'appel la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La SCCV Les Jardins de l'Aurore, dans ses dernières conclusions demande à la cour, de confirmer le jugement, et de condamner la société Bomas construction à lui payer en cause d'appel une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

MOTIFS DE LA DECISION

Le tribunal a jugé au visa de l'article 2224 du code civil que le point de départ de la prescription de l'action en paiement de la société Bomas construction était, du fait de

la réception avec réserves des travaux réalisés par la créancière, au plus tard l'expiration du délai annal de parfait achèvement, soit en l'espèce le 25 juin 2014. En conséquence, le délai de prescription est venu à expiration le 25 juin 2019 à minuit, et qu'en l'absence d'actes interruptifs d'une telle prescription, la demande en paiement entreprise par la société Bomas, construction par ses écritures du 30 septembre 2020 était tardive.

La SARL Bomas construction ne critique pas le jugement en ce qu'il a retenu que le point de départ du délai de prescription était le 25 juin 2014. Elle le conteste en revanche en ce qu'il a exclu l'existence d'actes interruptifs de prescription à son égard. Ainsi, elle expose d'une part qu'elle a été assignée au fond le 17 août 2018 par la SCCV Les Jardins d'Aurore devant la 5ème chambre du tribunal judiciaire aux fins d'obtenir sa garantie sur les actions engagées par les copropriétaires, actions engagées par actes du 28 juillet 2015, que par quatre ordonnances du juge de la mise en état du 13 décembre 2016, M. [R] a été désigné en qualité d'expert judiciaire avec pour mission l'apurement des comptes relatifs aux parties privatives et qu'elle s'est constituée le 7 septembre 2019. Elle en déduit que sa constitution dans le cadre de cette première procédure vaut acte interruptif de prescription. Elle précise que l'action menée par les copropriétaires, puis par la SCCV Les Jardins d'Aurore, est une action relative au contrat de construction conclu avec elle, dont elle oppose en défense la compensation de sa créance. D'autre part, sur le fondement de l'article 2239 du code civil, elle se prévaut de l'ordonnance de référé du 2 mai 2016, rendue par la 7ème chambre civile du tribunal judiciaire de Bordeaux, missionnant notamment l'expert d'un apurement des comptes entre les parties. Cette ordonnance aurait ainsi un effet interruptif à l'égard de toutes les parties, dont elle-même.

La SCCV Les Jardins d'Aurore soutient au contraire que la première demande en paiement de la société Bomas construction, conforme à l'article 2241 du code civil, est constituée par ses conclusions de fond du 30 septembre 2020, donc postérieures au délai de prescription de son action. En effet, reprenant les motifs du jugement, elle fait valoir que les assignations aux fins d'intervention forcée et de garantie qui lui ont été délivrées le 17 août 2018 n'ont pas d'effet interruptif de prescription dans la mesure où la société Bomas construction n'en était pas l'auteur et donc qu'elle n'avait donc formé aucune demande et que l'ordonnance du 13 mars 2017 n'a pas eu d'effet suspensif dès lors que la société Bomas construction, non comparante, n'a ni soutenu une demande en paiement ni ne s'est associée à la demande d'expertise, peu important que la mission de l'expert ait comporté un volet relatif à une proposition d'apurement des comptes.

***

Les parties ne contestent pas l'application au présent litige de la prescription quinquennale courant à compter de l'achévement du délai annal de parfait achévement, soit au 25 juin 2014 expirant le 25 juin 2019, tel que retenue par le premier juge, n'étant en désaccord que sur les causes interruptives de prescription.

Par application de l'article 2241 dudit code, 'La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure'.

Par ailleurs, l'article 2239 du même code dispose « La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès. »

L'appelante croit pouvoir se prévaloir d'une ordonnance du juge de la mise en état du 13 décembre 2016, décision à l'occasion de laquelle elle n'était pas partie, mais qui a ordonné une expertise avec mission pour l'expert d'apurer les comptes entre les parties, de l'ordonnance de référé postérieure du 2 mai 2019 lui ayant déclaré communes les opérations d'expertise, de l'assignation en paiement délivrée par la SCCV Les jardins d'aurore à quatre propriétaires pour obtenir paiement du solde de ses factures, et de sa constitution au fond, pour conclure que ces ordonnances, cette assignation délivrée par l'intimée, ou encore sa constitution auraient interrompu la prescription.

Cependant, la Cour de cassation a jugé de manière constante que seule une initiative du créancier de l'obligation peut interrompre la prescription et que lui seul peut revendiquer l'effet interruptif de son action et en tirer profit (Com., 9 janvier 1990, pourvoi n 88-15.354 Bull 1990 IV n 11 ; 3 Civ., 14 février 1996, pourvoi n 94-13.445 ; 2 Civ., 23 novembre 2017, pourvoi n 16-13.239).

Ainsi, lorsque le juge accueille une demande de mesure d'instruction avant tout procès, la suspension de la prescription, qui fait, le cas échéant, suite à l'interruption de celle-ci au profit de la seule partie ayant sollicité la mesure en référé, tend à préserver les droits de cette partie durant le délai d'exécution de la mesure, et ne joue qu'à son profit (2 Civ., 31 janvier 2019, pourvoi n 18-10.011).

Par ailleurs, aux termes de l'article 751 du code procédure civile, la constitution de l'avocat n'emporte qu'une élection de domicile de la partie défenderesse, et en toute hypothèse, en l'espèce, ne contient aucune demande de la part de la société Bomas construction. Or seule une demande en justice peut interrompre la prescription, en application de l'article 2241 du code civil.

De même le fait que l'expertise comporte une mission d'apurement des comptes n'équivaut pas à une assignation en justice ayant une valeur interruptive de prescription.

En conséquence, la demande en paiement de la société Bomas ne ressortant que de ses conclusions en date du 30 septembre 2020, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a fait droit à la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande reconventionnelle en paiement du solde du marché de la SARL Bomas construction.

Par ailleurs, il serait inéquitable que la SCCV Les jardins d'aurore supporte les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer pour faire valoir ses droits jusque devant la cour d'appel.

En conséquence, la SARL Bomas construction sera condamnée à lui verser la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris des chefs déférés.

CONDAMNE la SARL Bomas construction à payer à la SCCV Les jardins d'aurore la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE la SARL Bomas construction aux dépens.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Annie BLAZEVIC, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/01774
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;22.01774 ?
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