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03/11/2022 | FRANCE | N°18/02878

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 03 novembre 2022, 18/02878


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------







ARRÊT DU : 03 NOVEMBRE 2022







F N° RG 18/02878 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KN7E









Monsieur [W] [Y]

Madame [U] [O] épouse [Y] (DECEDEE LE 10.03.21)





c/



Monsieur [I] [Z]

Monsieur [G] [J]



























Nature de la décision : AU FOND




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Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 29 mars 2018 (R.G. 15/05422) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 16 mai 2018





APPELANTS :



[W] [Y]

né le 01 Décembre 1932 à [Localité 11]

de n...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 03 NOVEMBRE 2022

F N° RG 18/02878 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KN7E

Monsieur [W] [Y]

Madame [U] [O] épouse [Y] (DECEDEE LE 10.03.21)

c/

Monsieur [I] [Z]

Monsieur [G] [J]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 29 mars 2018 (R.G. 15/05422) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 16 mai 2018

APPELANTS :

[W] [Y]

né le 01 Décembre 1932 à [Localité 11]

de nationalité Française

Retraité(e), demeurant [Adresse 8]

[U] [O] épouse [Y]

décédée le 10.03.2021

née le 27 Novembre 1933 à [Localité 12] (33)

de nationalité Française

Retraitée, demeurant [Adresse 8]

Représentés par Me Lisiane FENIE-BARADAT, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée de Me Quentin DUPOUY avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

[I] [Z]

né le 03 Décembre 1950 à [Localité 11]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

[G] [J]

né le 14 Août 1956 à [Localité 13], demeurant [Adresse 1]

Représentés par Me Ingrid THOMAS de la SELARL MAITRE INGRID THOMAS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 septembre 2022 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Rémy FIGEROU, Conseiller

Madame Christine DEFOY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Annie BLAZEVIC

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique en date du 24 novembre 1998, M. [W] [Y] et Mme [U] [O], épouse [Y], ont acheté à M. et Mme [T] une maison d'habitation avec terrain autour et murette au sud-est, formant le lot n° 30 du lotissement [Adresse 15], située à [Adresse 10], et cadastrée AX n° [Cadastre 7] d'une contenance de 1105 m².

Par acte authentique en date du 25 avril 2013, M. [Z] et M. [J] ont acquis la propriété voisine aux consorts [K], soit un terrain à bâtir cadastré AX n° [Cadastre 6], d'une contenance de 807 m², situé [Adresse 2], formant le lot n°18 du lotissement [Adresse 14]. Il a été précisé à l'acte que le descriptif de ce terrain résultait d'un bornage effectué en 1982 par M. [E] [X], géomètre-expert, ce terrain ayant été acquis par M. et Mme [K] le 11 juin 1982.

Le 27 mars 2014, Mme [WF], géomètre-expert, mandatée par M. [Z] et M. [J], a établi contradictoirement avec les riverains, dont M. et Mme [Y], un plan de reconnaissance de limites de propriété, en s'appuyant sur le bornage de M. [X]. Selon elle, la clôture séparant les deux fonds se trouvait en réalité à un mètre en retrait sur le fond privatif de Messieurs [Z] et [J]. Il était également constaté à cette occasion que le compteur de gaz des époux [Y] se trouvait en réalité sur la parcelle de terrain litigieuse.

M. et Mme [Y] ont refusé de procéder au bornage, considérant être propriétaires de la bande de terrain en cause.

Par courrier du 25 juillet 2014 émanant de leur conseil, M. [Z] et M. [J] ont demandé à M. et Mme [Y] de faire démonter la clôture existante, de la faire reculer et d'obtenir le déplacement du compteur de gaz.

Par acte d'huissier en date du 4 novembre 2014, M. [Z] et M. [J] ont fait assigner M. et Mme [Y] en référé devant le président du tribunal de grande instance de Bordeaux pour l'audience du 1er décembre 2014 afin qu'il leur soit fait sommation:

- de démontrer et reculer la clôture existante en mitoyenneté sur leur fonds avec celui de Messieurs [J] et [Z], jusqu'à la limite séparative de propriété ;

- d'avoir à démonter et déplacer leur compteur de gaz, de telle sorte que celui-ci se situe exclusivement à l'intérieur de leur propriété et non pas sur celle de Messieurs [Z] et [J].

Par ordonnance du 29 juin 2015, le juge des référés a rejeté les demandes, pour défaut d'urgence, de trouble manifestement illicite ou de péril éminent, indiquant qu'en présence de contestations sérieuses, seul le juge du fond pouvait trancher un tel litige.

Dans l'intervalle, par acte du 3 juin 2015, M. [Z] et M. [J] ont assigné M. et Mme [Y] devant le tribunal de grande Instance de Bordeaux aux fins, notamment, de juger que la bande de terrain litigieuse, située au nord des points B et C du plan de reconnaissance des limites dressé par Mme [M] [WF] le 27 mars 2014, est leur propriété, condamner M. et Mme [Y] à démonter et reculer la clôture existante jusqu'à la réelle limite séparative de propriété, à déplacer le compteur de gaz, assortir cette condamnation d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, outre une condamnation pour résistance abusive, une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et une condamnation aux entiers dépens.

Par jugement du 29 mars 2018, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- dit que M. [Z] et M. [J] sont propriétaires de la bande de terrain, telle que matérialisée sur le plan de reconnaissance de limites dressé par Mme [WF] le 27 mars 2014, située à l'arrière de leur parcelle cadastrée AX n° [Cadastre 6], d'une contenance de 807m², [Adresse 2],

- condamné en conséquence M. et Mme [Y] à enlever la clôture existante et à l'installer en limite séparative de propriété, telle que définie par le bornage de M. [X] et le plan de reconnaissance de limites dressé par Mme [WF], ainsi qu'à déplacer leur compteur à gaz dans leur fonds, et ce, dans le délai de quatre mois à compter de la signification du présent jugement,

- passé ce délai, condamné M. et Mme [Y] à payer à M. [Z] et M. [J] une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, et ce, pendant un délai de trois mois,

- débouté M. [Z] et M. [J] de leur demande de dommages et intérêts,

- condamné M. et Mme [Y] à payer à M. [Z] et M. [J] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

- condamné M. et Mme [Y] aux dépens de l'instance,

- rejeté toutes autres demandes comme non fondées.

Par déclaration électronique en date du 16 mai 2018, M. et Mme [Y] ont relevé appel de l'ensemble du jugement, sauf en ce qu'il a débouté M. [Z] et M. [J] de leur demande de dommages et intérêts.

Par application de l'article 390 du code de procédure civile, la procédure a été interrompue du fait du décès de Mme [U] [O], épouse [Y], survenu le 10 mars 2021. Le couple ayant été soumis au régime de la communauté universelle, ainsi que le démontre l'acte de notoriété établi par Maître [A] le 27 août 2021, M. [Y] s'est trouvé habilité à poursuivre seul la procédure, laquelle a été régularisée à son encontre par les intimés par leurs conclusions du 18 novembre 2021.

M. [W] [Y], pris en son nom personnel et en qualité d'héritier de Mme [U] [O], épouse [Y], dans ses dernières conclusions d'appelants en date du 2 novembre 2021, demande à la cour, au visa des articles 712, 1382, 2261 et 2272 alinéas 2 code civil, de :

- accueillir les appelants en leurs moyens, fins et conclusions,

Y faisant droit,

- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 29 mars 2018 dans toutes ses dispositions,

- dire et juger qu'ils sont régulièrement propriétaires de la partie de terrain litigieuse, acquise par usucapion,

- rejeter l'intégralité des demandes de M. [Z] et M. [J] à leur encontre,

- condamner Messieurs [J] et [Z] in solidum à leur payer une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de leur préjudice moral,

- condamner Messieurs [J] et [Z] in solidum à leur payer une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétenions, M. [Y] fait valoir qu' il est devenu propriétaire de la partie de terrain litigieuse par usucapion.

Il soutient tout d'abord à titre principal que la prescription acquistive trentenaire est acquise, en application des articles 2272 alinéa 1 et 2265 du code civil. En effet, il soutient que la clôture et la haie séparative des fonds existaient bien avant le 3 juin 1985 ( assignation introduite le 3 juin 2015). Il estime qu'elles ont été construites dans les années soixantes par les consorts [C] [R], ainsi que la jardinière maçonnée dans laquelle la haie est plantée.

A titre subsidiaire, il se fonde sur la prescription decennale abrégée de l'article 2272 alinéa 2, dès lors que comme les époux [T], lui et son épouse ont acquis la parcelle et la bande de terrain litigieuse de bonne foi

M. [Z] et M. [J], dans leurs dernières conclusions d'intimés en date du 18 novembre 2021, demandent à la cour, de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- dit qu'ils sont propriétaires de la bande de terrain, telle que matérialisée sur le plan de reconnaissance de limites dressé par Mme [WF] le 27 mars 2014, situé à l'arrière de leur parcelle cadastrée AX n° [Cadastre 6], d'une contenance de 807 m2, située [Adresse 2].

- condamné en conséquence M. [W] [Y] et Mme [U] [O], épouse [Y], à enlever la clôture existante et à l'installer en limite séparative de propriété, telle que définie par le bornage de M. [X] et le plan de reconnaissance de limites dressé par Mme [WF], ainsi qu'à déplacer leur compteur à gaz dans leur fonds, et ce, dans le délai de quatre mois à compter de la signification de la décision à intervenir,

- passé ce délai, condamné M. [W] [Y] et Mme [U] [O], épouse [Y], à payer à M. [G] [J] et M. [I] [Z] une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, et ce pendant un délai de trois mois.

- condamné M. [W] [Y] et Mme [U] [O], épouse [Y], à payer à M. [G] [J] et à M. [I] [Z] une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens de première instance.

- rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [W] [Y] et Mme [U] [O], épouse [Y], comme non fondée.

A titre incident, le réformer en ce qu'il a :

- débouté M. [Z] et M. [J] de leur demande de dommages et intérêts.

En conséquence et statuant à nouveau,

- condamner M. [W] [Y], (Mme [U] [O] épouse [Y] étant décédée) à leur payer la somme de 5000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive.

En tout état de cause :

- condamner M. [W] [Y], (Mme [U] [O] épouse [Y] étant décédée) à leur payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 septembre 2022.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'application de la prescription acquisitive trentennaire

L'article 712 du code civil indique que la propriété s'acquière par accession, incorporation et par prescription.

L'article 2272 alinéa 1er du code civil dispose que 'le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans'.

De plus, aux termes de l'article 2261 du code civil, il est indiqué que "pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire'.

Enfin, l'article 2265 du même code dispose que 'pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu'on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux'.

En l'espèce, c'est en application des dispositions suvisées que M. [Y] demande la réformation du jugement entrepris, considérant que lui-même et son épouse ont acquis la parcelle de terrain litigieuse par usucapion. :

Pour voir faire application de la prescription acquisitive trentenaire de l'article 2272 alinéa 1 du code civil, l'appelant argue de ce que :

- lors de l'acquisition de leur bien immobilier le 24 novembre 1998, la clôture séparative des deux parcelles AX [Cadastre 7] et AX [Cadastre 6] était déjà présente à son endroit actuel.

- conformément au cahier des charges du lotissement, la clôture et la haie ont été construites et plantées dans l'année de l'acquisition de la parcelle, laquelle est intervenue le 30 juin 1961 au profit dede M. [C] [R].

- l'attestation du fils de M. [C] [R] confirme que la clôture et la haie situées au nord-est de la propriété sont toujours à l'endroit où il les avait connues quand il habitait avec ses parents,

- les consorts [T] attestent que la clôture existait lorsqu'ils ont acheté l'immeuble en 1992.

- les haies longeant la clôture séparative ont bien été plantées à l'origine dans les années 60, conformément à l'article 7 du cahier des charges. Si les troncs des lauriers semblent chétifs c'est qu'ils ont été replantés par M. [T] lors de l'acquisition de la propriété en 1992,

- Maître [L], huissier mandaté par les intimés, n'indique rien sur l'ancienneté de la jardinière maçonnée dans laquelle la haie est plantée, et pour cause puisqu'elle est très ancienne et a été construite lors de de la plantation de la haie séparative.

Il conteste enfin le fait que la clôture séparative des deux fonds ait été déplacée de la murette jusqu'au poteau d'angle actuel, car si el était le cas, le grillage se trouvant sur la partie litigieuse d'1 m11 serait le même que celui de la limite nord-est, ce qui n'est pas le cas. De plus, Mme [P] qui habite [Adresse 3], propriété voisine de la parcelle litigieuse, atteste que la haie a toujours été située au même endroit et qu'il n'a pas été fait de travaux sur la clôture depuis qu'elle est propriétaire en septembre 1993, étant précisé qu'au contraire de ce qu'a jugé le tribunal, elle possède une vue sur la clôture depuis son jardin.

Au vu de ce qui précède, M. [Y] persiste à donc soutenir qu'il peut se prévaloir de l'usucapion sur la bande de terrain litigieuse, dès lors que la clôture et la haie séparative existaient entre les deux fonds à leur endroit actuel depuis plus de trente ans.

Toutefois, force est de constater que les éléments de preuve produits par l'appelant s'avèrent en l'état insuffisants pour établir que la clôture et la haie actuelle se trouvent à leur emplacement actuel depuis plus de trante ans.

Tout d'abord, la simple déclaration de l'appelant consistant à dire que la clôture séparative des deux fonds, bordée d'une haie était déjà existante en 1998, lorsqu'il a acquis avec son épouse la propriété de la parcelle AX [Cadastre 7], est inopérante, dès lors qu'il s'est écoulé moins de trente ans, entre cette date d'acquisition et l'assignation du 3 juin 2015 emportant saisne du tribunal de grande instance de Bordeaux.

Pas davantage, il ne peut être déduit du cahier des charges du lotissement de [Adresse 15], applicable lors de l'acquisition de la parcelle par M. [C]-[R] le 30 juin 1961 que les limites de propriété, telles que définies aujourdhui, existaient depuis 1962. En effet, même si l'article 7 de ce cahier des charges indique que 'toute parcelle devra être clôturée dans un délai de six mois à dater de l'acquisition et qu'aucune clôture provisoire ne sera tolérée', il n'est nullement acquis que M. [C] [R] a respecté cette clause et qu'en tout de cause il a établi une clôture précisément au même endroit que la clôture actuelle.

L'attestation produite quant à elle par M. [S] [C]-[R], fils de M. [H] [C] [R], en date du 4 février 2015 et qui indique que 'la clôture avec la haie située au nord-est de la propriété située [Adresse 8] est toujours à l'endroit ou je l'ai connue quand mes parents et moi habitions la maison', est par trop imprécise pour établir la date de départ de la prescription et le lieu précis de situation de ladite haie.

Les époux [T], qui ont acquis la parcelle AX [Cadastre 7] en 1992, indiquent quant à eux par voie d'attestation que lorsqu'ils ont acquis la propriété en 1992, il existait une clôture au nord est de la villa, [Adresse 8]. La clôture était existante telle qu'elle est aujourd'hui, à savoir bornage, poteau, grillage identique et lauriers qui ont été replantés en 1992. Ce témoignage, s'il permet d'établir que la clôture actuelle était présente en 1992 ne permet pas, eu égard à son caractère trop imprécis, d'établir que ladite clôture existait au même emplacement depuis plus de trente ans.

L'attestation du maire d'[Localité 9], datée du 27 avril 2015 qui indique que 'M. [Y] n'est pas intervenu depuis qu'il est propriétaire de la parcelle AX n°[Cadastre 7] sur la clôture bordant la parcelle AX n°[Cadastre 5], cette clôture et les poteaux en délimitant l'extrémité ayant toujours été à sa connaissance au même emplacement' ne permet pas d'établir que cette clôture et cette haie existaient à l'emplacement actuel avant 1998, date d'acquisition de leur propriété par les époux [Y].

De même, l'attestation de Mme [N] [P] par trop imprécise quant aux dates ne permet pas de faire courir la prescription acquisitive à compter d'une date certaine.

En outre, l'ancienneté de la jardinière telle qu'évoquée par l'appelant, si elle est matériellement, établie ne permet nullement de faire courir la prescription acquisitive trentenaire.

Par ailleurs, il ressort des divers plans de situation des lieux que manifestement la clôture a été déplacée.

A ce titre, les premiers juges ont justement souligné qu'il ressortait du plan de bornage du lotissement dressé en 1982 par M. [X] et annexé aux actes de vente du 11 juin 1982 et du 25 avril 2013 qu'à cette date la murette qui longeait la propriété [C] au sud-est rejoignait la limite séparative de la propriété AX [Cadastre 6] des consorts [Z] [J]. De plus, les limites séparatives situées à l'arrière du lotissement [Adresse 14] et jouxtant l'arrière du lotissement [Adresse 15] étaient parfaitement alignés.

Or, il s'évince du plan de reconnaissance des sols dressé par Mme [WF] en 2014 que cet alignement n'existait plus et que la limite séparative entre les parcelles AX [Cadastre 4] et AX [Cadastre 6] avait été décalée par rapport aux autres limites séparatives.

Ce défaut d'alignement a également été mis en exergue par le constat d'huissier dressé par Maître [L] le 4 mars 2015 qui a indiqué que la murette ancienne qui longe la propriété des époux [Y] s'arrêtait net tandis que la clôture grillagée se prolongeait sur une distance d'environ 1, 11 mètres jusqu'à un poteau en ciment d'aspect récent presque neuf et qui constituait le poteau d'angle du grillage auquel est accroché le grillage de la clôture séparative avec le fonds des consorts [Z] [J] portant sur l'arrière de leur terrain.

L'huissier a souligné en outre qu'à la fin de la murette ancienne et du poteau d'angle récent se trouvait un coffret de compteur à gaz, ainsi qu'un autre poteau, qui semblait assez récent. Il notait également qu'à partir de ce poteau d'angle récent, la clôture séparative des deux fonds était composée d'un grillage présentant aussi un aspect récent, presque neuf. Il indiquait aussi que derrière cette clôture se trouvait une haie de lauriers dont les troncs avaeint un diamètre nettement inférieur à ceux plantés côté sud-est. Enfin, il a constaté qu'existait en retrait du dernier poteau ciment, derrière le grillage, un ancien poteau ciment auquel était accroché un vieux grillage métallique.

Il résulte donc de ce qui précède que la clôture séparant les propriétés litigieuses a nécessairement été déplacée, au vu des constatations discordantes effectuées en 1982 et 2014 entre ces deux dates, à une échéance qui reste toutefois indéterminée.

Dans ces conditions, M. [Y], qui ne peut justifier d'une possesion interrompue, paisible, publique, non équivoque de la bande de terrain litigieuse sur une période de trente ans, tant de sa part, que de celle de ses auteurs, sera débouté de ses prétentions au titre de la prescription trentenaire, de sorte que le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur l'application de la prescription acquisitive abrégée

L'article 2272 alinéa 2 du code civil dispose toutefois que celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans.

A titre subsidiaire, M. [Y] estime qu'il peut donc bénéficier de la prescription acquisitive décennale, dès lors qu'avec son épouse ils ont acquis de bonne foi la parcelle considérée en vertu d'un juste titre consistant en l'acte notarié du 24 novembre 1998.

Toutefois, les intimés leur opposent que cette disposition n'est pas applicable au cas d'espèce et que c'est l'ancien article 2265 du code civil qui a vocation à s'appliquer car antérieur à la loi de 2008 portant réforme des prescriptions.

Or, cet article 2265 du code civil dispose que celui qui acquiert de bonne foi et de juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans si le véritable propriétaire habite dans le ressort de la cour d'appel dans l'étendue de laquelle l'immeuble est situé et par vingt ans s'il est domicilié hors du ressort. Ils en déduisent que dès lors que M. [D] [K] résidait en Seine Saint-Denis et que Mme [B] [K] habitait en Seine et Marne, la prescription de 20 ans devait s'appliquer, laquelle n'est pas établie en l'espèce.

Néanmoins, l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 prévoit dans sa partie III que lorsque l'instance a été intoduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. A contrario, il convient de considérer que c'est bien l'article 2272 du code civil qui doit s'appliquer si l'action a été introduite après l'entrée en vigueur de la loi précitée, comme au cas d'espèce.

Le moyen des intimés tendant à voir appliquer la prescription de vingt ans sera donc écarté.

En l'espèce, il ressort de l'historique du dossier que les époux [Y] ont acquis leur bien des époux [T], qui eux-mêmes l'avaient acheté, suivant acte authentique reçu par Maître [V] [F], notaire à [Localité 11], le 5 novembre 1992.

Ils indiquent dans le cadre de leur attestation que la limite séparative des fonds était constituée de poteaux, grillage et de lauriers, constituant une haie laquelle a été replantée en 1992.

Or, il est acquis que l'établissement d'une clôture constitue bien un acte matériel d'occupation de nature à caractériser la possession et que jamais, depuis le 5 novembre 1992, l'existence de la clôture séparative entre les deux fonds à son endroit actuel n'a été contestée et que par conséquent la parcelle de terre litigieuse fait l'objet de la part de l'appelant d'une possession paisible, continue depuis plus de 10 ans.

Toutefois, les consorts [Z] [J] opposent à M. [Y] qu'il ne s'avère nullement de bonne foi. Pour ce faire, ils soutiennent qu'il ne pouvait ignorer, au vu des bornes physiques et visibles existantes depuis 1982, que la clôture et la haie se trouvaient sur leur propriété. Ils arguent du fait qu'en réalité, les époux [Y] ont ainsi décalé discrèrement la clôture et la haie afin de faire croire à une délimitation des terrains en leur faveur afin de pouvoir garer leurs deux véhicules.

Un tel argument ne pourra qu'être écarté par la cour, dès lors que la haie était existante à l'endroit actuel depuis 1992 et que ce sont les époux [T] qui ont procédé à sa plantation dans les conditions actuelles. L'idée selon laquelle les époux [Y] ont voulu déplacer la haie en leur faveur pour garer leur deux véhicules au lieu, d'un relève de la pure supputation.

Dans le même sens, le fait que le compteur de gaz ait été installé en 1998 par les époux [Y] sur la bande de terrain litigieuse est impropre à démontrer leur mauvaise foi, puisqu'il a été posé dans le prolongement de la haie déjà existante et sur une partie qu'ils pensaient être leur propriété.

Enfin, les intimés soutiennent que Monsieur [Y] ne dispose pas d'un juste titre, dès lors qu'il ne démontre pas que la bande de terrain litigieuse était incluse dans l'acte de vente du 24 novembre 1998.

A ce sujet, le juste titre est généralement défini, d'une part, comme un acte qui opère un effet translatif de propriété et, d'autre part, émane d'une personne autre que le véritable propriétaire. En l'espèce, le contrat de vente qui a été conclu le 24 novembre 1998 a bien opéré un effet translatif de propriété au profit des époux [Y] et il a bien émané de personnes qui en réalité n'étaient pas les véritables propriétaires de la bande de terrain en cause, en l'espèce les époux [T].

Il en résulte que c'est à bon droit que M. [Y] peut se préavaloir de la prescription acquisitive abregée concernant la parcelle de terre litigieuse laquelle est acquise depuis le 5 novembre 2002.

Il s'ensuit que le jugement déféré sera infirmé de ce chef,sauf en ce qu'il a écarté la prescription acquisitive trentenaire. La cour considérera donc que M. [Y], tant à titre personnel, qu'es qualités, est propiréitaire de la parcelle de terre litigieuse par usucapion.

Sur la demande de dommages et intérêts présentée par M. et Mme [Y]

M. [Y] soutient qu'étant âgé au moment des faits, respectivement de 83 et 82 ans avec son épouse, ils ont été très choqués par l'attitude agressive de leurs nouveaux voisins et ont très affectés par le présent litige et notamment l'argumentation de leurs adversaires visant à remettre en cause leur bonne foi.

Ils sollicitent leur condamnation à leur verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice moral.

Il est indéniable qu'eu égard à leur âge avancé, les époux [Y] ont subi un préjudice moral indéniable du fait de cette procédure particlièrement longue dont Mme [Y] d'ailleurs n'a pas vu l'issue.

Dans ces conditions, les consorts [Z] [J] seront condamnés à payer à M. [Y] la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts présentée par M. [Z] et M. [J]

Le tribunal a rejeté la demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive présentée par M. [Z] et M. [J], au motif que l'existence d'une action en justice ayant dégénéré en abus n'était pas démontrée et en précisant que 'l'appréciation inexacte que fait une partie de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute'.

M. [Z] et M. [J] ont interjeté appel incident de cette dispositon du jugement déféré, considérant avoir subi un préjudice indéniable du fait de l'intertie de leurs adversaires. Ils indiquent que, compte-tenu du litige existant, ils ont été tenus de construire un abris de piscine, en tenant compte des limites apparentes de propriété et non de sa contenance réelle. Ils ont en outre différé la construction d'un abri de jardin, ce qui les a contraints à stocker divers objets de manière inesthétique, sans qu'ls soient préservés des intempéries.

Toutefois, aucun abus de droit ne peut être imputé à M. [Y] dès lors que son action au titre de la prescription acquisitive abregée était parfaitement fondée. Il s'ensuit que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [Z] [J] de leur demande formée à ce titre.

Sur les autres demandes,

Il ne paraît pas inéquitable de condamner, M. [I] [Z] et M. [G] [J] à payer à M.[W] [Y] la somme de 1500 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Les intimés seront déboutés de leurs prétentions formées à ces titre.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, par décision mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a écarté l'application de la prescription acquisitive trentaire et en ce qu'il a débouté Monsieur [I] [Z] et M. [G] [J] de leur demande de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau,

Dit que M. [W] [Y] et son épouse de son vivant ont acquis la parcelle de terrain litigieuse par application de la prescrition acquisitive abrégée,

Condamne Monsieur [I] [Z] et M. [G] [J] à payer à M. [W] [Y] la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [I] [Z] et M. [G] [J] à payer à M. [W] [Y] la somme de 1500 euros, en application de l'aticle 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [I] [Z] et M. [G] [J] aux entiers dépens,

Déboute Monsieur [I] [Z] et M. [G] [J] de leurs demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Annie BLAZEVIC, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 18/02878
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;18.02878 ?
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