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25/10/2022 | FRANCE | N°19/06719

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 25 octobre 2022, 19/06719


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 25 OCTOBRE 2022



RP





N° RG 19/06719 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LL7V









SA SMA



c/



SA AIG EUROPE LIMITED

SAS CHAFFOTEAUX

SAS WHIRPOOL FRANCE

SELARL EKIP

























Nature de la décision : AU FOND









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Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 06 novembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 13/10575) suivant déclaration d'appel du 20 décembre 2019





APPELANTE :



SA SMA, recherchée en qualité d'assureur de l'EURL P...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 25 OCTOBRE 2022

RP

N° RG 19/06719 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LL7V

SA SMA

c/

SA AIG EUROPE LIMITED

SAS CHAFFOTEAUX

SAS WHIRPOOL FRANCE

SELARL EKIP

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 06 novembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 13/10575) suivant déclaration d'appel du 20 décembre 2019

APPELANTE :

SA SMA, recherchée en qualité d'assureur de l'EURL PRECHACQ SEBASTIEN, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 5]

représentée par Maître Claire PELTIER, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Delphine BARTHELEMY-MAXWELL, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

SA AIG EUROPE LIMITED, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège sis [Adresse 8]

SAS CHAFFOTEAUX, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège sis [Adresse 4]

SAS WHIRPOOL FRANCE, venant aux droits par fusion absorption de la SAS INDESIT COMPANY FRANCE, prise de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège sis [Adresse 1]

représentées par Maître DAGORNE substituant Maître Annie BERLAND de la SELARL RACINE BORDEAUX, avocats au barreau de BORDEAUX

SELARL EKIP, es qualité de mandataire liquidateur de l'EURL PRECHACQ SEBASTIEN, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

non représentée, assignée à personne morale

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 septembre 2022 en audience publique, devant la cour composée de :

Roland POTEE, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Par acte sous-seing privé du 13 février 2009, Mme [N] [T] a donné à bail à usage d'habitation à Mme [Z] [U] un appartement situé [Adresse 3], à compter du 13 février 2009 pour une période de 3 années, appartement comprenant une cuisine, une salle de bains WC et trois pièces et étant alimenté en eau chaude par un cumulus de marque Ariston 2000 W avec réservoir de 100 litres.

Le 4 septembre 2010, alors que son fils [V] [U] alors âgé de deux ans, jouait dans son bain, il a déplacé le mitigeur sur la position eau chaude. Lorsque Mme [U] s'en est rendue compte, il était déjà trop tard et son fils était grièvement brûlé par l'eau chaude sortant du robinet de la baignoire. Il a été hospitalisé au service des brûlés du CHU de [7] à [Localité 6] et présentait des brûlures couvrant 20 à 30 % de la surface de son corps, du troisième degré pour certaines d'entre elles, du second degré pour d'autres. L'enfant a dû subir l'amputation du pied droit et a d'ores et déjà subi de nombreuses greffes, étant précisé qu'il a été hospitalisé initialement pendant 60 jours et a subi une ITT de 90 jours.

Par ordonnnance de référé du 7 février 2011, M. [K] a été désigné en qualité d'expert judiciaire. Par ordonnance de référé du 15 juin 2011, les opérations d'expertise ont été étendues à la société Ariston et à la SELARL [J] [K], ès qualités de mandataire liquidateur de l'EURL Préchacq Sébastien, installateur du chauffe-eau litigieux.

M. [K] a déposé son rapport le 13 mai 2013.

Par actes des 17, 22, 23, 25 octobre et 5 novembre 2013, Mme [Z] [U], agissant en qualité de représentant légal de son fils [V] [U] et la société Filia-MAIF, ont fait assigner Mme [T], la SELARL [J] [K], ès qualités de mandataire liquidateur de l'EURL Préchacq Sébastien, la CPAM de la Gironde pour les voir déclarer responsables des préjudices subis par son fils et obtenir leur indemnisation.

Par conclusions du 17 mars 2014, la société Chaffoteaux est intervenue volontairement à l'instance et la société Indésit Company France a demandé sa mise hors de cause.

Par ordonnance du 17 mars 2014, le juge de la mise en état a donné acte à la société Chaffoteaux de son intervention volontaire et a ordonné une expertise médicale de [V] [U], qui a été confiée au docteur [C], lequel a déposé son rapport le 11 septembre 2014, concluant à l'absence de consolidation. Il a fixé le déficit fonctionnel temporaire DFT jusqu'au jour de l'expertise soit le 30 juin 2014, un déficit fonctionnel permanent plancher de 30%, des souffrances endurées plancher de 5/7, une aide tierce personne d'une heure par jour de retour à domicile pendant le séjour en rééducation puis d'une demi-heure par jour depuis le 8 juillet 2011, jusqu'au 30 juin 2014.

Par ordonnance du 5 mai 2015, le juge de la mise en état a débouté Mme [U] ès qualités, de sa demande de provision et a ordonné une expertise confiée au docteur [D] [S]. L'expert a été remplacé par le docteur [X], qui a déposé son rapport le 10 mai 2017.

Par jugement du 6 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- dit que Mme [N] [T] est responsable des préjudices subis par l'enfant [V] [U] à la suite de l'accident dont il a été victime le 4 septembre 2010,

- dit que l'EURL Préchacq Sébastien doit relever indemne Mme [N] [T] de l'ensemble des condamnations prononcées contre elle,

- dit que Mme [Z] [U] a commis une faute de surveillance qui limite le droit à réparation de [V] [U] à 70 % de son préjudice,

- dit que la SA SMA doit sa garantie à l'EURL Préchacq,

- donné acte à la SAS CHAFFOTEAUX de son intervention volontaire,

- mis hors de cause les sociétés INDESIT Company France, AIG, Chaffoteaux et AXA France IARD,

- condamné Mme [N] [T] à payer à Mme [Z] [U], es qualité de représentante légale de l'enfant [V] [U], une provision de 100.000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice,

- condamné Mme [N] [T] à payer à la CPAM de la Gironde une provision de 150.000 € à valoir sur le remboursement de ses débours définitifs,

- condamné Mme [N] [T] à payer à Mme [Z] [U], es qualité de représentante légale de son enfant [V] [U] et à la SA FILIA MAIF la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [N] [T] à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [N] [T] à payer à la SAS Indesit Company, la SA AIG et la SAS Chaffoteaux le somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné le SA SMA à payer à la SA AXA France IARD la somme de 1000 € au titre de l'article du code de procédure civile,

- condamné la SA SMA à relever indemne Mme [N] [T] de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre,

- condamné Mme [N] [T] aux dépens et dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La société SMA, assureur de l'EURL Préchacq Sébastien, a relevé appel de ce jugement par déclaration du 20 décembre 2019,uniquement à l'égard des sociétés Indesit Company France, AIG, Chaffoteaux et de la SELARL Ekip' ès qualités de liquidateur de l'EURL Préchacq Sébastien.

Par conclusions déposées le 18 septembre 2020, la société SMA demande à la cour de :

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a écarté toute responsabilité de la société INDESIT aux droits de laquelle vient la société WHIRPOOL France et de la société CHAFFOTEAUX dans la survenance de l'accident survenu à [V] [U] et débouté la SMA SA es qualité d'assureur de l'EURL PRECHACQ de sa demande tendant à être relevée indemne par ces dernières, in solidum avec leur assureur AIG EUROPE LIMITED, de toute condamnation prononcée à son encontre,

- condamner in solidum la société INDESIT aux droits de laquelle vient la société WHIRPOOL France et la société CHAFFOTEAUX avec leur assureur la société AIG EUROPE LIMITED à relever la SMA SA intégralement indemne des condamnations prononcées à son encontre au terme du jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux le 6 novembre 2019, en ce compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile

et des dépens et de toute condamnation à intervenir au profit de Madame [U] agissant tant en son nom propre, qu'es qualité de représentante légale de son fils [V], ou de ce dernier, ainsi qu'au profit de la MAIF,

- condamner in solidum la société INDESIT aux droits de laquelle vient la société WHIRPOOL France et la société CHAFFOTEAUX avec leur assureur la société AIG EUROPE LIMITED à payer à la SMA SA 4.000 € au visa de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire,

- rejeter toute demande dirigée contre la SMA SA.

Par conclusions déposées le 19 juin 2020, les sociétés Indesit Company France, AIG et Chaffoteaux demandent à la cour de :

- donner acte à la société CHAFFOTEAUX de son intervention volontaire à la procédure,

- prononcer la mise hors de cause de la société INDESIT COMPANY FRANCE,

- déclarer la compagnie SMA irrecevable à formuler un recours à l'encontre de la société INDESIT COMPANY FRANCE, de la société CHAFFOTEAUX et de la compagnie AIG sur le fondement du régime de la responsabilité des produits défectueux,

- juger que le chauffe-eau fourni par la société CHAFFOTEAUX n'est affecté d'aucun défaut,

- juger que les ociétés CHAFFOTEAUX et INDESIT ne sont pas débitrices d'une obligation d'information à l'égard de l'EURL PRECHACQ,

- juger que les sociétés CHAFFOTEAUX et INDESIT ne sont pas débitrices d'une obligation de sécurité de résultat à l'égard de l'EURL PRECHACQ,

- juger que les sociétés CHAFFOTEAUX et INDEIST n'ont commis aucune faute susceptible d'engager leurs responsabilités,

En conséquence,

- juger que la responsabilité des sociétés CHAFFOTEAUX et INDESIT n'est pas engagée,

- débouter la compagnie SMA de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société INDESIT COMPANY FRANCE, de la société CHAFFOTEAUX et de la compagnie AIG,

- confirmer en toutes ses dispositions, le jugement entrepris,

En tout état de cause,

- condamner la compagnie SMA à payer à la société INDESIT COMPANY FRANCE, à la société CHAFFOTEAUX et à la compagnie AIG la somme de 5.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et en tous les dépens.

La SELARL Ekip', qui n'a pas constitué avocat, a été régulièrement assignée.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 20 septembre 2022.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 6 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'appel ne portant que sur les chefs du jugement ayant rejeté la demande de la société SMA, assureur de l'EURL Préchacq, aux fins d'être relevée indemne par les sociétés Whirlpool France, Chaffoteaux et leur assureur AIG de toute condamnation mise à sa charge, seul ce point sera examiné par la cour.

Sur la responsabilité du fabricant et du fournisseur

Il sera précisé à titre liminaire qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la recevabilité du recours de la société SMA fondé sur le régime de responsabilité des produits défectueux dans la mesure où, dans le dernier état de ses écritures, la société SMA n'invoque plus ce régime, même si elle vise toujours au dispositif de ses conclusions l'article 1386-11 devenu 1245-10 du code civil.

La société SMA, appelante, fait valoir que les sociétés Whirlpool (venant aux droits de Indesit) en tant que fabricant, et Chaffoteaux en tant que fournisseur, ont manqué à leur obligation de sécurité et à leur obligation d'information et de conseil à l'égard de l'installateur, l'EURL Préchaq.

1. Sur le manquement à l'obligation de sécurité

La société SMA estime que la société Indesit a fabriqué et la société Chaffoteaux a revendu, un chauffe-eau présentant un risque pour la sécurité des personnes, que ce faisant, elles n'ont pas satisfait à leur obligation de sécurité de résultat et que cette faute est en lien direct et certain avec le dommage subi par [V] [U]. L'appelante estime ainsi que le fabricant et le fournisseur du chauffe-eau ont engagé leur responsabilité contractuelle envers l'EURL Préchacq sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil.

Il ressort du rapport d'expertise de M.[K], désigné par ordonnance du 7 février 2011 pour expertiser le chauffe-eau, que cet appareil de marque Ariston et de capacité 100 litres a été installé en position horizontale dans la salle de bains du logement appartenant à Mme [T] et donné à bail à Mme [U], par l'EURL Préchacq Sébastien le 10 juin 2005, pour un montant de 469,47 €. Le rapport d'expertise fait notamment ressortir les éléments suivants :

- le chauffe-eau a été installé à quelques centimètres du plafond.

- il est équipé d'un thermostat comportant une manette permettant de régler la température de l'eau, de la position ''' d'un côté à la position '+' de l'autre côté. Cette manette était réglée au maximum du '+' lors des opérations d'expertise.

- l'appareil a été placé très près du mur. Or, pour accéder au thermostat, il faut déposer un capot en plastique qui couvre et protège l'ensemble, ce capot étant à 16 cm environ du mur latéral, à tel point que l'accès au thermostat reste difficile d'autant plus que la canalisation d'eau froide qui alimente l'appareil décline une boucle gênante à l'ouverture du capot.

- l'espace entre le mur et le capot en plastique du chauffe-eau aurait dû être au minimum de 50 cm, ne serait-ce que pour remplacer le thermostat dont le tube plongeur est très long.

- rappelant que le chauffe-eau est très proche du plafond de la salle de bains qui est à 2,5m environ de hauteur par rapport au sol, l'expert indique que la lecture du plus ou moins chaud sur le thermostat était pratiquement impossible, sauf à prendre un miroir ou à être un professionnel.

- il considère pour autant, en page 72 de son rapport, que bien que difficile d'accès, le réglage de la température de l'eau du chauffe-eau pouvait être réalisé par n'importe quel locataire de l'appartement, voire même par le propriétaire ou l'installateur.

Par ailleurs, l'article 36 de l'arrêté du 21 juillet 1978 relatif aux installations fixes destinées au chauffage et à l'alimentation en eau chaude sanitaire des bâtiments d'habitation des locaux de travail ou des locaux recevant du public, dans sa version en vigueur lors de l'installation du chauffe-eau litigieux, disposait : 'la température de l'eau chaude sanitaire ne doit pas dépasser 60 degrés °C au point de puisage. Le cas échéant, à cet effet, un moyen de réglage doit être à la disposition de l'utilisateur.'

En l'espèce, si l'expert indique dans son rapport que les relevés de laboratoire démontrent que la température de l'eau au sortir du mitigeur de la baignoire s'élevait à 73,7 degrés, il estime cependant que le chauffe-eau en lui-même n'est pas affecté de désordres, considérant que c'est sa trop petite capacité (100 litres) qui a poussé soit l'entrepreneur, soit l'utilisateur, soit la propriétaire à régler le thermostat sur sa position maximale, la température trop élevée de l'eau chauffée restant la cause de l'accident.

Il résulte de ces éléments que le chauffe-eau ne présentait pas en lui-même de risque pour la sécurité des personnes, mais qu'eu égard à son emplacement trop près du mur, rendant selon l'expert le réglage du thermostat 'très difficile pour un néophyte', et à l'absence de robinet thermostatique sur la baignoire, il appartenait à l'installateur de procéder au réglage du thermostat afin d'obtenir une température de chauffe en conformité avec la réglementation applicable.

En conséquence, la responsabilité des sociétés Indesit Company France et Chaffoteaux, respectivement fabricant et revendeur du chauffe-eau litigieux, ne saurait être retenue pour manquement à leur obligation de sécurité.

2. Sur le manquement à l'obligation d'information et de conseil

La société SMA fait valoir que les sociétés Indesit et Chaffoteaux ne démontrent pas avoir informé l'EURL Préchacq de la nécessité d'installer un kit de sécurité ou tout autre dispositif de manière à limiter la température de l'eau, ce dont l'installateur ne pouvait se convaincre par lui-même, dès lors qu'en 2004, à la date d'installation du chauffe-eau litigieux, ces équipements ne nécessitaient pas l'installation d'un kit de sécurité, que la société Indesit ne démontre pas qu'elle en fabriquait à l'époque et que la réglementation n'en n'imposait pas.

Les sociétés intimées répliquent que le fabricant a été suffisamment prudent en matière de recommandations, qu'il incombe à l'installateur de respecter les normes en vigueur et que la sortie de l'eau à une température excessive au robinet résulte d'un mauvais réglage manuel du thermostat et de l'absence de dispositif de sécurité, dont la préconisation ou l'installation relevait exclusivement du propriétaire du logement ou de l'installateur et non du fabricant.

Il est constant que l'obligation d'information et de conseil du fabricant à l'égard de l'acheteur professionnel n'existe que dans la mesure où la compétence de cet acheteur ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques du dispositif en cause (Civ. 1ère, 3 juin 1998, n°96-16.439 ; Com., 4 juillet 2018, n°17-21.071).

En outre, pour l'exécution de ses obligations d'information et de conseil, accessoires de l'obligation de délivrance pesant sur lui, le vendeur professionnel ne peut invoquer, vis-à-vis de son acheteur profane, une information insuffisante du fabricant du bien incriminé (Civ. 1ère, 27 février 1985, n°84-10.022).

En l'espèce, il résulte de l'extrait Kbis produit en pièce n°3 par les sociétés intimées, que l'EURL Préchacq Sébastien était inscrit au RCS comme exerçant une activité de plomberie chauffage sanitaire couverture zinguerie et toutes opérations s'y rapportant.

L'installateur du chauffe-eau litigieux revêtait donc la qualité de professionnel au regard du dispositif en cause, ce dont il résulte que d'une part, le fabricant et le revendeur n'étaient pas tenus à son égard d'une quelconque obligation d'information et de conseil, mais que d'autre part, il était lui-même débiteur d'une telle obligation auprès de Mme [T].

Il ne pouvait cependant pas s'en exonérer au motif que le fabricant, ou le revendeur, ne lui avait pas communiqué d'information relative à la nécessité d'adjoindre un kit de sécurité au chauffe-eau à l'origine de l'accident, dès lors qu'en sa qualité de plombier chauffagiste professionnel, il était en mesure d'apprécier la portée des caractéristiques techniques du chauffe-eau installé et notamment sa trop faible capacité et le risque de brûlure résultant du réglage de la température de chauffe à son maximum.

Au surplus, s'il est exact qu'il existe un kit de sécurité pour chauffe-eau garantissant une température de sortie limitée à 50 degrés, sa commercialisation par le fabricant n'a été rendue obligatoire que par un arrêté du 30 novembre 2005 modifiant l'arrêté du 23 juin 1978 et entré en vigueur le 15 décembre 2006, soit un an et demi après l'installation par l'EURL Préchacq du chauffe-eau litigieux. Il ne peut donc, en tout état de cause, être reproché au fabricant de ne pas avoir proposé ce kit de sécurité à l'EURL Préchacq lors de l'achat de l'appareil en juin 2005.

Il en résulte que la responsabilité des sociétés Indesit et Chaffoteaux ne peut pas davantage être retenue sur le fondement d'un manquement à l'obligation d'information et de conseil.

Le jugement qui a rejeté la demande de la société SMA d'être relevée indemne par les sociétés Whirlpool France, Chaffoteaux et leur assureur AIG de toute condamnation mise à sa charge, sera en conséquence confirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il y a lieu de confirmer le jugement du 6 novembre 2019 en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Sur ce fondement, la société SMA supportera la charge des dépens.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

En l'espèce, la société SMA sera condamnée à verser aux sociétés Whirlpool France, Chaffoteaux et AIG Europe Limited ensemble la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Confirme le jugement du 6 novembre 2019 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

- Condamne la SA SMA à payer aux sociétés AIG Europe Limited, Chaffoteaux et Whirlpool France venant aux droits de Indesit Company France ensemble, la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la SA SMA aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/06719
Date de la décision : 25/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-25;19.06719 ?
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