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20/10/2022 | FRANCE | N°19/03183

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 20 octobre 2022, 19/03183


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 20 OCTOBRE 2022





F N° RG 19/03183 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LCC7







Monsieur [R] [E]

Madame [U] [H]





c/



Monsieur [B] [K]



























Nature de la décision : AU FOND





















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Grosse délivrée le :



aux avocats





Décision déférée à la cour : jugement rendu le 09 mai 2019 (R.G. 17/07781) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 06 juin 2019





APPELANTS :



[R] [E]

né le 31 Octobre 1962 à [Localité 7]

de nationalité Française

Commerçant, demeurant [Ad...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 20 OCTOBRE 2022

F N° RG 19/03183 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LCC7

Monsieur [R] [E]

Madame [U] [H]

c/

Monsieur [B] [K]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 09 mai 2019 (R.G. 17/07781) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 06 juin 2019

APPELANTS :

[R] [E]

né le 31 Octobre 1962 à [Localité 7]

de nationalité Française

Commerçant, demeurant [Adresse 4]

[U] [H]

née le 27 Mai 1967 à [Localité 5]

de nationalité Française

Commerçant, demeurant [Adresse 4]

Représentés par Me Ornella SUVIERI substituant Me Fabrice PASTOR-BRUNET de la SELARL PASTOR-BRUNET FABRICE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

[B] [K]

né le 10 Décembre 1969 à [Localité 3]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Florent VERDIER, avocat au barreau de BORDEAUX et assisté de Me Roméo LAPRESA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 septembre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Remi FIGEROU, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Remi FIGEROU, Conseiller,

Madame Christine DEFOY, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Annie BLAZEVIC

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [R] [E] et Mme [U] [H] ont acquis en juin 2013, un navire de plaisance dénommé 'Toi et Moi', immatriculé [Immatriculation 2], dans le cadre d'une location avec option d'achat sur une durée de 144 mois avec des mensualités d'un montant de 497,27 euros, financé par le biais d'un crédit auprès de CGI.

Le 29 avril 2015, bien que n'ayant pas levé l'option d'achat, et remboursé tous les loyers à la société CGL, M. [R] [E] et Mme [U] [H] ont vendu ce bateau à M. [B] [K] pour la somme de 37 500 euros.

Dans le cadre de plusieurs échanges, des 6 août 2015, et 14 août 2015, M. [K] a demandé à ses vendeurs de lui faire parvenir les matelas, les tauds, le carnet d'entretien, et les « papiers du bateau ».

Le 8 octobre 2015, M. [B] [K] a déposé plainte contre M. [E] et Mme [H] pour escroquerie.

Par ailleurs, par actes du 11 août 2017, M. [K] a assigné Mme [H] et M. [E] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de nullité de l'acte de cession du navire de plaisance.

En cours de procédure, M. [K] a indiqué qu'en définitive, les défendeurs avaient enfin soldé le crédit qu'il avait souscrit auprès de la société CGI Finance, laquelle avait donné son autorisation pour que le bateau lui soit vendu, si bien que la vente avait pu être régularisée le 5 février 2008. Aussi, il a renoncé à solliciter la nullité de l'acte de cession mais a sollicité la condamnation des consorts [E]-[H] à lui verser 30 000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis.

Par jugement du 9 mai 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- déclaré recevable la demande de M. [B] [K],

- condamné in solidum Mme [U] [H] et M. [R] [E] à payer à M. [B] [K] une somme de 10 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- débouté les parties du surplus de leurs chefs de demandes,

- condamné in solidum les consorts [H] et [E] à payer les dépens ainsi qu'à payer à M. [K] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu au prononcé l'exécution provisoire.

M. [E], Mme [H] ont relevé appel du jugement le 6 juin 2019 en ce qu'il :

- a déclaré recevable la demande de M. [K],

- les a condamnés in solidum à lui payer une somme de 10 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- a débouté les parties du surplus de leurs chefs de demandes,

- les a condamnés in solidum à payer les dépens ainsi qu'à payer à M. [K] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu au prononcé l'exécution provisoire.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 29 octobre 2019, M. [E] et Mme [H] demande à la cour, sur le fondement des anciens articles 1108, 1116 et 1134 du code civil, de :

- déclarer recevable et bien fondé leur appel interjeté,

- réformer la décision du 9 mai 2019 en l'ensemble de ses dispositions,

- débouté M. [K] de son appel incident,

A titre principal,

- constater qu'aucune man'uvre dolosive n'a été commise par les consorts [E]-[H],

- constater qu'aucun manquement au devoir de loyauté n'a été commis par les consorts [E]-[H] dans l'exécution de leurs obligations contractuelles,

- constater que M. [K] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice indemnisable, direct et certain,

- dire n'y avoir lieu à l'allocation de dommages et intérêts,

- débouter M. [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

- constater que M. [K] ne justifie ni d'un trouble de jouissance, ni d'un préjudice moral, ni d'un préjudice matériel,

- dire que seule la redevance 2016, pour un montant de 1 213,08 euros, est due,

- dire n'y avoir lieu à l'allocation de dommages et intérêts en sus,

- débouter M. [K] du surplus de ses demandes,

En toutes hypothèses,

- condamner M. [K] à verser à M. [E] et Mme [H] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Ils font notamment valoir que :

- Ils ont effectué l'ensemble des démarches pour permettre l'utilisation du navire par M. [K]. Ils ont ainsi réglé le crédit, assuré le bateau et obtenu les éléments d'équipement manquants ainsi que les documents nécessaires de la part de la CGL. Ils n'ont jamais eu d'attitude déloyale dans l'exécution du contrat.

- M. [K] ne rapporte pas la preuve de man'uvres dolosives qui auraient vicié son consentement. Il ne pouvait ignorer la présence d'un contrat de leasing auprès de la compagnie CGL puisque dans les pièces qu'il produit aux débats, est mentionné que la compagnie CGL est le propriétaire du bateau et qu'il reconnaît que M [E] et Mme [H] lui feront parvenir les documents ultérieurement et ont des difficultés financières.

- A titre subsidiaire, la juridiction de premier degré a octroyé à M. [K] des dommages-intérêts alors qu'il ne fournit aucun justificatif et ne précise par le mode de calcul pour arriver à cette somme. Ce montant apparaît excessif. M. [K] aurait tout à fait pu, même sans être propriétaire du navire, l'assurer. Le bateau lui a été livré dès la vente donc il pouvait l'utiliser. M. [E] et Mme [H] ont réalisé toutes les démarches nécessaires pour régulariser au plus vite la vente et les documents. Le devis de reprise ne rentre pas dans les dommages subis puisqu'il s'agit seulement des travaux d'entretien normal du navire.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 23 octobre 2019, M. [K] demande à la cour, sur le fondement des articles 1104, 1137, 1169, 1217, 1219 et 1231-2 du code civil, de:

- dire et juger recevables et bien fondées ses demandes,

- débouter Mme [H] et M. [E] de toutes leurs demandes, fins et conclusions comme étant irrecevables et infondées,

- confirmer le jugement rendu le 9 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Bordeaux en ce qu'il a :

- déclaré recevable sa demande,

- alloué des dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné les consorts [E] et [H] à payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile dans le cadre de la procédure en première instance,

- condamner les consorts [E] et [H] aux entiers dépens,

- réformer le jugement litigieux sur le quantum des dommages et intérêts alloués,

En conséquence, statuant à nouveau :

- condamner in solidum les consorts [E] et [H] à payer à M. [K] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis toutes causes de préjudice confondues avec intérêts au taux légal à compter du jugement en date du 9 mai 2019,

- condamner in solidum les consorts [E] et [H] à payer à M. [K] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Il fait notamment valoir que :

- Même si postérieurement, le 5 février 2018, la vente a pu être régularisée lorsqu'ils ont pu solder intégralement leur crédit, M. [E] et Mme [H] ont vendu à M. [K] un bien qui ne leur appartenait pas, sans avoir obtenu préalablement l'accord de la société de leasing. Ils ont donc volontairement trompé M. [K] lors de la vente en dissimulant cette information. M. [K] n'aurait jamais acquis ce bateau s'il avait su que les vendeurs n'en étaient pas propriétaires. Il a été victime de man'uvres dolosives. Il en résulte un préjudice matériel et moral certain subi par M. [K].

- Lors de la vente, M. [E] et Mme [H] s'étaient engagés à faire parvenir à l'acquéreur les autres documents résultant de la cession et notamment la carte de circulation. Ils ne peuvent donc toujours pas l'utiliser. Une immobilisation de plus de trois ans a été prononcée par les services de gendarmerie puisque M. [K] n'était pas en possession des documents originaux du bateau. Il ne pouvait pas non plus l'assurer.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 août 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le contrat passé entre les parties

Il est constant que Mme [H] et M. [E] ont vendu un navire à M. [K] dont ils n'étaient que locataires, puisque le bien restait la propriété de la société CGI finance, tant qu'ils n'avaient pas levé l'option d'achat.

Ils prétendent cependant avoir informé M. [K] de la situation, ce que celui-ci conteste.

Si la carte d'identification du navire précise que CGL était propriétaire du navire, une telle information a pu échapper à la vigilance de M. [K], dans la mesure où l'acte de vente du 29 avril 2015 présentait Mme [H] et M. [E] comme les « vendeurs » du bien. (cf : pièce n°8 des appelants)

Par ailleurs, lorsqu'ils ont été entendus par les services de la gendarmerie, alors que M. [K] venait de déposer plainte contre eux pour escroquerie, ni Mme [H], ni M. [E] n'ont prétendu qu'ils auraient informé l'intimé de la situation, à savoir qu'ils n'étaient pas les propriétaires du bien pourtant vendu par eux.

En toutes hypothèses, M. [K] ne recherche plus la nullité de l'acte de cession, mais la réparation du préjudice qu'il aurait subi pour exécution de mauvaise foi du contrat, et pour dol.

Les appelants prétendent au visa de leur pièce n° 3 qu'ils auraient informé la société CGL de la vente en amont de celle-ci.

Il résulte du courriel de Mme [H] du 24 avril 2015, que si celle-ci a bien écrit à la société CGL : « nous sommes en train de vente le bateau. Pouvez-vous me confirmer le montant qu'il nous reste à payer après cette échéance' » force est de constater qu'elle n'a pas attendu la réponse du propriétaire du bateau pour vendre celui-ci.

En toute hypothèse, une telle démarche est indifférente aux obligations des appelants vis-à-vis de M. [K].

Par ailleurs, la situation de M. [K] aurait pu s'arranger si les consorts [H]-[E] avait réglé leur dette vis-à-vis de la société CGL avec l'argent perçu de l'intimé.

Toutefois, Ils n'en ont rien fait puisqu'ils ont utilisé cet argent pour leurs dépenses quotidiennes (cf : auditions des appelants par les services de la gendarmerie le 20 octobre 2015, pièces n° 17 et 18 de l'intimé)

Dès lors après avoir vendu un bien dont ils n'étaient pas propriétaires, ils n'ont pas cherché à régulariser la situation au profit de M. [K], en remboursant leur créancier, pour permettre ainsi à l'intimé de devenir le légitime propriétaire du navire.

Ce n'est qu'à la fin de l'année 2017, qu'ils ont remboursé leur dette vis-à-vis de la société CGL finance et qu'ils ont pu permettre à M. [K] d'être reconnu comme le propriétaire véritable du bateau.

En conséquence, ainsi que le tribunal l'a jugé, en agissant de la sorte ils ont engagé leur responsabilité vis-à-vis de M. [K] par manque de loyauté, en n'exécutant pas leurs obligations de bonne foi en application de l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1104 dudit code lequel dispose : « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi .Cette disposition est d'ordre public ».

Ils doivent en conséquence répondre des préjudices subis par M. [K] du fait de leur faute.

Sur les demandes de M. [K]

M. [K] soutient qu'il n'a pu utiliser le navire avant le 5 février 2018, alors que notamment les services la gendarmerie ont fait procéder à l'immobilisation du bateau dès le mois de mai 2015. Toutefois, il n'en justifie pas, alors que les services des ports de [Localité 6] lui rappelait le 21 septembre 2015, soit à la fin de la première saison après son acquisition qu'ils attendaient toujours l'acte de circulation de son bateau, se trouvant au mouillage 266, et qu'à défaut de réponse immédiate, ils menaçaient de mettre le bateau en fourrière à ses frais, ce qui ne semble pas être intervenu.

En revanche, il est certain que l'intimé n'a pu procéder aux formalités d'immatriculation et d'assurance avant l'année 2018, puisque la société CGL est restée propriétaire du navire jusqu'au 5 février 2018.

Il prétend qu'il n'a pas utilisé le bateau jusque-là, se contentant de procéder aux frais d'entretien courant indispensables pour éviter l'absence d'utilisation.

Il est certain qu'en raison de l'impossibilité pour M. [K] d'assurer et d'immatriculer le navire, il ne pouvait l'utiliser.

Par ailleurs, M. [K] justifie avoir exposé des frais d'entretien courant de ce bateau, durant cette période, sans bénéficier de sa jouissance, et ce durant trois années.

L'intimé justifie encore avoir subi un préjudice moral. Il communique un certificat de son médecin qui atteste que les soucis avec son bateau l'ont perturbé psychologiquement. (cf : sa pièce n° 22)

En conséquence, la cour confirmera le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la légitime réparation de son préjudice à la somme de 10 000 euros, toutes causes de préjudices confondus, outre la somme complémentaire de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.

Par ailleurs, il serait inéquitable que M. [K] supporte les frais irrépétibles qu'il a dû engager pour faire valoir ses droits devant la cour d'appel. Aussi les appelants seront condamnés, in solidum, à lui verser la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

CONFIRME le jugement déféré,

Y ajoutant,

CONDAMNE in solidum Mme [U] [H] et Monsieur [R] [E] à payer à M. [B] [K] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE in solidum Mme [U] [H] et Monsieur [R] [E] aux dépens.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Annie BLAZEVIC, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/03183
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;19.03183 ?
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