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20/10/2022 | FRANCE | N°19/02082

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 20 octobre 2022, 19/02082


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 20 OCTOBRE 2022





F N° RG 19/02082 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K7BY







Monsieur [S] [P]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/003276 du 21/02/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)





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Madame [T] [I] épouse [N]























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Nature de la décision : AU FOND



























Grosse délivrée le :



aux avocats





Décision déférée à la cour : jugement rendu le 18 décembre 2018 (R.G. 14/00189) par le Tribunal de Grande Instance de PERIGUEUX suivant déclaration d'a...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 20 OCTOBRE 2022

F N° RG 19/02082 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K7BY

Monsieur [S] [P]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/003276 du 21/02/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

Madame [T] [I] épouse [N]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 18 décembre 2018 (R.G. 14/00189) par le Tribunal de Grande Instance de PERIGUEUX suivant déclaration d'appel du 12 avril 2019

APPELANT :

[S] [P]

né le 12 Mars 1943 à [Localité 9] (ITALIE)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 10]

Représenté par Me Stéphane CHAUVET substituant Me Marilou SEVAL, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

[T] [I] épouse [N]

née le 09 Avril 1944 à [Localité 11]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 8]

Représentée par Me Gérald GRAND, avocat au barreau de PERIGUEUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 septembre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Remi FIGEROU, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Remi FIGEROU, Conseiller,

Madame Christine DEFOY, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Annie BLAZEVIC

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [S] [P] est propriétaire d'une parcelle cadastrée section AC n° [Cadastre 4] (et AC n° [Cadastre 5]) située sur la commune de [Localité 7] qui est contigue aux parcelles cadastrées section AC n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2] appartenant à Mme [T] [N].

Par acte du 29 novembre 2001, M. [P] a assigné Mme [N] devant le tribunal d'instance de Périgueux aux fins de bornage, sollicitant à cette fin la désignation d'un expert judiciaire.

Par jugement avant dire droit du 12 avril 2003, le tribunal d'instance de Périgueux a désigné M. [L], géomètre, en qualité d'expert.

Par jugement définitif en date du 17 novembre 2003, le tribunal d'instance de Périgueux a ordonné le bornage des parcelles cadastrées section AC N°[Cadastre 4] et AC n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2] et dit que la ligne divisoire entre ces héritages doit être matérialisée par le muret de soutènement des terres et non par la limite proposée par l'expert.

Par jugement du 18 avril 2005, le tribunal d'instance de Périgueux a déclaré irrecevable la requête en interprétation de cette décision présentée par M. [P].

Dans le même temps, alléguant un empiétement sur son fonds, par acte du 1er juillet 2002, Mme [N] a assigné M. [P] devant le tribunal de grande instance de Périgueux, afin d'obtenir la restitution de la portion de la parcelle cadastrée section C n° [Cadastre 6].

Par jugement du 4 mars 2003, le tribunal de grande instance de Périgueux a débouté Mme [N] de sa demande en restitution et l'a condamnée à payer la somme de 500 euros à M. [P] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [N] a relevé appel de cette décision et suivant arrêt du 21 novembre 2005, la cour d'appel de Bordeaux a confirmé le jugement entrepris, ajoutant que la ligne divisoire des propriétés cadastrées n°[Cadastre 4] et [Cadastre 6] était matérialisée par le mur de soutènement et son prolongement, tels que fixés dans le croquis de détail établi par le Cabinet Vignol-Semont, géomètres-experts, le 13 juin 2003.

Par acte du 3 novembre 2005, M. [P] a assigné Mme [N] devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Périgueux aux fins de bornage de ces mêmes parcelles.

Par jugement du 6 avril 2006, le juge de l'exécution s'est déclaré incompétent au profit du tribunal d'instance de Périgueux. Cette décision a été confirmée par un arrêt rendu par la cour d'appel de Bordeaux le 23 avril 2007.

Par acte du 1er décembre 2005, M. [P] a assigné Mme [N] devant le tribunal de grande instance de Périgueux afin de voir dire qu'il était le propriétaire du mur de soutènement visant les parcelles situées sur la commune de Bourdeilles et cadastrées section AC n° [Cadastre 4] lui appartenant et section AC n° [Cadastre 1] appartenant à Mme [N].

Par jugement en date du 11 septembre 2007, le tribunal de grande instance de Périgueux a déclaré M. [P] propriétaire du mur de soutènement séparant les parcelles cadastrées section AC n° [Cadastre 4] pour celle lui appartenant et section AC n° [Cadastre 1] pour celle appartenant à Mme [N].

Par requête du 15 novembre 2008, M. [P] a sollicité la rectification de l'erreur matérielle tendant à dire qu'il est propriétaire du mur de soutènement séparant non seulement sa parcelle [Cadastre 4] avec celle n° [Cadastre 1] mais également la n° [Cadastre 2].

Par jugement du 8 janvier 2008, il a été débouté de cette requête. Le tribunal a observé que M. [P] n'avait pas demandé à ce qu'il soit statué sur sa qualité de propriétaire du mur de soutènement au niveau de la parcelle cadastrée section AC n°[Cadastre 2].

Par acte du 31 mai 2012, M. [P] a fait sommation interpellative à Mme [N] afin que soit exécuté le bornage par l'intermédiaire de Me [Y], géomètre expert à [Localité 12].

Suite au refus de cette dernière, le géomètre n'étant pas celui désigné par le tribunal, par acte du 16 janvier 2014, M. [P] a assigné Mme [N] devant le tribunal de grande instance de Périgueux afin de la voir condamnée à procéder à la démolition des constructions qui empiètent sur sa propriété et qui empiéteraient « entre C et B-D et en point E de 0, 30 m/0,50 m x pilier de 1,20 m » dans un délai de 30 jours assorti d'une astreinte par jour de retard jusqu'à la remise en état, outre 2 000 euros à titre de dommages et intérêts et 1 500 euros sur le fondement de l'article 100 du code de procédure civile.

Par jugement avant dire droit du 5 avril 2016, le tribunal a désigné Mme [D], géomètre, en qualité d'expert. Le rapport d'expertise a été remis le 18 juillet 2017.

Par jugement du 18 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Périgueux a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'exécution du bornage ordonné par le jugement du tribunal d'instance de Périgueux en date du 17 novembre 2003,

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription acquisitive,

- constaté que le mur en pierre de taille séparant la parcelle cadastrée Commune de [Localité 7], section C n°[Cadastre 2], de la parcelle C n°[Cadastre 3], se prolonge sur une longueur de 30 centimètres sur la parcelle cadastrée C n°[Cadastre 4] appartenant à Monsieur [P],

- condamné Madame [T] [I] épouse [N] à détruire à ses frais cette partie d'ouvrage figurant sur le plan dressé par Madame [D], géomètre-expert, aux points D à D1,

- dit que cette condamnation devra être exécutée dans un délai de 120 jours à compter de la signification du présent jugement, sous peine d'une astreinte de 40 euros par jour de retard qui courra à compter du 121 ème jour suivant ladite signification et ce, pendant 90 jours,

- dit que passé ce délai de 90 jours, il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir le juge de l'exécution,

- débouté Monsieur [S] [P] du surplus de ses demandes,

- débouté Madame [T] [I] épouse [N] de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991,

- condamné Monsieur [S] [P] aux dépens dans la proportion des 3/4,

- condamné Madame [T] [I] épouse [N] aux dépens dans la proportion de 1/4,

- dit que les dépens incluront les frais de l'expertise judiciaire confiée à Madame [X] [D] par le jugement avant dire droit en date du 5 avril 2016,

- dit que les dépens pourront être recouvrés conformément aux dispositions légales et réglementaires sur l'aide juridictionnelle, pour la part afférente à Monsieur [P], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle,

- ordonné l'exécution provisoire.

M. [P] a relevé appel du jugement le 12 avril 2019 en ce qu'il :

- l'a débouté du surplus de ses demandes

- l'a condamné aux dépens dans la proportion des 3/4.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 11 octobre 2021, M. [P] demande à la cour, sur le fondement des articles 545 et 555 du code civil et des articles 699 et 700 du code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'exécution du bornage,

- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'exécution du bornage ordonné par le jugement du tribunal d'instance de Périgueux en date du 17 novembre 2003,

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription acquisitive,

- constaté que le mur en pierre de taille séparant la parcelle cadastrée Commune de [Localité 7], section C n°[Cadastre 2], de la parcelle C n°[Cadastre 3], se prolonge sur une longueur de 30 centimètres sur la parcelle cadastrée C n°[Cadastre 4] appartenant à Monsieur [P],

- condamné Mme [N] à détruire à ses frais cette partie d'ouvrage figurant sur le plan dressé par Mme [D], géomètre-expert, aux points D à D1,

- dit que cette condamnation devra être exécutée dans un délai de 120 jours à compter de la signification du présent jugement, sous peine d'une astreinte de 40 euros par jour de retard qui courra à compter du 121 ème jour suivant la dite signification et ce, pendant 90 jours,

- dit que passé ce délai de 90 jours, il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir le juge de l'exécution,

- débouté Mme [N] de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts,

- l'infirmer en ce qu'il l'a débouté du surplus de ses demandes, et statuant à nouveau,

- le dire recevable et bien fondé en ses demandes,

- juger que la limite séparative entre les parcelle [Cadastre 4] de M. [P] et [Cadastre 1] et [Cadastre 2] de Mme [N] est caractérisée par le mur de soutènement allant du point D1 au point B1 tel que fixés sur le plan de Mme [D],

En conséquence,

- débouter Mme [N] de l'intégralité de ses demandes, en principal, intérêts, frais et accessoires,

- constater l'empiétement de la construction de Mme [N] datant de 1989 sur la parcelle n°[Cadastre 4] de M. [P] sur toute la longueur du mur de soutènement tel qu'édifié précédemment à la-dite construction,

- ordonner à Mme [N] la démolition de la construction objet de l'empiétement sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision,

- la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relatif à la substitution de l'indemnité obtenu au titre de l'aide juridictionnelle,

- la condamner aux entiers dépens comprenant les frais de l'expertise de Mme [D], dont distraction au profit de Me Seval avocate au Barreau de Bordeaux, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Il fait notamment valoir que :

- Les demandes de M. [P] ne sont pas nouvelles au sens de l'article 564 du code civil puisqu'elles tendent toujours à fixer la limite séparative, à constater l'empiétement sur son terrain et le cas échéant à détruire les constructions. Elles sont simplement affinées suite au rapport d'expertise. Elles sont donc recevables.

- Il ressort du rapport d'expertise uniquement la mise en évidence par les sondages d'un mur de soutènement marquant la délimitation des deux fonds par les sondages entre les points C1 et D1. Pourtant, l'expert préconise que la délimitation entre les deux propriétés soit matérialisée par une ligne 'brisée'. Concernant la potentielle construction de Mme [N] sur la limite séparative du terrain, l'expert ne procède que par supposition. De plus, sa mission consistait à déterminer l'emplacement du mur de soutènement et non l'emplacement de la limite séparative des deux fonds.

- Le mur de soutènement ne peut être réalisé en ligne brisée puisqu'il perdrait en intérêt fragilisant davantage que renforçant la limite entre les deux fonds d'hauteur différente. En suivant les plans réalisés par l'expert, le mur de soutènement semble se prolonger sous la construction de Mme [N], ce qui correspondrait aux plans cadastraux produits aux débats.

Dès lors, conformément aux articles 555 et 545 du code civil, il convient de mettre fin à cet empiétement en prononçant la démolition de l'ouvrage réalisé par Mme [N] sur le fonds de M. [P], et ce, sans considération de l'importance de l'empiétement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 3 août 2022, Mme [N] demande à la cour, sur le fondement des articles 545, 555 et 564 du code civil, de :

- constater que les demandes formulées par M. [P] devant la cour sont des demandes nouvelles pour n'avoir jamais été formulées devant le premier juge,

- déclarer en conséquence irrecevable l'ensemble de ses demandes nouvelles

- débouter en conséquence M. [P] de son appel,

- confirmer le jugement rendu le 18 décembre 2018 par le tribunal de grande instance de Périgueux et condamner M. [P] à lui régler la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Subsidiairement, par impossible la cour estimait devoir déclarer recevable tout ou partie des demandes formulées par M. [P] devant la cour,

- le débouter de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer le jugement rendu le 18 décembre 2018 par le tribunal de grande instance de Périgueux,

Sur le rapport d'expertise judiciaire déposé par Mme [D],

- homologuer ledit rapport,

- constater que la limite des parcelles est fixée selon le plan figurant en annexe un dudit rapport,

- constater qu'aucune construction n'empiète sur le fonds de M. [P] à l'exception de la pierre installée en extrémité du mur de clôture au point D,

- donner acte à Mme [N] de ce qu'elle s'engage à retirer ladite pierre sur invitation de la juridiction,

- débouter en conséquence M. [P] de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions pour les causes sus énoncées,

- le condamner au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle fait notamment valoir que :

- Les demandes de M. [P] tendant à juger que la limite séparative entre les parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 1] est caractérisée par le mur de soutènement, à constater l'empiétement de la construction de Mme [N] sur toute la longueur du mur de soutènement et à ordonner la démolition de la construction, objet de l'empiétement, constituent des demandes nouvelles en cause d'appel au sens de l'article 564 du code de procédure civile en ce qu'elles n'ont pas été formulées devant le tribunal de première instance et ne tendent pas aux mêmes fins que celles présentées devant le premier juge. Elles sont donc irrecevables.

- Subsidiairement, le jugement de première instance ne mentionne pas dans son dispositif que M. [P] est propriétaire du mur de soutènement séparant les parcelles section AC n° [Cadastre 4] et n°[Cadastre 1]. C'est d'ailleurs ce qui a motivé le refus de la juridiction de rectifier la prétendue erreur à la demande de M. [P]. M. [P] a élaboré lui-même les plans des fonds. Il a entretenu une confusion concernant les murs de soutènement entre les parcelles qui ne figurent pas sur les plans. Les photographies réalisées par M. [P], sans constat d'huissier, sont contestables et ne peuvent constituer un élément de preuve suffisant. Il n'en résulte qu'aucun empiétement n'est réellement avéré.

- le rapport d'expertise judiciaire devra être homologué. Ce rapport conforte le jugement de première instance en ce qu'il définit la limite séparative des fonds par le parement extérieur du mur de soutènement en pierres qui soutient la propriété de M. [P]. L'autre extrémité du parement a été retrouvée enfouie dans le fonds de M. [P].

- la demande de démolition du bâtiment de Mme [N] entre B1 et C1 apparaît manifestement abusive puisqu'il ressort du rapport d'expertise qu'elle n'empiète pas sur le fonds de M. [P]. Concernant celle du bâtiment D1, seule une pierre de 30 cm semble être constitutive d'un empiétement et peut être enlevée sans difficulté si la cour le décide. Pour ce qui est du bâtiment A1 en C1, ce dernier n'existe plus de sorte que la demande est dépourvue d'objet.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 août 2022.

Par lettre du 22 août 2022, le conseil de M. [P] a sollicité le report de la clôture en raison des dernières conclusions prises par Mme [N] et de la possible nécessité pour lui d'y répliquer, après avoir fait le point avec son client.

Lors de l'audience, il a toutefois indiqué qu'il n'était pas en définitive nécessaire d'y répliquer, si bien qu'il a renoncé à sa demande de report de la clôture.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité des prétentions de l'appelant

Mme [N] soutient que les demandes de M. [P] seraient irrecevables comme étant nouvelles alors qu'il aurait demandé devant le tribunal sa condamnation à détruire la partie du bâtiment conçu entre 1989 entre les points B1 et C1, outre la partie du mur figurant sur le plan de l'expert en D et D1, outre enfin la désolidarisation du petit bâtiment y compris la voute de passage d'entrée sis sur la passerelle [Cadastre 6], et qu'il demande désormais devant la cour d'appel qu'il soit jugé que la limite séparative entre les parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 1] serait caractérisée par le mur de soutènement allant du point D1 au point B1, qu'il soit constaté l'empiètement de la construction de Mme [N] sur la parcelle [Cadastre 4] sur toute la longueur du mur de soutènement, et que soit ordonné à Mme [N] la démolition de la construction objet de l'empiétement sous astreinte. Elle fait en outre valoir que ce serait seulement dans le corps de ses écritures devant la cour qu'il demanderait la condamnation de Mme [N] à démolir la construction à partir du point C1 jusqu'au point A1.

M. [P] réplique que ses demandes seraient toujours les mêmes soit, que la cour fixe la limite séparative entre les deux fonds, que soit constaté l'empiétement sur son terrain d'ouvrages, et que soit ordonnée la démolition de ceux-ci.

***

En application de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

L'article 566 dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, la demande de M. [P] devant la cour d'appel de voir fixer la limite séparative des deux fonds, n'est pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de la demande dont était saisi le premier juge, de voir Mme [N] condamnée à procéder à la démolition des constructions qui empiéteraient sur sa propriété.

Il ressort sans ambiguïté du jugement dont appel que M. [P] qui n'allègue pas une omission de statuer - n'a saisi le premier juge d'aucune demande de fixation de la limite séparative entre les parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 1], ni de constat d'un empiètement de la construction de Mme [N] sur la parcelle [Cadastre 4] sur toute la longueur du mur de soutènement et de démolition de celle-ci sous astreinte.

Partant, ses demandes faites devant la cour et portant sur la fixation de la limite séparative entre les deux fonds est une demande nouvelle qui est dès lors irrecevable, alors que le premier juge n'en était pas saisi.

De même, les demandes de démolition des ouvrages de l'intimée qui se trouveraient sur le fonds de l'appelant sont recevables alors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, étant précisé qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, en application depuis le premier septembre 2017, soit antérieurement à l'appel entrepris par M. [P], la cour d'appel ne peut statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures des parties.

Sur le fond

M. [P] conteste les conclusions du rapport d'expertise de Mme [D]. Il considère que l'expert avait pour mission de déterminer si des constructions de Mme [N] empiétaient sur son terrain. Mme [D] a proposé une ligne divisoire, et a ainsi constaté qu'aucune construction appartenant à Mme [N] ne dépassait sur la propriété [P]. L'appelant conteste de telles conclusions alors que le jugement rendu le 17 novembre 2003, par le tribunal d'instance, ayant autorité de chose jugée, a jugé que « la ligne divisoire entre ces héritages doit être matérialisée par le muret de soutènement des terres ». Or du fait de l'insuffisance de ce jugement, le tribunal judiciaire a nommé Mme [D] en qualité d'expert avec pour mission de déterminer l'emplacement du mur de soutènement entre les parcelles C [Cadastre 2] et [Cadastre 1] appartenant à Mme [N] et n° [Cadastre 4] appartenant à M. [P], de préciser si sur la limite séparative constituée par le mur de soutènement il existe des constructions de Madame [N] et si des constructions dépassent les limites ainsi définies. L'expert judiciaire n'aurait pas respecté sa mission, alors qu'en outre il n'aurait procédé que par présomptions pour conclure à une délimitation épousant parfaitement les contours des bâtiments de l'intimée. Il ne parait en outre pas logique à l'appelant que le mur de soutènement ait été construit en ligne « brisée » plutôt que de manière rectiligne. En outre, il n'appartenait pas à l'expert judiciaire de faire une proposition sur la limite séparative des fonds alors que cela ne lui avait pas été soumis. M. [P] considère au contraire que le mur de soutènement a été construit de manière rectiligne si bien que Mme [N] aurait dû proposer un plan avec une ligne correspondant à la présence du mur de soutènement sur toute la longueur telle qu'il existait à l'origine, tel que cela résulte des plans cadastraux. Aussi, il demande à la cour de juger que le mur de soutènement, marquant la limite séparative entre les fonds est définie par une ligne droite allant de D1 à C1 sur les plans de Madame [D] et se prolongeant de manière rectiligne et continue sous le bâtiment de Mme [N] et ce jusqu'au point B1, et par voie de conséquence, elle doit ordonner la démolition la construction de sa voisine qui empiète sur son fonds.

Pour sa part Mme [N] sollicite la confirmation du jugement déféré. Elle rappelle que le jugement rendu le 11 septembre 2007 a déclaré M. [P] propriétaire du mur de soutènement séparant la parcelle section AC n° [Cadastre 4] et la parcelle section AC n° [Cadastre 1]. Or, il n'est pas fait mention dans le dispositif du jugement de la parcelle section AC n° [Cadastre 5] et qu'il n'est pas non plus mentionné la parcelle section AC n° [Cadastre 2], étant précisé que le tribunal a par la suite débouté l'appelant de sa demande de rectification d'erreur matérielle sur ce point. Elle ajoute que le raisonnement de M. [P] ne repose que sur un plan confectionné par lui, sans valeur juridique. Aussi, il n'existe aucune démonstration de quelque construction qui empièterait sur le fonds de l'appelant. Les empiétements litigieux ne reposent que sur les affirmations de M. [P] et sur le plan qu'il a confectionné pour les besoins de ses prétentions. Ainsi, il a unilatéralement fixé le point A en retrait à l'intérieur de la propriété de la concluante pour soutenir, en prolongeant le trait jusqu'au repère intitulé E que la ligne divisoire passerait à l'intérieur des bâtiments de l'intimée. Elle ajoute également que l'expert judiciaire a répondu à l'allégation par M. [P] de l'existence d'une ligne divisoire rectiligne par des sondages qui ont ainsi démontré le caractère brisé de la ligne séparative des deux fonds.

***

Le tribunal judiciaire, dans son jugement du 5 avril 2016, a donné pour mission à Mme [D] de déterminer l'emplacement du mur de soutènement entre les parcelles C numéro [Cadastre 2] et [Cadastre 1] appartenant à Mme [N] et C numéro [Cadastre 4] appartenant à M. [P], au besoin en se référant à tous documents utiles fournis par les parties, et au besoin en effectuant des sondages, et préciser si sur la limite séparative constituée par le mur de soutènement il existe des constructions de Mme [N] et si des constructions de Mme [N] dépassent les limites ainsi définies. L'expert judiciaire a visité les lieux, a entrepris des sondages, et adressé un plan qui a été annexé à son rapport. Ce faisant, il n'a pas remis en cause l'autorité de chose jugée attachée au jugement rendu par le tribunal d'instance de Périgueux le 17 novembre 2003 qui a jugé que la ligne divisoire entre les deux héritages était matérialisée par le muret de soutènement des terres.

L'expert judiciaire a parfaitement exécuté sa mission.

Les quatre sondages entrepris par l'expert judiciaire ont démontré la présence d'un mur de soutènement en pierre d'une largeur de 60 à 70 cm, matérialisé entre les points C1 et D1 sur le plan annexé à son rapport. Toutefois entre les points A et B de ce même plan, l'expert judiciaire a relevé qu'il n'existait pas de mur de soutènement, mais uniquement des amas de gravats.

Le rapport d'expertise a également représenté entre le point B à C le mur construit par Mme [N] en 1989. L'expert judiciaire a considéré que la construction avait dû s'adosser sur le mur de soutènement alors existant.

Sur la foi de ses constatations, l'expert judiciaire a proposé la définition d'une limite de propriété matérialisée sur le plan qu'elle a établi par une ligne brisée, pour conclure en page 8 de son rapport, qu'ainsi aucune construction appartenant à Mme [N] ne dépassait sur la propriété de M. [P].

L'appelant ne démontre pas à la lecture des pièces qu'il a versées aux débats qu'il existerait un empiètement même partiel d'un bâtiment de Mme [N] sur son fonds.

Notamment, les plans et photographies qu'il a versés aux débats ne permettent pas de démontrer l'existence d'un quelconque empiètement.

En conséquence le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a jugé qu'il n'existait pas d'empiètement de bâtiments appartenant à Mme [N] sur le fonds de M. [P] à l'exception du mur en pierre de taille séparant la parcelle C [Cadastre 2] de la parcelle C [Cadastre 3] lequel se prolonge sur une longueur de 30 cm sur la propriété de M. [P], de telle sorte que ce dernier était fondé à obtenir la condamnation de l'intimée a pour faire procéder, à ses frais, à la destruction de la partie du mur figurant sur le plan de l'expert en D et D1.

La cour constate que Mme [N] s'est engagée à y procéder.

La cour entend également confirmer les autres chefs du jugement, notamment quant à la répartition des dépens.

***

Il serait inéquitable que Madame [N] supporte les frais irrépétibles qu'elle a dû engager pour faire valoir ses droits jusque devant la cour d'appel.

En conséquence, M. [P] sera condamné à lui verser la somme de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

CONFIRME le jugement déféré, y ajoutant :

DIT que la demande de l'appelant de fixation de la limite séparative entre les deux fonds est irrecevable,

CONDAMNE M. [S] [P] à payer à Mme [T] [N] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE M. [S] [P] aux dépens.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Annie BLAZEVIC, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/02082
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;19.02082 ?
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