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20/10/2022 | FRANCE | N°19/01836

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 20 octobre 2022, 19/01836


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 20 OCTOBRE 2022





N° RG 19/01836 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K6LC







SARL AU COEUR DES GRAVES IMMOBILIER





c/



Madame [S] [R]



























Nature de la décision : AU FOND























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Grosse délivrée le :



aux avocats





Décision déférée à la cour : jugement rendu le 05 février 2019 (R.G. 18/01208) par la 7ème chambre civile du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 02 avril 2019



APPELANTE :



La SARL AU COEUR DES GRAVES IMMOBILIER, société à responsabilité limité...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 20 OCTOBRE 2022

N° RG 19/01836 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K6LC

SARL AU COEUR DES GRAVES IMMOBILIER

c/

Madame [S] [R]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 05 février 2019 (R.G. 18/01208) par la 7ème chambre civile du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 02 avril 2019

APPELANTE :

La SARL AU COEUR DES GRAVES IMMOBILIER, société à responsabilité limitée à associé unique (sigle : A.C.G. IMMO), inscrite au RCS de Bordeaux sous le n° 451 262 125, dont le siège social est sis [Adresse 2] agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Katell LE BORGNE de la SCP LAVALETTE AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

[S] [R]

née le 18 Mars 1967 à [Localité 5]

de nationalité Française

Profession : Commerciale

demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Caroline SALVIAT de la SELAS SALVIAT + JULIEN-PIGNEUX + PUGET ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 septembre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Suivant mandat de vente sans exclusivité du 28 novembre 2016, M. [K] [M] et Mme [I] épouse [M] ont confié à la S.A.R.L. Au Coeur des Graves Immobilier (la S.A.R.L. ACG Immo) la vente de leur bien immobilier situé au [Adresse 3] dans la commune de [Localité 4].

Le 5 décembre 2016, un compromis de vente sous conditions suspensives, l'une d'entre-elles étant notamment relatives aux conditions d'obtention d'un prêt par l'acquéreur, a été signé par l'intermédiaire de la S.A.R.L. ACG Immo entre M. et Mme [M] et Mme [S] [R], pour un montant de 169 000 euros.

Par courrier du 21 avril 2017 adressé à la S.A.R.L. ACG Immo, le conseil de Mme [R] l'a informée du refus de sa cliente d'acquérir le bien et de sa demande de restitution de l'acompte de 4 000 euros versé par celle-ci, au motif que postérieurement à la signature du compromis, elle aurait appris par l'intermédiaire de son notaire que l'immeuble faisait l'objet d'une hypothèque judiciaire inscrite antérieurement à la signature de l'acte sous seing privé et qu'une procédure de saisie immobilière était en cours à l'encontre des vendeurs.

Estimant fautive l'attitude de Mme [R], la S.A.R.L. ACG Immo a répondu en lui indiquant son souhait de solliciter la réparation de son préjudice constitué par l'impossibi1ité d'obtenir la rémunération prévue au terme du mandat de vente et mentionnée a1'article 9 du compromis.

Par acte d'huissier du 31 janvier 2018, la S.A.R.L. ACG Immo a assigné Mme [R] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux afin, à titre principal, d'obtenir sa condamnation au paiement de dommages et intérêts.

Le jugement rendu le 5 février 2019 par le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- débouté Mme [R] de sa demande de nullité du compromis de vente signé le 5 décembre 2016 par les parties ;

- ordonné la libération du dépôt de garantie d'un montant de 4 000 euros séquestré entre les mains de l'agence Immobilière S.A.R.L. ACG Immo au profit de Mme [R], avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation délivrée par Mme [R] ;

- débouté Mme [R] de plus amples demandes ;

- condamné Mme [R] à verser à la S.A.R.L. ACG Immo la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts au taux légal à compter de l'assignation délivrée par celle-ci ;

- débouté la S.A.R.L. ACG Immo de plus amples demandes ;

- laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles ;

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

La S.A.R.L. ACG Immo a relevé appel de cette décision le 2 avril 2019 en ce qu'elle :

- a ordonné la libération du dépôt de garantie d'un montant de 4.000 euros séquestré entre ses mains au profit de Mme [R], avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation délivrée par cette dernière ;

- a limité la condamnation de Mme [R] à la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- l'a déboutée de plus amples demandes ;

- laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles ;

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

Dans ses dernières conclusions du 23 décembre 2019, la S.A.R.L. ACG Immo demande à la cour : 

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* ordonné la libération du dépôt de garantie d'un montant de 4 000 euros séquestré entre les mains de l'agence Immobilière S.A.R.L. ACG Immo au profit de Mme [R], avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation délivrée par Mme [R] ;

* condamné Mme [R] à verser à la S.A.R.L. ACG Immo la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts au taux légal à compter de l'assignation délivrée par la société ACG Immo ;

* débouté la société ACG Immo de plus amples demandes ;

* laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles ;

* dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

- de le confirmer pour le surplus.

En conséquence, statuant à nouveau, à titre principal :

- de condamner Mme [R] à lui payer la somme de 10 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31 août 2017 ce, en application de la clause pénale prévue au terme de l'article 15 du compromis de vente signé le 5 décembre 2016 et au titre de l'indemnité compensatrice de sa perte d'honoraires telle que prévue à l'article 9 de l'acte ;

A titre subsidiaire,

- de condamner Mme [R] à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 10 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31 août 2017, correspondant au montant de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir si l'acte de vente avait été signé par celle-ci et dont elle a été privée du fait du comportement fautif de cette dernière ;

En toute hypothèse :

- si la cour venait à confirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la libération du dépôt de garantie d'un montant de 4 000 euros séquestré entre ses mains au profit de Mme [R], avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation délivrée par cette dernière et d'ordonner la compensation judiciaire entre cette somme et celle qui sera mise à la charge de Mme [R] en réparation du préjudice subi ;

- de débouter Mme [R] de l'intégralité de ses demandes ;

- de condamner Mme [R] aux dépens de première instance et d'appel, outre à lui verser une indemnité de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer tant en première instance qu'en appel ;

- de débouter Mme [R] de toutes demandes plus amples ou contraires.

Elle fait notamment valoir que :

- Mme [R] a fait obstacle à la régulation de l'acte authentique de vente en dépit de l'engagement qui était le sien ; le compromis de vente a été régularisé par ses soins de sorte que l'agence est donc recevable à lui opposer les clauses des articles 15 et 9 de ce document ;

- au jour de la signature du compromis de vente, M. [M] et Mme [I] avaient été autorisés à régulariser une vente amiable et ce par jugement du 1er décembre 2016 ; la compromis de vente pouvait donc parfaitement être régularisé dans les conditions prévues audit acte ;

- l'acte comportait toutes les garanties pour l'acquéreur quant à une éventuelle inscription hypothécaire ; Mme [R] ne saurait donc soutenir que son comportement a été vicié alors qu'au terme du compromis de vente, toutes les garanties quant aux conséquences d'une inscription d'hypothèque judiciaire sur le bien lui ont été assurées ;

- Mme [R] ne rapporte la preuve, ni de l'existence de man'uvres ou mensonges de la part des vendeurs, ni que l'absence de procédure de saisie immobilière en cours aurait été un élément déterminant de son consentement, d'autant moins que le bien lui a été offert à un prix relativement faible par rapport au marché ;

- Mme [R] n'a jamais justifié avoir demandé un prêt conforme aux stipulations contractuelles ; ce défaut de diligence constitue une abstention fautive ; le tribunal a d'ailleurs considéré que la non-réalisation de cette condition suspensive d'obtention d'un prêt était due à la défaillance de Mme [R] ; il en résulte que la condition suspensive d'obtention du prêt était réputée accomplie ;

- en refusant de régulariser la vente en violation de l'engagement pris au terme du compromis de vente qu'elle a signé par son intermédiaire, Mme [R] lui a causé un préjudice constitué par la perte de son droit à rémunération de sorte qu'elle se trouve aujourd'hui bien fondée à en solliciter l'indemnisation ;

- si l'évaluation du préjudice subi par l'agent immobilier relève du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond, force est de constater qu'en l'espèce, en réduisant à la somme dérisoire de 1 000 euros le quantum du préjudice subi, le tribunal n'a manifestement pas tenu compte des diligences qu'elle a accomplies ;

- Elle n'a nullement manqué à son devoir de conseil à l'égard de Mme [R] dès lors que l'acte comportait toutes les garanties pour l'acquéreur quant à une éventuelle inscription judiciaire sur le bien ;

- à la date de signature du compromis de vente litigieux, la vente pouvait parfaitement aboutir, tant au vu de l'autorisation qui avait été donnée aux époux [M] de poursuivre la vente amiable du bien, qu'au vu du montant de l'hypothèque judiciaire grevant ledit bien ;

- nonobstant le jugement rendu le 9 mars 2017 par le juge de l'exécution ordonnant le retour en vente forcée dudit bien, la vente amiable dudit bien était toujours possible, le refus de la transaction résultant de la seule attitude de Mme [R].

Suivant ses dernières conclusions du 25 septembre 2019, Mme [R] demande à la cour de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a ordonné la restitution du dépôt de garantie d'un montant de 4 000 euros à son profit, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

Sur l'appel incident, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

- l'a déboutée de sa demande de condamnation de 3 000 euros présentée à l'encontre de la S.A.R.L. ACG Immo au titre de son préjudice de jouissance ;

- l'a déboutée de sa demande de condamnation de 7 409,20 euros présentée à l'encontre de la S.A.R.L. ACG Immo au titre de son préjudice matériel ;

- l'a condamnée à verser à la S.A.R.L. ACG Immo la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts au taux légal à compter de l'assignation délivrée par la société immobilière ;

- laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles ;

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

Statuant de nouveau :

- constater que le bien immobilier concerné faisait l'objet d'une procédure de saisie immobilière au profit du Crédit Logement et ce avant que le compromis de vente ne soit signé entre les parties le 5 décembre 2016 ;

- dire et juger que la S.A.R.L. ACG Immo a manqué à son obligation d'information et de conseil vis-à-vis des acquéreurs ;

- dire et juger que la S.A.R.L. ACG Immo a manqué à son obligation de résultat d'efficacité de l'acte ;

- constater que M. et Mme [M] et la S.A.R.L. ACG Immo sont responsables des conséquences dommageables du dol et du manquement à leur obligations.

En toutes hypothèses :

- dire et juger que son refus de réitérer l'acte authentique n'est pas fautif compte-tenu de la modification par les époux [M] d'une des conditions substantielles initialement convenues entre les parties et des manquements de la S.A.R.L. ACG Immo ;

En conséquence :

- condamner la S.A.R.L. ACG Immo à réparer son préjudice de jouissance s'élevant à la somme de 3 000 euros ;

- condamner la S.A.R.L. ACG Immo à réparer son préjudice matériel s'élevant à la somme de 5 819,20 euros ;

Subsidiairement, si par extraordinaire la cour retenait une faute de sa part :

- réduire à l'euro symbolique le montant des condamnations prononcées à son encontre ;

En toute hypothèse :

- débouter la S.A.R.L. ACG Immo de ses demandes indemnitaires présentées à son encontre ;

- débouter la S.A.R.L. ACG Immo de sa demande de compensation judiciaire ;

- condamner la S.A.R.L. ACG Immo à lui verser la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle fait notamment valoir que :

- aucun moyen n'est soulevé par l'appelante visant à voir réformer le jugement en ce qu'il a ordonné la restitution du dépôt de garantie ; la motivation du tribunal n'est pas contestée ; l'agence immobilière n'a ni intérêt, ni qualité à agir pour présenter une telle demande dans la mesure où le dépôt de garantie a été versé au seul bénéfice des vendeurs ; l'agence immobilière n'est que séquestre et les vendeurs ne sont pas dans la cause ; en toute hypothèse, cette somme n'appartient pas à l'agence immobilière qui doit la restituer ;

- aucune clause du compromis ne serait lui être opposée , l'agent immobilier étant privé de tout fondement contractuel compte tenu de la caducité du compromis de vente signé entre les parties, pour défaut de réalisation des conditions suspensives ; au vu de ces éléments, c'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté cette prétention ;

- elle a été victime d'une réticence dolosive de la part des vendeurs et d'un manquement de l'obligation d'information et de conseil de la part de l'agent immobilier ; elle n'est pas à l'origine de l'échec de la vente ; l'échec de la vente est dû à une faute conjointe des vendeurs et de l'agent immobilier ;

- il y a manifestement eu un imbroglio entre les termes 'd'inscription hypothécaire' et 'saisie immobilière' ; l'inscription hypothécaire est une sûreté permettant de rendre opposable aux tiers un titre, par la publication aux services de la publicité foncière ; la saisie immobilière est une procédure (commandement, assignation,'.) consécutive à l'inscription hypothécaire de titres ; or, la saisie immobilière n'est pas une simple inscription hypothécaire au sens de la condition suspensive litigieuse ; peu importe donc le montant de l'hypothèque judiciaire ait été inférieur au montant de la vente puisque cette clause est inapplicable au cas d'espèce ;

- M. et Mme [M] ont manqué à leur obligation d'information qui commande de donner au futur acquéreur tous renseignements propres à former sa conviction ; cette réticence dolosive, soutenue par l'agent immobilier, a eu pour conséquence de modifier de façon substantielle les conditions du compromis telles que négociées par les vendeurs ;

- si M. et Mme [M] l'avaient informée sur la réalité de la situation juridique du bien, elle n'aurait pas contracté ; le dol a consisté pour les vendeurs à avoir dissimulé qu'une procédure de saisie immobilière était en cours et que la vente amiable de l'immeuble était incertaine et conditionnelle au-delà du 2 mars 2017 ;

- par jugement du 1er décembre 2016, M. et Mme [M] ont bénéficié d'un nouveau délai qui était déjà un délai supplémentaire, ce que ne pouvait ignorer l'appelante ; ils savaient, dès le 2 décembre 2016, que la vente amiable n'avait été autorisée que si elle était passée avant le 2 mars 2017, et qu'il n'y aurait pas de nouveau délai supplémentaire accordé ; M. et Mme [M] et l'agence immobilière ont donc gardé le silence sur la procédure en cours et sur l'aléa que comportait l'opération puisque rien ne garantissait, au jour du compromis prévu postérieurement, que le créancier poursuivant accepte que la vente se déroule hors cadre judiciaire compte-tenu de ce qu'ils avaient déjà obtenu un délai supplémentaire pour que la vente se réalise amiablement ;

- compte-tenu de la modification des conditions initialement négociés entre les parties sur un élément substantiel qu'est le prix, son refus de réitérer la vente n'est pas fautif ; il est démontré qu'elle n'a commis aucune faute en lien causal avec le préjudice allégué ;

- la S.A.R.L. ACG Immo a commis un manquement à son obligation d'information et de résultat quant à l'efficacité de l'acte rédigé ; alors même qu'elle était informée de l'existence de la saisie immobilière, elle a laissé les vendeurs effectuer une fausse déclaration en indiquant dans le compromis que l'immeuble ne faisait l'objet d'aucune saisie immobilière.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 septembre 2022.

MOTIVATION

Il convient à titre liminaire d'observer que la procédure d'appel ne concerne pas M. et Mme [M]. En conséquence, Mme [S] [R] ne peut utilement reprocher à ses vendeurs la commission d'un dol à son égard et à la S.A.R.L. ACG Immo un agissement identique ayant vicié son consentement. Le jugement critiqué est ainsi définitif en ce qu'il a débouté l'acquéreur de sa demande de nullité du compromis de vente signé le 5 décembre 2016.

Sur la clause pénale

L'article 1152 du code civil dispose que lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

L'article 1226 du code civil énonce que la clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution.

Aux termes de l'article 1231-5 du code civil : 'Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne

peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent. Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite. Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.

L'article 15 de la promesse du 5 décembre 2016 stipule qu'à défaut de régularisation de l'acte authentique de vente dans le délai fixé aux présentes, toutes les conditions suspensives étant levées, celle des deux parties qui, par ses agissements ou son inertie, ne permettra pas la régularisation de l'acte authentique de vente, devra verser à l'autre partie, à titre de clause pénale, conformément aux dispositions des articles 1152 et 1226 du Code civil, la somme de 16 900 €. La partie non défaillante pourra préférer poursuivre l'autre partie en exécution de la vente amiable ou judiciaire, sans emporter novation. Dans l'une ou l'autre éventualité, une indemnité compensatrice de sa perte d'honoraires restera due au mandataire, dans les conditions prévues à l'article 9.

L'article 9 de l'acte énonce que 'les parties soussignées reconnaissent formellement avoir été mises en présence par l'agence dénommée en tête des présentes. En conséquence, le vendeur s'engage à lui verser la somme de 10 000 euros représentant le montant de toutes taxes comprises de ses honoraires de négociation dues en vertu du mandat n°5203 en date du 28 novembre 2016".

Il résulte des clauses insérées au compromis que seule l'une des parties à l'acte de vente, qu'il s'agisse du vendeur ou de l'acquéreur, peut réclamer le versement d'une clause pénale dans l'hypothèse où, nonobstant la levée de toutes les conditions suspensives, l'autre partie ne permet pas, en raison de ses agissements ou son inertie, la régularisation de l'acte authentique de vente.

Aucun lien contractuel n'existe entre l'agent immobilier et l'acquéreur, ce dernier n'ayant été mandaté que par M. et Mme [M], situation qui explique la mention figurant à l'article 9 de la promesse qui met uniquement à la charge du vendeur le paiement des honoraires.

En conséquence, le rejet de cette prétention ordonné par le premier juge sera confirmé.

Sur le versement de dommages et intérêts.

En droit, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, par application de l'article 1240 du code civil.

A titre subsidiaire, la S.A.R.L. ACG Immo recherche la responsabilité délictuelle de Mme [S] [R]. Elle estime que celle-ci, en refusant volontairement de fournir dans le délai imparti l'offre de prêt prévue au compromis, a commis une faute l'ayant privée de la perception de sa rémunération par les vendeurs.

En réponse, l'intimée s'oppose à cette prétention et reproche à l'appelante un manquement à ses obligations d'information et d'assurer l'efficacité de l'acte.

Les prétentions croisées des parties doivent être envisagées pour l'appréhension de la globalité du litige.

En principe, l'absence de conclusion effective de la vente interdit à l'agent immobilier d'exiger le versement de toute rémunération en application des articles 1 et 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970. Cependant, celui-ci a droit à la réparation de son préjudice en cas de comportement fautif de son mandant ou de l'autre partie, qui lui a fait perdre sa commission (1re Civ., 1er juillet 2020 19-10.285).

L'appelante affirme à raison que la condition suspensive relative à la production d'une offre de prêt est réalisée du fait de la carence de l'emprunteur qui n'a volontairement pas justifié au vendeur dans le délai imparti avoir accompli cette démarche comme le prévoyait l'article 14.a de la promesse.

Mme [S] [R], qui n'a pas répondu sur ce point au courrier de l'agent immobilier, ne peut expliquer l'absence de fourniture des documents bancaires exigés par le fait que les vendeurs, qui ne sont cependant plus dans la cause, mais également la S.A.R.L. ACG Immo ne l'ont jamais informée de l'existence d'une mesure de saisie-immobilière en cours à la date de signature de la promesse.

En effet, alors qu'elle disposait d'un délai de soixante jours pour justifier du dépôt de la demande de prêt et produire l'offre d'un établissement bancaire (5 décembre 2016-5février 2017), elle admet dans ses dernières conclusions n'avoir appris l'existence de la procédure de saisie immobilière que le 29 mars 2017, date qui correspond à la réception d'un courrier émanant de son notaire.

Jusqu'à la date du 2 mars 2017, M. et Mme [M] disposaient encore juridiquement de la qualité de propriétaire du bien immobilier et donc du pouvoir d'en disposer.

Cependant, cette faute qui peut être reprochée à Mme [S] [R] n'est pas à l'origine de l'échec de la transaction immobilière.

En effet, il apparaît que l'acte authentique de vente n'aurait jamais été signé de sorte que l'agent immobilier ne peut estimer avoir été privé du versement de sa commission.

La S.A.R.L. ACG Immo, qui ne le conteste pas, n'a jamais avisé Mme [S] [R] de l'existence d'une procédure de saisie immobilière portant sur le bien immobilier tant au jour de la signature de la promesse que par la suite.

Comme indiqué ci-dessus, Mme [S] [R] n'a eu connaissance de cette situation qu'à compter du 29 mars 2017, date qui correspond à la réception d'un courrier émanant de son notaire.

Or, l'agent immobilier demeure personnellement responsable des délits et quasi-délits commis spontanément à l'occasion de son entremise, et sans qu'il y ait lieu de rechercher s'il a agi sur instructions de son mandant (1re Civ., 13 octobre 1992, n° 91-10.619). En tant que négociateur et rédacteur d'un acte, il est tenu de fournir une information loyale et des conseils adaptés à la partie qui ne l'a pas mandaté ainsi que de s'assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l'efficacité juridique de la convention.

L'existence d'une procédure de saisie immobilière en cours constituait une information essentielle devant être fournie à l'acquéreur en raison de l'incertitude qu'elle faisait peser sur l'issue de l'opération projetée.

En effet, si le créancier poursuivant s'était montré favorable à faire bénéficier aux vendeurs, avant le 10 mai 2017, d'un nouveau délai afin de parvenir à la vente amiable de leur bien, le juge de l'exécution avait cependant décidé, dès le 2 mars 2017, d'un retour à la procédure de vente forcée. Il n'était donc pas certain que M. et Mme [M] auraient disposé de la qualité de vendeur du bien immobilier à la date prévue pour la réitération.

Comme l'indique la jurisprudence applicable en la matière, l'agence immobilière était ainsi tenue d'une part de consigner et d'autre part de vérifier, par toutes investigations utiles, spécialement lorsqu'il existe une publicité légale aisément accessible, les déclarations faites par son mandant, et qui, par leur nature ou leur portée juridique, conditionnent la validité ou l'efficacité de l'acte qu'elle dresse.

L'appelante ne peut se retrancher derrière son ignorance de l'état d'avancement de la procédure de saisie immobilière dans la mesure où elle en connaissait l'existence d'une part et il lui appartenait d'autre part d'obtenir des informations, notamment de ses mandants.

L'argument de la S.A.R.L. ACG Immo selon lequel une clause contractuelle prévue à l'acte a prévu une garantie d'éviction au bénéfice de l'acquéreur n'est pas suffisant pour infirmer le défaut d'information et de diligence qui peut lui être reproché.

Il résulte de ces éléments que l'appelante ne justifie pas d'un préjudice financier indemnisable. Le jugement attaqué ayant condamné Mme [S] [R] à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts sera dès lors infirmé.

A titre reconventionnel, l'intimée réclame à l'encontre de l'agence immobilière l'indemnisation de préjudices de jouissance et matériels en lien avec le défaut d'information et de diligence relevé ci-dessus.

Il doit être répondu que, au regard des règles de la responsabilité délictuelle, Mme [S] [R] ne peut se prévaloir que de la seule perte de chance de ne pas contracter.

Si Mme [S] [R] justifie effectivement avoir vendu son propre bien immobilier et exposé des frais de garde-meubles dans la perspective d'acquérir celui de M. et Mme [M], les sommes s'y rapportant ne peuvent constituer un préjudice indemnisable par la S.A.R.L. ACG Immo.

En conséquence, le jugement ayant rejeté les demandes indemnitaires présentées par l'acquéreur sera confirmé.

Sur la restitution du dépôt de garantie

Comme l'a justement observé le premier juge, la S.A.R.L. ACG n'est que séquestre de la somme de 4 000 euros déposée par Mme [S] [R]. N'étant ainsi pas propriétaire de ces fonds, sa demande tendant à s'opposer à sa restitution à l'acquéreur a été justement rejetée par la décision attaquée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

La décision de première instance doit être confirmée. En cause d'appel, il y a lieu de mettre à la charge de la S.A.R.L. ACG Immo le versement au profit de Mme [S] [R] d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter les autres demandes de ce chef.

PAR CES MOTIFS

Infirme, dans les limites de l'appel, le jugement rendu le 5 février 2019 par le tribunal de grande instance de Bordeaux en ce qu'il a condamné Mme [S] [R] à verser à la société Au Coeur des Graves Immobilier la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts au taux légal à compter de l'assignation délivrée par celle-ci ;

et, statuant à nouveau dans cette limite :

- Rejette la demande de dommages et intérêts présentée par la société Au Coeur des Graves Immobilier à l'encontre de Mme [S] [R] correspondant au montant de la commission prévue dans l'acte sous seing privé du 5 décembre 2016 ;

Confirme le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant ;

- Condamne la société Au Coeur des Graves Immobilier à verser à Mme [S] [R] une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejette les autres demandes présentées sur ce fondement ;

- Condamne la société Au Coeur des Graves Immobilier au paiement des dépens d'appel.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/01836
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;19.01836 ?
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