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11/10/2022 | FRANCE | N°22/00263

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, C.e.s.e.d.a., 11 octobre 2022, 22/00263


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X







N° RG 22/00263 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M5L3





ORDONNANCE









Le ONZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX à 14 H 00



Nous, Emmanuel BREARD, conseiller à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assisté de François CHARTAUD, greffier,



En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,



En présence de Madame Corinne

NAUD, représentante du Préfet de La Corrèze,

En présence de Monsieur [D] [K] [Z], né le 03 Mars 1986 à [Localité 1] (CONGO), de nationalité Congolaise, et de son conseil Maître...

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X

N° RG 22/00263 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M5L3

ORDONNANCE

Le ONZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX à 14 H 00

Nous, Emmanuel BREARD, conseiller à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assisté de François CHARTAUD, greffier,

En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,

En présence de Madame Corinne NAUD, représentante du Préfet de La Corrèze,

En présence de Monsieur [D] [K] [Z], né le 03 Mars 1986 à [Localité 1] (CONGO), de nationalité Congolaise, et de son conseil Maître Pauline PAYET,

Vu la procédure suivie contre Monsieur [D] [K] [Z], né le 03 Mars 1986 à [Localité 1] (CONGO), de nationalité Congolaise et l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du03 octobre 2022 visant l'intéressé,

Vu l'ordonnance rendue le 07 octobre 2022 à 15h15 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [D] [K] [Z] pour une durée de 28 jours à l'issue du délai de la rétention,

Vu l'appel interjeté par le conseil de Monsieur [D] [K] [Z],

né le 03 Mars 1986 à [Localité 1] (CONGO), de nationalité Congolaise, le 10 octobre 2022 à 10h50,

Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,

Vu la plaidoirie de Maître Pauline PAYET, conseil de Monsieur [D] [K] [Z], ainsi que les observations de Madame [G] [X], représentante de la préfecture de La Corrèze et les explications de Monsieur [D] [K] [Z] qui a eu la parole en dernier,

A l'audience, Monsieur le Conseiller a indiqué que la décision serait rendue le 11 octobre 2022 à 14h00,

Avons rendu l'ordonnance suivante :

FAITS ET PROCÉDURE

[D] [K] [Z], de nationalité congolaise, a fait l'objet le 3 octobre 2022 d'un arrêté pris par le Préfet de la Corrèze portant expulsion du territoire français et de retrait de la carte de résident.

Il a fait l'objet d'une décision de placement en rétention pris par le Préfet de la Corrèze le 4 octobre 2022 qui lui a été notifié le jour même à 9 heures 10.

Par requête reçue le 5 octobre 2022 au greffe du juge des libertés et de la détention du juge des libertés et de la détention de Bordeaux, [D] [K] [Z] a demandé au juge de constater l'illégalité de l'arrêté de placement en rétention administrative.

Par requête reçue au greffe le 5 octobre 2022, M. Le préfet de la Corrèze a sollicité, au visa des articles L742-1 à L742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la prolongation de la rétention de l'intéressé dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 28 jours.

Par ordonnance joignant les deux instances, en date du 7 octobre 2022 rendue à 15h15 et notifiée sur le champ à l'intéressé, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé l'aide juridictionnelle à [D] [K] [Z], rejeté les moyens soulevés contre l'arrêté de placement en rétention, a déclaré régulière la procédure diligentée à l'encontre de [D] [K] [Z] sur le moyen tiré de la nullité de la procédure, a autorisé la prolongation de la rétention administrative de M. [D] [K] [Z] pour une durée de 28 jours à l'issue du premier délai de rétention de 48 heures, rejeté le surplus des demandes.

Par courriel adressé au greffe le 10 octobre 2022 à 10 heures 50, le conseil de M. [D] [K] [Z] a fait appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 7 octobre 2022 demandant à la cour de :

infirmer l'ordonnance rendue par juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux,

annuler l'arrêté de placement en rétention administrative de [D] [K] [Z],

ordonner la remise en liberté de [D] [K] [Z],

d'accorder à M. [D] [K] [Z] le bénéfice de l'aide juridictionnelle,

de condamner la préfecture de la Corrèze à verser au requérant la somme de 1000 euros par application des dispositions combinées des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 alinéa 2 de loi du 20 juillet 1991.

A l'audience, le conseil de [D] [K] [Z] expose, in limine litis, que l'arrêté d'expulsion du 3 octobre 2022 est irrégulier, car pris à l'encontre d'un individu en France depuis plus de 10 ans, ce qui est le cas de [D] [K] [Z] présent sur le territoire national depuis 23 ans. Il conteste que ce délai ait été interrompu et estime qu'il s'agit d'un moyen portant sur un acte manifestement irrégulier pouvant être examiné par la présente juridiction.

Il fait valoir par ailleurs que l'arrêté présente une erreur manifeste d'appréciation car :

[D] [K] [Z] dispose de documents d'identité valables, à savoir une carte de résident en cours de validité, un passeport, un carte d'identité congolaise,

la condition de ressources légales n'est pas une condition prévue par le CESEDA,

le même réside chez sa mère à [Localité 2] lorsqu'il n'est pas détenu, que celle-ci verse une attestation d'hébergement circonstanciée, qu'il existe des liens familiaux avec cette mère et sa soeur.

A l'audience, Mme la représentante de la Préfecture de la Corrèze confirme les termes de la requête et sollicite la confirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.

Elle explique que [D] [K] [Z] a allégué d'une épouse au CONGO, qu'il n'a pas eu de titre de séjour pendant 18 mois. Elle note que l'intéressé doit saisir le tribunal administratif sur la régularité de l'arrêté d'expulsion, mais que dans l'attente, son placement dans le centre de rétention administrative est régulier. Elle retient, en outre, que si sa carte nationale est régulière, elle ne lui permet pas de voyager, alors que son passeport est périmé depuis avril 2022. Il n'existe pas de domicile stable à ses yeux, celui de sa mère n'ayant pas suffit par le passé, notamment en ce qu'il n'y est pas resté, alors qu'il est instable, influençable et a commis de nombreux actes de délinquance. Il existe, selon ses dires, un refus de l'expulsion, alors qu'un rendez-vous a été pris avec le consulat du CONGO le 20 octobre prochain.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la recevabilité de l'appel

Effectué dans les délais et motivé, l'appel est recevable.

2/ Sur le moyen tiré de la nullité de la procédure de placement en rétention

Le conseil de [D] [K] [Z] soutient que les conditions dans lesquelles ce dernier a été « interpellé » sont irrégulières dans la mesure où les conditions prévues par l'article L 631-2 du CESEDA ne sont pas remplies.

La situation de Monsieur [D] [K] [Z] fait l'objet d'une contestation quant à l'interprétation de l'article précité en ce que l'administration se prévaut d'une interruption dans le titre de séjour de l'intéressé.

Il doit être rappelé, comme l'a exactement fait le premier juge, que l'appréciation du caractère régulier d'un arrêté d'expulsion relève de la compétence du tribunal administratif et ne peut être connue du juge judiciaire. A titre superfétatoire, quand bien même, un contrôle du juge judiciaire serait admis, il n'est pas établi que la difficulté relèverait de l'erreur manifeste d'appréciation et puisse être sanctionnée d'une nullité.

Ce moyen sera donc rejeté.

La décision de première instance sera donc confirmée sur ce point.

3/ Sur la légalité de la décision de placement en rétention (sur la motivation en droit de la décision de placement en rétention)

Il résulte de l'article L741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que peut-être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, l'étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres c'est-à-dire notamment lorsqu'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation, risque qui, selon les mêmes dispositions peut-être regardé comme établi sauf circonstances particulières lorsque l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ou lorsqu'il ne présente pas de garantie

de représentation suffisante, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité.

Le conseil de [D] [K] [Z] soutient que les conditions de l'article L 741-1 du CESEDA sont remplies, notamment quant à la fourniture d'un document d'identité, de l'absence de justifier de ressources légales et de rapporter la preuve d'une résidence.

Il ressort de la lecture de des pièces que si la personne placée en rétention justifie sans difficulté de son identité, elle ne possède en revanche pas de document permettant son entrée sur le territoire dont elle est ressortissante, faute de passeport à jour. En ce sens, la motivation du premier juge ne peut être que retenue, quand bien même elle ne saurait être suffisante à ce seul titre.

Il doit être remarqué qu'il revient à [D] [K] [Z] d'établir la preuve qu'il dispose de garanties de représentation. Or, s'il est exact qu'il présente une attestation de logement et de prise en charge d'une partie de son quotidien par sa mère, qu'il a également de bonnes relations avec sa soeur.

Néanmoins, outre que ce rattachement reste incertain, en ce qu'il n'y résidait pas précédemment, il n'a plus de titre de séjour et ne présente aucune garantie, notamment en ce qu'il n'a, à ce jour, aucune ressource financière personnelle connue et que les enjeux de l'éloignement sont pour lui majeurs.

Dès lors, même si [D] [K] [Z] a de la famille en France susceptible de l'héberger, il ne présente pas de garanties suffisantes de représentation et le risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement est important.

4/ Sur les perspectives d'éloignement et les diligences accomplies

Aux termes de l'article L741-3 du CESEDA, "un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet".

Pour accueillir une demande de première prolongation, le juge doit ainsi contrôler le caractère suffisant des diligences de l'administration pour organiser le départ de l'étranger. Il est tenu de vérifier que les autorités étrangères ont été requises de manière effective et qu'il existe des perspectives raisonnables d'éloignement.

[D] [K] [Z] a déjà justifié de sa nationalité en fournissant une carte d'identité congolaise valide et un passeport de cette même nationalité périmé, ce qui confirme que le Congo ne pourra que le reconnaitre comme l'un de ses ressortissants. La préfecture de la Corrèze a saisi dès le 3 octobre 2022 les autorités congolaises d'une demande de laisser-passer et a organisé un rendez-vous avec celles-ci le 20 octobre 2022, justifiant, ainsi des diligences requises.

Il convient en conséquence de confirmer la décision du juge de première instance.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant après débats en audience publique par ordonnance contradictoire mise à la disposition au greffe après avis aux parties,

Déclarons l'appel recevable,

Accordons l'aide juridictionnelle provisoire à [D] [K] [Z],

Confirmons intégralement l'ordonnance du Juge des Libertés et de la Détention du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 7 octobre 2022,

y ajoutant,

Déboutons [D] [K] [Z] de sa demande d'indemnité de procédure,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile,

Le Greffier, Le Conseiller délégué,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : C.e.s.e.d.a.
Numéro d'arrêt : 22/00263
Date de la décision : 11/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-11;22.00263 ?
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