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11/10/2022 | FRANCE | N°19/06502

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 11 octobre 2022, 19/06502


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 11 OCTOBRE 2022



EB





N° RG 19/06502 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LLNV









SA AXA FRANCE IARD



c/



[P] [S] épouse [H]

CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA GIRONDE

SCM CABINET DE RADIOLOGIE

SA LA MEDICALE DE FRANCE

























Nature de

la décision : AU FOND























Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 novembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 16/05862) suivant déclaration d'appel du 12 décembre 2019



APPELA...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 11 OCTOBRE 2022

EB

N° RG 19/06502 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LLNV

SA AXA FRANCE IARD

c/

[P] [S] épouse [H]

CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA GIRONDE

SCM CABINET DE RADIOLOGIE

SA LA MEDICALE DE FRANCE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 novembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 16/05862) suivant déclaration d'appel du 12 décembre 2019

APPELANTE :

SA AXA FRANCE IARD, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié es qualité au siège sis [Adresse 5]

représentée par Maître DAGORNE substituant Maître Annie BERLAND de la SELARL RACINE BORDEAUX, avocats au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

[P] [S] épouse [H]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 8] (33)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 3]

représentée par Maître SIROL substituant Maître Marie TOURON, avocats au barreau de BORDEAUX

CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA GIRONDE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4]

représentée par Maître LANSOU substituant Maître Françoise PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocats au barreau de BORDEAUX

SCM CABINET DE RADIOLOGIE, prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 2]

représentée par Maître Frédéric GONDER de la SELARL GONDER, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Pierre-yves PAULIAN, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

SA LA MEDICALE DE FRANCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité au siège sis [Adresse 6]

représentée par Maître Fabien DELHAES de la SELARL CABINET ETCHE AVOCATS, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître DAMBLADE substituant Maître Sophie RUFFIE de la SCP D'AVOCATS MARGUERIT- BAYSSET-RUFFIE, avocats plaidants au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 septembre 2022 en audience publique, devant la cour composée de :

Roland POTEE, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Mme [P] [S] épouse [H], née le [Date naissance 1] 1959 et employée par la société d'exploitation Château Giscours en qualité de responsable logistique et conditionnement, s'est blessée le 11 octobre 2010 en manipulant un portail dans le cadre de son travail.

Elle a ressenti une violente douleur au niveau de la région lombaire avec irradiation vers la jambe droite.

Elle a été placée en arrêt de travail et il lui a été prescrit des anti-inflammatoires.

Les douleurs persistant, elle a consulté plusieurs médecins et un scanner lombaire a été réalisé le 11 juillet 2011 au sein de la clinique [9] à [Localité 7].

Le 6 septembre 2011, le docteur [D], radiologue exerçant au sein de la clinique [9], a pratiqué une infiltration articulaire postérieure scanno guidée.

Les douleurs persistant, il a été pratiqué le 16 décembre 2011 un scanner du rachis lombo sacré pour une suspicion de syndrome septique, 3 mois après une infiltration du massif articulaire postérieur droit L4 L5 sur massif remanié, puis une IRM le 26 décembre 2011.

Après plusieurs hospitalisations au service des maladies infectieuses du CHU de [Localité 7] et la réalisation d'une biopsie osseuse, il a été diagnostiqué une arthrite inter articulaire postérieure à Mycobacterium abscessus.

Mme [P] [S] épouse [H] a saisi la Commission de Conciliation et d'Indemnisation des accidents médiaux (CCI), laquelle a désigné le professeur [B] et le docteur [N] afin de procéder à une expertise médicale.

Dans son avis du 19 février 2014, la CCI a considéré que l'infection nosocomiale, en l'absence de faute, ne pouvait être mise à la charge du docteur [D] ni de la SCM qui n'est pas un établissement de santé au sens de l'article L.1142-1 du code de la santé publique. Elle en a conclu que le dommage subi par Mme [S] était strictement imputable à l'infection nosocomiale et devait être indemnisé par l'assureur de la clinique [9], étant précisé que le taux d'AIPP imputable est inférieur à 25%.

La société AXA France a adressé à Mme [S] une offre d'indemnisation le 12 août 2014.

L'estimant insuffisante, Mme [S] a, par acte du 31 mai 2016, fait assigner la SA AXA France devant le tribunal de grande instance de Bordeaux pour obtenir la liquidation de son préjudice corporel.

Par assignation du 20 juin 2016, elle a mis dans la cause la MSA de la Gironde et par assignation des 28 novembre et 7 décembre 2017, elle a fait assigner la SCM Cabinet de Radiologie et la SA La Médicale de France, assureur du docteur [D], aux mêmes fins. Les procédures ont été jointes par mention au dossier.

Par jugement du 13 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- dit que la Clinique [9] est responsable de l'infection nosocomiale dont a été victime Mme [P] [S] épouse [H] le 6 septembre 2011,

- fixé le préjudice subi par Mme [P] [S] épouse [H] à la somme totale de 113.448,20 € suivant le détail suivant :

- dépenses de santé actuelles DSA : 13.374,44 € ;

- frais divers FD : 3.752 € ;

- perte de gains actuels PGPA : 49.971,76 € ;

- dépenses de santé futures DSF : réservé ;

- perte de gains professionnels futurs PGPF : 3.475 € ;

- déficit fonctionnel temporaire : 3.325 € ;

- déficit fonctionnel permanent : 23.550 € ;

- souffrances endurées : 15.000 € ;

- préjudice esthétique permanent PEP : 1.000 €

- préjudice d'agrément : rejet,

- condamné la SA AXA France IARD à payer à Mme [P] [S] épouse [H] la somme de 50.102 € au titre de l'indemnisation de son préjudice corporel, après déduction de la créance des tiers payeurs, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné la SA AXA France IARD à payer à la MSA de la Gironde la somme de 63.346,20 € au titre des prestations versées pour le compte de son assurée sociale, Mme [P] [S] épouse [H], outre la somme de 1.047 € au titre de l'indemnité forfaitaire et 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA AXA France IARD à payer à Mme [P] [S] épouse [H] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA AXA France IARD à payer à La Médicale de France et à la SCM Cabinet de Radiologie somme de 1.000 € chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA AXA France IARD aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

La société AXA France a relevé appel de ce jugement par déclaration du 12 décembre 2019 et par conclusions déposées le 26 août 2022, elle demande à la cour de :

- la recevoir en son appel, le déclarant bien fondé,

- réformer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,

A TITRE PRINCIPAL,

- constater que la Clinique [9] loue des locaux à la SCM Cabinet de Radiologie,

- constater que la Clinique [9] et la SCM Cabinet de Radiologie ne sont pas liées par un contrat d'exclusivité,

- constater que la SCM Cabinet de Radiologie est titulaire d'un bail et utilise des locaux

qui lui sont propres, au terme d'un bail commercial, dispose de son personnel et de matériel qui lui sont propres,

- constater l'absence de tout contrat médical liant Madame [H] à la Clinique [9] au titre de l'acte d'infiltration litigieux,

- constater que l'acte à l'origine de l'infection prétendument nosocomial a été réalisé par le Docteur [D], praticien libéral, au sein de locaux loués par sa SCM Cabinet de Radiologie,

En conséquence,

- juger que la responsabilité de plein droit de la Clinique [9] ne peut être engagée au titre de l'infection nosocomiale survenue au décours de l'acte d'infiltration litigieux,

- débouter Madame [H] de l'intégralité de ses demandes formées à l'encontre de la Compagnie AXA assureur de la clinique [9],

- débouter la MSA, et toute autre partie, de l'intégralité de ses demandes formées à l'encontre de la Compagnie AXA,

- condamner Madame [H] à verser la somme de 3 000 € à la Compagnie AXA et la condamner aux entiers dépens,

A TITRE SUBSIDIAIRE,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame [H] de ses demandes au titre des PGPA et de son préjudice d'agrément,

- débouter Madame [H] de ses demandes au titre des frais de santé, des pertes de cotisations de retraite et des pertes de revenus, des frais d'entretien de son immeuble, du préjudice d'agrément,

- réduire à de plus justes proportions les indemnités sollicitées au titre des postes assistance par tierce personne, DFT, souffrances endurées, préjudice esthétique, DFP et remboursement des honoraires versés au médecin conseil,

- déduire du poste perte de gains professionnels actuels le montant des indemnités journalières versées par la MSA à Madame [H],

- débouter partiellement la MSA de sa créance et la réduire à de plus justes proportions,

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

- débouter la Médicale de France, la MSA, Madame [H], le Cabinet de Radiologie de leurs demandes incidentes aux titres des frais irrépétibles et des dépens en tant que formulée à l'encontre de la Compagnie AXA France IARD,

- condamner toute partie succombante à verser la somme de 3 000 € à la Compagnie AXA France IARD et aux dépens.

Par conclusions déposées le 11 mai 2020, Mme [P] [S] demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Y ajoutant,

- condamner la compagnie AXA France IARD à payer à Mme [S] épouse [H] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Par conclusions déposées le 18 juin 2020, la société La Médicale de France demande à la cour de :

- juger que la Médicale de France doit être déclarée hors de cause,

- débouter Mme [H] et la MSA des demandes présentées à l'encontre de la Médicale de France,

- condamner la SA AXA France IARD ou tout autre succombant à payer à la Médicale de France une somme de 3000.00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions déposées le 30 août 2022, la SCM Cabinet de Radiologie demande à la cour de :

- statuer ce que de droit sur l'appel interjeté par la compagnie AXA France IARD,

- confirmer en toute hypothèse le jugement de première instance en ce qu'il a rejeté toute demande indemnitaire à l'encontre de la SCM Cabinet de radiologie,

- condamner tout succombant aux entiers dépens de l'instance ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 3 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 31 août 2022, la MSA de la Gironde demande à la cour de :

- la recevoir en ses demandes et l'en déclarer bien fondée,

- statuer ce que de droit sur l'appel formé par la société AXA France IARD,

- si la cour confirmait le jugement sur le principe de la responsabilité de la SA AXA France, confirmer également le jugement en ses dispositions concernant le recours subrogatoire de la MSA de la Gironde en portant toutefois l'indemnité forfaitaire de gestion 1.114 € et la somme qui lui a été allouée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- si la Cour venait à infirmer le jugement s'agissant de la responsabilité de la société AXA, condamner toutes parties déclarées responsables, et ce, le cas échéant, in solidum, à verser à la Caisse de Mutualité Sociale Agricole de la Gironde les sommes de :

* 63 346,20 euros au titre de ses débours,

* 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire en application de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale,

- en toute hypothèse condamner la partie succombante au paiement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 20 septembre 2022.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 6 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I Sur la responsabilité de la clinique [9].

L'article 1142-1 du code de la santé publique dispose 'I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.

II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.

Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret'.

La société AXA France IARD, assureur de la société clinique [9], critique la décision attaquée en estimant que celle-ci a commis une erreur de droit en faisant de la responsabilité de l'établissement de santé une responsabilité par défaut en se fondant sur l'article 1142-1 du code de la santé publique précité.

Elle rappelle que si le geste d'infiltration réalisé par le Docteur [D] au sein de son cabinet de radiologie à l'égard de Mme [S] l'a été dans un local dans l'enceinte de la clinique, ce seul élément ne permet pas de réunir les éléments constitutifs de la responsabilité prévus par l'article précité du code de la santé publique.

Elle conteste que l'offre d'indemnisation formulée sur la base de l'avis rendu par la CCI Aquitaine constitue une reconnaissance de responsabilité, notamment faute de régularisation de celle-ci.

Elle dénonce le raisonnement des premiers juges en ce que celui-ci, s'il prévoit un droit à réparation par l'ONIAM, sous condition d'anormalité et de gravité du dommage et en l'absence de responsable identifié en cas d'infection nosocomiale, a retenu une responsabilité de plein droit à l'égard de son assuré.

Elle observe en ce sens qu'il doit être établi à ce dernier titre l'imputabilité de l'acte médical lorsque l'infection a été contractée au sein d'un établissement médical, alors qu'elle n'a fait que louer les locaux au profit de la SCM CABINET DE RADIOLOGIE.

Elle souligne que cette dernière et la clinique [9] constituent deux entités juridiques distinctes. Ainsi, selon elle, la SCM permet à des radiologues d'exercer leur activité dans le cadre d'un cabinet de ville, dont la seule localisation au sein de son enceinte ne permet pas selon elle de l'identifier à son assurée.

Il s'agit à ses yeux de deux entités et structures distinctes, indépendantes, dont les membres répondent personnellement des actes réalisés ou de l'organisation mise en place au sein de leurs locaux professionnels, la clinique [9] n'étant que le bailleur de la SCM, en application d'un contrat du 20 février 1986.

Elle en déduit que sa cliente n'avait aucun pouvoir de contrôle ou de direction sur les radiologues intervenants, notant en particulier que le SCM CABINET DE RADIOLOGIE gère en toute indépendance :

- l'asepsie, l'hygiène des locaux, les modalités de réalisation des actes médicaux en son sein,

- la gestion des locaux loués, du matériel, du personnel, du service qualité.

Contrairement aux affirmations de certains intimés, elle soutient que le comité de lutte contre les infections associées aux soins mis en place en son sein ne comprend aucun radiologue, qu'il n'existe donc pas de contrôle de sa part à ce titre. Elle retient au contraire que ce domaine relève des obligations légales et réglementaires lui incombant, tout comme pour la structure qu'elle abrite.

La société appelante indique de surcroît que le domaine de la radiologie est hors périmètre des certifications et inspections dont elle fait l'objet et que la SCM CABINET DE RADIOLOGIE est indépendant et ne saurait être considérée comme le service de radiologie de la clinique [9].

En ce sens, elle met en avant le fait que les associés de la SCM CABINET DE RADIOLOGIE font partie du groupe radiologues & associés, lequel a ouvert des cabinets auprès d'autres établissements de santé bordelais et est propriétaire du matériel utilisé.

Là encore, elle insiste sur le fait que ce groupe gère son activité et son organisation de manière autonome, mais du fait de la multiplicité des sites d'exercice, elle déduit que l'activité de radiologie en son sein n'est pas un service dépendant de la société clinique [9].

Elle considère encore que la forme d'exercice du cabinet de radiologie ne saurait avoir le moindre impact sur sa propre responsabilité, n'ayant pas à suppléer l'absence de responsabilité d'une SCM qui ne peut être considérée comme établissement de santé au sens de l'article L.1142-1 du code de la santé publique.

De même, elle se prévaut de l'absence de contrat d'exclusivité entre la clinique [9] et la SCM CABINET DE RADIOLOGIE en l'absence d'obligations réciproques en la matière, donc de l'indépendances des deux structures. Elle affirme que la moitié de la patientèle du cabinet de radiologie est extérieure à la clinique [9] et que cet établissement n'a aucun élément sur ces patients, ce qui est notamment le cas à propos de Mme [S]. Elle met en avant sur ce point le fait qu'il n'existe aucun bulletin d'hospitalisation ou dossier médical ouvert la concernant auprès de ses services.

***

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il doit être relevé qu'il est exact que le jugement en date du 13 novembre 2019, alors que les moyens rappelés ci-avant étaient déjà soulevés, a omis d'y répondre, se contentant de retenir le caractère nosocomial qui n'est plus contesté.

Or, il appartenait aux premiers juges également de vérifier la qualité d'établissement de santé au sens de l'article 1142-1 du code de la santé publique, ce qu'ils n'ont pas fait, avant de retenir la responsabilité de plein droit.

En ce sens, il n'est pas remis en cause le fait que la clinique [9] n'était que le bailleur de la SCM CABINET DE RADIOLOGIE. Il est soutenu en revanche par la S.A. la médicale de France que ce contrat ne prévoit aucune délégation de responsabilité en matière d'infection nosocomiale ou d'obligations particulières en matière d'asepsie ou de mesures de prévention et de lutte en matière d'infection nosocomiale. Elle relève que le comité de lutte contre les infections nosocomiales contrôle ce domaine sous la responsabilité de la clinique. Cette même intimée ajoute qu'il n'existe pas d'autre service d'imagerie médicale au sein de la clinique et donc que ce dernier est sous sa responsabilité. Elle précise encore que tout les patients, en cas de contrat de soins ou d'hospitalisation, du fait du séjour au sein de ses service, ne peut être conclu qu'avec la clinique, et non la SCM CABINET DE RADIOLOGIE, qui ne peut conclure un tel contrat.

Elle en tire comme conséquence que seule la clinique [9] constitue un établissement de santé au sens des dispositions de l'article 1142-1 du code de la santé publique.

Néanmoins, il doit être rappelé que la responsabilité de l'article 1142-1 du code de la santé publique prévoit, outre le régime de réparation de plein droit de l'ONIAM susmentionné, deux types de responsabilité, le premier avec faute de la part d'un praticien exerçant en dehors d'un établissement de santé et une responsabilité de plein droit, sauf preuve d'une cause extérieure, pour ces derniers.

Pour que cette dernière responsabilité puisse être invoquée, encore faut-il que les conditions qui la régissent soient réunies, ce que conteste la S.A. AXA France IARD.

Ainsi faut-il établir que la structure qui a accueilli Mme [S] ait été incluse dans les services de la société clinique [9] et pas simplement sa locataire.

Or, il n'est versé en ce sens qu'un seul élément aux débats, la décision de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux relatif à la présente affaire en date du 19 février 2014 (pièce 2 de la S.A. la médicale de France). Cet écrit retient que la société clinique [9] ne dispose pas d'autre installation d'imagerie que celle à laquelle appartient le Docteur [D] se trouvant sur son site. Il est admis par cette décision qu'il est mentionné sur les documents à destination du public qu'il s'agit d'un cabinet médial indépendant (pièce 3 de la même partie). Toutefois, la commission affirme que la notion d'établissement ne peut être réduite à la structure juridique, mais est définie par la mission confiée à cette structure en application de l'article L.6111-1 du code de la santé publique.

Cependant, cette affirmation est dépourvue de tout fondement légal, faute que l'objet de la société clinique [9] relève expressément de la radiologie. Outre cet objet, il est établi, comme le soutient la partie appelante, que cette structure n'a aucune certification et n'est pas contrôlée à ce titre. Mieux, il doit être relevé que contrairement aux assertions de cette commission et de la S.A. la Médicale de France, la partie appelante rapporte la preuve qu'une partie non négligeable de son activité d'imagerie médicale est traitée par un autre organisme, à savoir le groupement de coopération sanitaire et le centre IRM cancérologie de [Localité 7] (pièces 8 et 9 de cette partie).

Cet élément rapporte au surplus la preuve qu'il n'existe pas de lien de dépendance économique entre la société clinique [9] et la SCM CABINET DE RADIOLOGIE.

De surcroît, il ressort de la décision de la commission du 19 février 2014 qu'il n'existe pas de confusion juridique entre les deux intervenants et qu'il n'existe donc aucun contrôle en la matière. En particulier, il n'est justifié d'aucune intervention ou prérogative de la part de la société clinique [9] en matière d'aseptie ou d'hygiène à propos de l'activité de la SCM CABINET DE RADIOLOGIE, la preuve en étant l'absence de participation par les radiologues au comité de lutte contre les infections aux soins et l'existence d'un personnel dédié à cette question au sein du centre de radiologie (pièce 22 de la requérante).

Surtout, il apparaît remarquable que la SCM CABINET DE RADIOLOGIE ne conteste pas le fait qu'il n'a pour seule relation contractuelle avec la société clinique [9] qu'un contrat de bail pour l'occupation de locaux professionnels, et non pas la moindre convention relative à l'usage ou au fonctionnement de son service d'imagerie. Or, il résulte de la lecture du bail en date du 20 février 1986 et de ses différents avenants (pièces 1, 2 et 12 de la partie appelante) qu'aucun accord n'existe entre ces deux parties s'agissant de l'exercice de leur activité au titre de ces conventions.

Aucun élément ne permet donc de soutenir que le service d'imagerie géré par la SCM CABINET DE RADIOLOGIE ait pu constituer un service de la clinique [9] . Il n'existe donc pas davantage de confusion possible au titre des activités, également séparées.

L'assurée de l'appelante ne saurait par conséquent être considérée comme un établissement médical s'agissant de l'infection nosocomiale survenue suite à l'acte médical du 6 septembre 2011 et sa responsabilité ne saurait être de ce fait engagée sur le fondement de l'article 1142-1 du code de la santé publique.

La décision attaquée ne pourra qu'être réformée sur ce point et l'ensemble des demandes adressées à l'encontre de la S.A. AXA France IARD seront ainsi rejetées.

II Sur la responsabilité de la SCM CABINET DE RADIOLOGIE.

Vu l'article L.1142-1 du code de la santé publique précité.

Il est constant qu'en application de ce texte, une société civile de moyen, qui a pour seul objet de faciliter l'exercice de sa profession par chacun de ses membres, ne constitue pas une des structures auxquelles s'applique l'article L.1142-1 du code de la santé publique (en ce sens première chambre civile de la cour de cassation les 11 juillet 2012, 12 octobre 2016).

En l'occurrence, seule la MSA de la Gironde, en ce qu'elle réclame à titre subsidiaire, en cas d'infirmation de la responsabilité de la S.A. AXA France IARD, la condamnation de toute partie responsable, sollicite la condamnation de la SCM CABINET DE RADIOLOGIE.

Cependant, si cet appel incident est recevable, il ne pourra qu'être rejeté car non fondé en fait et en droit, faute pour pour cette dernière partie de pouvoir être considérée comme un établissement de santé ou d'être intervenue directement à l'acte réalisé le 6 septembre 2011.

La décision précitée du 13 novembre 2019 ne pourra donc qu'être confirmée sur ce point et la demande de mise en cause de la responsabilité de cette partie rejetée.

III Sur la responsabilité de la S.A. la Médicale de France.

Vu l'article L.1142-1 du code de la santé publique précité.

Encore une fois, seule la MSA de la Gironde, du fait de sa demande subsidiaire susmentionnée, réclame la mise en cause de cette partie.

Néanmoins, cette partie ne justifie ni en fait, ni en droit sa prétention. Mieux, comme l'a justement souligné le premier juge, la S.A. la Médicale de France étant l'assureur du Docteur [D], qui a pratiqué l'acte du 6 septembre 2011, la responsabilité de cette partie ne peut être engagée qu'en cas de faute puisque le médecin concerné relève de ce régime de responsabilité en application de l'article 1142-1 du code la santé publique comme mentionné ci-avant.

Or, il doit être rappelé que selon le rapport d'expertise rendu en la matière le 2 juillet 2013, il n'a été constaté aucune faute de la part de ce professionnel de santé.

Dès lors, la décision attaquée du 13 novembre 2019 ne pourra qu'être à nouveau confirmée de ce chef et toute responsabilité de cette partie écartée.

IV Sur les demandes connexes.

Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Mme [H] et la caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde, qui succombent en appel, en supporteront donc chacune la charge pour moitié.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, l'équité et la situation économique de la partie perdante ne commandent pas qu'il soit alloué à une des parties à la présente instance la moindre somme au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Confirme le jugement rendu le 13 novembre 2019 par le tribunal de grande instance de BORDEAUX en ce qu'il a rejeté les responsabilités de la SCM CABINET DE RADIOLOGIE et de la S.A. Médicale de France au titre de l'infection nosocomiale survenue le 6 septembre 2011 ;

- Infirme la décision en ce qu'elle a déclaré la clinique [9] responsable de l'infection nosocomiale dont a été victime Mme [P] [S] épouse [H] le 6 septembre 2011 ;

Statuant à nouveau,

- Rejette l'ensemble des demandes formées à l'encontre de la S.A. AXA France IARD en sa qualité d'assureur de la clinique [9] ;

Y ajoutant,

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- rejette l'ensemble des demandes faites sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne Mme [P] [S] épouse [H] et la caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde à supporter chacune la moitié des dépens de la présente instance.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/06502
Date de la décision : 11/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-11;19.06502 ?
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