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11/10/2022 | FRANCE | N°19/05862

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 11 octobre 2022, 19/05862


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 11 OCTOBRE 2022



BV





N° RG 19/05862 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LJUI









[I] [D]



c/



[U] [D]

CPAM DE LA GIRONDE

FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES



[X] [Y] [F]























Nature de la décision : AU FOND


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Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 24 octobre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE (RG : 17/01099) suivant déclaration d'appel du 07 novembre 2019



APPELANT :



[I] [D], assisté de sa curatrice [A] [B] ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 11 OCTOBRE 2022

BV

N° RG 19/05862 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LJUI

[I] [D]

c/

[U] [D]

CPAM DE LA GIRONDE

FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES

[X] [Y] [F]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 24 octobre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE (RG : 17/01099) suivant déclaration d'appel du 07 novembre 2019

APPELANT :

[I] [D], assisté de sa curatrice [A] [B] épouse [H] née le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 8] désignée par jugement du Tribunal d'Instance de BORDEAUX du 24 janvier 2019

né le [Date naissance 1] 1995 à [Localité 10] (33)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 7]

représenté par Maître Julie RAVAUT de la SELARL CHAMBOLLE & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

[U] [D]

né le [Date naissance 2] 1989 à [Localité 11] (33)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 4]

non représenté, assigné selon procès-verbal de recherches infructueuses (article 659 du code de procédure civile)

CPAM DE LA GIRONDE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 12]

représentée par Maître LE CAN substituant Maître Max BARDET de la SELARL BARDET & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 6]

représenté par Maître Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître Jérôme CHARPENTIER, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTERVENANTE :

[X] [Y] [F], mandataire judiciaire à la protection des majeurs protégés désignée en qualité de co-curatrice aux biens de M. [I] [D] par décision du Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (Pôle Protection et Proximité) du 14 janvier 2021

demeurant [Adresse 9]

représentée par Maître Julie RAVAUT de la SELARL CHAMBOLLE & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 septembre 2022 en audience publique, devant la cour composée de :

Roland POTEE, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

- par défaut

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Le 9 décembre 2012, [U] [D] perdait le contrôle d'un véhicule Peugeot 307 dans lequel se trouvaient quatre passagers, dont son cousin [I] [D] alors âgé de 17 ans pour être né le [Date naissance 5] 1995. Il roulait dans un fossé herbeux, percutait la base d'un pont, effectuait un tonneau avant de finalement s'immobiliser dans un fossé. Les investigations entreprises révélaient que [U] [D] se trouvait sous l'empire d'un état alcoolique. De plus, le véhicule Peugeot 307 n'était pas assuré.

Suite à cet accident, [I] [D] était hospitalisé du 9 décembre 2012 au 7 février 2013. Il subissait deux évacuations neurochirurgicales ainsi qu'une ostéosynthèse de la mandibule. Il subissait également la repose d'un volet de craniectomie. Étaient relevés d'importants troubles neuropsychologiques à type d'impulsivité, aphasie et agnosie, outre une grande confusion. Un bilan ophtalmologique réalisé le 22 février 2013 concluait à une diplopie nécessitant une occlusion de l'oeil droit. Un suivi maxillo-facial du 15 mars 2013 évoquait l'ablation des deux plaques d'ostéosynthèse et une atteinte de la troisième paire crânienne. Un bilan orthophonique du 26 mars 2013 retenait une aphasie sévère, alexie et agraphie. Il était par la suite à nouveau opéré et hospitalisé jusqu'au 24 décembre 2014 pour une fracture du kyste du scaphoïde gauche. D'importantes séquelles persistant, il séjournait durant près de 2 ans en centre médico-éducatif.

Par jugement du 17 septembre 2013, le tribunal correctionnel de Libourne déclarait [U] [D] coupable de blessures involontaires notamment au préjudice de [I] [D], ainsi que de conduite sans assurance. La grand-mère de [I] [D], [A] [B] épouse [H], se constituait partie civile ès qualité de représentante légale mais ne formulait en l'état aucun demande d'indemnisation.

Par ordonnance du 13 janvier 2014, le juge des référés de Bordeaux commettait le docteur [Z] aux fins de procéder à une expertise médicale de [I] [D]. Aucune provision n'était allouée par cette ordonnance. Un premier rapport déposé par l'expert le 1er avril 2014 retenait de lourdes lésions, précisant que son état n'était pas encore consolidé. Un second rapport du 25 juin 2016 retenait une consolidation au 9 décembre 2015.

Les séquelles post traumatiques de [I] [D] conduisaient le tribunal d'instance de Bordeaux à le placer sous curatelle renforcée par jugement du 27 mars 2014. [A] [B] épouse [H] était désignée curatrice. Cette curatelle renforcée était maintenue par jugement du 24 janvier 2019. [A] [B] épouse [H] était maintenue en qualité de curatrice.

Par actes des 3 octobre et 27 octobre 2017 délivrés à [U] [D] et à la CPAM de la Gironde, [I] [D], [A] [B] épouse [H], sa grand-mère et [J] [W], sa soeur, saisissaient le tribunal de grande instance de Libourne de demandes tendant notamment à l'indemnisation de leurs préjudices.

Par ordonnance du 4 avril 2018, le juge de la mise en état donnait acte de son intervention volontaire au Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages. Cette ordonnance condamnait également [U] [D] à payer à [I] [D] une provision d'un montant de 300 000 €, ainsi qu'une provision de 289 908,11 € à la CPAM de la Gironde.

Par jugement du 24 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Libourne a :

- donné acte de son intervention volontaire au Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages,

- condamné [U] [D] à payer à [I] [D] :

* 58€ au titre des dépenses de santé actuelles,

* 9 078,16€ au titre des frais divers,

* 192 000€ au titre de l'assistance tierce personne avant consolidation,

* 20 000€ au titre du préjudice scolaire,

* 22 141,90€ au titre de la perte de gains professionnels actuels,

* 499 196€ au titre de l'assistance tierce personne entre sa consolidation et la date du jugement,

* à compter du jugement, une rente mensuelle viagère d'un montant de 12 113,5€ au titre de la tierce personne, payable mensuellement, indexée selon les dispositions des articles L434-15 et suivants du code de la sécurité sociale, suspendue en cas d'hospitalisation ou d'institutionnalisation d'une durée supérieure à 30 jours,

* 38 921,34€ au titre des pertes de gains professionnelles subies entre sa consolidation et la date du jugement,

* à compter du jugement, une rente mensuelle viagère d'une montant de 1 341,75€ au titre des pertes de gains professionnels futurs, déduction faite de la pension d'invalidité et de l'allocation supplémentaire invalidité qu'il perçoit,

* 100 000€ au titre de l'incidence professionnelle,

* 21 593,75€ au titre du déficit fonctionnel temporaire,

* 35 000€ au titre des souffrances endurées,

* 6 000€ au titre du préjudice esthétique temporaire,

* 294 000€ au titre du déficit fonctionnel permanent,

* 6 000€ au titre du préjudice esthétique permanent,

* 15 000€ au titre du préjudice sexuel,

* 15 000€ au titre du préjudice d'établissement,

- rappelé que les provisions déjà perçues par [I] [D] doivent venir en déduction de ces sommes,

- débouté [I] [D] de sa demande au titre du préjudice d'agrément,

- donné acte au Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages qu'il ne s'opposera pas à une prise en charge des frais de curatelle sur présentation des justificatifs adéquats,

- fixé les préjudices de [A] [B] épouse [H] à :

* 35 000€ s'agissant de son préjudice d'affection

* 20 000€ s'agissant des troubles dans ses conditions d'existence

- fixé à 9 000€ le préjudice d'affection de [J] [W],

- condamné [U] [D] à payer à la CPAM de la Gironde :

* 8 541,56€ au titre des dépenses de santé exposées pour [I] [D]

* 34 426,68€ au titre des frais futurs viagers qui seront exposés pour [I] [D]

* 102 601,15€ au titre de la pension d'invalidité viagère qui sera versée à [I] [D]

* 1080€ au titre de l'indemnité de gestion

- rappelé qu'à défaut de décision contraire, les condamnations prononcées produisent de plein droit intérêts au taux légal à compter du jugement,

- rappelé la demande tendant à la capitalisation des intérêts des sommes allouées à la CPAM de la Gironde,

- condamné [U] [D] aux dépens,

- dit que Maître Max Bardet pourra directement recouvrer auprès de [U] [D] les dépens par lui avancés au nom de la CPAM de la Gironde,

- condamné [U] [D] à payer à [I] [D] 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamné à payer à [A] [B] épouse [H] et [J] [W] chacune 800€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamné à payer 800€ à la CPAM de la Gironde au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de l'ensemble des dispositions du jugement,

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire,

- déclaré le jugement opposable au Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages,

- déclaré le jugement commun à la CPAM de la Gironde.

M. [I] [D], assisté de sa curatrice Mme [A] [B], ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 7 novembre 2019.

Par ordonnance du 14 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a désigné Mme [X] [Y] [F], mandataire judiciaire à la protection des majeurs, en qualité de co-curatrice aux biens de M. [D].

Par conclusions déposées le 8 août 2022, M. [I] [D], assisté de sa curatrice Mme [B] et de sa co-curatrice Mme [Y] [F], demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné M. [U] [D] à indemniser M. [I] [D] de son entier préjudice,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré le jugement opposable au Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires,

- réformer le jugement dont appel concernant les préjudices de tierce personne avant consolidation et après consolidation, pertes de gains professionnel futurs, déficit fonctionnel permanent et préjudice d'agrément,

- fixer l'indemnisation de ces préjudices à hauteur des sommes suivantes :

- juger que [I] [D] aura droit au versement d'une rente mensuelle d'un montant de 20 874 euros, réindexée conformément à la Loi, à compter de la décision à intervenir et ce, au titre de l'indemnisation de son besoin en tierce personne viager,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a fixé l'indemnisation de [I] [D] et aussi de son incidence professionnelle à hauteur de 100 000 €,

- condamner les intimés à payer à M. [I] [D] la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens.

Par conclusions déposées le 22 juillet 2022, le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages (FGAO) demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel (hormis le poste de préjudice 'incidence professionnelle'), en ce qu'il a alloué à M. [D] les indemnisations suivantes :

* La somme de 192 000€ au titre de l'assistance par tierce - personne avant consolidation, la somme de 499 196€ au titre de l'assistance par tierce personne échue entre la date de consolidation et la date du jugement, puis une rente mensuelle viagère d'un montant de 12 113,5€, payable mensuellement à terme échu, indexée selon les dispositions des articles L434-15 et suivants du code de la sécurité sociale, et suspendue en cas d'hospitalisation d'une durée supérieure à 30 jours ou de placement en institution,

* La somme 38 921,34€ au titre des pertes de gains professionnelles subies entre la date de consolidation et la date du jugement, puis une rente mensuelle viagère d'une montant de 1 341,75€ au titre des pertes de gains professionnels futurs, déduction faite de la pension d'invalidité et de l'allocation supplémentaire invalidité perçues par ailleurs,

* La somme de 294 000€ au titre du déficit fonctionnel permanent,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice d'agrément,

- statuant à nouveau, infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a alloué une indemnité de 100 000,00 € au titre de l'incidence professionnelle et rejeter la demande présentée par M. [D] à ce titre, compte-tenu de l'indemnisation viagère et total des pertes de gains professionnels sur la base du salaire médian,

- dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- rejeter toutes les demandes plus amples ou contraires,

- dire l'arrêt à intervenir opposable au FGAO.

Par conclusions déposées le 16 août 2022, la CPAM de la Gironde demande à la cour de :

- juger la CPAM de la Gironde recevable et bien fondée en ses conclusions, fins et prétentions,

En conséquence,

- statuer ce que de droit sur les demandes formulées par M. [I] [D], appelant à la présente procédure,

- confirmer le jugement déféré en son principe s'agissant des chefs du jugement concernant les demandes formulées par la CPAM de la Gironde sauf à actualiser le montant des sommes allouées à la caisse :

Statuant à nouveau :

- condamner M. [U] [D], tiers responsable, à payer à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde, la somme de 22.455,48 € (312.363,59 € - 289.908,11€ = 22.455,48 €), au titre de ses prestations d'ores et déjà exposées dans l'intérêt de son assuré social, M. [I] [D], déduction faite de la provision accordée suivant ordonnance du 04 avril 2018,

- condamner M. [U] [D], tiers responsable, à verser à la CPAM de la Gironde les frais futurs viagers au fur et à mesure qu'ils seront exposés par elle, à moins qu'il ne préfère se libérer de son obligation par le versement immédiat du capital représentatif de 44.662,66 €,

- condamner M. [U] [D], tiers responsable, à rembourser à la CPAM de la Gironde les arrérages à échoir de la pension invalidité au fur et à mesure qu'ils seront exposés par elle, à moins qu'il ne préfère se libérer de son obligation par le versement immédiat du capital représentatif de 132.621,27 €,

- condamner M. [U] [D], tiers responsable, à la somme de 1.114€ au titre de l'indemnité forfaitaire, en application des articles 9 et 10 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996,

- dire que ces sommes seront assorties des intérêts de retard au taux légal à compter de la décision à intervenir, et ce, en application des dispositions de l'article 1231-6 du Code Civil,

- dire qu'il sera fait application des dispositions de l'article 1343-2 du Code civil,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [U] [D] à payer à la CPAM de la GIRONDE la somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [U] [D] aux entiers dépens,

Y ajoutant,

- condamner M. [U] [D] à verser à la CPAM de la Gironde une indemnité complémentaire de 800 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

M. [U] [D] n'a pas constitué avocat. Il a été assigné par procès-verbaux de recherches infructueuses, conformément aux dispositions de l'article 659 du code de procédure civile.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 6 septembre 2022.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 23 août 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur le droit à indemnisation

Le droit à indemnisation intégrale en application de la loi du 5 juillet 1985 de M. [I] [D] suite à l'accident dont il a été victime le 9 décembre 2012, n'est pas contesté.

II - Sur l'évaluation des préjudices

Il ressort de l'expertise du professeur [Z] que M. [I] [D] , âgé de 17 ans et étant apprenti en première année d'électricité au moment de l'accident, a présenté lors de celui-ci :

- un traumatisme crâno-facial avec score de Glasgow initial à 4

- une importante plaie du scalp temporo-pariétal droite

- un hématome sous dural hémisphérique gauche, hématome extra-dural fronto-pariétal gauche avec engagement sous falcoriel, contusion temporo-pariétale gauche, pneumencéphalie

- une fracture fronto-temporale gauche, fracture du rocher gauche, fracture de l'os zygomatique droit et de la paroi externe de l'orbite droit, fracture de l'apophyse ptérygoïde droite, fracture de l'hémimandibule droite

- un traumatisme thoracique avec fractures des arcs postérieurs de la 2ème côte gauche et de la 7ème côte à droite, minime pneumothorax antérieur droit, contusion pulmonaire gauche, luxation de l'épaule droite

- un traumatisme du rachis avec fractures des apophyses transverses droites de T3 et T4

Les suites immédiates ont été marquées par un séjour en réanimation au cours duquel il a subi deux craniectomies avec drainage d'hématome extra et sous dural. Il a eu une osthéosynthèse de la mandibule et une reprise du volet de craniectomie.

A la sortie du séjour de neurochirurgie, il n'avait pas de déficit neuromoteur mais présentait d'importants troubles neuropsychologiques à type d'impulsivité, aphasie, agnosie et une grande confusion.

Après consolidation fixée le 9 décembre 2015, il persiste des séquelles.

Le médecin expert conclut comme suit :

' DFT total du 9 décembre 2012 au 24 mai 2013

' DFT partiel de 75% du 25 mai 2013 au 9 décembre 2015 correspondant à la gêne personnelle dans les activités de la vie courante et quotidienne, allant décroissant jusqu'à la période de consolidation

' frais d'aide temporaire à la personne :

Lors des 3 premiers week-ends de retour à domicile, il a dû être aidé pour les actes essentiels de la vie, d'hygiène à raison d'une heure/jour environ mais il devait être surveillé en permanence et son état nécessitait une présence responsable capable d'intervenir le reste du temps.

Depuis le 25 mai 2013 au 9 décembre 2015 :

- Pas d'aide pour les actes essentiels de la vie mais il a besoin d'être stimulé, encadré, accompagné d'une part et ne peut vivre sans présence responsable d'autre part. Il ne peut faire face à aucune activité ménagère de type entretien du logement, du linge, course et fabrication des repas

- Ce qui équivaut à 10 heures d'aide active et le reste en présence responsable.

' DFP : 60%

' souffrances endurées : 5/7 (craniectomie, réanimation, longue et douloureuse rééducation)

' préjudice esthétique : 3/7 (permanent depuis l'accident)

' préjudice d'agrément : pas d'élément d'information

' préjudice sexuel : pas d'élément d'information mais son attitude est dissuasive vis-à-vis des éléments féminins

' frais futurs :

- traitement médical

- 4 consultations de généraliste / an

- 11 consultations psychiatriques / an

- pas d'aide pour les actes essentiels de la vie mais il a besoin d'être stimulé, encadré, accompagné d'une part et ne peut vivre sans présence responsable d'autre part. Il ne peut faire face à aucune activité ménagère de type entretien du logement, du linge, course et fabrication des repas, gestion de budget et prévision ou programmation.

Ce qui équivaut à 10 heures par jour d'aide ventilée entre aide active et présence responsable susceptible d'intervenir à la demande car il se met en danger sans en avoir conscience.

Le reste du temps, soit 14 heures pendant lesquelles il dort, une simple présence suffit car il ne peut rester seul et faire face à un danger.

' retentissement professionnel :

- arrêt de la formation imputable

- nouvelles acquisitions impossibles

- les essais en milieu de travail même protégé se sont révélés des échecs à ce jour en raison principalement des troubles de l'humeur

Le rapport du médecin expert, contre lequel aucune critique médicalement fondée n'est présentée et ne peut être retenue, constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi.

Considérant l'âge de la victime (20 ans à la consolidation), la violence du traumatisme, la nature des lésions, le traitement médical mis en 'uvre pour y remédier, la rééducation suivie, la nature de l'infirmité, la gêne affectant la vie quotidienne, l'impossibilité ou les difficultés de se livrer à certaines activités physiques, la cour possède les éléments d'appréciation suffisants pour fixer le préjudice comme suit en tenant compte des principes suivants posés par les articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale et 31 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, modifiée par l'article 25, paragraphes III et IV, de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007.

Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers et les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel.

Conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales, ou lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie ; en ce cas, l'assuré social victime peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée, ou par préférence au tiers payeur dont elle n'a reçu qu'une indemnisation partielle.

Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice.

L'appel de M. [I] [D] porte sur les postes de préjudice suivants : assistance tierce personne avant et après consolidation, déficit fonctionnel permanent, perte de gains professionnels futurs, préjudice d'agrément.

Le FGAO, appelant incident, sollicite quant à lui la réformation du jugement sur le poste de l'incidence professionnelle.

La CPAM demande l'actualisation de sa créance.

Sur les préjudices patrimoniaux :

Sur les préjudices patrimoniaux temporaires :

Sur l'assistance tierce personne :

Ce poste couvre les dépenses liées à la réduction d'autonomie, entre le dommage et la consolidation. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être réduit en cas d'assistance d'un membre de la famille ni subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

En l'espèce, il est établi que nonobstant les hospitalisations dont il a fait l'objet, M. [I] [D] a bénéficié de retours à domicile entre le 9 février 2013 et le 9 décembre 2015, date de sa consolidation.

L'expert judiciaire retient que lors des 3 premiers week-ends de retour à domicile, M. [I] [D] a dû être aidé pour les actes essentiels de la vie et d'hygiène à raison d'une heure par jour, outre la nécessité d'une surveillance permanente et d'une présence responsable capable d'intervenir le reste du temps. À compter du 25 mai 2013 et jusqu'à la consolidation, il est noté un besoin d'être stimulé, encadré et accompagné, M. [I] [D] ne pouvant vivre sans présence responsable. Il est également relevé qu'il ne peut faire face à aucune activité ménagère de type entretien du logement, du linge, course et fabrication des repas. L'expert conclut à la nécessité d'un besoin d'aide active à raison de 10 heures par jour, le reste du temps nécessitant une présence responsable.

M. [I] [D], qui sollicite 258.193,50 euros, entend calculer la somme allouée à ce titre à partir d'un taux horaire de 21,50 euros correspondant au coût d'une aide à la personne par une association de prestataire. Il soutient que compte tenu de son besoin de surveillance 24h/24, il n'y a pas lieu de différencier entre une assistance passive ou active.

Le FGAO conclut à la confirmation du jugement qui a évalué ce préjudice à hauteur de 192.000 euros.

Le tribunal a considéré à juste titre que l'état de [I] [D] nécessitait une aide plus soutenue 10 heures par jour, devant dès lors être indemnisée de manière accrue, ainsi qu'une surveillance et une vigilance importantes à raison de 14 h par jour, laquelle doit également être justement indemnisée.

Au regard du besoin d'assistance, de la gravité de l'infirmité, et de la spécialisation de la tierce personne requise, la cour retient un taux horaire de 20 euros pour l'aide active et de 12 euros pour l'aide passive.

L'assistance tierce personne temporaire sera donc indemnisée comme suit :

* Pendant les week-ends du 9 février 2013 au 26 mai 2013 (16 week-ends soit 32 jours):

1h x 20€ x 32 jours = 640 euros

23h x 12€ x 32 jours = 8.832 euros

* Pendant les retours au domicile les week-ends lors de l'hospitalisation de jour du 27 mai 2013 au 24 décembre 2014 :

- pendant les week-ends sur la base de 10 h d'aide active et de 14 h de surveillance par jour :

20 h x 20€ x 82 semaines = 32.800 euros

28 h x 12 € x 82 semaines = 27.552 euros

- pendant les jours de la semaine

25h x 20 € x 82 semaines = 41.000 euros

50 h x 12 € x 82 semaines = 49.200 euros

* Pendant la période de retour à domicile du 25 décembre 2014 au 6 janvier 2015 :

10h x 20 € x 13 jours = 2.600 euros

14 h x 12 € x 13 jours = 2.184 euros

* Pendant les permissions de sortie lors de l'hospitalisation complète à l'IME des Izards du 7 janvier 2015 au 24 juillet 2015 :

10h x 20 € x 42 jours = 8.400 euros

14h x 12 € x 42 jours = 7.056 euros

* Période de retour à domicile du 25 juillet 2015 au 30 août 2015 :

10h x 20 € x 36 jours = 7.200 euros

14h x 12 € x 36 jours = 6.048 euros

* Pendant les permissions de sortie du 31 août 2015 au 9 décembre 2015 :

10h x 20 € x 34 jours = 6.800 euros

14h x 12 € x 34 jours = 5.712 euros

Soit un total de 206.024 euros.

Sur les préjudices patrimoniaux permanents :

Sur l'assistance tierce personne :

Ces dépenses sont liées à l'assistance permanente d'une tierce personne pour aider la victime handicapée à effectuer les démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne. Elles visent à indemniser le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

L'expert estime que M. [I] [D] a toujours besoin, après sa consolidation, d'une aide pour être stimulé, encadré et accompagné et qu'il ne peut pas vivre sans présence responsable. Il ajoute qu'il ne peut faire face à aucune activité ménagère. Il conclut que son état nécessite 10 heures par jour d'aide ventilée entre aide active et présence responsable susceptible d'intervenir à la demande car il se met en danger sans en avoir conscience et qu'une simple présence suffit pendant les 14 heures restantes pendant lesquelles il dort puisqu'il est médicalement établi que M. [I] [D] souffre d'hypersomnie.

L'expert précise que 'pendant la période où le jeune homme est éveillé, il a besoin d'être aidé pour gérer sa sécurité, appliquer les règles de vie y compris dans ses relations aux autres : il ne comprend pas bien les consignes orales et ne gère pas son impulsivité. Il peut fuguer ou se mettre en danger. Il a besoin d'être encadré de surcroît pour palier sa non compliance aux soins et selon les évaluations réalisées en centre de soins, il reste dépendant de l'adulte pour réaliser l'ensemble des activités quotidiennes, qu'elles soient personnelles ou domiciliaires. Cette aide est donc active ou en tous les cas 'présente' et doit intervenir rapidement. Elle ne peut pas être remplacée par une surveillance passive comme une télésurveillance par exemple.'

M. [I] [D] demande la somme de 1.554.656 euros au titre des arrérages échus (de la date de consolidation au 9 décembre 2022) ainsi que le versement d'une rente viagère mensuelle, à compter du 9 décembre 2022, de 20.874 euros, sur la base d'un taux horaire de 22 euros correspondant au coût d'une aide à la personne par une association de prestataire. Faisant valoir son besoin d'une surveillance constante et active, il affirme qu'il n'y a pas lieu de différencier l'indemnisation au titre des heures dites actives de celles dites passives, qu'il ne peut être employeur direct de ses auxiliaires de vie et qu'en tout état de cause, les associations prestataires pratiquent des tarifs identiques quelle que soit l'aide apportée (aide aux actes essentiels de la vie, entretien, surveillance de nuit, accompagement...)

Le FGAO sollicite la confirmation du jugement qui a évalué ce préjudice à hauteur de 499.196 euros à titre d'indemnisation entre sa consolidation et la date du jugement, ainsi qu'une rente mensuelle viagère de 12.113,5 euros.

Le tribunal doit être approuvé lorsqu'il retient que M. [I] [D] a besoin d'une aide plus active pendant 10 heures devant être indemnisée de manière accrue et d'une surveillance et vigilance particulière pendant 14h imposant une indemnisation.

En outre, le choix d'une indemnisation par un prestataire est légitime eu égard au lourd handicap subi justifiant que la victime soit dégagée des soucis inhérents au statut d'employeur qu'elle n'avait pas avant l'accident.

Dans la mesure où est retenu un taux horaire de prestataire, le financement se calcule sur la base de 365 jours par an, le taux horaire comprenant le surcoût des dimanches et jours fériés, ainsi que le fait valoir le FGAO.

Sur la base d'un taux horaire de 20 euros pour l'aide active et de 12 euros pour l'aide passive, il convient de calculer comme suit l'indemnité pour l'assistance par tierce personne, au titre des arrérages échus de la date de consolidation, le 9 décembre 2015, à la date du présent arrêt, le 11 octobre 2022, soit pendant 6 ans, 10 mois et 2 jours :

10h x 20 € x 2.498 jours = 499.600 euros

14h x 12 € x 2.498 jours = 419.664 euros

soit un total de 919.264 euros

Pour l'avenir, s'agissant de la période courant à partir du 11 octobre 2022, l'indemnisation de ce poste de préjudice doit être calculée comme suit :

Tierce personne active : 365 jours x 10 h x 20 euros = 73.000 euros

Tierce personne passive : 365 jours x 14 heures x 12 euros = 61.320 euros

soit une rente annuelle de 134.320 euros, ce qui correspond à une rente mensuelle viagère de 11.193,33 euros.

Le FGAO sollicitant néanmoins la confirmation du jugement en ce qu'il a alloué une rente mensuelle viagère de 12.113, 5 euros, il sera fait droit à cette dernière demande.

Sur la perte de gains professionnels futurs :

Il est rappelé qu'il s'agit ici d'indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage.

Ce poste de préjudice indemnise une invalidité spécifique partielle ou totale qui entraîne une perte ou une diminution directe de ses revenus professionnels futurs à compter de la date de consolidation. Cette perte ou diminution des gains professionnels peut provenir soit de la perte de son emploi par la victime, soit de l'obligation pour celle-ci d'exercer un emploi à temps partiel à la suite du dommage consolidé.

M. [I] [D] sollicite la réformation du jugement tant sur le quantum des sommes allouées que sur l'indemnisation sous forme de rente. Il fait valoir :

- qu'il convient de prendre comme salaire de référence la somme de 2000 euros par mois

- qu'il n'est pas possible d'imputer les sommes perçues au titre de l'allocation adulte handicapé qui ne constitue pas une prestation indemnitaire visée aux termes de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985

- qu'il n'a jamais demandé à bénéficier de l'allocation supplémentaire d'invalidité, de sorte que celle-ci ne peut être imputée

- qu'étant inaccessible à tout emploi, la PGPF est totale

- qu'étant placé sous curatelle renforcée, il n'existe pas de risque de dilapidation, de sorte qu'il convient de l'indemniser sous forme de capital et non de rente.

Déduction faite de la pension invalidité qu'il percevra, il réclame la somme de 1.316.615,51 euros.

Le FGAO conclut à la confirmation du jugement et soutient qu'il convient de déduire les prestations versées par la CPAM au titre des PGPF, à savoir la pension d'invalidité et l'allocation supplémentaire d'invalidité. Il demande la confirmation d'une indemnisation sous forme de rente viagère en ce qu'elle préserve la victime de nombreux aléas.

M. [I] [D] est allé jusqu'en classe de 3ème et a obtenu le brevet des collèges. Au moment de l'accident, il était en première année de CAP électricien et venait d'être embauché en contrat d'apprentissage.

L'expert relève que M. [I] [D] a dû interrompre sa formation du fait de l'accident, que de nouvelles acquisitions sont impossibles et que les essais en milieu de travail, même protégé, se sont révélés des échecs. Il émet des réserves sur la possibilité d'avoir une activité professionnelle, même partielle en milieu protégé, et ce d'autant plus qu'il ne peut se déplacer de manière autonome.

Le tribunal a justement retenu que les pièces produites permettaient de considérer que sans l'accident, M. [I] [D] aurait pu achever sa formation et travailler en qualité d'électricien. Il convient de retenir un salaire de référence de 1.800 euros par mois correspondant au salaire net moyen d'un électricien.

Il convient de distinguer deux périodes :

- la période comprise entre la date de consolidation et celle de la décision, correspondant aux arrérages échus payables sous forme de capital,

- la période postérieure à la décision, correspondant aux arrérages à échoir qui peuvent être capitalisés en fonction de l'âge de la victime au jour de la décision.

a) Calcul des arrérages échus :

De la date de la consolidation (9 décembre 2015) à la date de la décision, la perte de gains professionnels futurs échus s'élève à la somme de 1.800 euros x 82 mois = 147.600 euros.

b) Perte de gains professionnels futurs à échoir :

Il s'agit d'arrérages à échoir qui seront capitalisés, comme demandé par M. [I] [D], en fonction de l'âge de la victime au mois d'octobre 2022, en multipliant la perte annuelle par un prix de l'euro de rente établi en fonction de l'âge et du sexe de la victime sur la base du barème de la Gazette du Palais du 15 septembre 2020.

Il sera fait droit à la demande formée par la victime d'indemnisation des PGPF sur la base d'un euro de rente viager, qui réparera ainsi sa perte de droits à la retraite.

Pour une rente viagère, la victime étant âgée de 27 ans à la date d'attribution, le prix de l'euro de rente prévu par le barème de capitalisation de la Gazette du Palais 2020 au taux de 0,30% est de 48,250.

Le calcul s'établit donc comme suit : 1.800 € x 12 mois x 48,250 = 1.042.200 euros.

La perte de gains professionnels futurs s'élève en définitive à la somme totale de :

147.600 euros + 1.042.200 euros = 1.189.800 euros

Sur l'incidence professionnelle :

Ce poste de préjudice vise à indemniser, non la perte de revenus liée à l'invalidité consécutive à l'accident, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle, comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail et à l'augmentation de la pénibilité de l'emploi occupé imputable au dommage, ou encore le préjudice subi résultant de l'obligation d'abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une activité professionnelle imposé par la survenance d'une infirmité.

A ce titre, le tribunal a alloué à M. [I] [D] la somme de 100.000 euros.

Le FGAO, appelant incident, conclut au rejet de la demande au motif qu'aucune indemnisation ne peut être allouée au titre de l'incidence professionnelle alors que les pertes de gains ont été indemnisés sur la base d'une perte totale future de façon viagère.

M. [I] [D] sollicite la confirmation du jugement. Il fait valoir qu'il a dû abandonner ses projets professionnels, qu'il a perdu tout lien social et que le fait de n'avoir plus aucune valeur sur le marché du travail est très difficile à accepter pour lui. Il ajoute que le préjudice lié à l'état d'inactivité professionnelle totale, au désoeuvrement, facteur d'exclusion sociale, est un préjudice distinct de la perte de gains professionnels futurs.

Le tribunal rappelle à juste titre que M. [I] [D] se prédestinait à une carrière d'électricien qu'il avait déjà débutée dans le cadre d'un contrat d'apprentissage. Suite à l'accident, il a dû abandonner tout projet professionnel. Au regard des conclusions expertales, les séquelles de M. [I] [D] et particulièrement son impulsivité et ses troubles de l'humeur le privent du lien social auquel il aurait pu prétendre dans le cadre d'une activité professionnelle.

Ayant été victime de son accident alors qu'il n'était âgé que de 17 ans, il est indéniable que M. [I] [D] subit une dévalorisation sociale ressentie du fait de son exclusion définitive du monde du travail, c'est-à-dire un préjudice tenant à la perte d'utilité sociale.

Ce préjudice, indemnisable au titre de l'incidence professionnelle, sera justement indemnisé par l'allocation d'une somme de 70.000 euros.

Sur les préjudices extrapatrimoniaux :

Sur les préjudices extrapatrimoniaux permanents :

Sur le déficit fonctionnel permanent :

Il est rappelé que ce poste de préjudice vise à indemniser la réduction définitive, après consolidation, du potentiel physique, psycho-sensoriel ou intellectuel de la victime résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-psychologique, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment la douleur permanente qu'elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.

Il s'agit, pour la période postérieure à la consolidation, de la perte de qualité de vie, des souffrances après consolidation et des troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales) du fait des séquelles tant physiques que mentales qu'elle conserve.

M. [I] [D] sollicite une indemnisation de 315.000 euros au titre de l'atteinte à l'intégrité physique, majorée de la somme de 20.000 euros au titre du préjudice de dépersonnalisation lié à son placement contraint sous curatelle renforcée, soit au total 335.000 euros.

Le FGAO demande la confirmation du jugement en ce qu'il a fixé ce poste de préjudice à la somme de 294.000 euros.

Le rapport d'expertise relève que la victime conserve d'importantes séquelles neuropsychiatriques, des troubles de l'humeur, une irritabilité et une fatigue importante, une hypersomnie, des troubles de l'élocution. Il conclut à un taux de déficit fonctionnel permanent de 60%.

Au regard de l'âge de M. [I] [D] (20 ans au jour de la consolidation), des souffrances subies, de l'atteinte à son intégrité physique et des troubles dans ses conditions de l'existence, le déficit fonctionnel permanent sera indemnisé sur la base de 5.250 euros du point, ce qui donne un montant de : 5.250 x 60 = 315.000 euros

Sur le préjudice d'agrément :

Ce poste de préjudice répare l'impossibilité, les limitations ou les difficultés pour la victime de poursuivre régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs.

En l'espèce, l'expert n'a pas retenu ce poste de préjudice au regard de l'absence d'élément d'information permettant de justifier de la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisirs.

Pas plus qu'en première instance, M. [I] [D] ne fournit en appel de pièce justificative d'une quelconque activité.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de ce chef.

***

Les débours de la CPAM de la Gironde sont définitivement arrêtés et s'imputeront comme suit.

Poste de préjudice

Montant

Prestations en nature

Dépenses de santé actuelles

264.625,13 euros

Frais de transport

Frais divers

15.257,78 euros

Prestations en espèces (indemnités journalières)

Perte de gains professionnels actuels

2.753,10 euros

Frais futurs

Dépenses de santé futures

dont frais futurs viagers à échoir :

et frais futurs viagers échus :

51.416,28 euros

44.662,66 euros

6.753,62 euros

Arrérages échus (du 9 décembre 2015 au 31 juillet 2022)

PGPF

Incidence professionnelle

DFP

22.973,96 euros

Pension invalidité (capital)

PGPF

Incidence professionnelle

DFP

132.621,27 euros

Total

489.647,52 euros

***

Au final, le préjudice de M. [I] [D] sera liquidé comme suit :

Poste de préjudice

Evaluation du préjudice

dû à la victime

dû à la CPAM

Dépenses de santé actuelles

264.683,13 euros

58 euros

264.625,13 euros

Frais divers

230.359,94 euros

215.102,16 euros

9.078,16 euros (frais de déplacement) + 206.024 euros (ATP temporaire)

15.257,78 euros

Préjudice scolaire

20.000 euros

20.000 euros

0

Perte de gains professionnels actuels

24.895 euros

22.141,90 euros

2.753,10 euros

Dépenses de santé futures

51.416,28 euros

0

51.416,28 euros

dont frais futurs viagers à échoir : 44.662,66 euros

et frais futurs viagers échus : 6.753,62 euros

Assistance tierce personne permanente

919.264 euros au titre des arrérages échus et une rente mensuelle viagère de 12.113,5 euros

919.264 euros au titre des arrérages échus et une rente mensuelle viagère de 12.113,5 euros

0

Perte de gains professionnels futurs

1.345.395,23 euros

1.189.800 euros

155.595,23 euros

22.973,96 euros au titre des arrérages échus et 132.621,27 euros au titre du capital pension invalidité

Incidence professionnelle

70.000 euros

70.000 euros

0

Déficit fonctionnel temporaire

21.593,75 euros

21.593,75 euros

0

Souffrances endurées

35.000 euros

35.000 euros

0

Déficit fonctionnel permanent

315.000 euros

315.000 euros

0

Préjudice esthétique temporaire

6.000 euros

6.000 euros

0

Préjudice esthétique permanent

6.000 euros

6.000 euros

0

Préjudice d'agrément

0

0

0

Préjudice sexuel

15.000 euros

15.000 euros

0

Préjudice d'établissement

15.000 euros

15.000 euros

0

Sous- Total

3.339.607,33 euros outre une rente mensuelle viagère de 12.113,5 euros au titre de l'ATP

2.849.959,81 euros outre une rente mensuelle viagère de 12.113,5 euros au titre de l'ATP

489.647,52 euros

sommes déjà versées au titre des provisions

410.000 euros

289.908,11 euros

Total

3.339.607,33 euros outre une rente mensuelle viagère de 12.113,5 euros au titre de l'ATP

2.439.959,81 euros

outre une rente mensuelle viagère de 12.113,5 euros au titre de l'ATP

199.739,41 euros

Déduction faite de la créance de la CPAM poste par poste et des provisions d'ores et déjà versées, le solde dû à M. [I] [D] s'élève donc à la somme de 2.439.959,81 euros au paiement de laquelle sera condamné M. [U] [D].

Il convient également de confirmer la condamnation de M. [U] [D] à verser à M. [I] [D] une rente mensuelle viagère de 12.113,5 euros au titre de la tierce personne, indexée selon les dispositions prévues par la loi du 5 juillet 1985, et suspendue en cas d'hospitalisation à partir du 31 ème jour.

Les sommes allouées à M. [I] [D] produiront intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus, conformément à l'article 1153 alinéa 2 devenu 1231-7 alinéa 2 du code civil qui dispose que les intérêts moratoires courent sur les créances indemnitaires à compter du jour de la décision.

En application de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale, M. [U] [D] sera condamné à rembourser à la CPAM de la Gironde la somme de (312.363,59 - 289.908,11) = 22.455,48 euros au titre des prestations d'ores et déjà exposées dans l'intérêt de son assuré social, déduction faite de la provision versée. Il sera en outre condamné à lui rembourser, au fur et à mesure de leur échéance, d'une part, les frais futurs viagers à échoir dont le capital constitutif est de 44.662,66 euros, d'autre part, les arrérages à échoir de la pension invalidité dont le capital représentatif est de 132.621,27 euros.

La CPAM de la Gironde est en outre bien fondée à demander l'actualisation du montant de l'indemnité forfaitaire de gestion qui lui a été allouée en première instance en application des articles 9 et 10 de l'ordonnance 96-51 du 24 janvier 1996. Il lui sera donc alloué la somme de 1.114 euros.

L'arrêt doit être déclaré opposable au FGAO.

III- Sur les dépens et les frais irrépétibles

Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. M. [U] [D] en supportera donc la charge.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, M. [U] [D] sera condamné à payer à M. [I] [D] la somme de 3.500 euros et à la CPAM de la Gironde la somme de 800 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme partiellement le jugement en ce qu'il a :

- condamné M. [U] [D] à payer à M. [I] [D] :

* 192 000€ au titre de l'assistance tierce personne avant consolidation,

* 499 196€ au titre de l'assistance tierce personne entre sa consolidation et la date du jugement,

* 38 921,34€ au titre des pertes de gains professionnelles subies entre sa consolidation et la date du jugement,

* à compter du jugement, une rente mensuelle viagère d'une montant de 1 341,75€ au titre des pertes de gains professionnels futurs, déduction faite de la pension d'invalidité et de l'allocation supplémentaire invalidité qu'il perçoit,

* 100 000€ au titre de l'incidence professionnelle,

* 294 000€ au titre du déficit fonctionnel permanent,

- condamné [U] [D] à payer à la CPAM de la Gironde :

* 8 541,56€ au titre des dépenses de santé exposées pour [I] [D]

* 34 426,68€ au titre des frais futurs viagers qui seront exposés pour [I] [D]

* 102 601,15€ au titre de la pension d'invalidité viagère qui sera versée à [I] [D]

* 1080€ au titre de l'indemnité de gestion

Statuant à nouveau dans cette limite,

Dit que le préjudice de M. [I] [D] sera liquidé comme suit :

Poste de préjudice

Evaluation du préjudice

dû à la victime

dû à la CPAM

Dépenses de santé actuelles

264.683,13 euros

58 euros

264.625,13 euros

Frais divers

230.359,94 euros

215.102,16 euros

9.078,16 euros (frais de déplacement) + 206.024 euros (ATP temporaire)

15.257,78 euros

Préjudice scolaire

20.000 euros

20.000 euros

0

Perte de gains professionnels actuels

24.895 euros

22.141,90 euros

2.753,10 euros

Dépenses de santé futures

51.416,28 euros

0

51.416,28 euros

dont frais futurs viagers à échoir : 44.662,66 euros

et frais futurs viagers échus : 6.753,62 euros

Assistance tierce personne permanente

919.264 euros au titre des arrérages échus et une rente mensuelle viagère de 12.113,5 euros

919.264 euros au titre des arrérages échus et une rente mensuelle viagère de 12.113,5 euros

0

Perte de gains professionnels futurs

1.345.395,23 euros

1.189.800 euros

155.595,23 euros

22.973,96 euros au titre des arrérages échus et 132.621,27 euros au titre du capital pension invalidité

Incidence professionnelle

70.000 euros

70.000 euros

0

Déficit fonctionnel temporaire

21.593,75 euros

21.593,75 euros

0

Souffrances endurées

35.000 euros

35.000 euros

0

Déficit fonctionnel permanent

315.000 euros

315.000 euros

0

Préjudice esthétique temporaire

6.000 euros

6.000 euros

0

Préjudice esthétique permanent

6.000 euros

6.000 euros

0

Préjudice d'agrément

0

0

0

Préjudice sexuel

15.000 euros

15.000 euros

0

Préjudice d'établissement

15.000 euros

15.000 euros

0

Sous- Total

3.339.607,33 euros outre une rente mensuelle viagère de 12.113,5 euros au titre de l'ATP

2.849.959,81 euros outre une rente mensuelle viagère de 12.113,5 euros au titre de l'ATP

489.647,52 euros

sommes déjà versées au titre des provisions

410.000 euros

289.908,11 euros

Total

3.339.607,33 euros outre une rente mensuelle viagère de 12.113,5 euros au titre de l'ATP

2.439.959,81 euros

outre une rente mensuelle viagère de 12.113,5 euros au titre de l'ATP

199.739,41 euros

En conséquence,

Condamne M. [U] [D] à payer à M. [I] [D] la somme de 2.439.959,81 euros, déduction faite de la créance de la CPAM de la Gironde poste par poste et des provisions d'ores et déjà versées,

Dit que ces indemnités porteront intérêt au taux légal à compter du jugement en date du 24 octobre 2019 à concurrence des sommes allouées par ledit jugement, et à compter du présent arrêt pour le surplus ;

Condamne M. [U] [D] à rembourser à la CPAM de la Gironde la somme de 22.455,48 euros au titre des prestations d'ores et déjà exposées ;

Condamne M. [U] [D] à payer à la CPAM de la Gironde, au fur et à mesure de leur échéance, les frais futurs viagers à échoir dont le capital constitutif est de 44.662,66 euros,

Condamne M. [U] [D] à payer à la CPAM de la Gironde, au fur et à mesure de leur échéance, les arrérages à échoir de la pension invalidité dont le capital représentatif est de 132.621,27 euros ;

Condamne M. [U] [D] à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 1.114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

Le confirme pour le surplus ;

Y ajoutant,

Condamne M. [U] [D] à payer à M. [I] [D] la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [U] [D] à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [U] [D] aux dépens d'appel ;

Déclare l'arrêt opposable au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages ;

Déclare l'arrêt commun à la CPAM de la Gironde ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/05862
Date de la décision : 11/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-11;19.05862 ?
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