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04/10/2022 | FRANCE | N°18/02882

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 3ème chambre famille, 04 octobre 2022, 18/02882


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



TROISIÈME CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 4 OCTOBRE 2022









N° RG 18/02882 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KN7T









[M] [T]



c/



[C] [T]

[G] [T]

[XS] [T] épouse [I]



















Nature de la décision : AU FOND







28A



Grosse délivrée le :



aux avocats
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APPELANT :



Olivier [K]

né le 28 Avril 1956 à [Localité 10]

de nationalité Française

demeurant [Adress...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 4 OCTOBRE 2022

N° RG 18/02882 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KN7T

[M] [T]

c/

[C] [T]

[G] [T]

[XS] [T] épouse [I]

Nature de la décision : AU FOND

28A

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 avril 2018 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de BERGERAC (RG n° 16/00675) suivant déclaration d'appel du 16 mai 2018

APPELANT :

Olivier [K]

né le 28 Avril 1956 à [Localité 10]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 8]

Représenté par Me Bettina GRELLETY, avocat au barreau de BERGERAC

INTIMÉS :

[C] [K]

né le 07 Mars 1954 à [Localité 10]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 17]

[G] [K]

née le 28 Septembre 1951 à [Localité 20]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 3]

[XS] [T] épouse [I]

née le 26 Mai 1959 à [Localité 10]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

Représentés par Me David LARRAT de la SELARL H.L. CONSEILS, avocat au barreau de PERIGUEUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 mai 2022 hors la présence du public, devant la Cour composée de :

Président : Hélène MORNET

Conseiller: Danièle PUYDEBAT

Conseiller : Isabelle DELAQUYS

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Clémentine JORDAN

lors du prononcé : Véronique DUPHIL

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 al. 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

De l'union de Mme [Y] [J] et de M. [D] [T], mariés le 16 octobre 1950 à [Localité 7] (62) sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts suivant contrat de mariage en date du 9 octobre 1950, sont issus quatre enfants :

- [G] [T] veuve [L],

- [C] [T],

- [M] [T],

- [XS] [T] épouse [I].

Mme [Y] [J] est décédée le 23 mai 1984, M. [D] [J] est décédé le 14 juillet 2007.

A leur décès, les opérations de liquidation et partage ont débuté mais du fait de la demande de rapports de donations et avances sur successions formées par M. [M] [T], les héritiers ne sont parvenus à aucun partage amiable.

Par acte d'huissier en date du 26 mai 2010, M. [M] [T] a fait assigner ses frères et s'urs aux fins d'obtenir l'ouverture et le partage judiciaire des biens dépendants de la succession, après rapport à la succession des donations dont il prétend que ses frère et s'urs ont bénéficiés et application des règles du recel successoral à leur encontre.

Par ordonnance en date du 11 mai 2012, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bergerac, saisi par M. [C] [T], a désigné Me [W] [N] en qualité d'expert avec mission de déterminer les sommes données par les époux [T], à tout le moins par M. [D] [T] à ses filles pour acquérir les biens qu'elles possèdent et de procéder à l'évaluation de ces biens.

Un pré-rapport d'expertise a été déposée le 12 juillet 2013, à la suite duquel M. [M] [T] a demandé l'extension des opérations d'expertises, extension refusée par ordonnance en date du 11 avril 2014.

Cette ordonnance a été réformée par un arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux en date du 27 mai 2015 qui a étendu le rapport d'expertise aux deux propriétés de M. [C] [T], propriétés des Feuillades et du Faurissou, sises à [Localité 13] (Dordogne) ainsi qu'à celle de [Localité 21].

Le 10 mai 2017, l'expert a déposé son rapport d'expertise définitif.

Par jugement en date du 6 avril 2018, le tribunal de grande instance de Bergerac a notamment :

- écarté les conclusions tardives déposées le 28 janvier 2018,

- dit n'y avoir lieu à rapport de donations déguisées ou de dons manuels au profit d'un ou plusieurs héritiers de M. [T],

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et de partage de la succession de M. [T], décédé le 14 juillet 2007 et désigné pour y procéder le président de la chambre des notaires avec faculté de délégation à l'exception de l'étude de Me [S] et de son successeur,

- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires,

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

Procédure d'appel:

Par déclaration d'appel en date du 16 mai 2018, M. [M] [T] a relevé appel de l'ensemble des dispositions du jugement, sauf de celles rejetant les demandes reconventionnelles présentées par ses frère et s'urs.

Par conclusions du 8 novembre 2018, M. [C] [T], Mme [G] [T], veuve [L] et Mme [XS] [T], épouse [I], (les intimés, désignés comme les consorts [T]) ont formé appel incident aux fins de constater l'existence d'un acte de partage, de dire et juger qu'il vaut partage et de constater l'absence de donation déguisée et de recel successoral.

Sur incident soulevé le 29 mars 2019 par M. [M] [T], le conseiller de la mise en état, par ordonnance en date du 15 mai 2019, a déclaré recevables l'appel incident formé par les intimés ainsi que les demandes présentées dans leurs conclusions et condamné M. [M] [T] à verser aux intimés une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'incident.

Par arrêt de déféré en date du 8 novembre 2019, la cour a infirmé l'ordonnance du 15 mai 2019, et dit pour l'essentiel que les consorts [T], intimés sur l'appel principal de M. [M] [T], n'ont pas valablement formé appel incident du jugement du 6 avril 2018 rendu par le tribunal de grande instance de Bergerac.

Par ordonnance en date du 18 novembre 2020, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné le sursis à statuer de la procédure, dans l'attente de la décision de la Cour de cassation à intervenir sur l'arrêt rendu en déféré.

Par arrêt en date du 1er juillet 2021, la Cour de cassation a annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 8 novembre 2019 entre les parties par la Cour d'appel de Bordeaux, remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt, les a renvoyées devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée et a condamné M. [M] [T] aux dépens.

Le 9 septembre 2020, le conseiller de la mise en état a proposé la désignation d'un notaire médiateur. La médiation a été refusée par les parties, par courrier du 7 octobre 2020 pour les intimés et du 12 octobre 2020 pour l'appelant.

Selon dernières conclusions en date du 7 avril 2022, M. [M] [T] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bergerac le 6 avril 2018, en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à rapport de donations déguisées ou de dons manuels par M. [M] [T] au profit de ses frères et soeurs,

- réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bergerac le 6 avril 2018, en ce qu'il a :

* dit n'y avoir lieu à rapport de donations déguisées ou de dons manuels au profit d'un ou plusieurs héritiers de M. [T] [D], sauf en ce qu'il rejette les demandes reconventionnelles des consorts [T] tendant à voir rapporter par leur frère M. [M] [T] les dons qu'ils prétendent lui avoir été faits par leur père ;

* ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et de partage de la succession de M. [D] [T], décédé le 14 juillet 2007 et désigné pour y procéder le président de la chambre des notaires avec faculté de délégation à l'exception de l'étude de Me [S] et de son successeur ;

* débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de Procédure Civile,

* rejeté les demandes plus amples ou contraires,

* dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage,

- ordonner le partage des biens dépendant des successions confondues de Mme [Y] [J] épouse [T], née le 9 juillet 1925, décédée le 23 mai 1984 et de M. [D] [T], né le 31 décembre 1923, décédé le 14 juillet 2007,

- désigner pour ce faire le président de la chambre départementale des Notaires de la Dordogne, avec faculté de délégation pour procéder aux opérations de partage et commettre un juge afin de surveiller lesdites opérations,

- juger que les consorts [T] ont bénéficié de la part de leurs parents de donations déguisées qu'ils doivent rapporter à la succession par application de l'article 843 du code civil,

Au vu du rapport d'expertise de M. [N],

- juger que les consorts [T] ont recelé les biens et droits dont ils bénéficiaient dans la succession des de cujus pour les raisons sus indiquées et que chacun était informé du recel des autres,

- juger qu'en conséquence, s'agissant d'un recel successoral, les consorts [T] ne pourront prétendre aux parts recelées par chacun d'eux telles qu'évaluées ci-dessus pour les raisons sus évoquées,

- juger que l'ensemble des parts recelées seront ramenées à la succession,

- juger que Mme [G] [T] a recelé la somme de 710 000 euros,

- juger que Mme [XS] [T] a recelé la somme de 492 178 euros,

- juger que M. [C] [T] a recelé les sommes de 420 000 euros + 236 000 euros + 519 000 euros = 1 175 000 euros

- condamner Mme [G] [T], à rapporter à la succession des de cujus la somme de 710 000 euros recelée, et dire et juger que de cette somme sera assortie d'un intérêt au taux légal depuis le 14 juillet 2007, date du décès de leur père,

- condamner Mme [XS] [T] à rapporter à la succession des de cujus la somme de 492 178 euros recélée, et dire et juger que cette somme sera assortie d'un intérêt au taux légal depuis le 14 juillet 2007, date du décès de leur père,

- condamner M. [C] [T] à rapporter à la succession des de cujus les sommes de 420 000 euros + 236 000 euros + 519 000 euros = 1 175 000 euros recelées et dire et juger que ces sommes seront assorties d'un intérêt au taux légal depuis le 14 juillet 2007, date du décès de leur père,

- condamner les consorts [T] à rapporter à la succession des de cujus l'ensemble du mobilier ayant appartenu à M.[D] [T], tel que désigné dans le rapport [E],

- condamner solidairement les consorts [T] à la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, ayant obligé M. [M] [T] à 15 ans de procédure,

- condamner les Consorts [T] d'une indemnité de 8000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

M. [M] [T] estime que le tribunal l'a débouté à tort de ses demandes en considérant qu'il ne rapportait pas la preuve des donations litigieuses, alors que :

- il est repris par l'ordonnance du juge de la mise en état du 11 mai 2012, en page 2, que « En défense, au fond les assignés ont conclu au débouté des demandes formées contre eux tout en énonçant qu'ils ne s'opposaient pas à la ré-ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de M. [D] [T] et que l'ensemble des donations ont bénéficié à chacun des quatre enfants devront être rapportées à la succession' ;

- le tribunal a statué contre l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt définitif et non contesté de la Cour d'appel du 27 mai 2015, dès lors que cette décision met en exergue l'existence de donations déguisées au profit des intimés.

M. [M] [T] considère que les éléments versés à la cause permettent d'établir la réalité des donations déguisées faites au profit des intimés, et notamment :

- de [XS] [T], épouse [I], pour l'acquisition, le 29 mars 1983, d'un appartement à [Adresse 11], au prix de 820 000 francs, financé par un don manuel de son père à hauteur de 736 690 francs,

- de [G] [T], épouse [L], pour l'acquisition, le 4 mai 1973, d'un appartement en l'état de futur achèvement à Boulogne, [Adresse 4], au prix de 266 500 francs, financé par un don manuel de son père à hauteur de 207 255 francs,

- de [C] [T], pour l'acquisition :

* de la propriété des [Adresse 12] (24), vendue par la SCA Château du Ferrand le 24 décembre 1985 au prix de 200 000 francs, mais dont le prix n'a jamais été payé par [C] [T], et alors que la propriété des Feuillades fait toujours partie des immobilisations de la SCA,

* de la maison d'habitation sise à [Adresse 16] (24), vendue par la SCA Château du Ferrand par acte notarié établi par Maître [S] le 23 juillet 1992, au prix de 200 000 francs, après tenue d'une assemblée générale extraordinaire non datée tenue en son absence et sous la seule autorité de M [D] [T], dont le prix de vente n'a jamais été acquitté, et alors que la propriété du Faurissou fait toujours partie des immobilisations de la SCA du Château, qu'elle est toujours inscrite au bilan d'exploitation,

* de partie de la propriété et des travaux réalisés sur l'immeuble sis à [Localité 21], acquis le 14 septembre 1990, suivant acte de Maître [S], au prix de 407 200 francs et sur lequel l'acquéreur a financé un montant de 417 513 francs, alors que le prêt souscrit n'était que de 500 000 francs et que ses revenus ne dépassaient pas alors annuellement 160 000 francs,

* du montant des locations encaissées sur 20 ans, entre 1990 et 2010, par [C] [T] pour les propriétés des Feuillades et du Faurissou, évalué à 519 000 euros.

Sur le fondement de l'article 778 du code civil, il estime qu'en dissimulant volontairement les donations qui leur avaient été faites par leur père, les intimés se sont rendus coupables de recel successoral.

Sur l'appel incident des intimés, lui opposant la donation déguisée de son domicile, sis [Adresse 14], M. [M] [T] rappelle que la SCA Château du Ferrand lui a vendu ce bien immobilier, au prix de 150 000 francs, après décision unanime prise par l'assemblée générale extraordinaire de la SCA le 10 avril 1999, et acte de vente établi par Maître [S] le 18 juin 1999, soit postérieurement à l'acte du 18 avril 1998 de donation partage de la totalité des parts de la SCA du Château de Ferrand du père à ses quatre enfants ; il en déduit que son père n'a pu donner un bien dont il n'était pas propriétaire.

Il confirme en outre avoir souscrit un prêt notarié auprès du Crédit Agricole le 19 octobre 1999, d'un montant de 332 000 francs, hypothéqué sur l'immeuble de la Bergerie et destiné à financer l'acquisition et les travaux sur ce bien. Il s'est ensuite acquitté par chèques émis sur le Crédit Agricole de la part du prix d'achat revenant à chacun de ses frère et s'urs, coassociés de la SCA, soit 37 500 euros versés à chacun d'eux le 25 octobre 1999. Le solde de l'emprunt a servi au règlement des travaux.

Selon dernières conclusions en date du 11 avril 2022, les consorts [T] demandent à la cour de :

- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a :

* dit n'y avoir lieu à rapport de donations déguisées ou de dons manuels au profit des consorts [T], intimés,

* rejeté la demande indemnitaire de M. [M] [T],

- Statuant à nouveau sur l'appel incident suivant,

A titre principal,

- constater l'existence de l'acte de partage du 22 août et 27 décembre 1986,

- dire et juger que l'acte de partage vaut partage de la succession et de la communauté de M. et Mme [T],

- constater l'absence de donation déguisée et de recel successoral pour les consorts [T],

- débouter M. [M] [T] de toutes ses demandes plus amples et contraires,

A titre subsidiaire,

- constater la partialité de l'expert et le manquement au principe du contradictoire du rapport d'expertise,

- en conséquence, prononcer la nullité, tout du moins l'inopposabilité du rapport d'expertise aux défendeurs,

- constater que le principe de légalité et de loyauté de la preuve n'a pas été respecté,

- en conséquence, exclure des débats les pièces qui ont été produites illégalement et déloyalement sauf celles qui permettent aux défendeurs de se défendre, à savoir la feuille d'impôt datant de 1982 de Mme [XS] [T] ainsi que la demande de la Direction des Impôts,

- constater que les biens de M. [C] [T] ne font pas partie de la succession,

- constater que ce dernier les a acquis par des moyens propres et sans donation déguisée,

- débouter M. [M] [T] de sa demande de rapport dans la succession des fruits obtenus par M. [C] [T],

- constater que les biens de Mme [XS] [T] ont été acquis par des moyens propres et sans donation déguisée,

- constater que les biens de Mme [G] [T] ont été acquis par des moyens propres et sans donation déguisée,

En conséquence,

- constater l'absence de donation déguisée et de recel successoral pour les Consorts [T],

- débouter M. [M] [T] de sa demande de rapport à la succession et de toutes ses demandes plus amples et contraires,

A titre reconventionnel,

- constater que M. [M] [T] a fait l'objet de donations déguisées,

- constater le recel successoral de M. [M] [T],

- en conséquence, rapporter les donations déguisées réalisées au profit de M. [M] [T] dans la succession correspondant aux sommes d'argent perçues et tous autres avantages perçus soit la somme totale de 2 295 520,40 euros,

- dire que M. [M] [T] ne pourra prétendre au partage de ces sommes,

En tout état de cause,

- constater l'irrecevabilité de la demande de M. [M] [T] relative au mobilier du cujus sis au Château de Ferrand, comme demande nouvelle,

- condamner M. [M] [T] au paiement de la somme de 50.000 euros à chacun des défendeurs au titre de dommages et intérêts,

- condamner M. [M] [T] à verser à chacun des défendeurs la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [M] [T] aux entiers dépens sur le fondement de l'article 696 du Code de procédure civile et, au surplus, à tous les frais d'exécution, en ce compris le droit proportionnel dû à l'huissier de justice sur le fondement de l'article A444-32 du Code de commerce.

Les Consorts [T] font valoir que la demande concernant les meubles du Château de Ferrand constitue une demande nouvelle en cause d'appel, qu'elle est donc irrecevable.

Les intimés indiquent ensuite que M. [M] [T] a mal interprété les jugements précédents, ceux-ci ne reconnaissant en aucune manière l'existence de donations déguisées.

Par ailleurs, les Consorts [T] soulignent que le rapport d'expertise sur lequel se base leur frère a été contesté à chaque étape de la procédure contrairement à ce qu'a pu alléguer M. [M] [T].

Ils ajoutent que d'une part la preuve demandée par l'appelant est impossible à apporter du fait de l'ancienneté des faits et d'autre part ils estiment que l'expertise réalisée est partiale car elle est incomplète et non contradictoire.

Les intimés dénoncent que leur frère a produit certaines preuves de manière déloyale les rendant ainsi irrecevables.

Les Consorts [T] affirment par ailleurs qu'il existe un acte de partage concernant la succession de leur père qui a été accepté et signé par l'appelant et ajoutent que leur frère faillit à apporter la preuve de l'intention libérale du de cujus pour caractériser les donations déguisées. Aussi, chacun des intimés est en mesure de justifier des sommes et des biens acquis contrairement à ce qu'énonce M. [M] [T].

Enfin, concernant l'appel incident formé par les Consorts [T], ils énoncent que leur frère a quant à lui bénéficié d'une donation déguisée puisqu'il a acquis et rénové son domicile actuel à l'aide des dons manuels de son père et non par la souscription d'un prêt antérieur à l'acte de vente de 4 mois.

Par ailleurs, ils soulignent que l'expertise réalisée était partiale et n'a pas relevé la concomitance des donations reçues par M. [M] [T] et son acquisition immobilière. Ils ajoutent qu'au vu des revenus de leur frère lors de l'acquisition de son domicile, il ne fait nul doute qu'il a bénéficié de donations déguisées, et que son comportement procédural abusif et déloyal est de nature à caractériser l'intention frauduleuse de l'appelant et donc le recel successoral.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 avril 2022.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 10 mai 2022 et mise en délibéré.

MOTIFS DE LA DECISION

La cour mentionne en préambule que la présente instance s'inscrit dans un contexte familial extrêmement conflictuel et procédurier opposant, depuis le décès de M. [D] [T] en 2007, M. [M] [T] à son frère [C] et à ses deux s'urs [XS] et [U], dans le cadre de procédures multiples, de nature civile, prudhommale ou pénale, dont certaines sont toujours en cours.

Il convient par ailleurs de rappeler que les quatre enfants [T] sont associés au sein de deux sociétés :

- La S.C.A Château de Ferrand, constituée par acte sous-seing privé du 18 septembre 1960 par M. [D] [T], son épouse et leurs quatre enfants, en vue d'assurer l'exploitation d'un domaine agricole à [Localité 13], connu sous le nom de « Château de Ferrand », M. [D] [T] en étant nommé le gérant ; par suite d'une donation consentie le 18 avril 1998 par M. [D] [T] à ses quatre enfants, chacun d'eux détient désormais 900 des 3 600 parts constituants le capital social, M. [C] [T], bien que cette qualité lui ait été également discutée par M. [M] [T], en assurant la gérance ; la vente de la SCA a eu lieu le 19 avril 2017 au prix de 2 200 000 euros, chacun des enfants ayant perçu 450 000 euros ;

- La S.C.I Plana, dont les frères et s'urs se partagent comme suit les parts sociales : 300 parts pour [XS] et [G] [T], 530 parts pour [C] et [M] [T], ce dernier en étant le gérant ; une procédure judiciaire concernant cette société est également en cours, initiée par les intimés à l'encontre de M. [M] [T].

Par ailleurs, il est rappelé qu'en application des dispositions combinées des articles 542 et 954 du code de procédure civile, la cour ne répond qu'aux prétentions et moyens des parties formulées explicitement dans le dispositif de leurs conclusions et non aux demandes de «constat» ou «de donner acte» lesquelles ne saisissent la cour d'aucune prétention.

Dans le cadre de la présente instance, sont soumises à la cour les prétentions suivantes, contenues dans les dernières conclusions de l'appelant principal et des intimés :

Sur l'étendue de l'action en partage :

Il résulte du jugement critiqué que M. [M] [T] demandait en premier lieu au tribunal d'ordonner le partage des biens dépendant des successions confondues de Mme [Y] [J], épouse [T], décédée le 23 mai 1984 et de M.[D] [J], décédé le 14 juillet 2007.

Il est par ailleurs constant et non discuté qu'à la suite du décès de Mme [Y] [J], épouse [T] et par acte en date des 22 août et 27 décembre 1986 établi par Maître [A] [S], un partage partiel est intervenu amiablement entre M. [D] [T] et ses quatre enfants, au terme duquel :

- l'ensemble des biens dépendant activement et passivement tant de la communauté ayant existé entre les époux [J]-[T], que de la succession de Mme [J] et du compte d'administration de ces divers biens, ont été partagés entre les parties,

- ont été seules laissées en indivision les parcelles de fonds situées commune de [Localité 15] (62), restant appartenir pour un quart en nue-propriété à chacun des enfants, sous l'usufruit en totalité de leur père.

Il résulte de cet acte de partage amiable, dont le contenu n'est pas remis en cause par les parties, que la communauté ayant existé entre les époux [J]-[T] a été liquidée, seules les parcelles appartenant en propre à la défunte étant restées en indivision sous l'usufruit du conjoint survivant.

Ledit partage partiel, établi à la suite du décès de Mme [Y] [J], ne peut toutefois valoir partage des successions des époux [T] le décès de M. [D] [T] étant intervenu postérieurement en 2007.

C'est donc à la suite d'une simple omission matérielle que le tribunal a ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la seule succession de M.[D] [T].

Il convient dès lors de compléter le jugement déféré et de dire que l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage concernent tant la succession de M. [D] [T] que celle, pour les biens n'ayant pas fait l'objet de partage, de Mme [J].

Sur la nullité du rapport d'expertise et sur l'exclusion des pièces produites illégalement par l'appelant :

Les intimés ne démontrent pas que l'expert a exécuté sa mission de façon déloyale ou impartiale en omettant notamment de joindre des pièces produites par les parties. Il n'y a pas lieu, dans ces conditions, de déclarer le rapport inopposable aux parties.

S'agissant des pièces produites aux débats par l'appelant et dénoncées par les intimés comme ayant été obtenues par des procédés déloyaux ou illégaux, la cour relève que les intimés ne détaillent pas et n'identifient pas ces pièces dans le dispositif de leurs conclusions, qu'il n'appartient pas à la présente juridiction de les déterminer, et qu'il apparaît au surplus qu'en l'espèce, chacune des parties a pu se procurer, au sein du château du Ferrand, les pièces utiles à ses prétentions, fussent-elles personnelles à la partie adverse.

Il n'y a pas lieu, dans ces conditions, d'exclure tout ou partie des pièces contradictoirement débattues.

Sur la demande de rapport des meubles attribués à M. [D] [T] et leur recel successoral :

Sur sa recevabilité de la demande :

Les intimés soulèvent l'irrecevabilité de cette demande qu'ils qualifient de nouvelle, en application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.

Toutefois, M. [M] [T] a bien formulé cette demande devant le tribunal, par conclusions du 25 janvier 2018, soit la veille de l'ordonnance de clôture. Compte tenu de la tardiveté de cette demande et afin de respecter le contradictoire, le tribunal a écarté ces conclusions et n'a pas statué sur la demande relative aux meubles.

Cette prétention ne peut dès lors être qualifiée de nouvelle en cause d'appel et, en tout état de cause, s'agissant d'une action en partage, la cour de cassation a régulièrement rappelé qu'en matière de partage « es parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse».

Il en résulte qu'en l'espèce, le sort des meubles intéressant la détermination de l'actif successoral, la demande qui s'y rapporte, à la supposer nouvelle en appel, est recevable.

Sur son bien-fondé :

M. [M] [T] accuse ses frère et s'urs d'avoir volé les meubles appartenant à leur père et restant dans le château de Ferrand au jour de son expulsion, suivant procès-verbal établi par Me [V] [AC], huissier de justice, le 21 juin 2016 (pièce n°138 et 172), lequel mentionne que les biens garnissant les lieux, dont inventaire annnexé, ont été déménagés en garde meuble auprès de la SARL LOCABOX à [Localité 18] et ont été laissés sur place «les biens appartenant à la requérante (la SCA Château du Ferrand) dont inventaire dressé par acte de Me [Z], huissier de justice à [Localité 6], en date du 6 mai 2014».

L'appelant portera plainte le 30 décembre 2017 (pièce n°136), pour le vol de tous les meubles du Château Ferrand, tels qu'inventoriés par son père au terme de l'expertise [E], réalisée en octobre 1987 en vue de l'assurance (pièce n°137 chiffrant à 27 700 francs le total des objets d'art et précieux, à 59 200 francs le total des objets courants), indiquant avoir surpris ses frère et s'urs en train de vider les meubles, en février et avril 2017, puis avoir retrouvé certains des meubles sur les sites d'antiquaires. Il dénonce la complicité de Me [Z], pour avoir établi un faux procès-verbal inventoriant ces meubles qui n'ont jamais été la propriété de la SCA mais de leur père. Après classement sans suite de la procédure, le juge d'instruction de Bergerac était saisi par le conseil d'[M] [T] d'une plainte avec constitution de partie civile, laquelle fera l'objet d'un non-lieu le 20 avril 2020 (pièce n°157 des intimés).

M. [C] [T], en qualité de gérant de la SCA Château du Ferrand portera également plainte pour vol de meubles au préjudice de la SCA, commis entre le 24 mai 2016 et le 14 juin 2016, sans effraction, vol pour lequel il soupçonne son frère [M]. Il déposera une nouvelle plainte le 23 février 2017 contre M. [M] [T] pour vol d'un tiroir d'un meuble de valeur et de bois de chauffage au préjudice de la SCA (pièce n°140 et 141 des intimés). Celui-ci reconnaîtra avoir pris le tiroir, afin d'éviter la vente de ce meuble dont il revendique la propriété.

Ces éléments révèlent de la part des membres de la fratrie, notamment entre les deux frères, un climat de suspicion extrême et l'appropriation par chacun d'eux de partie des meubles ayant meublé le château du Ferrand.

Ils ne suffisent toutefois pas à en établir un inventaire précis des meubles au jour de l'ouverture des opérations de partage, l'expertise [E], réalisée pour justifier de la valeur des plus beaux meubles auprès des assureurs, datant d'octobre 1987, soit 20 ans avant le décès du de cujus, ni d'en attribuer la propriété à la seule succession de M. [D] [T] plutôt qu'à l'actif de la SCA du Château Ferrand, propriétaire du château dans lequel les meubles se trouvaient.

Par ailleurs, l'acte de partage établi les 22 août et 27 décembre 1986 mentionne que les meubles meublants ayant appartenu en propre à Mme [J], d'une valeur estimative de 3 500 francs, ont été partagés à l'amiable entre les héritiers, au même titre que les biens de communauté (pièce n°2 de l'appelant).

Dans ces conditions le rapport à la succession de M. [D] [T] des biens tels qu'évalués en octobre 1987 ne peut être ordonné. Les pièces versées à la présente procédure n'attestent ni de leur description ni de leur valeur au jour du partage.

Il convient en conséquence de débouter l'appelant de cette demande et de celle subséquente de recel successoral concernant les meubles meublants.

Sur les demandes de rapport des libéralités en faveur des intimés:

L'article 843 du code civil énonce que « Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale ».

Il en résulte que celui qui invoque une donation rapportable à la succession du de cujus doit établir la preuve de la libéralité, laquelle suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier.

Il résulte de l'article 850 du même code que le rapport ne se fait qu'à la succession du donateur.

Sur la portée des décisions de 2012 et de 2015 :

Par ordonnance du 11 mai 2012, le juge de la mise en état, saisi par M. [M] [T], a ordonné une expertise, confiée à Maître [N], tendant à déterminer les sommes données par les époux [T] à Mmes [XS] [L] et [G] [I], pour acquérir leurs biens immobiliers. Le juge de la mise en état a rappelé le cadre procédural et les prétentions au fond des parties et, à ce titre, a précisé que «les assignés ont conclu au débouté des demandes formées contre eux tout en indiquant qu'ils ne s'opposaient pas à la réouverture des opérations de compte liquidation partage de la succession de [D] [T] et que l'ensemble des donations dont ont bénéficié chacun des quatre enfants devront être rapportées à la succession».

L'appelant ne peut déduire de ce rappel des prétentions au fond des parties, réalisé dans le cadre d'une décision avant dire droit, une quelconque valeur de reconnaissance des prétentions du demandeur, mettant fin au débat, alors même que les défendeurs concluaient au fond au débouté des demandes de rapport formulées par M. [M] [T].

L'appelant ne craint pas davantage d'opposer l'autorité de la chose jugée par l'arrêt rendu par la 5ème chambre de la cour d'appel de Bordeaux le 27 mai 2015, lequel infirme l'ordonnance du juge de la mise en état du 11 avril 2014 et complète la mission d'expertise afin que la mission confiée à Maître [N] soit étendue aux acquisitions faites par [C] [T], au motif que cette décision définitive mettrait en exergue le fait que l'existence même des donations déguisées au profit des intimés était acquis et non contesté par eux.

Le principe étant rappelé qu'une décision statuant avant dire droit, en ce qu'elle ordonne une mesure d'expertise, ne peut avoir autorité de la chose jugée au fond, le moyen est parfaitement inopérant pour tenter de caractériser l'aveu des intimés sur les demandes de rapport aux successions de leurs ascendants.

Donation en faveur de Mme [XS] [T], épouse [I]:

M. [M] [T] prétend que l'achat fait par sa s'ur [XS], alors âgée de 24 ans, par acte notarié du 29 mars 1983, d'un appartement sis [Adresse 1], au prix de 820 000 francs, soit :

* à concurrence de 82 000 francs réglés avant la vente, après souscription d'un prêt de 83 310 francs auprès de la Caisse d'Epargne,

* 738 000 francs réglés sur ses deniers personnels,

n'a pu être réalisé qu'après versement, par M. [D] [T], d'un don manuel opéré par chèque n° 2644613 d'un montant de 683 000 francs émis le 17 mars 1983 par le donateur, alors que M et Mme [T] avaient vendu, le 29 novembre 1982, un appartement sis [Adresse 5], au prix de 1 000 000 francs, et que le solde du prix de vente avait été réglé par chèque de 945 000 francs déposé sur le compte de M. [D] [T] (pièces n°30,31,32, 33 et 34 de l'appelant et annexe n°24 du rapport d'expertise).

L'appelant ajoute que le contrôle fiscal dont Mme [XS] [T] a fait l'objet en septembre 1984, l'administration l'interrogeant sur les moyens de financement de cet achat et les justificatifs bancaires, accrédite la réalité d'une donation d'une somme importante.

Il appartient toutefois à M. [M] [T] de rapporter la preuve de l'intention libérale de son père en faveur de sa s'ur [XS] et l'appauvrissement du patrimoine du donateur, du montant affirmé de 683 000 francs, en faveur du patrimoine de la donataire.

L'appelant échoue à justifier de ce transfert de fonds, le seul rapprochement de dates existant entre le chèque de 683 000 francs émis par M. [D] [T] et l'acte notarié d'achat de l'appartement de Boulogne-Billancourt par Mme [XS] [T], financé par des deniers personnels à hauteur de 738 000 francs, demeurant insuffisant à démontrer l'intention libérale du de cujus en faveur de sa fille [XS], dès lors que cette concomitance n'est étayée par aucun autre élément probant, tiré de l'acte d'achat de l'appartement ou des documents bancaires produits aux débats, le bénéficiaire du chèque émis le 17 mars 1983 demeurant ignoré, et Mme [XS] [T] démontrant qu'à la date de cette acquisition, elle bénéficiait de revenus salariés depuis cinq ans, ainsi, comme ses frères et s'ur, de revenus de la SCI Plana et de la SCA Château du Ferrand. Elle justifie au surplus avoir reçu un chèque de 100 000 francs de son futur époux, M. [P] [I].

Les interrogations des services fiscaux sur les moyens de financement du bien immobilier adressés à Mme [XS] [T] en 1984, document semble-t-il dérobé à l'intéressée par son frère, ne permettent pas davantage de caractériser la réalité d'une donation déguisée, la réponse apportée par Mme [XS] [T] n'étant pas produite, pas plus que la réalité d'un éventuel redressement fiscal qui s'en serait suivi.

Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à rapport de donation consentie à Mme [XS] [T].

Donation en faveur de Mme [G] [T], épouse [L] :

Pour caractériser la réalité d'une donation réalisée par M. [D] [T], d'une somme totale de 207 255,33 francs, en faveur de sa fille [G], pour le financement d'un appartement acquis par celle-ci au prix de 266 500 francs au [Adresse 4], l'appelant se fonde sur les rapprochements qu'il entend faire entre les éléments suivants :

- M.[D] [T] a été licencié de la société Pierrefitte-Auby le 30 avril 1972 et a perçu à ce titre, un solde de salaire et prime de départ de 208 681 francs,

- Mme [G] [T] a fait l'acquisition de son bien, en l'état de futur achèvement, par acte notarié du 4 mai 1973, au prix principal de 266 500 francs, payés au jour de l'acte à hauteur de 146 900 et 13 000 francs, puis par fractions pour le solde, et financés en outre à l'aide de deux emprunts souscrits auprès de la Caisse d'Epargne d'un montant de 37 190 francs et de 63 000 francs,

Les talons de chèques établis par M.[D] [T] entre 1973 et 1981, mentionnant le prénom de [G], pour un total de 207 255,33 francs.

Toutefois, l'appelant ne justifie pas de l'effectivité de l'encaissement, par Mme [G] [T], des sommes mentionnées sur les talons de chèques ou sur deux feuilles d'éphémérides portant des initiales ainsi que la mention «prêt [G]», pour des montants divers, pour certains trés modestes et pouvant s'apparenter à des dons manuels n'excédant pas ce que l'usage permet, et s'étalant sur une durée de huit ans, encore moins de leur utilisation à financer l'achat du bien acquis en 1973 et dont le prix initial a été, pour l'essentiel, financé par les deux prêts Caisse d'Epargne.

Mme [G] [T] justifie en outre avoir été financièrement aidée par sa belle-mère, Mme [H] [L], pour un montant indéterminé et être titulaire de fonds d'épargne s'élevant, au 15 mars 1974, à un solde de plus de 57 000 francs.

En tout état de cause, M. [M] [T] ne démontre pas l'intention libérale du de cujus en faveur de sa fille [G] pour le montant dénoncé de 207 255,33 francs.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à rapport de donation consentie à Mme [G] [T].

Donations en faveur de M. [C] [T] :

M. [M] prétend que M. [C] [T] a acquis ses biens immobiliers par le biais de donations déguisées consenties par leur père, s'agissant :

De la propriété des Feuillades sise sur les communes d'[Localité 13] et de [Localité 19] :

Il est constant que ce bien immobilier était la propriété de la SCA du Château du Ferrand, société agricole civile constituée par acte sous seing privé du 18 décembre 1960, dont le capital social était réparti entre ses membres : M. [D] [T], associé majoritaire, son épouse Mme [J]-[T], et les quatre enfants [T]. Les statuts de la SCA ont été refondus et le capital social augmenté par acte du 25 avril 1981, désignant M. [D] [T] gérant de la société (pièce n°162 de l'appelant).

La vente de la propriété des Feuillades a été consentie par la SCA à M. [C] [T] par acte notarié du 24 décembre 1985 établi par Maître [A] [S] (pièce n°75 des intimés) et comprenait en annexe (pièce n°67 de l'appelant) la délibération des membres de la société, datée du 15 décembre 1985, portant quatre signatures, et confiant la réalisation de cette vente et notamment la perception du prix à son gérant, M. [D] [T].

Il résulte de ces éléments que la vente du bien immobilier, quelle que soient par ailleurs ses modalités de paiement et la réalité de son règlement financier, a bien été consentie par la SCA, société civile ayant la personnalité juridique et seule propriétaire du bien, et non par le de cujus, dont ni la situation d'associé principal à cette date, ni sa qualité de gérant de la société, ne lui conférait la propriété du bien. Il n'est au demeurant nullement prétendu que le patrimoine de la société se confondait avec celui de M.[D] [T].

En conséquence, le rapport, qui ne se fait qu'à la succession du donateur, ne peut trouver à s'appliquer aux biens qui ne figuraient pas dans le patrimoine de M.[D] [T] au jour de la vente.

De la propriété du Fournissou sise à [Localité 13] :

Cette propriété a fait l'objet d'un acte notarié de vente établi par Maître [X] [S] en date du 23 juillet 1992 (pièces n°53 de l'appelant), la vente étant consentie par la SCA du Château du Ferrand à M. [C] [T] moyennant le prix de 200 000 francs. Une assemblée générale extraordinaire (pièce n°54), portant trois signatures, donne son accord pour cette vente et tous pouvoirs à M. [D] [T] pour effectuer les formalités et signer les actes.

Dès lors, comme il a été précédemment démontré pour la propriété des Feuillades, le bien immobilier du Fournissou n'étant pas la propriété du de cujus mais celle de la SCA, le rapport ne peut trouver à s'appliquer à ce bien, quelle que soit par ailleurs la régularité de l'assemblée générale, laquelle relève des relations entre associés et de la responsabilité éventuelle du gérant.

Il convient dès lors de confirmer le jugement déféré pour ces deux propriétés, par substitution de motifs et sans avoir à répondre aux autres moyens développés, devenus inopérants.

De la propriété de [Localité 21] :

M. [C] [T] acquis cette propriété de M. [B] [F] suivant acte notarié en date du 14 septembre 1990, au prix de 360 000 francs, payés au moyen de fonds provenant d'un prêt qui lui a été consenti par la CRCAM de la Dordogne à hauteur de 500 000 francs (pièce n° 77 et 78 des intimés), prêt garanti par une hypothèque conventionnelle du prêteur. Cet immeuble a été revendu par acte du 21 décembre 1991 à la société anonyme SEFADA au prix de 1 700 000 francs.

Pour tenter de démontrer la réalité d'une donation d'une partie du prix de ce bien par son père, M. [M] [T] affirme que son frère [C] a effectué des travaux pour un montant total de 417 513 francs (pièce n°83 de l'appelant), portant la totalité du coût de cet immeuble à plus d'un million de francs, somme qui ne pouvait être valablement financée par les revenus de M. [C] [T] et de son épouse, dont l'appelant justifie par la production de l'avis d'imposition sur les revenus 1992, inférieurs à 160 000 francs.

Dans ses dernières écritures, l'appelant ne fait référence, pour justifier du montant des travaux qu'il dénonce, qu'à une liste de fournisseurs et références de factures (pièce n°83, dont l'origine et la falsification sont au demeurant contestés par les intimés, insuffisante à les imputer à la propriété de [Localité 21].

En tout état de cause, et quelque soit la validité des documents produits au soutien de ses prétentions, M. [M] [T] ne peut déduire du niveau de revenus de son frère [C] la réalité de dons de sommes d'argent provenant de M. [D] [T] ; il ne caractérise nullement l'intention libérale de son père pour le financement de ce bien et des travaux qui y ont été réalisé par M. [C] [T] et doit également être débouté de sa demande de rapport à ce titre.

Le jugement déféré sera confirmé à ce titre également.

Sur les demandes reconventionnelles de rapport des libéralités en faveur de M. [M] [T] :

A titre reconventionnel, les intimés font état de plusieurs donations déguisées dont aurait bénéficié leur frère [M] et dont ils demandent le rapport et la qualification de recel successoral. Ces donations, qu'ils chiffrent à un total de 2 295 520,40 euros, concernent :

- L'acquisition de l'immeuble des Boymes «la Bergerie» et les travaux réalisés sur ce bien immobilier:

M. [M] [T] a fait l'acquisition de ce bien immobilier auprès de la SCA du Château du Ferrand suivant acte notarié établi par Maître [X] [S] le 18 juin 1999, la vente étant consentie et acceptée moyennant le prix principal de 150 000 francs, le prix en étant payé le jour de la vente, selon quittance donnée par le vendeur, en dehors de la comptabilité du notaire (pièce n°11 des intimés).

La vente avait été décidée par l'ensemble des associés de la SCA, à l'unanimité des voix, ainsi qu'en atteste le procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire en date du 10 avril 1999 (pièce n°22 de l'appelant) qui donne en outre tous pouvoirs à son gérant, M. [C] [T], ou à son représentant, M. [D] [T], de signer l'acte notarié.

Les intimés affirment que ce bien a été acquis grâce à des dons manuels de M. [D] [T], le prêt souscrit par l'acquéreur auprès du Crédit Agricole pour un montant de 332 000 francs étant postérieur de quatre mois après la vente comme signé devant notaire le 19 octobre 1999 (pièce n°23 de l'appelant).

Toutefois, M. [M] [T] justifie s'être acquitté du prix de l'acquisition revenant à chacun des trois autres associés, en nue-propriété, des parts de la SCA, suite à la donation-partage intervenue en 1998, pour un montant de 37 500 francs réglé à chacun d'eux trois par chèques du Crédit Agricole (pièce n°46) le 25 octobre 1999, soit postérieurement à l'obtention du prêt garanti par une hypothèque sur le bien immobilier des Boymes.

Non seulement les intimés ne démontrent pas n'avoir pas encaissé ces chèques, mais surtout ne justifient nullement que les dons d'argent, qu'ils ont listés à partir des talons de chèques émis par leur père en faveur de son fils [M], entre le 31 juillet 1979 et le 13 juin 2007, pour des montants divers et un total de plus de 135 000 euros, ont pu financer, en tout ou partie, le prix de la vente intervenue en 1999.

S'agissant des travaux réalisés sur les bâtiments de la Bergerie, l'expert a confirmé le remboursement du prêt à hauteur de 150 000 francs, par prélèvements automatiques effectués à partir du compte Crédit Agricole d'[M] [T], à compter du 12 novembre 1999 et jusqu'aux 10 octobre 2007 et 12 octobre 2009 selon les références des prêts.

Il en déduit que restaient disponibles, après règlement de la part de ses frère et s'urs, des fonds pour un total de 219 500 francs, auxquels s'ajoutaient les revenus de M. [M] [T], attestés à hauteur de 132 594 francs pour l'année 1999.

M. [M] [T] a chiffré, dans le cadre de l'expertise, le montant des travaux réalisés sur cet immeuble à un total de 274 625,56 francs, en conséquence susceptibles d'avoir été réglés par les avoirs de l'appelant.

Les intimés invoquent des travaux supplémentaires n'apparaissant pas au titre des factures produites, dont la construction d'une piscine d'un coût estimé à 209 600 francs.

En tout état de cause, à supposer ces travaux réalisés par [M] [T] en sus des justificatifs produits, leur financement partiel par M. [D] [T], par suite de dons d'une somme de 55 000 francs totalisant les retraits d'espèces effectués par celui-ci au cours de l'année 2000, n'est nullement démontré, ni l'appauvrissement du patrimoine du de cujus en faveur de son fils [M] à hauteur de ces sommes, ni l'intention libérale de M.[D] [T] n'étant établis par les pièces de la procédure.

Contrairement à la conclusion de l'expert, qui indique « Tant pour l'acquisition de la Bergerie que pour les travaux réalisés, il conviendrait d'étudier les modalités de remboursement du prêt ainsi que la provenance des fonds utilisés à cet effet afin d'écarter une quelconque intervention de M. [D] [T] laissant ainsi transparaître une donation au profit de son fils [M] [T] », il appartient aux héritiers qui invoquent une libéralité d'en démontrer la réalité et non à son bénéficiaire supposé d'en rapporter la preuve inverse.

La réalité des donations n'étant pas démontrée, il n'y a pas lieu à rapport de la valeur du bien, par voie de conséquence des fruits produits par le bien, les revenus locatifs de la Bergerie, perçus par son propriétaire.

De la même façon, les intimés ne démontrent pas la réalité des dons d'argent rapportables réalisés par leur père en faveur de leur frère [M], s'agissant :

- De deux retraits effectués pour des montants de 40 000 et 30 000 francs, respectivement en mars 1999 et juillet 1999 sur un compte bancaire de M. [D] [T], leur destination demeurant ignorée,

- Des chèques de 1 950 euros et 3 000 euros tirés sur le compte de M [D] [T] le 12 juin 2007 et le 19 mars 2007, ainsi que de deux virements de 15 000 et 20 000 francs effectués en juillet 1993 au profit d'[M], dont les montants ne dépassent pas celui d'un présent d'usage, au regard, du train de vie de la famille et des largesses financières de M. [D] [T] en faveur de ses quatre enfants,

- D'un prêt non démontré du père [T] en faveur d'[M] d'une somme de 300 000 francs, destinée à rembourser M. [C] [T], ce prêt ayant été au demeurant soldé en 1998,

- du logement gratuit dont il a bénéficié au sein du Château du Ferrand pendant 30 ans, alors que l'appelant justifie avoir, jusqu'à son divorce en 1994, toujours été domicilié à [Localité 9] et résider depuis 2000 à la Bergerie, ainsi que, par suite, de la totalité des factures afférant à l'occupation du château du Ferrand au cours de cette période, payées par M. [D] [T] pendant cette occupation, étant à nouveau rappelé que ce bien immobilier était la propriété non de M. [D] [T] mais de la SCA du Château du Ferrand,

- Les loyers du terrain dit « [Localité 15] » soit 500 francs par personne, aucun justificatif n'étant produit ni de leur encaissement, ni de leur caractère rapportable,

- Les sommes données par M. [D] [T] pour renflouer la Société Mirabeau Diffusion pour un total de 1 200 000 francs, ces fonds ayant pour bénéficiaire la société Mirabeau Diffusion et non la personne de M. [M] [T],

- Le don par son père en 1982 d'une golf GTI cabriolet pour la somme de 60 000 francs, le certificat d'immatriculation du véhicule au nom de M. [M] [T] ne permettant pas d'identifier le financeur de ce bien,

- Le règlement en 1988 par M. [D] [T] de la somme de 23 000 francs pour augmenter le capital de la SCI PLANA, cette somme étant destinée à augmenter le capital social de la société et n'ayant pas personnellement profité à l'un de ses associés, M. [M] [T],

- La participation de M. [D] [T] aux frais de la procédure de divorce de M. [M] [T], estimée à 50 000 francs, alors que les intimés produisent copies de deux chèques, respectivement de 1 823,29 euros le 3 août 2003 et de 2 370,28 euros le 28 juillet 2002 à l'ordre de Maître [R], sans que puisse être confirmé qu'ils étaient destinés à financer l'intervention de ce conseil, dans le cadre du divorce de M. [M] [T].

Sur le recel successoral 

L'article 778 alinéa 1er du code civil définit le recel successoral comme étant la dissimulation ou le détournement de biens d'une succession et prévoit, lorsque le recel a porté sur une donation rapportable, que l'héritier doit le rapport de cette donation à la succession sans pouvoir y prétendre à aucune part.

En l'espèce, les parties étant respectivement déboutées de leurs demandes de rapports, il n'y a pas lieu de faire application des règles du recel successoral.

Sur les autres demandes :

Sur les demandes de dommages et intérêts :

En application des dispositions de l'article 1240 du code civil tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, l'appelant sollicite la condamnation des intimés au paiement d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, alors que les consorts [T] sollicitent pour chacun d'eux, à titre indemnitaire, la somme de 50 000 euros au titre du préjudice résultant du comportement malveillant de leur frère [M].

Toutefois, ils ne démontrent pas en quoi l'appel formé contre le jugement qui a débouté M. [M] [T] de l'essentiel de ses prétentions caractérise une faute ayant fait dégénérer l'exercice de cette voie de recours en abus de droit susceptible d'être à l'origine d'un préjudice.

A l'inverse, l'appelant ne démontre pas davantage que les demandes reconventionnelles des intimés en cause d'appel ont caractérisé un abus de droit préjudiciable.

Il convient en conséquence de débouter les parties de leurs demandes indemnitaires.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

L'appelant qui succombe en l'essentiel de ses demandes sera condamné aux entiers dépens de l'instance.

L'équité commande en outre que M. [M] [T] soit condamné à verser à chacun des intimés, au titre des frais de procédure non compris dans les dépens, la somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bergerac du 6 février 2018, en ce qu'il a :

- Dit n'y avoir lieu à rapport de donations déguisées ou dons manuels au profit d'un ou plusieurs héritiers de M. [D] [T] ;

- Ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et de partage de la succession de M. [D] [T], décédé le 14 juillet 2007, et désigné pour y procéder le président de la chambre des notaires avec faculté de délégation, à l'exception de l'étude de Maître [S] et de son successeur ;

Y ajoutant,

DIT que les opérations de compte, liquidation et partage portent sur les successions confondues de M. [D] [T] et de Mme [Y] [J], épouse [O], décédée le 23 mai 1984 et que l'acte de partage partiel établi les 22 août et 27 décembre 1986 ne vaut pas partage des successions des époux [T] ;

DECLARE recevable mais mal fondée la demande de rapport des meubles meublants attribués à M. [D] [T] ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes de recel successoral ;

DEBOUTE les intimés de leurs demandes tendant à l'inopposabilité du rapport d'expertise et au rejet de pièces produites par l'appelant ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes respectives de dommages et intérêts ;

DEBOUTE M. [M] [T] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE M. [M] [T] aux entiers dépens de l'appel ;

CONDAMNE M. [M] [T] à verser à chacun des intimés la somme de 3 000 euros (TROIS MILLE EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Hélène MORNET, Présidente de la chambre et par Véronique DUPHIL, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre famille
Numéro d'arrêt : 18/02882
Date de la décision : 04/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-04;18.02882 ?
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