COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
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ARRÊT DU : 21 SEPTEMBRE 2022
PRUD'HOMMES
N° RG 19/01063 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K4OD
SAS PRODIMED
c/
Monsieur [Y] [K]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 janvier 2019 (R.G. n°F 16/02077) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 25 février 2019,
APPELANTE :
SAS Prodimed, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 4]
N° SIRET : 384 918 283
représentée par Me Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX,
assistée de Me Jacques LAROUSSE, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ :
Monsieur [Y] [K]
né le 03 Juillet 1955 à [Localité 3] de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
représenté et assisté de Me Olivier MEYER, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 juin 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente chargée d'instruire l'affaire, et Monsieur Rémi Figerou, conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente
Madame Sophie Masson, conseillère
Monsieur Rémi Figerou, conseiller
Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [Y] [K], né en 1955, a été engagé par la SAS Prodimed, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 septembre 2003 en qualité de délégué hospitalier.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie .
En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [K] s'élevait à la somme de 3.475 euros.
En septembre 2014, la société Prodimed a envisageé pour des raisons économiques, une réorganisation de ses activités et plus précisément de l'organisation de sa force de vente composée de huit délégués hospitaliers.
Par lettre datée du 31 août 2015, M. [K] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 11 septembre 2015.
M. [K] a ensuite été licencié pour motif économique par lettre datée du 2 octobre 2015.
A la date du licenciement, M. [K] avait une ancienneté de 12 ans et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, M. [K] a saisi le 29 juillet 2016 le conseil de prud'hommes de Bordeaux.
Le conseil de prud'hommes, par jugement du 25 janvier 2019, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :
- dit que le licenciement de M. [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la société Prodimed à payer à M. [K] la somme de 44.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouté M. [K] de sa demande en paiement d'une somme de 4.673 euros à titre de solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement (article 29 de la convention collective),
-condamné la société Prodimed à payer à M. [K] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté les autres demandes, plus amples ou contraires,
- débouté la société Prodimed de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-rendu le présent jugement opposable à la SELARL AJ Associés ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Prodimed, à la SCP Leblanc-Lehericy-[F] ès qualités de mandataire judiciaire de la société Prodimed, et à la SELARL Graverandoux ès qualités de mandataires judiciaire de la société Prodimed,
-condamné la société Prodimed aux entiers dépens.
Par déclaration du 25 février 2019, la société Prodimed a relevé appel de cette décision, notifiée le 25 janvier 2019.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 juillet 2021, la société Prodimed demande à la cour de :
-dire la société Prodimed recevable et bien fondée en son appel,
-en conséquence, infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions.
A titre infiniment subsidiaire et si par impossible la cour de céans devait juger le licenciement de M. [K] dénué de cause réelle et sérieuse,
-réformer la décision entreprise en réduisant le montant de la condamnation mise à la charge de la société Prodimed à la somme de 20.846 euros,
-condamner en tout état de cause M. [K] à payer à la société Prodimed la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
En tout état de cause,
-débouter M. [K] de l'ensemble de ses demandes.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 1er février 2022, M. [K] demande à la cour de':
-confirmer le jugement rendu en ce qu'il a :
*dit que le licenciement de M. [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamné la société à verser à M. [K] la somme de 44.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*condamné la société à verser à M. [K] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
*rejeté les autres demandes de la société,
*débouté la société de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
*condamné la société aux entiers dépens,
-condamner la société à verser à M. [K] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700, 1°, du code de procédure civile,
-condamner la société aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mai 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 13 juin 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
La cour qui est saisie par les demandes formulées dans le dispositif des conclusions, constate que M. [K] demande la confirmation du jugement en ce qui concerne son licenciement et les frais irrépétibles. Aucune demande relative au solde de l' indemnité conventionnelle de licenciement ne figure au dispositif, de sorte que la cour n'est pas saisie d'une demande de ce chef.
La lettre de licenciement est ainsi rédigée :
'Nous faisons suite à notre entretien préalable à votre éventuel licenciement pour motif économique qui s'est tenu le 11 septembre 2015, au cours duquel vous étiez assisté de Monsieur [B] [G], élu suppléant de la Délégation Unique du Personnel et Délégué Syndical, et durant lequel nous vous avons exposé les raisons économiques de ce projet et avons pu vous écouter sur celui ci. Nous avons le regret de vous confirmer par la présente que nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour motifs économiques.
Les motifs économiques de cette décision sont les suivants :
Notre Société intervient sur un marché très concurrentiel, en constante évolution, sur lequel elle possède environ 8-10 % des parts de marché en France.
La concurrence s'intensifie en raison de l'évolution du marché ainsi que le durcissement des termes des appels d'offre. Les principaux concurrents de la Société Prodimed sont d'importants acteurs possédant une offre très diversifiée et positionnée sur des gammes de produits similaires aux nôtres. De ce fait, notre Société doit avoir une organisation la plus efficace possible afin de lutter au mieux contre la concurrence.
Or, notre site du Plessis Bouchard, auquel est rattachée la force de vente (Délégués Hospitaliers), fabrique des produits de commodités, notamment des génériques, sur des marchés concurrentiels où seuls importent les prix et les volumes (stratégie du moins disant).
Ainsi, notre Société est contrainte de s'aligner sur les prix de la concurrence pour gagner des marchés. De ce fait, les prix de vente moyens de nos produits sont très proches des prix de revient industriels, ce qui a nécessairement un impact négatif sur les résultats du site du Plessis Bouchard.
En conséquence, les résultats de la Société ne sont pas au niveau des attentes et du budget. En effet, l'activité anesthésie / réanimation est déficitaire et le résultat de la Société est en baisse constante depuis plusieurs années.
Le site du Plessis Bouchard est en déficit chronique (il subit une perte d'environ 700K€ par an). Le résultat d'exploitation net consolidé de la Société Prodimed n'est positif que grâce a l'effet compensateur du résultat du site de [Localité 2].
Face a cette situation, le Groupe et la Société doivent réagir et faire évoluer la structure de la force de vente de la Société Prodimed afin de faire face à la concurrence toujours plus accrue sur ses marchés entraînant une baisse de la rentabilité de notre activité, et ce dans un but de sauvegarder la compétitivité.
De ce fait, la Société Prodimed doit renforcer sa présence au quotidien auprès des clients afin de développer sa visibilité, être au plus prés de ses clients et retrouver une croissance sur son marché, en acquérant de nouveaux clients.
Or, l'organisation de la force de vente de la Société s'est révélée inadaptée aux évolutions du marché et de la concurrence, et comme ne permettant pas aux Délégués Hospitaliers d'assurer une meilleure promotion des produits.
En conséquence de tout ce qui précédé, la Société a envisagé de modifier l'organisation de sa force de vente, vers une organisation plus adéquate, équilibrée et efficace permettant de faire face à la concurrence dans un objectif de sauvegarde de la compétitivité, avec notamment un recentrage du c'ur d'activité de la Société sur les produits anesthésie/ réanimation.
A ce titre, les concurrents de la Société Prodimed restructurent également leur force de vente pour accentuer leur présence auprès des clients.
Cette réorganisation de la force de vente de la Société consiste d'une part, en une nouvelle sectorisation, et d'autre part en une séparation des deux gammes de produits (anesthésie/réanimation d'un côté et gynécologie de l'autre) de façon à spécialiser les Délégués Hospitaliers dans l'une ou l'autre de ces gammes. Notre Comité d'entreprise et notre CHSCT ont été consultés au préalable sur ce projet.
Dans le cadre de cette réorganisation, nous vous avons proposé la modification de votre contrat de travail, que vous avez expressément refusée.
Nous avons, conformément à nos obligations, activement recherché des possibilités de reclassement au sein de notre Société et du Groupe [M] [H] afin d'identifier toute solution alternative possible correspondant à votre profil et vos compétences.
En l'absence de toute autre possibilité de reclassement, nous n'avons pas eu d'autre choix que d'envisager votre licenciement économique et vous avons convoqué a un entretien préalable.
Malheureusement étant donné la situation de la Société et des autres sociétés du Groupe PCSA, nous n'avons pas pu identifier de poste de reclassement disponible correspondant a votre profil à vous proposer.
En l'absence de tout reclassement possible, nous avons été contraints d'envisager votre licenciement économique et vous avons convoqué à un entretien préalable.
Au cours de l'entretien préalable, il vous a été remis le dossier relatif au Contrat de Sécurisation Professionnelle (« CSP ''), auquel vous pouviez adhérer, dans le délai de 21 jours calendaires à compter de cette remise, soit jusqu'au 2 octobre 2015.
Or, vous nous avez indiqué par lettre recommandée du 18 septembre 2015 que vous refusiez d'adhérer au CSP.
En conséquence, nous sommes contraints par la présente de vous notifier votre licenciement pour motifs économiques. La date de première présentation de ce courrier par les services postaux à votre domicile marquera le début de votre préavis, que nous vous dispensons intégralement d'effectuer. Votre rémunération vous sera versée aux échéances de paye habituelles jusqu'à la fin de votre préavis.
Nous vous confirmons que, durant une période d'un an suivant la rupture de votre contrat de travail et conformément à l'article L.1233- 45 du Code du travail, vous avez droit à une priorité de réembauchage dans notre Société à condition que vous nous informiez par courrier dans l'année suivant la rupture de votre contrat de travail de votre intention de bénéficier de cette priorité. Cette priorité concerne les postes compatibles avec votre qualification mais également les postes qui pourraient correspondre à une nouvelle qualification que vous auriez acquise depuis la rupture de votre contrat de travail, à condition que vous nous informiez de cette nouvelle qualification.
Enfin, nous vous précisons que conformément aux dispositions de l'article L.911 8 du Code de Sécurité Sociale résultant de la loi du 14 juin 2013, vous bénéficiez du maintien des garanties complémentaires santé et prévoyance appliquées dans notre entreprise à titre gratuit, à compter de la date de cessation de votre contrat de travail, sous réserve d'une prise en charge par l'assurance chômage, dans la limite de 12 mois de couverture. Vous devrez adresser les justificatifs de votre prise en charge par Pôle Emploi à l'organisme assureur et l'informer le cas échéant de la cessation des versements des allocations chômage si celle ci intervient avant la fin de la période de garantie. L'ensemble des informations relatives à cette portabilité vous sera remis, par courrier distinct, avant le terme de votre contrat de travail.
A la fin de votre contrat de travail, nous vous remettrons votre solde de tout compte, votre certificat de travail et votre attestation destinée au Pôle Emploi.
En tant que de besoin, nous vous informons que vous n'êtes lié par aucune obligation de non- concurrence envers notre Société ou le Groupe PCSA'.
M. [K] conteste tant la réalité du motif économique que le respect de l obligation de reclassement.
A- le motif économique
La société appelante fait valoir que le motif économique fondant le licenciement ne sont pas les difficultés économiques mais la nécessité de réorganiser la force de vente composée de huit délégués hospitaliers pour sauvegarder sa compétitivité dans un marché très concurrentiel représentant 27 000 entreprises dans le monde et 1343 en France, chiffre accru par la création de nombreuses start- up enregistrant des taux de croissance supérieurs à la moyenne, que le secteur est faiblement concentré et que les conditions d'appel d'offres se durcissent au regard des coûts de la fabrication manuelle de ses seuls dispositifs et des exigences de conformité réglementaire alors que ses ressources en recherche et développement ne lui permettent pas d'innover.
La société précise qu'elle devait réorganiser sa force de vente qui ne répondait plus aux exigences du marché : deux nouveaux réseaux de délégués hospitaliers étaient créés soit une force de vente au sein de la société Prodimel spécialisée dans la promotion du matériel d'anesthésie / réanimation et une force de vente au sein de la société CCD spécialisée dans la promotion du matériel gynécologique ; les délégués devaient se concentrer sur une gamme de produits et gagner en efficacité et la nouvelle sectorisation permettait de réduire la taille des secteurs géographiques et donc les temps de déplacement.
M. [K] répond pour l'essentiel que la motivation de la lettre de licenciement comportait deux causes originelles : les difficultés économiques et la nécessité d'une réorganisation pour sauvegarder la compétitivité ; que les premières ne sont pas avérées dès lors que la simple baisse d'activité d'un produit - ici le matériel d'anesthésie- ou celle d'un seul site est insuffisante, que la lettre de licenciement mentionne l'absence de difficultés économiques, que les résultats de la société Prodimed et de ses filiales étaient positifs et que la procédure de sauvegarde a été initiée trois ans après son licenciement; que la menace pesant sur la compétitivité de la société n'est établie par aucune pièce.
Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail dans sa rédaction ici applicable, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. S'y ajoute la réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.
Aux termes de ses conclusions, la société entend souligner que le licenciement de M. [K] n'est pas motivé par des difficultés économiques ; cependant, la cour constate que la lettre de licenciement mentionne que ' les résultats de la société ne sont pas au niveau des attentes et du budget. En effet, l'activité anesthésie / réanimation est déficitaire et le résultat de la société est en baisse constante depuis plusieurs années. Le site du Plessis-Bouchard est en déficit chronique ( il subit une perte d'environ 700K par an). Le résultat d'exploitation net consolidé de la société Prodimed n'est positif que grâce à l'effet compensateur du résultat du site de [Localité 2]' et les difficultés économiques sont donc évoquées dans la lettre de licenciement elle- même.
Par ailleurs, les deux parties concluent sur la réalité de difficultés économiques : la société fait état de la baisse de son chiffre d'affaires et de son résultat net d'exploitation, de ce qu'elle n'a jamais indiqué qu'elle ne connaissait pas de difficultés économiques et de la procédure de sauvegarde judiciaire ouverte à son encontre le 13 décembre 2017; M. [K] conclut pour écarter les difficultés économiques dont il affirme qu'elles constituent l'une des deux causes originelles du licenciement.
Enfin, il revient au juge de rechercher, comme il y est invité, si la réorganisation invoquée n'était pas justifiée par des difficultés économiques.
Les difficultés économiques d'une société appartenant à un groupe doivent être appréciées à la date du licenciement dans la limite du secteur d'activité auquel appartient l'entreprise.
Outre le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde prononcé le 13 septembre 2017, la société verse son bilan de l'exercice 2015 et celui des filiales du groupe Patrick Choav auquel elle appartient, soit les sociétés Laboratoire Bailly Creat, Laboratoire CCD, Laboratoire Bioes, Laboratoire Gomenol et la société holding Patice [H] SAS.
La procédure de sauvegarde a été ouverte deux ans après la procédure de licenciement de sorte qu'elle ne constitue pas un élément d'appréciation des difficultés économiques.
Les exercices 2014 et 2015 de la société Prodimed commencent le 1er janvier de sorte que les résultats enregistrés à la fin de l'exercice 2015 ne sont pas contemporains du licenciement litigieux.
Le bilan de l'exercice 2014 résultant des pièces versées par les deux parties indique un résultat d'exploitation de 103 000 euros et un résultat net de 250 300 euros, des capitaux propres de 8 800 000 euros et des provisions de 93 400 euros. L'analyse financière versée par M. [K] souligne l'importance des capitaux propres constituant ' le matelas de sécurité d'actifs' permettant de rembourser la totalité de la dette ; les résultats de l'exercice 2015 évoqués par la société n'établissent pas la réalité de difficultés économiques, les provisions et capitaux propres ayant progressé.
Les bénéfices et résultats nets des autres sociétés du groupe sont bénéficiaires à la fin des deux exercices et leur baisse n'établit pas la réalité de difficultés économiques ; la société appelante fait état de licenciements effectués par la société CCD en 2015 alors que le nombre de salariés de cette société est passé de 38 à 40 entre 2015 et 2016.
La réorganisation souhaitée par la société n'était pas justifiée par des difficultés économiques.
Il revient ensuite à l'employeur d'établir que cette réorganisation de la force de vente était nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, impliquant des contraintes concurrentielles voire une menace sur cette dernière. La société ne produit aucune pièce corroborant l'affirmation selon laquelle la concurrence ne cesse de s'intensifier en raison notamment de l'évolution du marché et du durcissement des conditions d'appel d'offres, la fabrication manuelle des dispositifs créés par elle alourdissant son coût en comparaison des autres sociétés.
La société dit que le marché des dispositifs médicaux intéresse 1 343 entreprises en France, ce nombre étant majoré par la création de start- up de croissance supérieure à la moyenne et capables d'investissement supérieur en matière de recherche et développement. Mais elle n'évoque que trois sociétés dont elle n'établit pas qu'elles constituent une menace sur sa compétitivité.
Enfin, aucun élément n'est versé pour établir que les problématiques réglementaires ne seraient pas génératrices - ou le seraient moins - de pesanteurs chez ses concurrents.
La nécessité de réorganiser le pôle des délégués hospitaliers pour contrer une menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise n'est pas avérée.
Le licenciement pour motif économique de M. [K] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.
B- le reclassement
La société fait valoir qu'elle a interrogé l'ensemble des sociétés du groupe qui ont répondu négativement - la société Laboratoire du Gomenol ne comptant que trois salariés, que ces petites sociétés ont pu répondre rapidement, leur registre du personnel confirmant l'absence de poste disponible au regard de la qualification et des compétences de M. [K], que ce dernier ne peut lui reprocher de n'avoir pas proposé de formation ou des mesures d'adaptation puisqu'aucun poste n'était disponible et que le salarié avait refusé de rejoindre la société CCD.
M. [K] répond que l'obligation de reclassement n'a pas été respectée pour plusieurs raisons : le poste refusé par M. [K] devait lui être proposé dans la cadre de son reclassement, aucune réduction de son temps de travail n'a été proposée ni de mesure d'adaptation à l'emploi, cinq destinataires du mail de recherche de reclassement sur dix ayant répondu avec précipitation, la SAS Laboratoire de Goménol n'a pas été interrogée, la société a procédé à des embauches à des postes qu'il aurait pu occuper.
Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction ici applicable, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue dans un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. À défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi de catégorie inférieure.
Les possibilités de reclassement doivent être recherchées à l'intérieur du groupe parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
Il revient à l'employeur d'établir qu'il a respecté son obligation de recherche d'un reclassement de manière complète et loyale.
La société verse un mail daté du 27 août 2015 transmis aux sociétés du groupe qui ont répondu négativement le même jour soit avec précipitation au regard du nombre de leurs salariés, le lendemain ou le 31 août.
La société dit n'avoir pas adressé directement de mail à la société Laboratoire du Gomenol parce qu'elle ne comptait que trois salariés en 2015 mais verse en pièce 20 un registre du personnel de cette dernière qui affiche six salariés à la date du licenciement et en tout état de cause, le faible nombre de salariés d'une société du groupe ne l'exclut pas du périmètre de la recherche de reclassement .elle dit ensuite que M. [J] qui a donné un résultat négatif était directeur commercial de cette société mais ne l'établit pas tandis que M. [K] affirme que ce dernier occupait le poste de directeur commercial de la SAS Patrick [H].
Ensuite, même à la suite d'un refus de modification, l'employeur doit proposer tous les postes compatibles avec les compétences du salarié, y compris celui qu'il a refusé. La société n'a pas proposé le poste refusé par M. [K].
La société n'a pas proposé ni même envisagé un aménagement du temps de travail de M. [K] et elle n'apporte aucune explication à ce sujet.
Les registres du personnel des sociétés révèlent que la société appelante a embauché un technicien le 17 octobre 2015, soit quelques jours après le licenciement, sans avoir proposé ce poste à M. [K] qui aurait pu accepter un poste de catégorie inférieure, que, le 1er septembre 2015, la société Laboratoire Bioes a embauché une déléguée pharmaceutique soit à un poste dont il n'est pas établi qu'il ne pouvait pas être proposé à M. [K] au regard d'un statut d'attaché à la promotion du médicament.
La cour considère que la société n'a pas respecté son obligation de reclassement de manière complète et loyale.
Compte-tenu de l'absence de motif économique et du non-respect de l'obligation de reclassement, le licenciement de M. [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
C- l'indemnisation
M. [K] qui avait une ancienneté de plus de deux années dans une société employant habituellement plus de dix salariés doit être indemnisé à hauteur minimale de ses six derniers mois de salaire. M. [K] était âgé de 60 ans et il a perçu des allocations du Pôle Emploi jusqu'à ce qu'il bénéficie d'une pension de retraite. Le montant de ces indemnités était inférieur à son salaire. M. [K] ne produit aucune recherche d'emploi.
Compte-tenu de ces éléments, la société sera condamnée à payer à M. [K] la somme de 38 000 euros à titre de dommages et intérêts et le jugement sera réformé sur ce quantum.
En application de l' article L. 1235-4 du code du travail, la société sera condamnée à rembourser au Pôle Emploi de Nouvelle Aquitaine les indemnités perçues par M. [K] depuis son licenciement dans la limite de six mois.
Vu l'équité, la société sera condamnée à payer à M. [K] la somme complémentaire de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la procédure d'appel.
Succombant en son appel, la société supportera la charge des entiers dépens.
*
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris dans les limites de l'appel sauf en ce qu'il a condamné la SAS Prodimed à payer à M. [K] la somme de 44 000 euros à titre de dommages et intérêts
et statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la société à payer à M. [K] la somme de 38 000 euros à ce titre,
Y ajoutant,
Ordonne à la société Prodimed de rembourser au Pôle Emploi de Nouvelle Aquitaine les indemnités versées à M. [K] depuis le licenciement dans la limite de six mois ;
Condamne la SAS Prodimed à payer à M. [K] la somme complémentaire de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la procédure d'appel.Condamne la SAS Prodimed aux entiers dépens.
Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard