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21/09/2022 | FRANCE | N°19/00247

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 21 septembre 2022, 19/00247


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 21 SEPTEMBRE 2022







PRUD'HOMMES



N° RG 19/00247 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K2BK







Monsieur [C] [R]



c/



SARL Agence Bordelaise d'Assainissement (ABA)

















Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivr

ée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 décembre 2018 (R.G. n°F 16/02511) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 14 janvier 2019,





APPELANT :

Monsieur [C] [R]

né le 30 Septembre 1958 à [Lo...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 21 SEPTEMBRE 2022

PRUD'HOMMES

N° RG 19/00247 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K2BK

Monsieur [C] [R]

c/

SARL Agence Bordelaise d'Assainissement (ABA)

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 décembre 2018 (R.G. n°F 16/02511) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 14 janvier 2019,

APPELANT :

Monsieur [C] [R]

né le 30 Septembre 1958 à [Localité 3] de nationalité Française demeurant [Adresse 2]

représenté et assisté de Me Béatrice DEL CORTE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SARL Agence Bordelaise d'Assainissement (ABA), exerçant sous l'enseigne 'Callysto System', prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 514 880 574

représentée par Me Max BARDET de la SELARL BARDET & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée de Me Pauline MAZEROLLE substituant Me Philippe BELLANDI, avocat au barreau d'AGEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 juin 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Rémi Figerou, conseiller chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sophie Masson, conseillère

Monsieur Rémi Figerou, conseiller

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [C] [R], né en 1958, a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 8 octobre 2012 en qualité de technico-commercial par la SARL Agence Bordelaise d'Assainissement (ci-après la société ABA) qui fait partie d'un réseau de franchisés dénommé Callisto System. Par avenant du 1er octobre 2014, M. [R] a été promu cadre.

M. [R] a le statut de travailleur handicapé.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de désinfection, désinsectisation, dératisation.

Par lettre datée du 3 février 2016, M. [R] a été convoqué à un entretien préalable fixé le 15 février 2016. Par courrier daté du même jour, il lui a été proposé un contrat de sécurisation professionnelle que M. [R] a refusé.

Il a ensuite été licencié pour motif économique par lettre datée du 4 mars 2016.

A la date du licenciement, M. [R] avait une ancienneté de 3 ans et 4 mois et la société occupait à titre habituel moins de onze salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant un rappel de commissions, des dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait des manquements de l'employeur à son obligation d'adaptation, du non-respect des critères d'ordre des licenciements et de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, M. [R] a saisi le 14 octobre 2016 le conseil de prud'hommes de Bordeaux, qui par jugement rendu le 14 décembre 2018, a :

- dit que la rupture du contrat de travail de M. [R] repose sur une cause économique,

- débouté M. [R] de ses demandes liées au licenciement économique et du surplus de ses demandes,

- condamné la société ABA à verser à M. [R] les sommes suivantes :

* 2.316,19 euros bruts à titre de rappel de prime,

* 231,61 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés sur le rappel de prime,

* 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire à l'exception des sommes qui en bénéficient de droit, conformément aux dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculé sur la moyenne des trois derniers mois de salaire soit 2.227,99 euros,

- débouté la société ABA de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile,

-condamné la société ABA aux entiers dépens et frais éventuels d'exécution.

Par déclaration du 14 janvier 2019, M. [R] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 juillet 2021, M. [R] demande à la cour de le déclarer recevable et bien fondé dans l'ensemble de ses demandes, y faisant droit, de réformer le jugement dont appel en ce qu'il l'a débouté de ses demandes d'indemnisation en réparation des préjudices résultant du manquement de l'employeur à son obligation d'adaptation, du non-respect de la procédure des critères d'ordre et de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, et, en conséquence, de :

Au titre de l'exécution du contrat de travail,

- condamner la société ABA à lui verser les sommes suivantes :

* 2.429,76 euros à titre de rappel de commissions ;

* 2.429,76 euros au titre des congés payés afférents à ce rappel de salaire,

* 5.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de manquement de l'employeur à son obligation d'adaptation,

Au titre de la rupture du contrat de travail,

- dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société ABA aux sommes suivantes :

* 36.905,28 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non-respect de la procédure des critères d'ordre,

* 36.905,28 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En toute hypothèse,

- condamner la société ABA à lui verser la somme de 3.600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 4 juin 2019, la société ABA demande à la cour de':

Sur la rupture du contrat de travail,

- dire que le licenciement économique de M. [R] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes,

Sur l'exécution du contrat de travail,

- dire que la société ABA n'a pas commis de faute quant à son obligation de formation et d'adaptation,

- débouter M. [R] de sa demande de dommages et intérêts,

- débouter M. [R] de sa demande au titre des rappels de salaire,

En toute hypothèse,

- le condamner à la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mai 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 14 juin 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exécution du contrat de travail

- Sur le manquement à l'obligation d'adaptation

M. [R] affirme ne pas avoir bénéficié de formation ou d'action d'accompagnement dans le cadre de son contrat de travail. Dès lors, il aurait subi un préjudice puisque son employeur lui a fait perdre une chance de maintenir son emploi et/ou de développer son employabilité.

La société ABA affirme qu'elle n'a pas à assurer la formation initiale des salariés mais simplement une formation complémentaire au regard de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations, formation complémentaire qui prend tout son sens lorsque les salariés ont une ancienneté importante ce qui n'est pas le cas pour l'appelant dont le poste n'a par ailleurs pas subi de transformation technologique.

L'intimée avance également que M. [R] a bénéficié de formations de la part du franchiseur et qu'il a acquis le statut de cadre, preuve de son évolution professionnelle.

Enfin, la société rappelle qu'il n'est pas reproché à M. [R] une insuffisance professionnelle, ou un manque de résultat, son départ n'étant pas inhérent à sa personne mais à une situation économique de l'entreprise.

***

Dans le cadre de la formation professionnelle tout au long de la vie, le code du travail dispose en son article L.6321-1 que l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations et il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a respecté ses obligations à ce titre, le seul fait que le salarié remplisse ses missions avec efficacité ne le dispensant pas de celles-ci.

Or, d'une part, l'employeur ne justifie d'aucune des modalités d'aide à la prise de poste qui figurait au contrat.

Il n'établit pas non plus que M. [R], qui le conteste, a bénéficié des actions de formation du franchiseur.

D'autre part, dans la fixation du nombre de points attribués pour l'ordre des licenciements, l'employeur a estimé que M. [R] avait systématiquement moins de points que son collègue au titre des qualités professionnelles, sauf en ce qui concerne les ventes réalisées, en raison d'une rigueur moindre dans l'application des méthodes commerciales et du reporting et d'une implication également moindre 'dans le projet de l'entreprise en difficulté'. Il justifie cette évaluation par notamment des erreurs commises par le salarié dans l'établissement des métrés et des devis, erreurs qui témoignent de ce qu'une formation aurait pu être faite au profit de M. [R].

Il sera donc considéré que le manquement allégué est établi et, compte tenu de la durée de la relation contractuelle, il sera alloué à M. [R] la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts.

- Sur le rappel de salaire

M. [R] sollicite dans ses écritures la somme de 2.429,76 euros outre les congés payés afférents à titre de rappel de commission sur des commandes réalisées par le client Foncia, qu'il prétend avoir apporté à la société.

La société ABA soutient que le contrat Foncia a été signé par le gérant de la société, M. [L], comme en atteste le bon de commande produit.

***

L'article 8 du contrat de travail de M. [R] prévoit le ' versement de 7% brut pour tout contact personnel ne provenant pas de la société'.

Au vu des pièces produites par M. [R] et notamment ses fiches clients 29, 30, 32 et 33, son nom figure sur des commandes passées par ce client en octobre 2013, pour un chantier à Andernos, soit bien avant les commandes litigieuses sur lesquelles portent sa réclamation.

Dès lors et, dans la limite des pièces et explications des parties, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que ce client avait été apporté par le salarié, rectifiant l'erreur de calcul commise dans le montant exact de la somme due.

Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

- Sur le licenciement

Sur le motif économique

La lettre de licenciement adressée à M. [R] est ainsi rédigée :

« (...)

Notre résultat d'exploitation au 30 septembre 2015 affiche une perte de plus de 50.000 euros et nos capitaux propres sont négatifs de près de 75.000 euros. Depuis le 1er octobre 2015, nous subissons une perte substantielle de notre chiffre d'affaires de près de 30% sans que nous puissions envisager un quelconque rebond de notre activité.

Consécutivement, nous subissons actuellement des tensions de trésorerie qui sont non seulement liées à notre baisse importante d'activité mais aussi aux délais de paiement grandissants imposés par les clients.

Suite à ces difficultés, nous avons déjà pris des mesures pour réduire ou étaler autant que possible nos charges courantes. Au surplus, après avoir personnellement prêté en compte courant près de 160.000 euros, j'ai abandonné une partie de ce compte courant pour plus de 90.000 euros au profit de l'entreprise au titre de l'exercice clos au 30 septembre 2015.

Malheureusement ces efforts ne sont pas suffisants, nos difficultés économiques précitées sont persistantes et nous n'avons aucune visibilité sur nos commandes.

Dans ces conditions, pour sauver l'entreprise du dépôt de bilan, je n'ai d'autre choix que d'envisager la suppression d'un des deux postes de cadre commercial.

Eu égard à l'application des critères d'ordre, cette suppression concerne votre emploi.

(...) ».

En application de l'article L.1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

M. [R] souligne qu'il a été embauché alors que la société était déjà déficitaire et que ce contexte économique n'a pas empêché la création de son emploi.

Il avance également que la situation économique de la société s'était améliorée depuis son embauche.

Or, il ressort des bilans 2014, 2015 et 2016 versés aux débats que la société connaissait de réelles difficultés économiques.

Ainsi, le résultat net comptable était de - 25.017,92 euros au 30 septembre 2014, de 32.614,49 euros au 30 septembre 2015 et de - 43.204,70 euros au 30 septembre 2016.

L'évolution favorable du bilan 2015 ne s'explique que par l'apport de produit exceptionnel sur les opérations de gestion, soit un apport de 90.000 euros d'un associé, visible en page 10 du bilan et détaillé en page 14.

Cette situation financière avait d'ailleurs généré une convocation de la société devant le tribunal de commerce de Bordeaux le 17 novembre 2015 pour inscription de privilèges. Il s'agissait pour le magistrat délégué à la prévention de se voir exposer la situation de l'entreprise et de connaître des éventuelles difficultés sur la base des documents comptables et d'une situation prévisionnelle d'exploitation et de trésorerie.

Il en résulte que c'est par une juste appréciation du droit applicable aux éléments de l'espèce que les premiers juges ont retenu que les difficultés économiques étaient réelles et sérieuses.

Sur les efforts de formation et d'adaptation et l'obligation de reclassement

Aux termes de l'article L.1233-4, dans sa rédaction applicable au litige, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

L'employeur est tenu de tenter de reclasser le salarié sur tous les postes compatibles avec ses capacités, en effectuant des recherches sérieuses et actives de reclassement. L'obligation de reclassement étant un élément constitutif de la cause économique de licenciement, tout manquement de l'employeur suffit à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse et cela même si la suppression d'emploi a bien une cause économique.

Le licenciement pour motif économique ne pouvant intervenir que si le reclassement du salarié s'est avéré impossible, il en résulte que les possibilités de reclassement doivent être recherchées avant la notification du licenciement, dès l'instant où le licenciement est envisagé.

En l'espèce, M. [R] a été informé qu'un projet de licenciement économique était envisagé dans la lettre de convocation à entretien préalable du 3 février 2016.

L'effectif de la société intimée est de sept salariés comprenant trois poseurs, deux secrétaires et deux commerciaux.

Il résulte des éléments produits dont notamment le registre du personnel, qu'en février 2016, aucun poste n'était vacant. Aussi, malgré tous les efforts de formation et d'adaptation, le reclassement interne de M. [R] ne pouvait avoir lieu en l'absence de poste disponible.

Par ailleurs, la SARL ABA n'appartient à aucun groupe. Elle est seulement un franchisé du réseau Callisto System.

Le contrat de franchise mentionne en son article 9 une indépendance juridique du franchisé pendant toute la durée du contrat, le franchisé assumant une entière liberté de gestion et d'embauche du personnel ainsi que les risques propres à son exploitation.

L'intimé démontre, par ses pièces 9 et 5, avoir sollicité le 5 février 2016, les franchisés du réseau dans le cadre d'une recherche externe de reclassement qui n'a pas abouti, aucune société de ce réseau n'ayant donné de suite favorable pour le recrutement d'un commercial.

En outre, il ressort du registre du personnel de la société DPH dont M. [L] est également le gérant qu'aucun poste n'était vacant.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux du 14 décembre 2018 sera confirmé en ce qu'il a dit que la société avait satisfait à son obligation de recherche de reclassement.

En conséquence, le licenciement de M. [R] repose sur une cause réelle et sérieuse.

- Sur les critères d'ordre

Aux termes de l' article L.1233-7 du code du travail, lorsque l' employeur procède à un licenciement individuel pour motif économique, il prend en compte, dans le choix du salarié concerné, les critères prévus à l'article L.1233-5 du code du travail.

En vertu de ce texte, lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.

Ces critères prennent notamment en compte :

1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;

2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;

3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;

4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

L'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article.

A défaut de respect des critères d'ordre, le licenciement n'est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse mais le salarié peut obtenir paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi.

Par courrier du 20 avril 2016, M. [R] a sollicité la communication des critères d'ordre sur lesquels l'entreprise s'était fondée pour le licencier.

Le 3 mai 2016, les critères d'ordre ont été portés à la connaissance de M. [R] en ces termes :

' - champ d'application des critères d'ordre : les critères d'ordre sont appliqués au sein des catégories professionnelles concernées par le licenciement économique dans lesquelles il existe plusieurs salariés

- choix des critères d'ordre : nous nous référons aux critères suivants :

* les charges de famille, en particulier celles des parents isolés,

* l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise,

* la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des salariés âgés,

* les qualités professionnelles.

Tout en tenant compte de l'ensemble des autres critères, c'est le critère des qualités professionnelles qui a une valeur prépondérante dans l'ordre des licenciements'.

Des précisions relatives à la méthode d'attribution des points par critère sont ensuite apportées sur la deuxième page de ce document. Concernant le troisième critère précité, il est indiqué : 'difficultés de réinsertion sociale (âge) : en l'absence de handicap, a été pris en compte l'âge des salariés ; étant précisé que les salariés les plus âgés sont ceux qui sont considérés comme pouvant avoir des difficultés de réinsertion'.

Les qualités professionnelles, bénéficiant de 8 points, sont déclinées en 4 item :

- rigueur dans l'application des méthodes commerciales 1 point pour M. [R], 2 pour son collègue, M. [T] ;

- rigueur de reporting : idem ;

- implication/motivation dans le projet de l'entreprise : idem ;

- résultats vente : 2 points pour M. [R] et 1 point pour son collègue.

D'une part, la situation de handicap de M. [R], aggravée par son âge supérieur à celui de son collègue, n'a pas été prise en compte alors même qu'il s'agit d'un critère légal énuméré par l'article L.1233-5 du code du travail.

Dans ses conclusions, la société intimée explique qu'elle n'a pas souhaité mettre en avant, dans les critères, le handicap des salariés, que mettre en avant les pathologies des salariés comme critère d'ordre des licenciements aurait été déplacé et que le handicap dont souffre M. [R] n'est pas un obstacle à la recherche d'un travail de commercial, s'agissant d'une blessure ancienne au genou. Elle ajoute : 'seul le critère de l'âge a été retenu, s'agissant d'un critère objectif et incontestable'.

La société avait connaissance de la situation de M. [R] qui bénéficiait de la qualité de travailleur handicapé depuis le 1er août 2011, la mention de ce statut figurant expressément sur l'imprimé CERFA du contrat unique d'insertion et elle ne soutient pas que l'autre technico-commercial, M. [T], beaucoup plus jeune que M. [R], pour être né en 1976 était lui-même atteint de handicap, évoquant seulement les difficultés de santé rencontrées par celui-ci.

Or, si l'employeur peut privilégier l'un des critères relatifs à l'ordre des licenciements c'est à la seule condition d'avoir pris en considération l'ensemble des critères.

Aussi, en l'absence de prise en compte du handicap, alors que cette caractéristique est de nature à rendre la réinsertion professionnelle plus difficile et qu'elle constitue l'un des critères mentionnés à l'article L.1233-5 du code du travail, les règles relatives aux critères d'ordre n'ont pas été respectées.

D'autre part, les éléments retenus pour l'évaluation des qualités professionnelles sont critiquables notamment en ce qui concerne l'implication et l'application des méthodes commerciales et la rigueur du reporting, compte tenu des résultats supérieurs de M. [R] en termes de vente, le dernier item, particulièrement subjectif - implication/motivation dans le projet de l'entreprise - n'étant ni justifié ni même développé dans les écritures de la société intimée et le prétendu 'manque de rigueur' n'ayant jamais fait l'objet d'un reproche adressé à M. [R].

Il sera en conséquence considéré que l'ordre des licenciements n'a pas été respecté.

Pour justifier du préjudice qu'il a subi, M. [R] produit ses bulletins de salaire, sa reconnaissance du statut de travailleur handicapé, l'attribution par le tribunal du contentieux de l'incapacité d'un taux d'incapacité permanente partielle de 17%, des arrêts de travail mentionnant un syndrome anxiodépressif réactionnel, une ordonnance de médicaments anxiolytiques et ses relevés de situation individuelle de ses droits à la retraite pour incapacité permanente au bénéfice de laquelle il a été admis en 2020.

Aucun justificatif n'est produit quant aux ressources de M. [R] entre la date de son licenciement et son admission au bénéfice de la retraite.

Infirmant le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux du 14 décembre 2018, il sera alloué à M. [R] la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour inobservation de l'ordre des licenciements.

Sur les autres demandes

La société intimée, partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à verser à M. [R] la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, en sus de la somme allouée en première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux du 14 décembre 2018 sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [C] [R] de ses demandes à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation d'adaptation et pour inobservation de l'ordre des licenciements,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Monsieur [C] [R] de sa demande de rappel de commissions et des congés payés y afférents,

Condamne la SARL ABA à verser à Monsieur [C] [R] les sommes suivantes :

- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation d'adaptation,

- 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour inobservation de l'ordre des licenciements,

- 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Condamne la SARL ABA aux dépens de la procédure d'appel.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/00247
Date de la décision : 21/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-21;19.00247 ?
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