COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
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ARRÊT DU : 21 SEPTEMBRE 2022
PRUD'HOMMES
N° RG 19/00032 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-KZOY
Monsieur [N] [S]
c/
SELARL [K]-[V] es qualité de mandataire liquidateur de la SAS REMORQUES SATELLITES (RSA)
UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 3]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 décembre 2018 (R.G. n°F 17/01270) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 03 janvier 2019,
APPELANT :
Monsieur [N] [S]
né le 13 Septembre 1984 à [Localité 3] de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Clémence BREUILLE substituant Me Delphine BARTHELEMY-MAXWELL, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
SELARL [K] & [V], prise en la personne de son représentant légal agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS RSA domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1]
N° SIRET : 444 809 792
représentée et assistée de Me Benjamin BLANC, avocat au barreau de BORDEAUX
INTERVENANTE
UNEDIC Délégation AGS - CGEA de Bordeaus, prise en la personne de sa Directrice Nationale Madame [W] [T] domiciliée en cette qualité audit siège social [Adresse 5]
représentée par Me Juliette CAILLON substituant Me Philippe HONTAS de la SELARL HONTAS ET MOREAU, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 juin 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Rémi Figerou, conseiller chargé d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvie Hylaire, présidente
Madame Sophie Masson, conseillère
Monsieur Rémi Figerou, conseiller
Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [N] [S], né en 1984, a été engagé par la SAS Remorques Satellites (ci-après dénommé société RSA), suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 février 2015 en qualité de monteur polyvalent.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises relevant de la navigation de plaisance du 31 mars 1979.
En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [S] s'élevait à la somme de 1.760 euros.
Le 5 avril 2016, un avertissement a été notifié à M. [S] pour malfaçon sur le montage d'une remorque. Le salarié a contesté cette sanction par courrier du 12 avril 2016.
Par lettre datée du 30 juin 2016, M. [S] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 20 juillet 2016.
M. [S] a ensuite été licencié pour faute grave le 26 juillet 2016.
A la date du licenciement, M. [S] avait une ancienneté de 1 an et 5 mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, M. [S] a saisi le 8 août 2017 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement du 5 décembre 2018, a :
- requalifié le licenciement pour faute grave de M. [S] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
- débouté M. [S] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral subi,
- condamné la société RSA à payer à M. [S] la somme de 900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens et frais éventuels d'exécution.
Par déclaration du 3 janvier 2019, M. [S] a relevé appel de cette décision.
Par jugement du 20 mars 2019, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société RSA, la SELARL [K]-[V] étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 30 septembre 2019, M. [S] demande à la cour de :
A titre principal,
- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a requalifié son licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société RSA aux dépens et à lui payer la somme de 900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
- dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
- fixer au passif de la société RSA la somme de 45.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi ;
A titre subsidiaire,
- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave de M. [S] en licenciement pour cause réelle et sérieuse.
En tout état de cause, et statuant à nouveau,
- fixer au passif de la société RSA les sommes suivantes :
* 352 euros à titre d'indemnité de licenciement,
* 1.760 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les éventuels dépens et frais d'exécution.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 27 mai 2020, la SELARL [K]-[V] ès qualités demande à la cour de'déclarer M. [S] irrecevable et mal fondé en son appel et de :
A titre principal,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté la faute grave invoquée à l'appui du licenciement de M. [S] et le débouter de ses demandes ;
A titre subsidiaire,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que le licenciement de M. [S] reposait sur une cause réelle et sérieuse ;
A titre infiniment subsidiaire,
- débouter M. [S] de sa demande tendant à dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et le débouter de sa demande tendant à fixer au passif de la SAS RSA la somme de 45.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi ;
Sur les demandes au titre de l'indemnité de licenciement et du préavis
A titre principal,
- déclarer ces demandes nouvelles irrecevables.
A titre subsidiaire,
- déclarer ces demandes irrecevables car prescrites ;
A titre infiniment subsidiaire,
- débouter M. [S] de ses demandes tendant à voir fixer au passif de la SAS RSA
les sommes de 352 euros à titre d'indemnité de licenciement et de 1.760 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
En tout état de cause,
- débouter M. [S] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [S] à régler à la liquidation judiciaire la somme de 700 euros sur
le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 1er juillet 2019, l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 3] demande à la cour de' déclarer M. [S] irrecevable et mal fondé en son appel et de :
Sur le licenciement.
- à titre principal, réformer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté la faute grave invoquée à l'appui du licenciement de M. [S] et le débouter de ses demandes,
- à titre subsidiaire, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que le licenciement de M. [S] reposait sur une cause réelle et sérieuse,
- à titre infiniment subsidiaire, débouter M. [S] de sa demande tendant à dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et le débouter de sa demande tendant à fixer au passif de la SAS RSA la somme de 45.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,
- dire que la garantie de l'UNEDIC ne peut pas être recherchée de ces chefs ;
Sur les demandes au titre de l'indemnité de licenciement et du préavis,
- à titre principal, déclarer ces demandes nouvelles irrecevables,
- à titre subsidiaire, déclarer ces demandes irrecevables car prescrites,
- à titre infiniment subsidiaire, débouter M. [S] de ses demandes tendant à voir fixer au passif de la SAS RSA les sommes de 352 euros à titre d'indemnité de licenciement et de 1.760 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- dire que la garantie de l'UNEDIC ne peut pas être recherchée de ces chefs ;
En tout état de cause,
- dire que la mise en cause de l'UNEDIC dans la présente instance ne peut avoir pour objet que de lui rendre opposable le jugement à intervenir et non d'obtenir une condamnation au paiement qui serait dirigée à son encontre et ce, à défaut de droit direct de M. [S] à agir contre elle,
- dire que la garantie de l'UNEDIC est limitée, toutes sommes et créances avancées confondues, à un ou des montants déterminés par décret, en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d'assurance chômage et inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale ou d'origine conventionnelle imposée par la loi et ce dans les limites des articles L. 3253-8 et L. 3253-17 du code du travail et des textes réglementaires édictés pour son application,
- dire que les demandes de M. [S] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens ne sont pas garanties par l'UNEDIC.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mais 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 14 juin 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour relève que M. [S] ne présente plus en cause d'appel de demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi.
Sur le licenciement
Par courrier du 26 juillet 2016 qui fixe les limites du litige, M. [S] a été licencié pour faute grave.
La lettre de licenciement est ainsi rédigée :
« (...)
Vous occupez les fonctions de monteur sur les lignes de l'entreprise sur lesquelles nous fabriquons notamment le matériel utilitaire et professionnel.
A ce titre, vous devez réaliser les montages de remorque avec conscience et vigilance. Depuis votre arrivée dans l'entreprise, vous avez été formé pour respecter les règles de
fabrication que vous êtes censé connaitre.
Pourtant les 18 et 19 mai 2016, vous avez travaillé sur le montage d'un ber (BR 600 M),
sous la supervision de M. [D].
Une fois ce matériel monté, il a été transporté et livré à un client de la société en Espagne.
Cependant, le 15 juin 2016 nous avons appris qu'un accident s'était produit sur le site de notre client, puisque le ber du matériel monté, censé soutenir un bateau, s'est effondré. Les dégâts matériels sont très importants et l'accident aurait pu gravement blesser les personnes présentes, qui heureusement étaient moins nombreuses au moment où l'accident s'est produit, puisque le bateau est tombé au sol.
Alerté par cet accident, nous avons diligenté une enquête et nous avons ainsi découvert dès le lendemain que le ber s'était effondré car il avait été mal monté. L'erreur est d'ailleurs criante puisque le ber est fixé par 4 vis et que seules deux vis ontété fixées.
Nous sommes évidemment dans une situation délicate vis-à-vis de notre client, surtout au regard de la défaillance découverte qui permet au client de nous imputer la détérioration du bateau et les dégâts complémentaires.
Mais surtout, un tel manquement est inacceptable, voire même impossible involontairement compte tenu de l'évidence du défaut de montage. D'ailleurs, un tel oubli a été jugé impossible par l'ensemble des monteurs à qui nous avons évoqué cet accident.
Interrogé par le responsable de site le 16 juin dernier, dès l'identification des causes du sinistre, vous avez reconnu votre participation au montage de ce ber.
Vous êtes cependant revenu sur vos propos lors de l'entretien préalable, affirmant à présent que vous n'auriez pas réalisé ce montage.
Or, le responsable de la ligne vous avait délégué cette partie du montage, comme il nous l'avait indiqué lors de notre enquête. De même, l'enquête interne mise en 'uvre et les données administratives recueillies permettent également de démontrer votre présence lors du montage défectueux.
Aussi, vous avez réalisé un montage à l'évidence défectueux et avez laissé ce matériel être livré à un client en créant un risque matériel et physique pour lui. Ces manquements sont graves et ce à plus d'un titre puisqu'ils procèdent d'un non-respect volontaire des
procédures que vous connaissez, et qu'ils ont une résonance en terme d'image importante auprès de nos clients, alors que nous subissons une concurrence très rude.
Ces faits sont d'autant plus graves qu'ils s'inscrivent dans une récurrence de carences de votre part que nous avons déjà été amenés à vous reprocher. D'évidentes malfaçons avaient déjà donné lieu à des rappels à la nécessité de suivre les directives données, puis à un avertissement en avril dernier.
Compte tenu de ces éléments rendant impossible le maintien de votre contrat de travail, nous sommes contraints de devoir prononcer votre licenciement pour faute grave.
(...) ».
M. [S] estime que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse. Il fait valoir que concernant l'accident invoqué par l'employeur dans la lettre de licenciement, rien ne permet de déterminer la date exacte de survenance des faits litigieux et donc de les rattacher au salarié.
Ensuite, il fait exposer que quand bien même le ber litigieux aurait été monté les 18 et 19 mai 2016, rien ne permet de lui imputer les faits.
Enfin, il soutient que les faits litigieux ne constituent pas une faute, que seule une abstention volontaire du salarié ou une mauvaise volonté délibérée est susceptible de caractériser la faute et qu'il n'a jamais fait preuve de mauvaise volonté dans l'exécution de son travail.
La société demande que le jugement entrepris soit réformé en ce qu'il a écarté la faute grave invoquée à l'appui du licenciement de M. [S]. Elle fait valoir que le motif du licenciement repose sur des faits objectifs dont M. [S] ne conteste pas la réalité, qu'il a été identifié comme étant l'un des auteurs du montage défectueux ayant causé l'accident précité et qu'il n'a donc pas respecté son contrat de travail. A titre subsidiaire, elle demande que le jugement entrepris soit confirmé en ce qu'il a retenu que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse.
***
L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.
En l'espèce, il est reproché à M. [S] d'avoir réalisé un montage défectueux d'un ber les 18 et 19 mai 2016.
Dans la lettre de licenciement, il est affirmé que le salarié a reconnu sa participation à ce montage avant de revenir sur ses propos. Il y est également indiqué que le responsable de la ligne avait délégué à M. [S] la partie du montage à l'origine du sinistre et que l'enquête interne et les données administratives ont aussi démontré sa présence lors du montage défectueux.
Le liquidateur produit notamment l'information d'incidents (pièce 9), deux modes opératoires (pièces 17 et 18), un tableau des monteurs pour les 17, 18 et 19 mai (pièce 13), un courriel ainsi qu'une déclaration de M. [P], responsable de site (pièces 14 et 15), le procès-verbal d'expertise du 21 juillet 2016 (pièce 16), le rapport de la direction technique établi suite à l'incident (pièce 10), la fiche suiveuse ou bon de montage (pièce 12) et la facture du ber litigieux en date du 26 avril 2016 (pièce 11).
La facture du ber commandé par la société espagnole Equiport est datée du 26 avril 2016 et comporte une date de livraison fixée au 17 mai 2016.
Suite à cette commande, un bon de montage a été établi comportant le numéro OF 213748. Le délai y est fixé au 13 mai 2016. Seul le temps prévu pour le montage est indiqué sur ce document, aucune mention relative à l'opérateur, la date de début ou de fin des travaux, la vérification des opérations ... n'est renseignée.
Suite à l'incident produit, M. [P], responsable de site, a adressé un courriel le 23 juin 2016 pour solliciter des sanctions disciplinaires à l'encontre de M. [S] et de M. [D].
En complément, il a établi le 29 juin 2016 une déclaration dans laquelle il précise : « Je vous confirme que contrairement à la procédure, l'OF 213748 n'a pas été dument remplit par les opérateurs mais que M. [D] reconnait être intervenu sur ce BR600M en déléguant une partie des assemblages à M. [S] ».
La déclaration de M. [P] ne permet pas de savoir quels assemblages de ce ber ont été délégués par M. [D] à M. [S] ni à quelle date ce dernier est intervenu.
Par ailleurs, sur le tableau des monteurs de la société, M. [S] est mentionné en binôme avec M. [D] les 17, 18 et 19 mai. Le 18 mai, il est précisé que M. [D] a été affecté sur l'OF213653 et sur l'OF213748.
Il ne peut donc être déduit de ce seul tableau que M. [S] a été affecté au montage de l'OF213748 le 18 mai dans la mesure où M. [D] a travaillé sur deux montages ce même jour.
Le procès-verbal d'expertise du 21 juillet 2016 qui retrace la chronologie des faits mentionne un enlèvement du ber à l'usine de [Localité 4] le 19 mai 2016.
Les autres constatations dont il est fait état dans ce document sont postérieures et ne permettent pas de savoir si M. [S] a réellement été amené à travailler sur le ber défectueux.
Enfin, le rapport de la direction technique ne désigne à aucun moment M. [S].
On peut en effet y lire :
« (...)
- la commande saisie dans le système de gestion de production informatisé génère l'édition automatique d'un accusé réception qui est conforme en l'espèce,
- l'ordre de fabrication édité simultanément a bien été transmis au poste de montage BH sous la responsabilité de M. [D], à charge pour ce dernier de s'assurer de la disponibilité des composants et de préparer ses pièces avant le montage, d'exécuter ou faire exécuter le montage du ou des produits,
- à l'issue du montage, le responsable de ligne doit reporter le temps passé au montage et valider avec identification de l'intéressé comme la vérification du produit en y reportant la date d'exécution, l'heure de début et de fin. Dans le cas présent, l'OF213748 ne porte aucune mention d'aucune sorte. Il en va de même pour l'ensemble des OF de ber monté par M. [D] sur les semaines antérieures ou postérieures ce qui constitue un manquement aux procédures internes, imputable au responsable du poste de montage et probablement la cause de l'accident (puisque le ber n'a pas été vérifié ni validé avant expédition).
- la date de fabrication de l'OF213748 est le 19 mai 2016, date également du bon de livraison et du bon de transport ainsi que de l'enlèvement à l'usine.
- la préparation avant chargement des camions , calage, vérification du colisage est placé sous la responsabilité de M. [D], là encore, il semble que cette vérification n'a pas eu lieu.
- l'absence de vis M12 a été le catalyseur d'un enchaînement mécanique qui a causé l'accident. Nous devons nous interroger sur la responsabilité du monteur et du vérificateur de montage qui sont immanquablement conscients que la présence d'orifices M12 implique obligatoirement la mise en place d'une vis. Laisser délibérément les orifices M12 vides constitue a tout le moins une négligence impardonnable.
(...) ».
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il n'est pas démontré ce qui est affirmé dans la lettre de licenciement, à savoir :
- que le salarié a reconnu sa participation à ce montage avant de revenir sur ses propos,
- que le responsable de la ligne avait délégué à M. [S] la partie du montage à l'origine du sinistre,
- que l'enquête interne et les données administratives ont démontré la présence de M. [S] lors du montage défectueux.
Au surplus, M. [S] produit l'attestation de M. [G] (pièce 11), responsable ligne porte-bateaux, qui indique ne pas avoir ordonné le montage d'un ber à M. [S] les 18 et 19 mai 2016 et précise que M. [S] a été affecté par M. [P] au service après-vente dès la fermeture de la ligne porte-bateaux.
En conséquence, ce grief à l'encontre de M. [S] n'est pas matériellement établi de sorte que, infirmant le jugement du conseil de prud'hommes, il sera considéré que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences du licenciement
- Sur l'indemnité de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis
M. [S] demande à la cour de fixer au passif de la société la somme de 352 euros à titre d'indemnité de licenciement ainsi que la somme de 1.760 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis.
Il fait valoir que la faute grave n'étant pas caractérisée, il ne saurait être privé de ses indemnités et qu'à la date de celui-ci, il comptabilisait plus d'une année d'ancienneté.
De plus, cette demande n'est pas une demande nouvelle selon le salarié puisqu'en première instance, il avait demandé à ce que son licenciement pour faute grave soit requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette requalification générant l'octroi du bénéfice de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis. Ces demandes sont donc l'accessoire de la demande principe de requalification du licenciement.
Enfin, il rappelle que toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans et que l'article R.1452-1 du code du travail prévoit que la saisine du conseil de prud'hommes interrompt le délai de prescription. Ainsi, il dit avoir eu jusqu'au 8 août 2019 pour formuler ses demandes qui ont été signifiées dans ses conclusions d'appelant du 1er avril 2019.
Les intimées considèrent ces demandes irrecevables et prescrites.
Sur la recevabilité des demandes
Les intimées se réfèrent à l'article 564 du code de procédure civile qui dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Cet article est complété par les articles 565 et 566 du même code selon lesquels :
- les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ;
- les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément.
Devant le conseil de prud'hommes, M. [S] sollicitait la requalification de son licenciement en un licenciement injustifié ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement abusif et pour le préjudice moral subi.
Toutefois, aucune demande n'a été formulée en première instance au titre de l'indemnité de licenciement ou de l'indemnité compensatrice de préavis. Devant la cour ces prétentions constituent en conséquence des demandes nouvelles.
Cependant, ces nouvelles demandes sont la conséquence des demandes formulées au regard du licenciement abusif, et sont donc, à ce titre, recevables.
Sur la prescription des demandes
Aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
Par ailleurs, l'article R.1452-1 du code du travail dispose que la saisine du conseil de prud'hommes interrompt la prescription et selon l'article R.1452-7 du code du travail, les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel.
Si, en principe, l'interruption de la prescription prévue à l'article L.3245-1 du code du travail ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail. Il en résulte que la prescription a été interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes même si certaines des demandes n'ont été présentées qu'en cours d'instance.
En l'espèce, M. [S], dont le contrat a été rompu le 26 juillet 2016, a tenu compte du délai de prescription fixé par les textes et a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 8 août 2017 afin de voir requalifier son licenciement.
Cette saisine a donc interrompu la prescription de sorte que mêmes nouvelles devant la cour, les demandes formulées au titre de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis, conséquence directe de la requalification du licenciement, ne sont pas prescrites.
Sur l'indemnité de licenciement
Selon l'article L.1234-9 du code du travail, dans sa version en vugueur à la date du licenciement, le salarié a droit à une indemnité de licenciement alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur.
L'employeur ne conteste pas le montants sollicité par le salarié à titre d'indemnité de licenciement à hauteur de la somme de 352 euros.
Sur la base des pièces produites, la somme de 352 euros sera fixée au passif de la liquidation de la société RSA au titre de l'indemnité de licenciement au bénéfice de M. [S].
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
Aux termes de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont le point de départ est fixé par la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement.
M. [S] sollicite à ce titre la somme de 1.760 euros.
Les intimées ne contestent pas ce montant.
Au regard des pièces versées et de l'ancienneté du salarié, la somme de 1.760 euros sera fixée au passif de la liquidation de la société RSA au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.
- Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [S] de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif.
Sur les autres demandes
Les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire mais, compte tenu de la situation de la société, il n'apparaît pas justifié de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
L'arrêt à intervenir sera déclaré opposable à l'UNEDIC dans la limite légale de sa garantie, à l'exclusion des dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux du 5 décembre 2018,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que le licenciement de M. [N] [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Dit recevables et non prescrites les demandes de M.[N] [S] formulées au titre de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis,
Fixe les créances de M.[N] [S] au passif de la liquidation judiciaire de la société Remorques Satellites, représentée par son liquidateur, la SELARL [K]-[V] aux sommes suivantes :
- 352 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;
- 1.760 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
- 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Dit que l'arrêt à intervenir sera opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 3], dans la limite légale de sa garantie, à l'exclusion des dépens,
Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire