COUR D'APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 15 SEPTEMBRE 2022
N° RG 22/00160 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MQCR
[B] [B] [P]
c/
[O] [R]
Nature de la décision : APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REFERE
Grosse délivrée le : 15 SEPTEMBRE 2022
aux avocats
Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 17 décembre 2021 par le Juge des référés du Tribunal Judiciaire de BORDEAUX ( RG : 21/01629) suivant déclaration d'appel du 12 janvier 2022
APPELANTE :
[B] [B] [P]
née le 22 mars 1958 à [Localité 6],
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Florence BOYE-PONSAN de l'AARPI MONTESQUIEU AVOCATS, avocat au barreau de LIBOURNE
INTIMÉ :
[O] [R]
né le 12 Mai 1921 à [Localité 7] ([Localité 7])
de nationalité Française
demeurant [Adresse 5]
Représenté par Me Laurène D'AMIENS de la SCP CLAIRE LE BARAZER & LAURÈNE D'AMIENS, avocat au barreau de BORDEAUX et assisté par Me Delphine BRON, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 juin 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Sylvie HERAS DE PEDRO, conseiller, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Roland POTEE, président,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Sylvie HERAS DE PEDRO, conseiller,
Greffier lors des débats : Séléna BONNET
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Par acte notarié du 29 novembre 2012, M. [O] [R] et Mme [B] [P] ont conclu un PACS. A l'occasion du même acte, M. [O] [R] a signé un testament désignant Mme [B] [P] en qualité de légataire universel.
Par acte notarié du 18 février 2013, M. [O] [R] a fait l'acquisition d'une maison d'habitation sis [Adresse 4].
A compter de la fin de l'année 2013, Mme [B] [P] s'est installée dans le bien immobilier.
Par acte notarié du 7 novembre 2019, M. [O] [R] a procédé à une modification de son testament aux termes duquel il révoquait la qualité de légataire universel de Mme [B] [P].
Par procès-verbal d'huissier du 30 mars 2021, M. [O] [R] a signifié à Mme [B] [P] la rupture du PACS.
Par acte d'huissier délivré le 17 mai 2021, M. [O] [R] a fait signifier à Mme [B] [P] un courrier du 5 mai 2021 lui notifiant son intention de mettre fin au prêt du bien immobilier. Il indiquait lui laisser un délai de trois mois pour libérer les lieux.
Par acte d'huissier du 27 septembre 2021, M. [O] [R], constatant que Mme [B] [P] n'avait pas quitté les lieux à la date du 18 août 2021, l'a fait assigner devant le juge des contentieux de la protection statuant en référé du tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins notamment de faire constater la résiliation du contrat de prêt, d'ordonner son expulsion des lieux et de la voir condamner au paiement d'une indemnité d'occupation à compter du 18 août 2021 et jusqu'à son départ effectif à hauteur de 2 200 euros par mois.
Par ordonnance de référé contradictoire du 17 décembre 2021, le juge des contentieux de la protection, pôle protection et proximité, du tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- rejeté les demandes de sursis à statuer, comparution personnelle ou expertise psychiatrique de M. [O] [R],
- constaté que M. [O] [R] a régulièrement notifié la rupture du prêt à usage de l'immeuble situé [Adresse 2]) avec respect d'un délai de préavis,
- constaté que Mme [B] [P] est en conséquence occupante sans droit ni titre depuis le 18 août 2021,
- condamné Mme [B] [P] à quitter le logement d'habitation situé [Adresse 3],
- autorisé, à défaut pour Mme [B] [P] d'avoir volontairement libéré les lieux, qu'il soit procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec si nécessaire le concours et l'assistance de la force publique, deux mois après la délivrance d'un commandement de quitter les lieux conformément aux dispositions des articles L.411-1 et L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution,
- rappelé que le sort des meubles en cas d'expulsion est régi par les articles L.433-1, L.433-2 et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
- condamné Mme [B] [P] à payer à M. [O] [R] à titre provisionnel à compter du 18 août 2021 une indemnité d'occupation d'un montant de 1 400 euros par mois jusqu'à la libération des lieux,
- rejeté les demandes autres, plus amples ou contraires,
- condamné Mme [B] [P] aux dépens,
- condamné Mme [B] [P] à payer à M. [O] [R] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.
Mme [B] [P] a relevé appel de cette ordonnance par déclaration du 12 janvier 2022.
Par conclusions déposées le 24 mai 2022, elle demande à la cour de :
A titre principal,
- dire qu'il existe des contestations sérieuses,
En conséquence,
- se déclarer incompétent à (sic) connaître de l'affaire,
- déclarer M. [O] [R] irrecevable en ses demandes et le renvoyer à mieux se pourvoir,
A titre subsidiaire,
- déclarer la demande d'expulsion non fondée,
En conséquence,
- débouter M. [O] [R] de sa demande à ce titre,
- condamner M. [O] [R] à payer à Mme [B] [P] la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice de jouissance,
A titre infiniment subsidiaire,
- juger la demande d'indemnité d'occupation excessive,
- dire que le montant de l'indemnité d'occupation ne saurait excéder la valeur locative du bien, à savoir 1 250 euros mensuels,
- fixer la date de fin du préavis au 17 novembre 2021,
- condamner M. [O] [R] à rembourser à Mme [B] [P] la somme de 4 225 euros au titre de l'indemnité d'occupation non dues en raison de la date du préavis,
- condamner M. [O] [R] à rembourser à Mme [B] [P] le trop-perçu d'indemnité d'occupation en raison de la réduction du montant de l'indemnité d'occupation,
En tout état de cause,
- débouter M. [O] [R] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner M. [O] [R] à payer à Mme [B] [P] la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [O] [R] aux entiers dépens.
Par conclusions déposées le 27 mai 2022 comportant appel incident, M. [O] [R] demande à la cour de :
A titre principal,
- constater que l'appelante ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation de l'ordonnance,
En conséquence,
- confirmer l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions,
Subsidiairement, si par extraordinaire la cour écartait l'argument procédural soutenu par l'intimé,
- débouter Mme [B] [P] de toutes ses demandes,
- écarter la pièce adverse n°17 comme étant non conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile,
- confirmer l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions,
En toutes hypothèses,
Y ajoutant,
- condamner Mme [B] [P] à payer à M. [O] [R] la somme de 37 380,72 euros au titre de la dégradation de la véranda du bien prêté,
- condamner Mme [B] [P] à payer à M. [O] [R] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [B] [P] aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP Le Barazer-d'Amiens.
Au visa de l'article 905 du code de procédure civile, l'affaire a fait l'objet le 24 janvier 2022 d'une ordonnance de fixation à bref délai avec clôture de la procédure 15 jours avant la date de l'audience fixée au 13 juin 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de constat que l'appelante ne demande pas l'infirmation ni l'annulation de l'ordonnance déférée
Lorsque l'appelant ne sollicite pas dans le dispositif de ses conclusions l'infirmation de la décision déférée, la cour ne peut que confirmer la décision de première instance (2ème civile 17 septembre 2020 N° 18-23626).
Cette règle est applicable aux déclarations d'appel postérieures à cette décision (Civ.2ème- 20 mai 2021-N°19-22316).
Force est de constater que Mme [B] [P], qui a relevé appel de l'ordonnance déférée le 12 janvier 2022, soit postérieurement au 17 septembre 2020, n'a pas demandé la réformation de la décision entreprise dans le dispositif de ses conclusions.
Il y a donc lieu de confirmer purement et simplement l'ordonnance du 17 décembre 2021.
Sur la demande au titre de la véranda
M. [O] [R] demande la condamnation de Mme [B] [P] à lui payer une somme correspondant à la réfection totale de la véranda, faisant valoir que l'état de délabrement dans lequel elle se trouve est dû à son défaut d'entretien par elle.
Mme [B] [P] réplique qu'elle a fait réparer la véranda après qu'elle a été endommagée en 2013 par un orage de grêle suite à la prise en charge du sinistre par son assureur, que des fuites ont néanmoins subsisté mais qu'il lui a été refusé un prêt pour entreprendre des travaux et que M. [O] [R] a refusé de les effectuer alors qu'ils lui incombent.
Selon l'article 1890 du code civil, l'emprunteur dans le cadre d'un prêt à usage, dont l'existence n'est pas discutée par les parties, n'est tenu que des dépenses ordinaires nécessaires à la conservation de la chose.
En l'espèce, il n'y a pas eu d'état des lieux d'entrée et l'état des lieux de sortie du 9 février 2022 dressé par Me [G] fait état d'un sol marqué d'infiltration et gondolé sur sa partie droite, d'une pièce qui sent l'humidité, d'un ensemble en mauvais état « ainsi que la partie verrière ».
Mme [B] [P] produit un mail adressé par M. [H], qui serait son assureur, selon lequel les sommes de 8.106,06 euros et de 1 321,45 euros lui auraient été versées respectivement le 3 octobre 2013 et le 30 janvier 2014 , la première sur remboursement de factures des dommages sur la couverture vitrée de la véranda et la seconde à titre d'indemnité supplémentaire pour 3 double-vitrages.
Elle produit également un courrier qu'elle a adressé à Mondial Menuiseries le 19 mars 2016 selon lequel elle ne peut donner suite à son projet pour la rénovation de la véranda parce que sa banque lui a refusé l'octroi d'un crédit.
Selon les dires de Mme [B] [P], les désordres de la véranda sont uniquement liés à l'orage de 2013 et il lui incombait donc de faire le nécessaire auprès de son assureur pour y remédier définitivement.
Cependant, M. [O] [R] qui ne produit qu'un devis, ne rapporte pas la preuve, alors que la charge lui en incombe, de ce que la réfection totale à neuf de la véranda, dépense extraordinaire, serait rendue nécessaire par le défaut d'entretien et la carence de Mme [B] [P].
Il sera ajouté à l'ordonnance déférée le débouté de M. [O] [R] de cette demande.
Sur les autres demandes
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
Mme [B] [P] qui succombe en son appel en supportera donc la charge.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
Mme [B] [P] qui succombe, sera condamnée à payer à M. [O] [R] la somme de 1.500 euros sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute M. [O] [R] de sa demande de condamnation de Mme [B] [P] au titre de la réfection de la véranda,
Condamne Mme [B] [P] à payer à M. [O] [R] la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [B] [P] aux entiers dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,