COUR D'APPEL DE BORDEAUX
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 13 SEPTEMBRE 2022
N° RG 20/00188 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LM5J
[W] [G]
[E] [G]
c/
[U] [D]
Nature de la décision : AU FOND
28Z
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 novembre 2019 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de PERIGUEUX (RG n° 18/01176) suivant déclaration d'appel du 10 janvier 2020
APPELANTS :
[W] [G]
né le 23 Décembre 1931 à [Localité 4]
de nationalité Française,
demeurant '[Adresse 6]' - [Localité 4]
Représenté par Me Laeticia CADY de la SELAS GAUTHIER DELMAS, avocat au barreau de BORDEAUX substitué à l'audience par Me TABONE Lucas, avocat au barreau de BORDEAUX
[E] [G]
né le 19 Mars 1993 à [Localité 3]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Laeticia CADY de la SELAS GAUTHIER DELMAS, avocat au barreau de BORDEAUX substitué à l'audience par Me TABONE Lucas, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
[U] [D]
née le 09 Novembre 1952 à [Localité 7]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 5]
Représentée par Me Sébastien MOTARD de la SCP CMCP, avocat au barreau de CHARENTE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 juin 2022 hors la présence du public, devant la Cour composée de :
Président : Hélène MORNET
Conseiller: Danièle PUYDEBAT
Conseiller : Isabelle DELAQUYS
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Clémentine JORDAN
Greffier lors du prononcé : Véronique DUPHIL
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 al. 2 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE
Aux termes d'une donation-partage reçue le 14 décembre 1991 reçue par Me [J], notaire à [Localité 9] (24), M. [W] [G] a fait donation à ses trois fils, [S] [G], [C] [G] et [B] [G] de biens immobiliers lui appartenant en propre.
Ledit acte contient une clause d'inaliénabilité rédigée comme suit : 'Interdiction d'aliéner : en outre, comme condition essentielle des présentes, le donateur interdit formellement aux donataires de vendre, hypothéquer les biens donnés, sa vie durant, sans son concours ni sa participation, et ce sous peine de révocation de la présente donation, le donateur se réservant à cet effet l'action révocatoire'
A cette clause est ajoutée une clause de droit de retour libellée en ces termes : 'le donateur réserve expressément, en ce qui le concerne, le droit de retour prévu par l'article 1951 du Code civil, sur tous les biens par lui donnés, pour le cas où les donataires co-partagés, ou l'un d'eux, viendrait à décéder avant eux sans enfant, ni descendant, et pour le cas encore où les enfants ou descendants viendraient eux-mêmes à décéder sans postérité avant les donateurs', et ce sans obstacle à l'exécution de tous dons ou legs en usufruit en faveur du conjoint du donataire.
Par cet acte M. [S] [G] a reçu une parcelle de terrain à bâtir sis [Localité 4] (aujourd'hui connu sous le nom de [Localité 10]) lieudit '[Adresse 6]', cadastrée section ZI n [Cadastre 1]. Il a fait construire une maison sur cette parcelle devenue son domicile qu'il a partagé avec sa concubine, Mme [U] [D].
Le 22 janvier 2015, M. [S] [G] a rédigé un testament olographe au profit de Mme [D] et de son neveu M. [E] [G], selon lequel il lègue à sa compagne la maison et la parcelle de terrain sur lequel elle est bâtie ainsi que les meubles meublants et objets mobiliers la garnissant, et lègue le surplus de ses biens à son neveu.
M. [S] [G] est décédé le 28 août 2016.
Par ordonnance en date du 22 décembre 2016 rendue par le Président du tribunal de grande instance de Périgueux, Mme [D] et M. [E] [G] ont été envoyés en possession de la succession de M. [S] [G].
Par acte authentique en date du 12 octobre 2017, Me [H] [A], notaire à [Localité 8], a constaté l'exercice du droit de retour conventionnel de M. [W] [G].
Mme [D] a mis en demeure M. [W] [G] et M. [E] [G] de lui délivrer le legs et de procéder au versement de la somme de 100.000 euros au profit de la succession de M. [S] [G], ce que ces derniers ont refusé.
C'est dans ces conditions que, par acte d'huissier en date du 25 avril 2018, Mme [D] a assigné M. [W] [G] et M. [E] [G] devant le tribunal de grande instance de Bergerac en délivrance du legs.
Par ordonnance du 27 juillet 2018, le tribunal de grande instance de Bergerac s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Périgueux
Par jugement en date du 5 novembre 2019, ce tribunal a pour l'essentiel décidé de :
- Déclarer irrecevable la demande de Mme [D] tendant à la condamnation de M. [W] [G] à verser à la succession de M. [S] [G] la somme de 100.000 euros,
- Déclarer recevable la demande de délivrance de legs formée par Mme [D] à l'encontre de M. [E] [G],
- Ordonner à M. [E] [G] de délivrer à Mme [D] le legs correspondant à la valeur de la maison d'habitation sise [Localité 4] lieudit '[Adresse 6]' telle qu'elle sera déterminée par le tribunal à l'issue des opérations d'expertise, ainsi que l'ensemble des meubles meublants et objets mobiliers garnissant la maison,
- Constater l'exercice par M. [W] [G] de son droit de retour conventionnel sur la parcelle cadastrée section ZI n [Cadastre 1] sise [Localité 10] (anciennement [Localité 4]) et de son accession à la propriété foncière de l'immeuble d'habitation édifiée sur celle-ci,
- Constater que Mme [D] est occupante sans droit ni titre de l'immeuble d'habitation désigné ci-dessus et ce depuis le 28 août 2016,
- Déclarer Mme [D] débitrice d'une indemnité d'occupation à l'égard de M. [W] [G] et ce depuis le 28 août 2016,
- Ordonner à Mme [D] d'avoir à libérer les lieux dans un délai de deux mois après signification d'un commandement d'avoir à quitter les lieux,
- Dire qu'à défaut, il sera procédé à son expulsion,
Avant dire droit sur l'évaluation de la maison d'habitation et l'indemnité d'occupation,
- Ordonner une mesure d'expertise et commet pour y procéder M. [X] [F], avec pour mission notamment de déterminer la valeur à ce jour de la maison d'habitation hors terrain, sise à [Localité 10] (anciennement [Localité 4]) lieudit '[Adresse 6]' cadastrée ZY n [Cadastre 1] selon sa consistance à la date du 28 août 2016, et fournir tous éléments permettant de déterminer l'indemnité due par Mme [D] au titre de l'occupation de la parcelle de terrain (hors construction) appartenant à M. [W] [G],
- Fixer à la somme de 2.500 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, qui devra être consignée par Mme [D] entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de ce tribunal avant le 15 décembre 2019 sans autre avis,
- Surseoir à statuer sur les autres demandes dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,
- Réserver les dépens,
- Dire n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement.
Procédure d'appel :
Par déclaration en date du 10 janvier 2020, M. [W] [G] et M. [E] [G] ont relevé appel limité du jugement en ce qu'il a déclaré recevable la demande de délivrance de legs formée par Mme [U] [D] à l'encontre de M. [E] [G], ordonné à M. [E] [G] de délivrer à Mme [U] [D], le legs correspondant à la valeur de la maison d'habitation sise commune de [Localité 4] lieudit "[Adresse 6]" telle qu'elle sera déterminée par le tribunal à l'issue des opérations d'expertise, ainsi que l'ensemble des meubles meublants et objets mobiliers garnissant la maison et, s'agissant de la mesure d'expertise confiée à M. [F], en ce que la mission a été celle de "fournir tous éléments permettant de déterminer l'indemnité due par Mme [D] au titre de l'occupation de la parcelle de terrain (hors construction) appartenant à M. [G].
Selon dernières conclusions du 5 août 2020, M. [W] [G] et M. [E] [G] demandent à la Cour de :
- Débouter Mme [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- Réformer le jugement des chefs contestés et statuant à nouveau :
- Constater que par l'exercice du droit de retour conventionnel exercé par M. [W] [G] et la théorie de l'accession sur le fondement de l'article 555 du Code civil, le terrain et la maison d'habitation situés sur la commune de [Localité 4] lieudit '[Adresse 6]' cadastrée ZY n [Cadastre 1] intègrent le patrimoine de M. [W] [G],
- Dire et juger que le legs fait par M. [S] [G] au profit de Mme [D] est nul,
- Dire et juger que Mme [D] est ainsi mal fondée à solliciter la délivrance de son legs,
- Débouter Mme [D] de ses demandes, moyens, fins et prétentions à ce titre,
- Ordonner à M. [F], expert judiciaire désigné par le tribunal de grande instance de Périgueux de fournir tous éléments permettant de déterminer l'indemnité due par Mme [D] au titre de l'occupation de la parcelle de terrain et de la maison édifiée sur celle-ci, appartenant à M. [W] [G],
- Confirmer la décision entreprise sur les autres chefs,
- Dire et juger que la décision sera exécutoire au seul vu de la minute,
- Condamner Mme [D] à payer à M. [W] [G] et M. [E] [G] une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- La condamner au paiement des entiers dépens.
Messieurs [G] prétendent sur le fondement des dispositions des articles 951 et 1021 du code civil que le legs est nul en ce que M. [S] [G] en instituant Mme [D] légataire à titre particulier de la maison et de la parcelle sis [Localité 4], a légué la chose d'autrui. Ils soutiennent en effet, que M. [S] [G] ne pouvait ni aliéner, ni léguer ledit bien avant le décès de son père, compte tenu de la clause de retour conventionnel insérée dans l'acte de donation.
Ils font valoir par ailleurs que la condition du droit de retour s'étant réalisée au profit de M. [W] [G], le bien donné a réintégré le patrimoine de ce dernier, tant le terrain que la construction édifiée sur celui-ci, qui en application de la théorie de l'accession, intègre également le patrimoine de M. [W] [G] et ne peut donc constituer un actif transmissible. Ils soutiennent donc qu'il est par conséquent impossible de délivrer le legs à Mme [D].
D'autre part, Messieurs [G] font valoir que c'est à bon droit que le tribunal a jugé que Mme [D] était occupante sans droit ni titre et a ordonné son expulsion.
En revanche, ils reprochent aux premiers juges d'avoir retenu que l'indemnité d'occupation due par Mme [D] ne serait déterminée que sur la valorisation du terrain à l'exception de la maison, alors que le tribunal a pourtant fait application de l'article 555 du code civil et reconnu la qualité de propriétaire de M. [W] [G] sur la maison. Il n'y aurait donc selon eux pas lieu de distinguer la parcelle de la maison.
Selon dernières conclusions du 3 juillet 2020, Mme [D] demande à la Cour de :
- Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Périgueux du 5 novembre 2019 en ce qu'il a :
- Déclaré recevable la demande de délivrance de legs formée par Mme [D] à l'encontre de M. [E] [G],
- Ordonné à M. [E] [G] de délivrer à Mme [D] le legs correspondant à la valeur de la maison d'habitation sise [Localité 4] lieudit '[Adresse 6]' telle qu'elle sera déterminée par le tribunal à l'issue des opérations d'expertise, ainsi que l'ensemble des meubles meublants et objets mobiliers garnissant la maison,
- Ordonné une mesure d'expertise confiée à M. [F] pour déterminer la valeur à ce jour de la maison d'habitation hors terrain et déterminer l'indemnité d'occupation par Mme [D] au titre de l'indemnité d'occupation de la parcelle de terrain (hors construction),
- Sursis à statuer sur les autres demandes dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,
- Réformer le jugement en ce qu'il a fixé le principe d'une indemnité d'occupation à partir du décès de M. [S] [G],
- Dire qu'elle n'est pas occupante sans droit ni titre,
- Dire qu'elle n'a pas à libérer les lieux dans un délai de deux mois après un commandement d'avoir à quitter les lieux et qu'il n'y a pas lieu à expulsion,
- Condamner M. [W] [G] et M. [E] [G] à lui verser la somme de 4. 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel,
- Les condamner aux entiers dépens.
Mme [U] [D] ne conteste pas le droit de retour du terrain nu au profit de M. [W] [G]. Elle estime cependant le legs valable dans la mesure où même si M. [S] [G] avait la volonté de transmettre l'ensemble immobilier, à savoir le terrain et la parcelle, il a bien distingué dans le testament le legs de la maison d'une part et le legs du terrain nu d'autre part, afin de respecter la clause de retour conventionnel au profit de son père, pour le cas où il décéderait lui même en premier. Mme [D] réclame donc que la valeur de la maison qui lui a été léguée lui soit versée affirmant que le droit de retour d'un bien n'interfère pas sur la validité des autres dispositions testamentaires.
Elle ajoute que l'acte de donation n'interdisait pas à M. [S] [G] d'édifier une construction sur le terrain donné de sorte que si M. [W] [G] recouvre la propriété du terrain et de la maison en vertu de la théorie de l'accession, cela ne prive pas pour autant Mme [D] de la contrepartie en valeur du bien légué dont elle va être privée.
Mme [D] prétend par ailleurs que la succession de M. [S] [G] détient une créance contre M. [W] [G] pour la plus-value apportée à la parcelle par le défunt et qu'en sa qualité de légataire particulière elle reste en droit d'agir pour la revendiquer.
Enfin, elle s'oppose au versement d'une indemnité d'occupation dans la mesure où elle estime occuper le bien qui lui appartient en vertu du legs, que cette occupation est légitime car l'immeuble était la résidence principale du couple. Elle précise que si Messieurs [G] lui délivrent le legs, elle sera, uniquement à ce moment là , en mesure de quitter les lieux.
Subsidiairement, si une indemnité d'occupation devait être retenue à son égard, elle fait valoir qu'elle ne serait calculée que sur la base de la seule valeur vénale du terrain et non de l'ensemble immobilier, ladite indemnité ne pouvant par ailleurs être due qu'à compter du jour de la délivrance du legs.
L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 14 juin 2022 et l'ordonnance de clôture a été rendue le 31 mai 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la délivrance du legs
Au termes de l'article 951 du code civil, le donateur pourra stipuler le droit de retour des objets donnés soit pour le cas du pré-décès du donataire seul, soit pour le cas du pré-décès du donataire et de ses descendants. Ce droit ne pourra être stipulé qu'au profit du donateur seul.
Selon l'article 952 du code civil, 'l'effet du droit de retour est de résoudre toutes les aliénations des biens et des droits donnés, et de faire revenir ces biens et droits au donateur, libres de toutes charges et hypothèques, exceptée l'hypothèque légale des époux si les autres biens de l'époux donataire ne suffisent pas à l'accomplissement de ce retour et que la donation lui a été faite par le contrat de mariage dont résultent ces charges et hypothèques'.
Le retour conventionnel joue donc comme une condition résolutoire anéantissant de façon rétroactive la donation et les droits éventuellement constitués sur le bien qui en est l'objet.
Pour mémoire, l'article 1183 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, dispose que la condition résolutoire est celle qui, lorsqu'elle s'accomplit, opère la révocation de l'obligation, et qui remet les choses au même état que si l'obligation n'avait pas existé. Elle ne suspend point l'exécution de l'obligation ; elle oblige seulement le créancier à restituer ce qu'il a reçu, dans le cas où l'événement prévu par la condition arrive.
En l'espèce, la propriété du terrain à bâtir sis [Localité 4] ( désormais [Localité 10]) lieudit '[Adresse 6]', cadastrée section ZI n [Cadastre 1]. revient au donateur, M. [W] [G], par le seul fait du pré-décès de M. [S] [G]. Le legs de la parcelle de terrain a ainsi été anéanti par l'effet de ce droit de retour conventionnel, dont l'application n'est d'ailleurs pas discutée par l'intimée.
Le legs n'était pas nul, comme le soutiennent les appelants, mais est devenu privé d'effet puisque les droits que M. [S] [G] pouvait détenir sur le bien donné ne peuvent dès lors plus figurer à l'actif de sa succession par l'effet du retour au donateur.
Il n'est pas contesté qu'à la suite de la donation, une maison d'habitation a été édifiée sur la parcelle litigieuse par [S] [G].
En application des dispositions des articles 546 et 552 du code civil sur le droit d'accession, cette maison doit être déclarée comme propriété de M. [W] [G].
L'article 546 du code civil dispose en effet que 'la propriété d'une chose, soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu'elle produit, et sur ce qui s'y unit accessoirement, soit naturellement, soit artificiellement. Ce droit s'appelle droit d'accession. ' L'article 552 énonce pour sa part que la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous.
Mme [D] en est parfaitement consciente puisqu'elle entend se voir délivrer non pas le legs dans sa consistance en nature figurant dans le testament olographe de feu [S] [G] mais la valeur de la maison d'habitation sise à [Localité 4].
Sa demande se heurte à un défaut de qualité pour agir.
En effet, aux termes de l'article 555 du Code civil, lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever. '
Sauf convention contraire, l'accession opère de plein droit et n'est pas subordonnée à l'action du propriétaire du sol, lequel devient propriétaire des constructions édifiées par un tiers sur son terrain.
M. [S] [G] ayant construit sur un terrain redevenu propriété de son père par l'effet de la clause conventionnelle de retour, la théorie de l'accession doit s'appliquer.
L'article 555 alinéa 4 du Code civil énonce que si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, plantations et ouvrages, il doit, à son choix rembourser au tiers à l'origine des plantations, constructions ou ouvrages, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d'oeuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages. Il s'agit simplement d'apprécier les impenses qui ont amélioré l'immeuble en lui procurant une plus value.
En l'occurrence, le tiers à l'origine des constructions est décédé, de sorte que le bénéfice de la récompense, éventuellement due, revient à ses héritiers.
Mme [D] n'a qualité que de légataire à titre particulier et non d'héritière. Or aux termes de l'article 724 du Code civil, seul les héritiers désignés par la loi, les légataires et donataires universels sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt.
La seule qualité de légataire à titre particulier de l'intimée l'empêche donc d'exercer les droits et actions du défunt, et notamment l'action en recouvrement d'une créance de récompense dont disposerait la succession de M. [S] [G] à l'encontre de M. [W] [G].
Par suite le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a déclaré recevable la demande de délivrance de legs formée par Mme [D] à l'encontre de M. [E] [G], et ordonné à celui-ci de délivrer le legs correspondant à la valeur de la maison d'habitation sise [Localité 4] lieudit '[Adresse 6]' telle qu'elle sera déterminée par le tribunal à l'issue des opérations d'expertise.
Sur l'occupation de l'immeuble par Mme [D]
Soutenant que le droit conventionnel de retour ne concerne que le terrain nu, l'intimée considère qu'elle n'est pas occupante sans titre du bien en litige, qu'elle n'a donc pas à libérer les lieux. Elle soutient également qu'elle ne sera soumise à indemnité d'occupation qu'à compter du jour où le legs lui sera délivré.
Mais c'est par de justes motifs que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu que Mme [D] était sans droit ni titre à occuper la maison d'habitation située sur le terrain objet du droit de retour conventionnel aux motifs que : ' la clause de retour conventionnel a anéanti rétroactivement la partie de la libéralité consentie par M. [S] [G], au jour de son décès. La parcelle est alors redevenue propriété de M. [W] [G] et la théorie de l'accession a fait entrer la construction dans son patrimoine foncier.'
Fort de ce constat, le Tribunal judiciaire a ordonné à bon droit l'expulsion de Mme [U] [D] de l'immeuble en litige qui, faute d'avoir été conjointe du donataire, mais seulement concubine, ne dispose d'aucun droit viager. Elle ne peut prétendre à se soustraire à la demande de libérer les lieux qui est la conséquence du droit de retour légal.
L'exercice du droit de retour conventionnel ayant eu pour effet de remettre les parties dans la même situation que si la donation n'était jamais intervenue et assurant la réintégration du bien donné dans le patrimoine du donneur, c'est à bon droit que la décision entreprise a affirmé que Mme [D] était tenue de verser une indemnité d'occupation depuis le jour du décès de M. [S] [G], soit le 28 août 2016.
En revanche c'est à tort que la décision a considéré que cette indemnité ne pouvait porter que sur le terrain nu, alors même que le droit de retour a eu pour effet de remettre les parties dans la même situation que si la donation n'était jamais intervenue et que la juridiction saisie a affirmé elle même que du fait de la théorie de l'accession non seulement la parcelle était redevenue propriété de M. [W] [G] mais la construction édifiée était également rentrée dans son patrimoine foncier.
Par suite la mission de l'expert judiciaire sera modifiée.
Dans le jugement entrepris, le Tribunal a en effet désigné une expert avec notamment pour mission de déterminer le montant de ladite indemnité en procédant à la valorisation du bien après avoir fait droit à la demande des appelants de condamner Mme [D] au paiement d'une indemnité d'occupation à M. [W] [G].
Le tribunal a cependant considéré que l'indemnité ne serait déterminée que sur la valorisation du terrain à l'exception de la maison, Mme [D] ayant ' acquis des droits sur l'immeuble bâti par l'effet du testament consenti par son compagnon'.
Mais en raison des effets du droit de retour conventionnel tels que rappelés, M. [W] [G] est également réputé intégrer dans son patrimoine l'immeuble édifié. L'indemnité d'occupation portera donc aussi bien sur le terrain que sur la maison occupée.
La décision est infirmée de ce chef.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Echouant pour l'essentiel, Mme [D] sera condamnée aux dépens exposés en cause d'appel.
En équité, chacun conservera la charges des frais irrépétibles exposés.
Les demandes exprimées au titre de l'article 700 de code de procédure civile seront donc rejetées.
PAR CES MOTIFS
Infirme partiellement le jugement rendu le 5 novembre 2019 par le tribunal de grande instance de Périgueux ;
Statuant à nouveau,
Déboute Mme [D] de sa demande en délivrance du legs ;
Dit que la mission confiée à M. [F], expert judiciaire désigné par le tribunal de grande instance de Périgueux, sera de fournir tous éléments permettant de déterminer la valeur du terrain et de la maison d'habitation sis à [Localité 10] (anciennement [Localité 4]) lieudit '[Adresse 6]' cadastrée ZY n [Cadastre 1] selon leur consistance à la date du 28 août 2016, et fournir tous éléments permettant de déterminer l'indemnité due par Mme [D] au titre de l'occupation de la parcelle de terrain et de la maison édifiée sur celle-ci, appartenant à M. [W] [G] ;
Confirme la décision pour le surplus de ses dispositions ;
Condamne Mme [D] au paiement des dépens exposés en cause d'appel ;
Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Signé par Hélène MORNET, Présidente de la chambre et Véronique DUPHIL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente