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05/09/2022 | FRANCE | N°21/02289

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 05 septembre 2022, 21/02289


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 05 SEPTEMBRE 2022









N° RG 21/02289 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MCAZ







[I] [E]



c/



[O] [P] [G]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/015941 du 01/07/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)



























N

ature de la décision : AU FOND



























Grosse délivrée le : 05 SEPTEMBRE 2022



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 23 mars 2021 par le Juge des contentieux de la protection du Tribunal Judiciaire de PERIGUEUX ( RG : 20/00507) ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 05 SEPTEMBRE 2022

N° RG 21/02289 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MCAZ

[I] [E]

c/

[O] [P] [G]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/015941 du 01/07/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le : 05 SEPTEMBRE 2022

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 23 mars 2021 par le Juge des contentieux de la protection du Tribunal Judiciaire de PERIGUEUX ( RG : 20/00507) suivant déclaration d'appel du 16 avril 2021

APPELANTE :

[I] [E]

née le 12 Septembre 1932 à [Localité 4]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Alexandre ALJOUBAHI, avocat au barreau de PERIGUEUX

INTIMÉE :

[O] [P] [G]

née le 08 Juillet 1956 à [Localité 2] (24)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Emma BARRET de la SELARL BARRET-BERTRANDON-JAMOT-MALBEC-TAILHADES, avocat au barreau de PERIGUEUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 juin 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Sylvie HERAS DE PEDRO, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Roland POTEE, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Sylvie HERAS DE PEDRO, conseiller,

Greffier lors des débats : Séléna BONNET

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 1er mars 2016, Mme [I] [E] a donné à bail à Mme [O] [G], pour une durée de trois ans renouvelable, un local à usage d'habitation sis [Adresse 3], moyennant un loyer mensuel révisable de 320 euros. Le même jour, un état des lieux d'entrée était effectué.

Mme [O] [G] se prévalait lors de sa prise de possession des lieux de divers problèmes et désagréments dans l'usage du logement.

Le 16 juin 2020, le service départemental de l'habitat SOLIHAT Dordogne-Périgord a opéré une visite des lieux et a constaté plusieurs motifs de non-décence du logement.

Le 26 juin 2020, l'expert de la SOLIHAT Dordogne-Périgord a remis son rapport définitif.

Le 3 juillet 2020, le préfet de la Dordogne a édicté un arrêté de danger sanitaire ponctuel mettant Mme [I] [E] en demeure d'effectuer des travaux de raccordement du logement au réseau public d'eau potable. Ces travaux ont commencé au mois d'août 2020.

Se prévalant de la persistance des désordres, Mme [O] [G] a, par acte d'huissier du 12 novembre 2020 ayant fait l'objet d'une remise à étude, fait assigner Mme [I] [E] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Périgueux, aux fins notamment d'obtenir l'exécution des travaux de remise en état du logement.

Par jugement contradictoire du 23 mars 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Périgueux a :

- constaté que le local à usage d'habitation situé [Adresse 3], donné à bail le 1er mars 2016 par Mme [I] [E] à Mme [O] [G], pour une durée de 3 ans renouvelable, un local à usage d'habitation situé ne présente pas les critères de décence du logement prévu par l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989,

En conséquence,

- enjoint à Mme [I] [E] de réaliser les travaux de réhabilitation du local à usage d'habitation situé [Adresse 3], afin de remédier aux désordres suivants :

- l'absence des murs extérieurs contre les remontées d'humidité capillaires,

- le mauvais état de la couverture du toit,

- l'absence d'étanchéité des menuiseries extérieures,

- l'absence de dispositif d'ouverture et de ventilation des w.c. et de la salle d'eau,

- l'absence de conformité de l'installation électrique,

dans un délai de 5 mois à compter de la date de la présente décision, et ce sous astreinte provisoire d'un montant de 50 euros par jour de retard passé ce délai pendant un délai de 5 mois,

- dit que le présent tribunal se réserve le pouvoir de liquider l'astreinte,

- ordonné la réduction du loyer dû par Mme [O] [G] à Mme [I] [E] au titre de l'occupation du local à usage d'habitation situé [Adresse 3] à la somme de 270 euros de la date de la décision jusqu'à la réalisation de l'ensemble des travaux prescrits,

- condamné Mme [I] [E] à verser à Mme [O] [G] la somme de 3 000 euros,

- rejeté les surplus des demandes formulées par Mme [O] [G],

- rejeté les surplus des demandes formulées par Mme [I] [E],

- condamné Mme [I] [E] à verser à Mme [O] [G] la somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande de Mme [I] [E] formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [I] [E] aux dépens,

- rappelé que la présente décision bénéficie de droit de l'exécution provisoire.

Mme [I] [E] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 16 avril 2021.

Par conclusions déposées le 8 juillet 2021, elle demande à la cour de :

- réformer le jugement rendu par le juge du contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Périgueux le 23 mars 2021 en ce qu'il a :

- constaté que le local à usage d'habitation situé [Adresse 3], donné à bail le 1er mars 2016 par Mme [I] [E] à Mme [O] [G], pour une durée de 3 ans renouvelable, un local à usage d'habitation situé ne présente pas les critères de décence du logement prévu par l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989,

En conséquence,

- enjoint à Mme [I] [E] de réaliser les travaux de réhabilitation du local à usage d'habitation situé [Adresse 3], afin de remédier aux désordres suivants :

- l'absence des murs extérieurs contre les remontées d'humidité capillaires,

- le mauvais état de la couverture du toit,

- l'absence d'étanchéité des menuiseries extérieures,

- l'absence de dispositif d'ouverture et de ventilation des w.c. et de la salle d'eau,

- l'absence de conformité de l'installation électrique,

dans un délai de 5 mois à compter de la date de la présente décision, et ce sous astreinte provisoire d'un montant de 50 euros par jour de retard passé ce délai pendant un délai de 5 mois,

- dit que le présent tribunal se réserve le pouvoir de liquider l'astreinte,

- ordonné la réduction du loyer dû par Mme [O] [G] à Mme [I] [E] au titre de l'occupation du local à usage d'habitation situé [Adresse 3] à la somme de 270 euros de la date de la présente décision jusqu'à la réalisation de l'ensemble des travaux prescrits,

- condamné Mme [I] [E] à verser à Mme [O] [G] la somme de 3000euros,

- rejeté les surplus des demandes formulées par Mme [O] [G],

- rejeté les surplus des demandes formulées par Mme [I] [E],

- condamné Mme [I] [E] à verser à Mme [O] [G] la somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande de Mme [I] [E] formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [I] [E] aux dépens,

- rappelé que la présente décision bénéficie de droit de l'exécution provisoire.

Statuant à nouveau,

- débouter Mme [O] [G] de l'ensemble de ses demandes en ce qu'elles ne sont pas fondées,

- constater que les travaux de mise en conformité de la maison située sis [Adresse 3] ont été réalisés,

- prendre acte que Mme [I] [E] s'engage à terminer les travaux,

- condamner Mme [O] [G] à payer la somme de 3 000 euros à Mme [I] [E] à titre de dommages et intérêts et procédure abusive,

- condamner Mme [O] [G] à payer la somme de 1 800 euros à Mme [I] [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter Mme [O] [G] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Par conclusions déposées le 2 juillet 2021, Mme [O] [G] demande à la cour de:

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Périgueux en date du 23 mars 2021,

Par conséquent,

- débouter Mme [I] [E] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [I] [E] à payer la somme de 2 500 euros à la SELARL Barret Bertrandon Jamot Malbec Tailhades sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi qu'aux entiers dépens.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 30 mai 2022 et l'affaire fixée à l'audience du 13 juin 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'indécence du logement et les travaux à effectuer

L'article 6 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, dans sa version applicable au litige, dispose que : 'Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation'.

L'article 2 du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 décrit les caractéristiques du logement décent, lequel doit notamment satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires :

'1. Il assure le clos et le couvert. Le gros oeuvre du logement et de ses accès est en bon état d'entretien et de solidité et protège les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d'eau. Les menuiseries extérieures et la couverture avec ses raccords et accessoires assurent la protection contre les infiltrations d'eau dans l'habitation. (...);

3. La nature et l'état de conservation et d'entretien des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements du logement ne présentent pas de risques manifestes pour la santé et la sécurité physique des locataires ;

4. Les réseaux et branchements d'électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d'eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et sont en bon état d'usage et de fonctionnement ;

5. Les dispositifs d'ouverture et de ventilation des logements permettent un renouvellement de l'air adapté aux besoins d'une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements ;

L'article 3 du même décret dispose que le logement doit notamment comporter les éléments d'équipement et de confort suivants :

« 2. Une installation d'alimentation en eau potable assurant à l'intérieur du logement la distribution avec une pression et un débit suffisants pour l'utilisation normale de ses locataires ;

3. Des installations d'évacuation des eaux ménagères et des eaux-vannes empêchant le refoulement des odeurs et des effluents et munies de siphon ;

4. Une cuisine ou un coin cuisine aménagé de manière à recevoir un appareil de cuisson et comprenant un évier raccordé à une installation d'alimentation en eau chaude et froide et à une installation d'évacuation des eaux usées ;

5. Une installation sanitaire intérieure au logement comprenant un w.-c., séparé de la cuisine et de la pièce où sont pris les repas, et un équipement pour la toilette corporelle, comportant une baignoire ou une douche, aménagé de manière à garantir l'intimité personnelle, alimenté en eau chaude et froide et muni d'une évacuation des eaux usées. L'installation sanitaire d'un logement d'une seule pièce peut être limitée à un w.-c. extérieur au logement à condition que ce w.-c. soit situé dans le même bâtiment et facilement accessible ;

6. Un réseau électrique permettant l'éclairage suffisant de toutes les pièces et des accès ainsi que le fonctionnement des appareils ménagers courants indispensables à la vie quotidienne'.

En outre, aux termes de l'article 1719 du code civil, le bailleur est notamment obligé, par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur de la chose louée et s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent.

Par ailleurs, les dispositions du décret du 30 janvier 2002 étant d'ordre public, les parties ne peuvent y déroger conventionnellement.

Il résulte enfin du dernier alinéa de l'article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989 qu'en cas de logement non décent : 'le juge saisi par l'une ou l'autre des parties détermine, le cas échéant, la nature des travaux à réaliser et le délai de leur exécution (...)'.

En l'espèce, la bailleresse, qui fait valoir qu'elle n'a pas contesté le rapport SOLIHA du 26 juin 2020, qu'elle a promptement réagi et que les premiers travaux ont été effectués en août 2020, complétés par des travaux en octobre 2020, avril et mai 2021, reconnaît la nécessité de faire procéder à des travaux supplémentaires pour mettre fin aux motifs de non-décence révélés par le rapport SOLIHA. Elle indique cependant qu'elle ne dispose pas des fonds nécessaires, qu'elle est âgée de près de 90 ans et qu'elle perçoit une très faible pension de retraite.

La locataire, intimée, fait valoir que des troubles persistent, les travaux effectués ne correspondant pas aux désordres concernant les remontées d'humidité capillaires sur les murs extérieurs, le mauvais état de la couverture du toit, l'absence d'étanchéité des menuiseries extérieures, l'absence de ventilation des WC et de la salle d'eau, ainsi que la non conformité de l'installation électrique.

Il ressort premièrement du rapport établi le 26 juin 2020 par l'organisme SOLIHA Dordogne-Périgord que le logement en cause présentait, à l'issue de la visite du technicien habilité, les motifs de non-décence suivants :

- Absence de protection des murs extérieurs contre les remontées d'eau ;

- Couverture du toit en mauvais état, tuiles manquantes ;

- Menuiseries extérieures (portes et fenêtres) non étanches à l'eau ;

- Absence de dispositif de retenue des personnes (garde-corps) à l'étage ;

- Absence de ventilation dans les WC et la salle d'eau ;

- Mauvais fonctionnement du réseau électrique. Sécurité électrique non assurée ;

- Pas de raccordement au réseau en eau potable ;

- Evacuation de l'évier dans la cour ;

- Réseau électrique insuffisant pour l'éclairage et les appareils ménagers.

L'annexe au diagnostic préconisait également un contrôle de l'étanchéité du bac de douche.

À la suite de ces constatations, Mme [E] justifie avoir fait effectuer les travaux suivants :

- Selon facture de l'entreprise Joël Aurial n°3048/20 du 12 novembre 2020 d'un montant total de 938,00 euros TTC, produite en pièce n°4 :

* Raccordement provisoire au réseau public de distribution d'eau le 13/08/2020;

* Raccordement définitif le 08/10/2020 ;

* Mise en place d'un garde-corps à la fenêtre de la chambre ;

- Selon facture de la même entreprise n°3049/20 du 12 novembre 2020 d'un montant total de 588,34 euros TTC, produite en pièce n°9 :

* Séparation du 08/10/2020 des réseaux hydraulique sanitaire eau froide avec le logement de Mme [G] ;

* Raccordement de la salle de bain et du chauffe-eau au réseau de distribution d'eau publique existant ;

* Séparation du réseau non potable du puits et du réseau sanitaire de distribution publique.

- Selon facture de la même entreprise n°3129/21 du 9 avril 2021 d'un montant total de 4.965,57 euros TTC, produite en pièce n°11 :

* Remplacement de la cabine de douche défectueuse et remplacement du lavabo;

* Réfection de la salle de bain et modifications électriques ;

* Réfection d'une partie extérieure du tuyau d'évacuation enterré des eaux usées;

* Débouchage d'un tuyau d'évacuation encastré dans le mur de la cuisine passant sous le trottoir.

- Selon facture de la même entreprise n°3158/21 du 28 mai 2021 d'un montant total de 1.504,25 euros TTC, produite en pièce n°13 :

* Installation d'une VMC pour local WC, cuisine et salle de bain ;

* Remplacement interrupteur point lumineux du local WC.

- Selon facture de l'entreprise [H] [E] Bâtiment n°1/6 du 4 juin 2021 d'un montant total de 2.750 euros TTC, produite en pièce n°15 :

* Traitement de l'humidité par capillarité dans la cave et la façade principale ;

* Barrière d'étanchéité horizontale contre les remontées capillaires à la base de murs en pierre.

Cependant, Mme [E] ne verse aucune pièce de nature à établir que les travaux liés à la reprise de la toiture et à l'étanchéité des menuiseries extérieures ont été faits. Il en résulte que ces travaux demeurent à effectuer, ces points constituant des motifs de non-décence du logement aux termes du rapport SOLIHA et des textes précités.

Le jugement sera en conséquence confirmé, seulement en ce qu'il a enjoint à Mme [E] de faire réaliser les travaux permettant de remédier aux désordres suivants :

* mauvais état de la couverture du toit ;

* absence d'étanchéité des menuiseries extérieures.

Sur ce point, il convient de relever que Mme [E] a été diligente et réactive dans la mise en oeuvre des travaux nécessaires, malgré des revenus annuels d'environ 9.600 euros dont elle justifie en pièce n°10 et qu'une réduction du loyer a en outre été ordonnée, de sorte que le jugement sera infirmé en ce qu'il a prononcé une astreinte provisoire d'un montant de 50 euros par jour de retard passé un délai de 5 mois pour l'exécution des travaux et ce pendant un délai de 5 mois. La demande d'astreinte sera dès lors rejetée.

Sur la réduction du loyer

L'article 20-1, alinéa 3, de la loi du 6 juillet 1989 prévoit qu'en cas de logement non décent, outre la détermination de la nature des travaux à réaliser et du délai de leur exécution, le juge peut réduire le montant du loyer ou suspendre, avec ou sans consignation, son paiement et la durée du bail jusqu'à l'exécution de ces travaux. Le juge transmet au représentant de l'Etat dans le département l'ordonnance ou le jugement constatant que le logement loué ne satisfait pas aux dispositions des premier et deuxième alinéas de l'article 6.

La bailleresse, appelante, fait valoir que sa promptitude à faire effectuer les travaux démontre sa bonne foi et qu'ainsi la réduction du loyer n'est pas justifiée. Elle demande l'infirmation du jugement et le rejet de la demande de la locataire de voir diminuer le loyer.

La locataire, Mme [G] fait valoir que l'indécence du logement persiste et estime que le montant du loyer doit être ramené à 100 euros par mois. Cette demande n'est toutefois pas reprise au dispositif de ses conclusions, dans lequel elle sollicite la confirmation intégrale du jugement du 23 mars 2021, de sorte qu'il ne peut en être tenu compte.

Il convient en l'espèce de constater que les premiers travaux sont intervenus dans les deux mois qui ont suivi le rapport de l'organisme SOLIHA, que la bailleresse a fait effectuer des travaux complémentaires entre octobre 2020 et mai 2021 et que cette dernière reconnaît qu'une partie des travaux demeure à effectuer.

Le montant mensuel du loyer s'établissant à 320 euros, il y a en conséquence lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a réduit son montant à la somme de 270 euros jusqu'à la parfaite réalisation des travaux susmentionnés restant à effectuer.

Sur les demandes de dommages et intérêts de la locataire

Aux termes de l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut notamment demander la réparation des conséquences de l'inexécution. Le texte précise que des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

L'article 1231-1 du même code dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

En l'espèce, la bailleresse fait valoir que la locataire a attendu 4 ans avant de faire état de la non-décence du logement, qu'elle ne démontre pas la réalité de son préjudice moral, que le préjudice financier au titre de la surconsommation électrique n'est pas non plus démontré et que les travaux concernant la salle de bain et l'accès à l'eau potable ayant été effectués dès le mois d'août 2020, le préjudice de jouissance n'existait plus au jour de la demande devant le premier juge. Mme [E] conclut au débouté de toutes les demandes de Mme [G] au titre des dommages et intérêts.

La locataire fait valoir une surconsommation d'électricité liée à l'indécence du logement, un préjudice de jouissance lié au manque d'accès à l'eau potable et à une inondation survenue en février 2021, ainsi qu'un préjudice moral en raison de son état de santé physique et psychique. Elle demande la confirmation du jugement qui lui a alloué la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.

1. Sur le préjudice financier

La facture EDF produite par Mme [G] pour invoquer une surconsommation d'électricité au mois d'octobre 2020 liée selon elle à l'humidité et à la non étanchéité du logement, est une facture annuelle, couvrant la période du 4 octobre 2019 au 2 octobre 2020 pour un montant de 1.230,73 euros TTC, soit 102,50 euros par mois. Au regard de la surface habitable de 85 m² de la maison louée, ce montant ne permet pas d'établir une surconsommation d'électricité au cours de la période en cause.

Mme [G], qui ne rapporte ainsi pas la preuve du lien de causalité entre la consommation d'énergie et l'indécence partielle du logement, sera déboutée de sa demande à sa titre, confirmant le jugement sur ce point.

2. Sur le préjudice de jouissance

Il est en l'espèce établi et non contesté par les parties que jusqu'à la réalisation des premiers travaux, le logement ne comportait pas de raccordement au réseau public de distribution et d'évacuation de l'eau. Ce seul élément, rendant les locaux en partie impropres à l'usage d'habitation, suffit à caractériser un préjudice de jouissance depuis la prise de possession des lieux par Mme [G].

En revanche, l'intimée ne démontre pas l'inondation qu'elle prétend avoir subie en février 2021. En effet, la demande du rapport d'intervention des pompiers et l'attestation du service départemental d'incendie et de secours, produits en pièce n°7, concernent uniquement une intervention au domicile de M. [W] [U] et n'indiquent pas qu'il s'agit du domicile de Mme [O] [G].

Ainsi, au regard de l'importance des motifs de non décence du logement relevés par le rapport SOLIHA et ci-dessus évoqués, tout en tenant compte du fait que la locataire ne démontre pas avoir signalé ces désordres avant le 11 février 2020, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à Mme [G] la somme de 3 000 à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance.

3. Sur le préjudice moral

En l'espèce, l'attestation rédigée par le docteur [R], médecin traitant de Mme [G], a été établie à la demande de cette dernière sur la base de ses propres déclarations et ne permet pas de caractériser un préjudice moral distinct des préjudices ci-dessus analysés.

Elle sera donc déboutée de sa demande au titre du préjudice moral.

Sur la demande de la bailleresse pour procédure abusive

Mme [E] estime que la présente action en justice n'a été introduite par Mme [G] que dans le but de lui nuire et que celle-ci n'aurait pas dû l'assigner alors que les travaux de mise en conformité de la maison étaient pour partie réalisées. Elle demande l'allocation de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Il est constant que l'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner lieu à indemnisation que dans le cas de malice, mauvaise foi, ou erreur grossière équipollente au dol.

En l'espèce, Mme [G], locataire d'une maison d'habitation dont Mme [E] est propriétaire, disposait parfaitement du droit d'agir en justice aux fins de faire respecter son droit à jouir d'un logement décent, alors même que ce logement présentait plusieurs motifs d'indécence lors de la visite de l'organisme SOLIHA et que la bailleresse reconnaît l'existence de non-conformités aux dispositions réglementaires applicables.

En conséquence, Mme [E] ne rapportant pas la preuve de la mauvaise foi de Mme [G] dans l'introduction de la présente instance, le jugement qui l'a débouté de sa demande sera confirmé sur ce point.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il y a lieu de confirmer le jugement du 23 mars 2021 en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Sur ce fondement, Mme [E] supportera la charge des dépens d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

En l'espèce, l'équité commande de ne pas prononcer de condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

-Constate que Mme [I] [E] a fait réaliser les travaux suivants auxquels le jugement déféré l'a condamnée et destinés à remédier à l'absence de dispositif d'ouverture et de ventilation des w.c. et de la salle d'eau et à l'absence de conformité de l'installation électrique;

- Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a prononcé une astreinte provisoire d'un montant de 50 euros par jour de retard passé un délai de 5 mois pour l'exécution des travaux et ce pendant un délai de 5 mois.

- Rejette la demande d'astreinte ;

Y ajoutant,

- Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne Mme [I] [E] aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/02289
Date de la décision : 05/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-05;21.02289 ?
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