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06/07/2022 | FRANCE | N°19/02382

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 06 juillet 2022, 19/02382


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 06 JUILLET 2022







PRUD'HOMMES



N° RG 19/02382 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K72B















Madame [I] [C]



c/



Madame [K] [Y]

















Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivrée

le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 avril 2019 (R.G. n°F 18/00969) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 26 avril 2019,





APPELANTE :

Madame [I] [C]

née le 22 Juillet 1968 à [Localité 3] (PORTUGAL) de nat...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 06 JUILLET 2022

PRUD'HOMMES

N° RG 19/02382 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K72B

Madame [I] [C]

c/

Madame [K] [Y]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 avril 2019 (R.G. n°F 18/00969) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 26 avril 2019,

APPELANTE :

Madame [I] [C]

née le 22 Juillet 1968 à [Localité 3] (PORTUGAL) de nationalité Portugaise, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Benjamin MEZIANE, avocat au barreau de BORDEAUX

substituant Me Cédric BERNAT de la SELARL LEX CONTRACTUS, avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉE :

Madame [K] [Y],

ès qualités d'ayant droit de [Z] [F] décédée le 19 juillet 2017,

née le 16 Mai 1954 à [Localité 4] de nationalité Française demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Julie MENJOULOU-CLAVERIE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 mai 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Rémi Figerou, conseiller chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sophie Masson, conseillère

Monsieur Rémi Figerou, conseiller

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [I] [C], née en 1968, a été engagée en qualité d'aide à domicile par Madame [Z] [F] par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 1er mars 2008.

Mme [C] a cessé de travailler au domicile de Mme [F] après le 31 octobre 2016.

Par lettre datée du 13 avril 2017, Mme [C] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 24 avril 2017.

Mme [C] a ensuite été licenciée par lettre datée du 27 avril 2017, l'employeur lui reprochant de ne plus s'être présentée à son poste depuis le 31 octobre 2016.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités outre des rappels de salaires, Mme [C] a saisi le 19 juin 2018 le conseil de prud'hommes de Bordeaux.

Mme [F] étant décédée le 19 juillet 2017, l'action a été introduite à l'encontre de Mme [K] [Y], sa fille, en sa qualité d'ayant droit.

Par jugement du 2 avril 2019, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Bordeaux a :

- requalifié le licenciement de Mme [C] pour abandon de poste en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- condamné Mme [Y] en sa qualité d'ayant droit de Mme [F] à payer à Mme [C] les sommes suivantes :

* 432,10 euros bruts au titre des 30 heures non effectuées sur le mois d'octobre 2016,

* 43,21 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- condamné Mme [Y] :

* à régulariser la déclaration CESU d'octobre 2016 en y intégrant ces 30 heures,

* à rectifier l'attestation Pôle Emploi en application du jugement et en modifiant la date de début du contrat,

- débouté Mme [C] de l'ensemble de ses autres demandes,

- débouté Mme [Y] de sa demande reconventionnelle indemnitaire au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens.

Par déclaration du 26 avril 2019, Mme [C] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 29 janvier 2020, Mme [C] demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondé en son appel, d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 2 avril 2019, sur tous les chefs de jugement critiqués par elle, et, statuant à nouveau, de :

- constater l'absence d'abandon de poste allégué par l'employeur et que ce grief, à le supposer établi, se heurte au délai de prescription de deux mois défini à l'article L. 1332-4 du code du travail,

- constater l'absence de rupture conventionnelle au sens des articles L. 1237-11 et suivants du même code,

- dire que son licenciement est abusif,

- condamner Mme [Y] en sa qualité d'ayant-droit de Mme [F], à lui verser la somme de 4.321,02 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif,

- constater que Mme [Y] bénéficiait d'un mandat général de représentation de sa défunte mère Mme [F], constaté par huissier, dans l'acte susvisé et donc, que tous les actes accomplis par Mme [Y] en sa qualité de mandataire de Mme [F], dans sa relation contractuelle avec la salariée jusqu'au 27 avril 2017, étaient bien de nature à engager la mandante Mme [F], employeur jusqu'au 27 avril 2017,

- constater les irrégularités affectant la procédure de licenciement, spécialement, le fait que la décision de licencier avait été prise, dès avant l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable,

- condamner Mme [Y] en sa qualité d'ayant-droit de Mme [F], à lui verser une indemnité de 720,17 euros,

- confirmer le jugement déféré, en ce qu'il a condamné l'employeur à lui verser 432,10 euros bruts à titre de rappel de salaires concernant les 30 heures effectuées mais non comptabilisées sur le bulletin de paye d'octobre 2016 outre 43,21 euros au titre des congés payés y afférent,

- débouter Mme [Y], en sa qualité d'ayant-droit de Mme [F], de toute demande contraire,

Y ajoutant,

- condamner Mme [Y] ès qualités à lui payer les sommes de 4.321,02 euros bruts à titre de rappels de salaires sur la période du 1er novembre 2016 au 27 avril 2017 inclus outre 432,10 euros au titre des congés payés afférents,

- dire que Mme [Y] devra lui communiquer le bulletin de paye correspondant, sous astreinte de 30 euros par jour, à compter du trentième jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir,

- constater que l'absence de rémunération et de délivrance de bulletins de paye à la salariée, entre le 1er novembre 2016 et le 27 avril 2017, caractérise un travail dissimulé,

- condamner Mme [Y] ès qualités à lui payer une indemnité de 4.321,02 euros de ce chef,

- constater que cette attestation comporte des mentions erronées qui ont nécessairement causé un préjudice à la salariée ; 'qu'ainsi, la date de début d'activité est le 1er mars 2008 et non pas le 27 janvier 2009 ; que, de plus, la mention du caractère fautif du licenciement devra être supprimée, puisqu'aucune faute et plus particulièrement aucun abandon de poste, motif visé dans la lettre de notification du licenciement, n'a été établie à l'encontre de la salariée ; qu'enfin, les rappels de salaires et congés payés issus de l'arrêt à intervenir, devront également être réintégrés dans l'attestation rectifiée',

- condamner Mme [Y] ès qualités à :

* payer à Mme [C] une indemnité de 1.000 euros de ce chef,

* communiquer à cette dernière, une attestation Pôle Emploi rectifiée sur les trois points ci-dessus évoqués, cette communication devant intervenir au plus tard le trentième jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir, sous peine d'astreinte de 30 euros par jour de retard, une fois ce délai écoulé,

- débouter Mme [Y] de toute demande contraire,

- rappeler que l'ensemble des condamnations porteront intérêts au taux légal majoré de cinq points, à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice sera devenue exécutoire,

- condamner Mme [Y] à payer à Mme [C] une indemnité de 3.500 euros au titre de ses frais irrépétibles,

- condamner Mme [Y] aux dépens en ce compris ceux de première instance.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 18 novembre 2019, Mme [Y] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement de Mme [C] était fondé,

- confirmer le jugement en ce qu'il déboute Mme [C] de sa demande d'indemnité pour licenciement abusif,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il dit et juge régulière la procédure de licenciement,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [C] de sa demande d'indemnité au titre de l'irrégularité de la procédure,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [C] de ses demandes de rappels de salaires de novembre 2016 à mars 2017 et d'indemnité pour travail dissimulé,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [C] de sa demande d'indemnité pour délivrance d'une attestation Pôle Emploi erronée,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [C] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre incident :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il condamne Mme [Y] au paiement des sommes de 432,10 euros bruts au titre des 30 heures non effectuées sur le mois d'octobre 2016 et 42,21 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

- infirmer le jugement en ce qu'il ne fait pas droit à la demande présentée par Mme [Y] au titre des frais irrépétibles et condamner Mme [C] au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens et frais éventuels d'exécution.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 avril 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 24 mai 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

Mme [C] expose que Mme [F], aujourd'hui décédée, l'a embauchée le 1er mars 2008, sans contrat écrit, en qualité d'aide à domicile, à raison de 4 à 5 heures par semaine.

Puis à compter du début de l'année 2014, ses heures de travail se sont élevées à 50 heures par mois.

Elle a travaillé normalement jusqu'à la fin du mois d'octobre 2016, date à laquelle la fille de Mme [F], Mme [Y], lui aurait fait savoir qu'elle s'occuperait de sa mère et qu'elle n'avait plus besoin d'elle mais qu'elle ferait appel à elle ponctuellement.

En raison de cette nouvelle situation, Mme [C] a pris d'autres engagements ailleurs et n'était plus disponible pour travailler au domicile de Mme [Y]. En mars 2017, elle a demandé à être licenciée et Mme [Y] a alors mis en place un simulacre de licenciement.

Mme [C] conteste toute rupture amiable et un quelconque abandon de poste, soutenant que c'est son employeur qui a rompu unilatéralement son contrat de travail. Elle considère en conséquence que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.

En toutes hypothèses, le grief allégué survenu plus de deux mois avant sa convocation à l'entretien préalable était prescrit.

Mme [Y] expose pour sa part qu'à partir du 1er juillet 2016, elle a vécu avec sa mère, alors âgée de 91 ans, qui avait toute sa tête, mais qui était diminuée physiquement.

Elle conteste avoir souhaité remplacer l'aide à domicile de sa mère, exposant que c'est Mme [C] qui, à la fin du mois d'octobre 2016, a informé Mme [F] et sa fille qu'elle ne pouvait plus en l'état travailler en raison de problèmes personnels.

C'est ainsi que Mme [F] qui ne pouvait pas se passer de ses services, a dû faire appel à un prestataire extérieur.

Les 15 et 23 décembre 2016 ainsi que le 3 janvier 2017, Mme [Y] a recontacté Mme [C] pour connaître ses intentions. Celle-ci a répondu qu'elle ne pouvait toujours pas retravailler, indiquant le 3 janvier qu'elle ne savait pas encore et attendait une proposition de contrat de la part de son fils.

Consciente que la situation ne pouvait pas perdurer, Mme [Y] a demandé à Mme [C] de la rencontrer pour régulariser la situation et pour qu'elle lui remette les clefs qu'elle détenait toujours.

Or, contre toute attente au début du mois de mars 2017, Mme [C] a demandé à être licenciée. Mme [F] ne pouvait accepter dès lors qu'elle n'était pas à l'initiative de la rupture et a alors proposé une rupture conventionnelle que l'appelante a refusée.

Mme [C] cherchant manifestement à battre monnaie d'une situation dont elle était seule responsable, Mme [F] n'a eu d'autre choix que de la licencier pour absence à son poste puisque telle était bien la seule raison de l'absence de la salariée depuis le mois d'octobre 2016.

Un tel abandon de poste constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsque le salarié a quitté son lieu de travail sans autorisation et sans avoir démontré l'urgence nécessaire à ce départ.

Cette absence a engendré une perturbation importante pour l'employeur qui a dû faire appel à des prestataires en urgence afin de la remplacer et Mme [C] a elle-même reconnu qu'elle plaçait Mme [Y] en difficulté.

Par ailleurs, si aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération d'un fait antérieur à 2 mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai.

En conséquence, le licenciement de Mme [C] est fondé et c'est à tort que les premiers juges ont requalifié le licenciement « pour abandon de poste en licenciement pour cause réelle et sérieuse » alors que le licenciement de Mme [C] n'a pas été entrepris pour faute grave mais bien pour cause réelle et sérieuse et que les indemnités de rupture lui ont été versées.

***

Le licenciement de Mme [C] a été prononcé pour absence à son poste de travail depuis le 31 octobre 2016 mais l'employeur lui a réglé les indemnités de rupture qui sont exclues dans l'hypothèse où le licenciement est motivé par une faute grave.

C'est donc au regard de l'existence d'une cause réelle et sérieuse que doit être examiné le bien-fondé du licenciement notifié à la salariée.

A la lecture des écritures et pièces des parties, il est constant que Mme [C] n'est pas revenue travailler au domicile de Mme [F] après le 31 octobre 2016.

A trois reprises, Mme [Y] a demandé à Mme [C] si elle entendait reprendre son travail et, à chaque fois, celle-ci a répondu par la négative faisant valoir des problèmes personnels, soit la santé de son conjoint, soit la nécessité d'aider son fils dans son magasin (pièce n° 2 de l'intimée : constat d'huissier transcrivant les messages téléphoniques échangés - pages 8,9,10, 11, 12,13, 14).

Or, si Mme [F] ou Mme [Y] avaient demandé à Mme [C] de ne plus venir travailler ainsi que celle-ci le soutient, Mme [C] n'aurait pas écrit le 3 mars 2017 : « ' je sais ke ca na pas été facile pour toi pour ke tu t organise » (pièce n° 2 de l'intimée page 17).

En outre, au vu des échanges de SMS entre Mme [Y] et Mme [C], celle-ci a laissé entendre au moins jusqu'à cette date qu'elle pouvait encore reprendre le travail pour finalement le 16 avril 2017 estimer, après s'être renseignée auprès de l'inspection du travail, qu'elle devait être licenciée.

Mme [C] elle-même s'est d'ailleurs dite étonnée que l'administration lui ait conseillé de se faire licencier (pièce n° 2 de l'intimée page 18), ce qui démontre quelle ne considérait pas que son employeur était à l'initiative de la rupture.

Ainsi, il résulte des propres messages adressés par l'appelante à l'intimée que Mme [C] était seule à l'origine de la situation, et faute pour elle d'avoir accepté une rupture conventionnelle de son contrat, Mme [F] n'avait d'autre choix que de la licencier pour le seul motif qui était fondé, soit son abandon de poste.

Par ailleurs, il ne peut être contesté que Mme [Y] a demandé en vain à Mme [C] si elle envisageait de reprendre son travail.

En outre, si aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, l'employeur ne peut se prévaloir d'un grief dont le constat est antérieur de plus de deux mois à l'introduction d'une procédure de licenciement, ce grief peut être retenu lorsque le comportement du salarié s'est poursuivi postérieurement étant observé que jusqu'au 3 mars 2017, Mme [C] n'avait pas exclu la possibilité de reprendre son emploi.

En conséquence, il y a lieu de considérer que le licenciement de Mme [C] repose sur une cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, Mme [C] ne peut alléguer une irrégularité de la procédure tenant au fait que Mme [Y] lui aurait soumis son projet de licenciement avant tout entretien préalable, dès lors qu'il n'est pas démontré que celle-ci disposait d'un mandat de représentation de sa mère, seule employeur de Mme [C].

Sur les demandes de rappel de salaires

Mme [C] sollicite le paiement de ses salaires d'octobre 2016 jusqu'au 27 avril 2017, exposant qu'elle a travaillé normalement jusqu'à la fin du mois d'octobre 2016, mais que durant la dernière semaine d'octobre, Mme [Y] l'a congédiée.

Aussi, il lui est dû 30 heures de travail non rémunérées pour le mois d'octobre 2016, ce que les premiers juges ont justement apprécié mais il est encore dû, selon l'appelante, les salaires postérieurs jusqu'au 27 avril 2017.

Mme [Y] affirme que Mme [C] n'a travaillé que 20 heures au mois d'octobre 2016 et que ces heures lui ont été réglées. Elle sollicite donc la réformation du jugement qui a considéré qu'il lui était dû 30 heures de plus alors qu'elle ne les a pas effectuées. Pour la période postérieure, elle expose qu'aucun salaire n'est dû puisque Mme [C] n'a pas travaillé, ayant abandonné son poste.

***

La cour constate que les horaires de travail de Mme [C] étaient variables. Si en 2016, ils étaient généralement de 50 heures par mois, elle n'avait accompli que 16 heures en juin 2015, 27 heures en avril 2015, de 14 heures en mars 2015, de 24 heures en janvier 2014.

Toutefois, l'employeur ne justifie pas que la durée du temps de travail de Mme [C] a été inférieure à 50 heures, durée du travail qu'elle a pratiquée très régulièrement durant l'année 2016.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [Y] à payer à la salariée un rappel de salaire au titre du mois d'octobre 2016 à hauteur de 30 heures.

En revanche, Mme [C] sera déboutée de sa demande de rappel de salaires entre le 1er novembre 2016 et le 27 avril 2017 dès lors que c'est à sa seule initiative, qu'elle n'a pas travaillé durant cette période.

Sur le travail dissimulé

L'article L. 8221-5 du code du travail dispose : "Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales."

L'élément intentionnel requis ne saurait se déduire du seul défaut d'accomplissement de partie des obligations pesant sur l'employeur. Notamment la seule absence de paiement d'une partie des heures de travail pour le mois d'octobre 2016, n'en caractérise pas l'existence dès lors que la réclamation à ce titre n'a été présentée que plusieurs mois après.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté Mme [C] de sa demande en paiement de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 8223-1.

Sur les autres demandes

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [Y] à rectifier l'attestation Pôle Emploi quant à la date de début du contrat, date qui n'est plus discutée devant la cour, soit le 1er mars 2018 et quant au rappel de salaire alloué au titre de 30 heures de travail pour le mois d'octobre 2016 et à régulariser la déclaration CESU d'octobre 2016 en y intégrant ces 30 heures et ce, dans le délai de deux mois suivant la signification de la présente décision, la mesure d'astreinte n'étant pas justifiée en l'état.

Mme [C], ne justifiant ni même ne précisant la nature du préjudice dont elle sollicite réparation à hauteur de 1.000 euros, sera déboutée de sa demande à ce titre.

Mme [C], partie perdante en son recours, sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à Mme [Y] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a 'requalifié le licenciement de Mme [I] [C] en licenciement pour cause réelle et sérieuse' et assorti la délivrance de documents sociaux sous astreinte,

Réformant le jugement de ce chef et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme [I] [C] repose sur une cause réelle et sérieuse,

Dit que Mme [K] [Y] devra délivrer à Mme [I] [C] une attestation Pôle Emploi rectifiée quant à la date de début du contrat, soit le 1er mars 2018, quant au rappel de salaire alloué au titre du mois d'octobre 2016 et à régulariser la déclaration CESU d'octobre 2016 en y intégrant ce rappel de salaire et ce, dans le délai de deux mois suivant la signification de la présente décision,

Rappelle que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes dans les conditions de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne Mme [I] [C] aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à Mme [K] [Y] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/02382
Date de la décision : 06/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-06;19.02382 ?
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