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06/07/2022 | FRANCE | N°19/00965

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 06 juillet 2022, 19/00965


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 6 JUILLET 2022







PRUD'HOMMES



N° RG 19/00965 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K4DU















Monsieur [J] [D]



c/



SARL ACTION TARNAISE DE SECURITE

















Nature de la décision : AU FOND

















Grosse

délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 janvier 2019 (R.G. n°F 17/01532) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 19 février 2019,





APPELANT :

Monsieur [J] [D]

né le 02 Décembre 1981 à [Localit...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 6 JUILLET 2022

PRUD'HOMMES

N° RG 19/00965 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K4DU

Monsieur [J] [D]

c/

SARL ACTION TARNAISE DE SECURITE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 janvier 2019 (R.G. n°F 17/01532) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 19 février 2019,

APPELANT :

Monsieur [J] [D]

né le 02 Décembre 1981 à [Localité 2] de nationalité Française

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Ludivine MIQUEL, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SARL Action tarnaise de sécurité (ATS), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 3]

N° SIRET : 419 996 608

représentée par Me Frédérique ROBETTE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 mai 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sophie Masson, conseiller chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sophie Masson, conseillère

Monsieur Rémi Figerou, conseiller

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

- délibéré prorogé au 6 juillet 2022 en raison de la charge de travail de la cour.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [J] [D], né en 1981, a été engagé par la société à responsabilité limitée Action Tarnaise de Sécurité par contrat de travail à durée indéterminée en date du 13 février 2014, ce en qualité d'agent de sécurité mobile catégorie employé niveau III échelon 2 coefficient 140.

Les relations contractuelles entraient dans le champ d'application de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.

M. [D] a, par lettre recommandée en date du 8 juin 2017, fait l'objet d'une mise à pied conservatoire et été convoqué à un entretien préalable fixé au 23 juin suivant. Il a été licencié pour faute grave par lettre recommandée en date du 30 juin 2017.

M. [D] a, le 26 septembre 2017, saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux aux fins de contestation de son licenciement et paiement de diverses sommes.

Par jugement prononcé le 22 janvier 2019, le conseil de prud'hommes a statué ainsi qu'il suit :

- juge que le licenciement de Monsieur [J] [D] repose bien sur une cause réelle et sérieuse mais que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas constitutifs de fautes graves de nature à le priver de ses indemnités de préavis et de licenciement ;

En conséquence,

- condamne la société Action Tarnaise de Sécurité à payer à Monsieur [J] [D]

*798 euros brut au titre du paiement des jours de mise à pied conservatoire,

*3.192 euros brut au titre du paiement de deux mois de préavis,

*319,20 euros brut au titre des congés payés sur préavis,

*1.416,45 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

- déboute Monsieur [J] [D] du surplus de ses demandes ;

- rappelle que l'exécution provisoire est de droit en application de l'article R.1454-28 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire ; le salaire mensuel brut de Monsieur [J] [D] étant fixé à la somme de 1.596 euros brut ;

- déboute la société Action Tarnaise de Sécurité de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne la société Action Tarnaise de Sécurité aux dépens.

M. [D] a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 19 février 2019.

La société Action Tarnaise de Sécurité a formé un appel incident.

Par dernières conclusions communiquées le 16 mai 2019 par voie électronique, M. [D] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux en ce qu'il a considéré que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ;

- au contraire, considérer que le licenciement est abusif ;

- de ce fait, faire droit à l'intégralité des demandes du salarié à savoir :

*dommages et intérêts pour licenciement abusif, correspondant à 18 mois de salaire sur la base de 1.596 euros soit la somme de 28.728 euros,

*congés payés afférents de 2.872,80 euros,

*dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat, 12 mois de salaire soit 19.152 euros,

*dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté et violation de la vie privée par rapport à la géolocalisation du véhicule, représentant forfaitairement 6 mois de salaire soit la somme de 9.576 euros,

*4.000 euros article 700 du code de procédure civile.

Par dernières écritures communiquées le 19 juin 2019 par voie électronique, la société Action Tarnaise de Sécurité demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 22 janvier 2019 en ce qu'il a jugé que M. [D] avait commis des manquements fautifs ;

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 22 janvier 2019 en ce qu'il a jugé que les faits reprochés n'étaient pas constitutifs de faute grave de nature à le priver de ses indemnités de préavis et de licenciement ;

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 22 janvier 2019 en ce qu'il a condamné la société Action Tarnaise de Sécurité à payer à M. [D] les sommes suivantes :

*798 euros brut au titre du paiement des jours de mise à pied conservatoire,

*3.192 euros brut au titre du paiement de deux mois de préavis,

*319,20 euros brut au titre des congés payés sur préavis,

*1.416,45 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

- juger que le licenciement de M. [D] repose sur des faits fautifs constitutifs de faute grave ;

- le condamner à rembourser les sommes payées au titre de l'exécution provisoire de droit ;

- le débouter par voie de conséquence de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [D] à payer à la société Action Tarnaise de Sécurité la somme de 2.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux dépens.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur le licenciement

Il est constant en droit que, en vertu de l'article L.1232-1 du code du travail et de l'article L.1235-1 du même code dans sa version applicable au litige, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; qu'en cas de litige relatif au licenciement, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, étant précisé que l'employeur doit fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables et que la lettre de licenciement fixe les limites du litige, de sorte que seuls les motifs énoncés dans la lettre de licenciement peuvent être examinés par le juge pour l'appréciation de la cause réelle et sérieuse du licenciement ; que le doute qui subsiste profite au salarié ; que la faute grave, qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, prive celui-ci de son droit à préavis, ce en application de l'alinéa 1 de l'article L.1234-1 du même code.

La lettre recommandée avec accusé de réception qui notifie le 30 juin 2017 son licenciement à M. [D] vise expressément quatre griefs :

- deux excès de vitesse lors d'une vacation dans la nuit du 19 au 20 mai 2017 ;

- trois excès de vitesse lors d'une vacation dans la nuit du 20 au 21 mai 2017 ;

- le défaut de restitution des clés du client CMSO le 22 mai 2017 ;

- l'absence d'intervention le 29 mai 2017 sur le site du client Sovex.

A.]Les deux premiers griefs sont établis par la société Action Tarnaise de Sécurité (ci-après ATS) par la production des relevés de géolocalisation du véhicule de l'entreprise utilisé par M. [D] et ne sont pas contestés, dans leur matérialité, par ce dernier.

La société ATS verse également aux débats l'autorisation, en date du 20 juin 2014, par laquelle la Commission nationale de l'informatique et des libertés estime que le système de "géolocalisation des véhicules des employés" déclaré par la société ATS est conforme aux normes simplifiées de la Commission et peut être mis en oeuvre.

L'employeur produit en outre le rapport de la vingtième réunion du CHSCT de l'entreprise, tenue le 19 mars 2018, par lequel M. [N], secrétaire du CHSCT, rappelle qu'un bilan a été fait sur la géolocalisation des véhicules d'intervention et précise : « Les salariés sont informés de la présence de ce système lors de leur formation et sont régulièrement guidés à leur demande par le COS afin de trouver les clients.»

La société intimée verse enfin les témoignages de M. [W], assistant d'exploitation, et de Mme [T], assistante de direction, qui attestent de ce que M. [D] avait été dûment informé de la présence du système de géolocalisation dans les véhicules de la société. Mme [T] précise : « Je suis la responsable du COS ATS [le centre d'appel de la société ATS]. J'atteste sur l'honneur que M. [D] (...) a, à plusieurs reprises, sollicité l'équipe d'opérateurs de notre COS et moi-même afin d'être géolocalisé en direct pour que nous le guidions sur des lieux d'intervention. Il nous a aussi demandé de regarder où il était pour chercher un itinéraire adapté en fonction de la circulation. Il est arrivé aussi que nous nous servions de l'historique de position du véhicule à sa demande afin de valider qu'il était bien au bon endroit (...)»

La cour retiendra donc, comme le conseil de prud'hommes, que l'argument du salarié selon lequel ce système de géolocalisation a été placé à son insu dans le véhicule qui lui était confié ne résiste pas aux éléments produits par l'employeur.

M. [D] fait également valoir que ces excès de vitesse ne peuvent causer son licenciement dans la mesure où ils sont le fruit des exigences de l'employeur qui fixait des horaires de tournée irréalisables, le temps de trajet entre deux interventions n'étant pas suffisamment pris en compte.

Toutefois, l'appelant ne produit aucun élément au soutien de cet argument.

B.]La société ATS reproche également à M. [D] son incapacité à restituer les clés du Crédit Mutuel de Cadillac, ce qui a généré un retard important à l'ouverture de l'agence, alors pourtant que les clés de tous les clients bénéficiaires des rondes se trouvaient dans un coffre transféré dans un véhicule de remplacement à la suite d'un accident de la circulation subi par M. [D].

Ce fait est établi par la note de Mme [G], assistante ressources humaines (qui mentionne le courriel du client à cet égard), en date du 28 juin 2017 et par l'attestation de M. [W].

M. [D] indique de son côté, sans autre précision, que les clés étaient restées dans le véhicule accidenté et avaient été récupérées par un autre agent, dont il ne précise pas le nom.

C.]L'employeur reproche enfin au salarié un acte d'insubordination en ce que ce dernier n'aurait pas déféré à la demande qui lui était faite de se rendre sur le site du client Sovex Grands Châteaux.

Ce fait est établi par le rapport d'intervention qui mentionne un premier appel pour intrusion à 5h46 et l'intervention d'un autre salarié de l'entreprise, M. [X], à 8h30, soit un délai de 2h44 ; or il n'est pas discuté que, au moment de l'appel, M. [D] était en service jusqu'à 7h du matin et que le relevé de géolocalisation de son véhicule met en évidence le fait que, au moment de l'appel, il était stationné depuis vingt minutes à [Localité 4] à une adresse qui ne correspond à aucun des clients de la société ATS et que, en dépit de cet appel d'urgence, le salarié n'a redémarré qu'à 6h04, pour effectuer une ronde à [Localité 4], [Localité 5], et revenir à l'agence de [Localité 4] de la société ATS.

L'appelant ne discute pas la réalité de ce fait mais fait valoir qu'il "ne peut être partout".

Il apparaît donc que les quatre griefs développés par la société ATS au soutien du licenciement de M. [D] sont précis et matériellement établis. S'agissant de leur gravité, qu'il s'agisse de la commission d'excès de vitesse, pour certains importants au regard de la vitesse imposée sur les voies empruntées par M. [D], ou du refus de déférer aux consignes données en raison de la nécessité d'interventions urgentes compte tenu de la nature de l'activité exercée par l'entreprise et étant observé que le salarié avait fait l'objet d'avertissements en 2014 et 2016 également pour des refus d'intervention, la cour retiendra que les fautes litigieuses rendaient impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise ; elle infirmera donc le jugement déféré de ce chef et, statuant à nouveau, jugera qu'est fondé le licenciement de M. [D] pour faute grave.

Le jugement déféré sera dès lors confirmé en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif et congés payés afférents.

La société ATS tend au remboursement par M. [D] des sommes au paiement desquelles elle a été condamnée en première instance, c'est-à-dire les salaires correspondant au préavis et à la durée de la mise à pied conservatoire, outre l'indemnité de licenciement.

Toutefois, il est constant en droit que, sauf acquiescement formel de l'intimé, les juges d' appel ne sont pas tenus d'ordonner expressément le remboursement de sommes versées en vertu d'une décision de première instance assortie de l'exécution provisoire, l'obligation de rembourser résultant de plein droit de la réformation de ladite décision.

Cette demande est donc sans objet.

2. Sur les autres demandes de l'appelant

A.]M. [D] fait grief au jugement déféré d'avoir rejeté sa demande en dommages et intérêts au titre de la violation, par l'employeur, de sa vie privée en faisant usage d'un dispositif de géolocalisation.

Toutefois, ainsi qu'il a été jugé supra, le dispositif discuté par le salarié a d'une part été déclaré conforme par la CNIL et d'autre part expressément porté à la connaissance de M. [D]. La cour confirmera donc à cet égard le jugement entrepris.

B.]L'appelant reproche également au premier juge de l'avoir débouté de sa demande au titre du défaut de respect par l'employeur de son obligation de sécurité. Il ne produit cependant aucun élément au soutien de sa demande d'indemnisation à ce titre.

Le jugement sera également confirmé de ce chef, mais infirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à payer les dépens de première instance.

Enfin, y ajoutant, la cour condamnera M. [D] à payer les dépens de l'appel et à verser à la société ATS une somme de 300 euros en indemnisation des frais irrépétibles de celle-ci.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement prononcé le 22 janvier 2019 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux en ce qu'il a retenu que le licenciement de Monsieur [J] [D] ne reposait pas sur une faute grave et a condamné la société Action Tarnaise de Sécurité au paiement des dépens ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit que le licenciement de Monsieur [J] [D] repose sur une faute grave ;

Déboute Monsieur [J] [D] de ses demandes relatives au paiement des salaires correspondant à la durée de la mise à pied conservatoire et du préavis ainsi que de l'indemnité de licenciement ;

Condamne Monsieur [J] [D] à payer les dépens de première instance ;

Confirme pour le surplus le jugement prononcé le 22 janvier 2019 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux ;

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [J] [D] à payer à la société Action Tarnaise de Sécurité la somme de 300 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [J] [D] à payer les dépens de l'appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/00965
Date de la décision : 06/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-06;19.00965 ?
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