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06/07/2022 | FRANCE | N°19/00297

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 06 juillet 2022, 19/00297


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 06 JUILLET 2022







PRUD'HOMMES



N° RG 19/00297 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K2FN

















Madame [G] [L]



c/



Société MANATOUR





















Nature de la décision : AU FOND
















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Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 décembre 2018 (RG n° F 17/00135) par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de BERGERAC, section Commerce, suivant déclaration d'appel du 16 janvier 2019,





APPELANTE :

Madame [G] [L], née le 25 octobre 1988 à [Localité 5], de nationali...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 06 JUILLET 2022

PRUD'HOMMES

N° RG 19/00297 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K2FN

Madame [G] [L]

c/

Société MANATOUR

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 décembre 2018 (RG n° F 17/00135) par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de BERGERAC, section Commerce, suivant déclaration d'appel du 16 janvier 2019,

APPELANTE :

Madame [G] [L], née le 25 octobre 1988 à [Localité 5], de nationalité française, profession anager, demeurant [Adresse 1],

représentée par Maître Frédérique POHU-PANIER, avocate au barreau de PÉRIGUEUX,

INTIMÉE :

SAS Manatour, siret n° 497 864 673 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, [Adresse 2],

représentée par Maître Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUÉ BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX,

assistée de Maître Laurent ASTE, avocat au barreau de TOULOUSE substituant Maître Philippe ISOUX de la SELARL CABINET PH. ISOUX, avocat au barreau de TOULOUSE,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 mars 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Monsieur Rémi Figerou, conseiller

Greffière lors des débats : Anne-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

- Délibéré prorogé au 6 juillet 2022 en raison de la charge de travail de la cour.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [G] [L], née en 1988, a été engagée par la société Manatech par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er avril 2014 en qualité de coordonnatrice de visites. Elle a ensuite été promue au poste de manager le 1er mars 2016.

La société Manatour vient aux droits de la société Manatech.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [L] s'élevait à la somme de 1.970 euros.

A compter du 21 septembre 2016, Mme [L] a été placée en congé maternité. Elle a ensuite repris dans le cadre d'un congé parental d'éducation à temps partiel (80 %) le 3 mars 2017.

Par courrier du 21 mars 2017, l'employeur a proposé à la salariée une mutation sur le site de [Localité 4]. Par retour du 6 avril 2017 Mme [L] a refusé cette mutation.

Par lettre datée du 10 mai 2017, la société Manatech a informé Mme [L] de la mise en place d'une procédure de licenciement pour motif économique et l'a convoquée à un entretien préalable fixé au 19 mai 2017. Il lui a également été remis les documents relatifs au contrat de sécurisation professionnelle.

Il a été proposé à Mme [L], à titre d'offre de reclassement, le poste de manager sur le site de [Localité 4]. Mme [L] a refusé ce poste par courriel du 26 mai 2017.

La société a notifié à Mme [L] son licenciement pour motif économique à titre conservatoire par lettre datée du 30 mai 2017.

Le 6 juin 2017, Mme [L] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle et la rupture du contrat de travail est intervenue suite à cette adhésion le 9 juin 2017.

Le 26 septembre 2017 Mme [L] a sollicité le bénéfice de la priorité de réembauche.

A la date de la rupture du contrat de travail, Mme [L] avait une ancienneté 3 ans et 2 mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, Mme [L] a saisi le 17 novembre 2017 le conseil de prud'hommes de Bergerac qui, par jugement du 17 décembre 2018, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :

- dit que le motif économique invoqué par la SAS Manatour est réel et sérieux,

- dit que la SAS Manatour a respecté son obligation de recherche de reclassement,

- dit que le licenciement pour motif économique de Mme [L] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [L] de toutes ses demandes,

- débouté la SAS Manatour de ses demandes notamment celle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [L] aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 16 janvier 2019, Mme [L] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 15 juin 2020, Mme [L] demande à la cour de :

- reformer le jugement du 17 décembre 2018 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- dire que le licenciement de Mme [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Manatour à payer à Mme [L] les sommes suivantes :

* 12.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3.940 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 394 euros au titre des congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis,

* 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que toutes les sommes prononcées à l'encontre de la société Manatour porteront intérêts au taux légal à compter de la date de saisine,

- dire que les intérêts seront capitalisés au profit de Mme [L] conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

- ordonner la remise sous astreinte de 150 euros par jour de retard d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail rectifiés sur le motif du licenciement et sur la durée d'emploi,

- condamner la société Manatour en tous les dépens, en ce compris les éventuels frais d'exécution de la décision à intervenir.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 2 juin 2020 la société Manatour demande à la cour de':

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- débouter, en conséquence, Mme [L] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [L] à régler à la société Manatour la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [L] aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 février 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 22 mars 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la réalité du motif économique

Par lettre du 30 mai 2017, la société a exposé à Mme [L] les différents motifs ayant conduit à l'engagement d'une procédure de licenciement pour motif économique :

'L'unité de production Centre entend privilégier désormais les sites de [Localité 3], [Localité 4] et [Localité 7] ainsi que les visites des installations de [Localité 9].

Les besoins en ressources permanentes, sur place, sont par conséquent nécessaires alors que, dans le même temps, les jours d'ouverture au public de [Localité 10] sont en forte diminution et vont continuer à diminuer de façon pérenne.

Autrement dit, EDF a choisi de donner la priorité à d'autres infrastructures, pour ce qui concerne notre domaine d'activité.[...]

Nous sommes tributaires des décisions d'EDF et ne sommes pas en mesure de maintenir notre collaboration en l'état.

Nous sommes dans ces conditions contraints de vous notifier votre licenciement pour cause économique afin de sauvegarder la compétitivité et de ne pas maintenir, à [Localité 10], un emploi que les besoins économiques ne justifient plus alors même que nous savons qu'il existe un besoin important désormais en [Localité 6]'.

Pour l'essentiel, Mme [L] fait valoir qu'elle a été, en réalité, licenciée pour avoir refusé une mutation du site de [Localité 10] au site de [Localité 4]. Elle relève d'une part qu'un manager n'a été embauché à [Localité 4] depuis le licenciement, ce qui démontre que cette mutation était fictive. Elle indique d'autre part qu'un guide a été promue au poste de manager et exerce ses fonctions en télétravail et non sur le site de [Localité 4] ce qui démontre que la mutation de la demanderesse à [Localité 4] n'était pas nécessaire.

Enfin, elle estime que le motif économique invoqué par l'employeur est fictif car l'activité du site de [Localité 10] est plus importante que celle de [Localité 4].

La société Manatour, quant à elle, soutient que dès l'embauche l'attention de Mme [L] a été attirée sur la nécessité d'exercer à court ou moyen terme ses fonctions à proximité du barrage de [Localité 4] lequel est situé en [Localité 6]. Le contrat de travail prévoyait en ce sens une clause de mobilité valable sur l'ensemble du territoire national. C'est dans ce cadre, du fait de la diminution de 30% du chiffre d'affaires du site de [Localité 10] et d'une hausse de 40% du chiffre d'affaire du site de [Localité 4] que la société Manatour a proposé une mutation à Mme [L] que cette dernière a refusé.

Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

La réorganisation de l'entreprise ne peut constituer un motif économique que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou, si elle appartient à un groupe, si elle est nécessaire à la sauvegarde du secteur d'activité.

Pour établir la réalité du motif économique, la société produit :

- en pièce 11, un support de présentation pour l'année 2017 quant au nombre de jours d'ouverture et de groupes reçus sur le site de [Localité 10].

La cour souligne que seule une partie du document est communiqué. Le sommaire comprenant une partie présentée par EDF sur le bilan 2017, les attentes, les priorités et actions correctives à venir ne figurent pas au dossier alors même que la société ne cesse d'indiquer qu'elle est tributaire des décisions d'EDF.

Ce bilan de l'année 2017 est postérieur de plus de six mois à la décision d'engagement d'une procédure de licenciement pour motif économique de Mme [L] en mai 2017.

Par ailleurs, cette pièce qui note la baisse du nombre de jours d'ouverture et de du nombre de groupes reçus sur le site de [Localité 10] est conforme à la décision de réorganisation interne mise en oeuvre par la société mais ne permet pas d'en établir sa nécessité au regard de la sauvegarde de sa compétitivité.

- en pièces 5,5 bis et 48, une synthèse de l'évolution du chiffre d'affaire entre 2015 et 2018 sur les sites de [Localité 10], [Localité 3], [Localité 7], [Localité 4] et [Localité 9].

La cour rappelle que le licenciement de Mme [L] a été notifié dans le premier semestre de l'année 2017.

A ce moment là, l'évolution du chiffre d'affaires 2016 (86.932 euros HT) était légèrement supérieur à celui de 2015 (84.075 euros HT).

Il est constaté que le chiffre d'affaires du site de [Localité 10] a ensuite baissé en 2017 (68.475 euros HT) et 2018 (63.478 euros HT) mais est toujours resté supérieur à celui du site de [Localité 4] qui, lui, a augmenté nettement entre 2015 (32.030 euros HT) et 2016 (46.070 euros HT) puis progressivement en 2017 (48.787 euros HT) et 2018 (49.762 euros HT).

Il est relevé qu'il n'est aucunement fait état dans la lettre de licenciement du chiffre d'affaires des différents sites.

En outre, ces chiffres, isolés, et concernant tous la même société ne permettent pas d'établir la nécessité de la réorganisation mise en place pour sauvegarder la compétitivité.

- en pièces 51 et 52, la composition des effectifs de l'équipe UP centre pour mettre en exergue le fait que le nombre de salariés en CDI a diminué de moitié entre 2016 et 2019, en lien avec une logique de réorganisation mûrement réfléchie et légitime.

Ces documents qui actent d'un choix de la société de mettre en oeuvre une réorganisation interne ne permettent pas d'établir la nécessité de cette réorganisation pour sauvegarder sa compétitivité.

- en pièce 1, des échanges de courriels pour démontrer que la question d'une mutation à [Localité 4] avait été annoncée dès l'embauche de Mme [L] de sorte que la salariée était parfaitement informée, dès l'année 2014, de la nécessité future de s'établir à proximité de ce site.

Cette pièce ne permet pas de justifier de la réalité du motif économique.

Il convient enfin de souligner que, dans la lettre de licenciement, la société indique à plusieurs reprises dépendre des décisions d'EDF pour le développement de son activité.

Or, aucune pièce n'est versée au soutien de cette affirmation.

Il résulte de l'ensmeble de ces éléments qu'il n'est pas démontré que la réorganisation de l'entreprise a été effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise de sorte que, en l'état des pièces produites, la réalité du motif économique n'est pas avérée.

Sur l'obligation de recherche de reclassement

En vertu des dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de

formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.

Le reclassement d'un salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi de catégorie inférieure. Les offres de reclassement sont écrites et précises.

A défaut, l'employeur manque à son obligation de recherche de reclassement et le licenciement économique prononcé est dénué de cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, lors de la reprise du travail de Mme [L], la société lui a proposé une mutation. Cette proposition a été formalisée le 21 mars 2017 et la salariée a informé son employeur de son refus le 6 avril 2017.

A la suite de ce refus, dans son courriel du 19 avril 2017, M. [U], a écrit à Mme [L] ne pouvoir maintenir la collaboration en l'état et engager une démarche active de recherche de reclassement tant au sein de la société Manatour qu'au sein des autres sociétés du groupe. Il lui a ainsi demandé son curriculum vitae. Enfin, il a précisé qu'à défaut de postes pouvant être proposés ou de refus de la part de l'appelante, l'entreprise serait contrainte d'engager une procédure de licenciement pour cause économique.

Le 28 avril 2017, la directrice générale de la société Manatech a procédé à des recherches de reclassement au sein de la SAS Manatour, de la SAS Manascopia et de la SAS Taxiway en indiquant les fonctions et le statut de Mme [L] et en joignant son curriculum vitae.

Les trois sociétés du groupe n'ont pas répondu favorablement à cette recherche de reclassement.

Puis, par courrier du 10 mai 2017, la société a informé Mme [L] des motifs économiques en lien avec l'engagement d'une procédure de licenciement, l'a convoquée à un entretien préalable fixé le 19 mai 2017 au cours duquel l'intimé envisageait de remettre à la salariée un dossier de contrat de sécurisation professionnelle et lui a proposé le poste de manager sur le site de [Localité 4] à titre d'offre de reclassement.

Mme [L] a refusé cette proposition de reclassement par courriel du 26 mai 2017 et a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle.

La relation contractuelle a pris fin à l'issu du délai de réflexion du contrat de sécurisation professionnelle, le 9 juin 2017.

Il ressort des pièces 41, 49 et 50 que d'autres postes auraient pu être proposés à Mme [L] sur la période de recherche de reclassement soit entre le mois d'avril 2017 et son licenciement.

En effet, un manager du site de [Localité 8] a fait part de sa démission le 11 janvier 2017 et a quitté effectivement son poste le 16 mars 2017.

De même d'autres contrats, certes à durée déterminée, ont été pourvu sur cet intervalle de temps sans qu'ils n'aient été proposés à la salariée.

L'employeur est tenu de proposer au salarié dont le licenciement est envisagé tous les postes répondant aux conditions requises.

Il ne peut valablement légitimer l'absence de telle proposition par le fait que Mme [L] n'a jamais eu l'intention d'accepter un poste situé en dehors du secteur géographique de son domicile.

Au surplus, le fait que Mme [L] ait par la suite engagé une reconversion professionnelle dans le cadre de l'accompagnement dont elle a bénéficié dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle et qu'elle n'a pas donné suite aux propositions faites dans le cadre de la priorité de réembauchage, postérieure à son licenciement est indifférent.

Il en résulte que la société n'a pas accompli loyalement et sérieusement l'obligation de recherche de reclassement qui lui incombait.

Tenant compte de l'ensemble de ces éléments, le jugement du conseil de prud'hommes de Bergerac du 17 décembre 2018 sera infirmé et le licenciement de Mme [L] sera requalifié en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

Si le salarié qui adhère à un contrat de sécurisation professionnelle ne bénéficie pas de l'indemnité de préavis, en revanche, en cas de remise en cause de l'effet du contrat de sécurisation professionnelle sur la rupture du contrat de travail, et du licenciement déclaré sans cause réelle et sérieuse, le contrat de sécurisation professionnelle devient sans cause et le salarié retrouve son droit au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis.

En conséquence, Mme [L] a droit à son indemnité compensatrice de préavis et à l'indemnité compensatrice de congés payés afférents.

L'employeur ne conteste pas le montant des sommes sollicitées par la salariée, il lui sera ainsi alloué, sur la base des pièces produites, la somme de 3.940 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 394 euros brut au titre de l'indemnité congés payés y afférents.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Tel qu'il résulte des pièces et explications fournies, prenant en compte l'âge de 28 ans de Mme [L], son ancienneté de trois années, sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, ses charges de famille, des circonstances de la rupture, du montant de sa rémunération, il lui sera alloué, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 12.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail

Il résulte des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail que lorsque le juge condamne l'employeur à payer au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement des dispositions de l'article L. 1235-3 du même code, il ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limité de six mois d'indemnités de

chômage. Lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, le juge doit ordonner ce remboursement d'office, sans pour autant liquider le montant de la créance de l'organisme intéressé, dès lors que celle-ci n'est pas connue.

Selon les éléments de l'espèce il convient de condamner l'employeur à rembourser à Pôle Emploi les sommes dues à ce titre, dans la limite de trois mois d'indemnités.

Sur les autres demandes

L'intimé devra remettre à Mme [L] une attestation Pôle Emploi ainsi qu'un certificat de travail rectifiés conformes aux condamnations prononcées, sans qu'il soit nécessaire en l'état d'assortir cette remise d'une astreinte.

Les créances salariales seront productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires seront productives d'intérêt à compter de la présente décision.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

La société intimée, partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à verser à Mme [L] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bergerac du 17 décembre 2018 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit le licenciement de Madame [G] [L] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS Manatour à verser à Madame [G] [L] les sommes suivantes :

- 3.940 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 394 euros brut au titre des congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis,

- 12.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne le remboursement par la SAS Manatour à Pôle Emploi des indemnités chômage perçues par Madame [G] [L] du jour de son licenciement jusqu'à la présente décision, dans la limite de trois mois,

Dit que la SAS Manatour devra délivrer à Madame [G] [L] une attestation Pôle Emploi ainsi qu'un certificat de travail rectifiés conformément à la présente décision, sans que cette obligation ne soit assortie d'une mesure d'astreinte,

Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Condamne la SAS Manatour aux dépens de première instance et d'appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par Anne-Marie Lacour-Rivière, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/00297
Date de la décision : 06/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-06;19.00297 ?
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